Augmentation de capital : décision du 3 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00043
Augmentation de capital : décision du 3 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00043
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 3 JANVIER 2023

(n° / 2023, 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00043 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3KY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Octobre 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 19/03090

APPELANT

Monsieur [T] [C]

Né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 7]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 5]

[Adresse 3]

Représenté et assisté de Me Sarra JOUGLA, avocate au barreau de PARIS, toque : C0431,

INTIMÉES

S.A.S. DIGIT RE GROUP, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MONTPELLIER sous le numéro 798 979 852,

Dont le siège social est situé [Adresse 6]

[Localité 4]

S.A.S.U. ROCKA, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 528 785 009,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 7]

Représentées par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075,

Assistées de Me Alexandre TESSONNEAU de la SELARL SQUADRA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque P 538,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [N] [L]dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

La SAS Rocka, appartenant au groupe Artémis, détenait 100 % du capital de la SAS Digit Re Group et de la SAS Capi et 60,01 % de celui de la SAS La Centrale de Financement (LCF), la SAS Capi détenant elle-même 50 % de celui de la SAS Capifrance gestion et 50 % de celui de la SA DigitRe (devenue Refleximmo).

Le 26 avril 2016, l’assemblée générale des actionnaires de la société Capi a révoqué M. [C] de ses mandats de président et d’administrateur à compter du 30 avril 2016 et ce dernier a, le même jour, démissionné de ses fonctions de président du conseil d’administration à compter du 30 avril 2016.

Le 27 avril 2016, l’assemblée générale des actionnaires de la société Digit RE Group a révoqué M. [C] de ses mandats de directeur général et d’administrateur à compter du 30 avril 2016.

La société Digit RE Group et M. [C] ont conclu un «’protocole d’accord transactionnel’» daté du 28 avril 2016 stipulant le versement à ce dernier d’une indemnité de 63 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi du fait de la révocation de ses mandats sociaux au sein du groupe et l’acquisition, par la société Rocka, des 1 200 actions’de la société LCF détenues par M. [C] (représentant 1,6 % du capital) moyennant le prix de 22 000 euros.

Par lettre datée du 29 avril 2016, M. [C] a démissionné de ses fonctions de directeur général de la société Capifrance gestion à effet du 30 avril 2016.

Les 14 et 17 janvier 2019, M. [C] a assigné les sociétés Digit RE Group et Rocka à l’effet de voir annuler le protocole d’accord transactionnel du 28 avril 2016, condamner in solidum les défenderesses à lui payer les sommes de 450 000 et 481 355 euros de dommages et intérêts en réparation de la rupture abusive de ses mandats sociaux et annuler la cession des 1 200 actions de la société LCF à la société Rocka ou, à défaut, condamner cette dernière à lui payer 375 000 euros de dommages et intérêts pour vileté du prix.

Les sociétés Digit RE Group et Rocka ont soulevé l’irrecevabilité des demandes de

M. [C] en invoquant la transaction du 28 avril 2016.

Par jugement du 6 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté M. [C] de sa demande d’annulation de la transaction conclue entre lui-même et la société Digit RE Group le 28 avril 2016,

– déclaré irrecevables les demandes formées par M. [C] à l’encontre de la société Digit RE Group en raison de l’existence de la transaction conclue le 28 avril 2016,

– débouté M. [C] de sa demande de condamnation de la société Rocka à lui verser des dommages et intérêts en raison de sa révocation,

– débouté M. [C] de sa demande d’annulation de la cession d’actions de la société LCF conclue entre lui-même et la société Rocka,

– débouté M. [C] de sa demande de condamnation de la société Rocka à lui verser des dommages et intérêts en raison de la vileté du prix de cession des actions,

– condamné M. [C] à verser à la société Digit RE Group et à la société Rocka la somme globale de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

M. [C] a relevé appel du jugement selon déclaration du 4 janvier 2021.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 1er avril 2022, M. [C] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement ;

– de prononcer la nullité du protocole d’accord transactionnel du 28 avril 2016 et, en conséquence :

– de condamner in solidum les sociétés Digit RE Group et Rocka à lui payer 450 000 euros de dommages et intérêts pour la rupture abusive et vexatoire de ses mandats sociaux,

« compensation étant d’ores et déjà opérée » avec l’indemnité de 63 000 euros versée au titre du protocole d’accord transactionnel ;

– de condamner in solidum les sociétés Digit RE Group et Rocka à lui payer 481 355 euros de dommages et intérêts « sanctionnant la perte de chance de tous gains en termes d’attribution gratuites (sic) d’actions de la SAS Capi et au titre de la sanction du plan d’intéressement dans le cadre de bons de souscription d’actions (à hauteur de 0, 55 % du capital du groupe) et d’attribution gratuite d’actions (à hauteur de 1,10 %) selon le projet confidentiel Ackor mis en ‘uvre dès juin 2016 » ;

– d’annuler la cession des 1 200 actions de la SAS LCF par lui-même à la société Rocka et, en conséquence, de condamner la société Rocka à lui restituer ces actions, lui-même s’engageant concomitamment à restituer la somme de 22 000 euros perçue au titre de cette cession et, à titre subsidiaire, si la nullité n’était pas prononcée, de condamner la société Rocka à lui payer 375 000 euros dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi ;

– en tout état de cause, de rejeter les demandes des sociétés Digit RE Group et Rocka ;

– de condamner in solidum les sociétés Digit RE Group et Rocka à lui payer la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.

Suivant conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 mars 2022, les sociétés Digit RE Group et Rocka demandent à la cour :

– de déclarer irrecevables les demandes de M. [C] pour défaut de droit d’agir ;

– de rejeter les demandes de M. [C] ;

– de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté la validité du protocole d’accord transactionnel du 28 avril 2016 et de la cession par M. [C] des 1 200 actions de la société LCF au profit de la société Rocka et rejeté l’ensemble des demandes de

M. [C] ;

– de condamner M. [C] à leur payer, à chacune, 20 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– de condamner M. [C] à leur payer, à chacune, la somme de 25 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de la SELARL JRF & Associés conformément à l’article 699 du même code.

Ainsi qu’il y avait été invité, M. [C] a transmis à la cour, par note en délibéré datée du 2 juin 2022, un organigramme des liens capitalistiques existant entre les sociétés du groupe Rocka ainsi qu’un tableau récapitulatif des mandats exercés par lui.

SUR CE,

– Sur les mandats de M. [C] ayant donné lieu à une révocation

Dans sa note en délibéré, M. [C] prétend avoir été président du conseil d’administration de la société DigitRe (devenue Refleximmo) et avoir cessé ses fonctions le 30 avril 2016 mais ne verse aux débats aucun pièce corroborant ces allégations.

Il sera donc retenu que M. [C] n’était titulaire d’aucun mandat au sein de la société DigitRe au mois d’avril 2016.

Par ailleurs, si M. [C] justifie avoir été nommé censeur (non rémunéré) de la société LCF par l’assemblée générale des actionnaires du 28 mars 2013 et ce, jusqu’à l’assemblée générale appelée à approuver les comptes clos le 31 décembre 2015, il ne produit aucun document relatif à la fin de ses fonctions.

Dès lors, il sera considéré que ce mandat n’a pas fait l’objet d’une révocation.

Ainsi, les seuls mandats de M. [C] dont il est établi qu’ils ont été révoqués au mois d’avril 2016 sont ceux mentionnés dans l’exposé des faits (président et administrateur de la société Capi, directeur général et administrateur de la société Digit RE Group).

– Sur le contenu de la transaction

Le « protocole d’accord transactionnel » daté du 28 avril 2016 conclu entre la société Digit RE Group et M. [C] expose dans son préambule :

– que, le 27 avril 2016, l’assemblée générale des actionnaires de la société Digit RE Group a révoqué M. [C] de ses fonctions de directeur général de cette dernière pour les raisons qu’il énumère (insuffisance de résultat, conduite d’une activité de conseil au profit de fonds d’investissement pour la reprise de sociétés concurrentes à Digit RE Group) et qu’en conséquence de cette révocation, il a également été mis fin aux autres mandats de

M. [C] auprès des autres entités du groupe (Capi, Capi France Gestion, LCF) ;

– que M. [C] estime avoir déployé ses meilleurs efforts durant l’exercice de ses fonctions et considère en conséquence que sa révocation est abusive et qu’une indemnité de 70 000 euros doit lui être versée au titre du préjudice subi en raison de sa révocation ;

– que, dans ce contexte, les parties conviennent « afin d’éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse, de prévenir toute contestation née ou à naître liée à la révocation de M. [T] [C] de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka par la conclusion d’une transaction régie par les articles 2044 et suivants du code civil ».

Il stipule ensuite :

– en son article 1 « Concessions de la société » :

* que la société accorde à M. [C] des dommages et intérêts d’un montant global, forfaitaire et définitif de 63 000 euros en réparation du préjudice subi par lui du fait de sa révocation de ses mandats sociaux au sein du groupe Digit RE Group (1.1) ;

* que la société Rocka acquiert auprès de M. [C] les 1 200 actions qu’il détient au sein de la société LCF moyennant un prix global et définitif de 22 000 euros (1.2);

* que le versement des sommes précitées règle définitivement tous les comptes sans exception ni réserve pouvant exister entre les parties à quelque titre que ce soit (1.3) ;

* que, sous réserve de l’exécution du protocole, la société déclare renoncer à toute prétention, instance ou action sur les termes de l’indemnisation de M. [C] (1.4).

– en son article 2 « Concessions de M. [T] [C] » :

* que M. [C] reconnaît que les concessions faites par la société sont réalisées à titre transactionnel, global, forfaitaire et définitif, afin de le remplir de tous ses droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître et plus généralement de « tous rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre la société et ses filiales, d’une part, et [lui-même], d’autre part », reconnaît ainsi que, sous réserve de l’exécution du protocole, il est totalement « indemnisé de tout préjudice et rempli de tout droit à l’encontre de la société et des ses filiales » et déclare renoncer à toute prétention action ou instance « lié[es] à sa révocation ou aux conditions d’exercice de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka » (2.1).

– Sur la demande d’annulation de la transaction formée par M. [C]

Pour demander l’annulation de la transaction, M. [C] fait valoir :

– qu’il n’a pas renoncé à son droit d’agir concernant la cession des actions de la société LCF;

– qu’il n’a pas consenti à la transaction au motif, d’une part, que celle-ci est « anachronique » et « hors de son objet » et, d’autre part, qu’il a subi une contrainte économique ;

– que la transaction n’a pas d’objet certain ;

– que la transaction ne comporte pas de concessions réciproques ;

– que l’indemnité transactionnelle est dérisoire.

Le moyen pris de l’absence de renonciation au droit d’agir relativement à la cession des actions de la société LCF

M. [C] fait valoir que la renonciation à agir à laquelle il s’est engagé dans la transaction ne concerne pas la cession des actions de la société LCF et ajoute : « étant rappelé le caractère indivisible de la transaction, il ne peut exister de renonciation au droit d’agir, cette dernière ne visant pas précisément la cession des actions de LCF ».

La question de l’étendue des droits auxquels M. [C] a renoncé en concluant la transaction apparaît sans incidence sur la validité de celle-ci et M. [C] n’explique pas en quoi une solution inverse devrait prévaloir.

Le moyen est donc inopérant.

Les moyens de M. [C] se rapportant selon lui à son consentement à la transaction

En premier lieu, M. [C] soutient dans un paragraphe intitulé « un contrat anachronique et hors de son objet » qu’il n’a pas consenti à la transaction en faisant valoir que l’acte a été rédigé avant les révocations et post daté, de sorte qu’il n’a pu mettre un terme à des contestations nées ou à naître sur ces révocations. Il argue également que la cession des actions de la société LCF ne procède pas d’une volonté de clore une contestation relative à la révocation de ses mandats sociaux.

Le 11 avril 2016, M. [V], directeur des investissements d’Artémis, a confirmé à

M. [C] la tenue d’une réunion le 13 avril 2016 afin de lui permettre de présenter des observations « face au souhait de l’actionnaire de mettre fin à [ses] fonctions de directeur général de DigitRe Groupe, ainsi qu’à l’ensemble de [ses] mandats sociaux au sein des sociétés du groupe ».

Le 14 avril 2016, il a confirmé la décision « de l’actionnaire » de mettre fin aux fonctions et mandats sociaux précités en précisant que les organes de gouvernance compétents allaient être convoqués dans les prochains jours pour entériner celle-ci.

Le 22 avril 2016, il a transmis à M. [C] un projet de transaction en indiquant : « je te fais passer en pj pour relecture notre projet de protocole transactionnel qui devra être signé après les AG de mardi prochain. / […] ».

Le même jour, M. [C] a répondu : « Pour faire suite à notre entretien tel avec [X], vu OK pour moi pour ce protocole transactionnel qu’il convient de compléter de la date de l’AG (mardi 26/4/16 sauf erreur). / Merci de me dire quand celui [-ci] doit être signé (à partir du 27/4 je suppose). […] ».

Le 25 avril 2016, M. [V] a écrit à M. [C] : « L’AG DigitRE Group aura lieu demain 27/4/2016 pour que notre signataire soit à [Localité 7]. Nous lui ferons signer le PV de l’AG, l’extrait de PV, le rapport du Président, et le courrier de la clause de non concurrence que nous te transmettrons le même jour. / En attendant, je te prie de bien vouloir trouver [en] pj le protocole transactionnel et l’ordre de mouvement pour les titres LCF pour signatures en date du 28/4/2016. Pourras-tu stp nous renvoyer des copies par email et les originaux par courrier pour contresignature. / […] ».

Le même jour, M. [C] a répondu : « Bien noté. Je fais le nécessaire jeudi 28/4 et t’adresse les docs signés avec mon RIB par mail et par courrier ».

Le 27 avril 2016, M. [V] a transmis à M. [C] le procès-verbal de l’assemblée générale signé et le courrier de levée de la clause de non-concurrence.

Le 28 avril 2016, M. [C] a écrit à M. [V] : « J’ai essayé de vous joindre mais sans succès, donc merci pour les PV d’AG et la lettre de levée [de la] clause de non concurrence. Comme convenu, je vous prie de trouver ci-joint le protocole transactionnel, l’ordre de mouvement de titres LCF dûment signés et mon RIB. / J’adresse le tout par courrier. »

Il ressort de ces échanges, d’une part, que M. [C] a consenti à la transaction et, d’autre part, que la date de celle-ci, à savoir le 28 avril 2016, correspond bien à celle de l’apposition de la première signature (celle de M [C]). C’est donc inexactement que M. [C] prétend que la transaction a été post-datée, peu important que ses termes aient été arrêtées avant le 28 avril 2016.

Le moyen de M. [C] pris de ce que la transaction du 28 avril 2016 n’a pas mis un terme à une contestation à naître sur les révocations n’a pas trait au consentement de ce dernier mais à l’existence de l’élément constitutif d’une transaction prévu par l’article 2044 du code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 novembre 2016).

M. [C] a été révoqué de ses mandats de président et d’administrateur de la société Capi le 26 avril 2016 et de ses mandats de directeur général et d’administrateur de la société

Digit RE Group le 27 avril 2016.

Le contenu de la transaction a été négocié avant ces révocations mais l’acte n’a été signé, et donc conclu, qu’après celles-ci, le 28 avril 2016, et il n’est pas discuté que, comme rappelé dans le préambule de la transaction, lesdites révocations faisaient alors l’objet d’une contestation.

Le fait que, contrairement à ce que laisse entendre le préambule de la transaction, il n’ait pas encore été mis fin au mandat de directeur général de la société Capifrance gestion de M. [C], ce dernier ayant démissionné de ces fonctions le 29 avril 2016, n’implique pas qu’il ait été transigé sur un droit futur puisque, comme elle le précise, la transaction ne concerne que les contestations liées à la « révocation » de M. [C] de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka.

Enfin, la transaction prévoit, au titre des concessions consenties par la société Digit RE Group, que la société Rocka achètera les actions de la société LCF détenues par

M. [C] pour un prix de 22 000 euros. Il s’en déduit que, pour les parties, cette cession participait du règlement de la contestation relative à la révocation des mandats sociaux de M. [C]. Ce dernier est donc mal fondé à soutenir le contraire.

En second lieu, M. [C] prétend que son consentement a été vicié par la violence économique exercée sur lui, caractérisée selon lui par les motifs de révocation fallacieux et de nature à nuire à sa carrière invoqués par la société Digit RE Group et par sa situation de dépendance à l’égard de cette dernière, l’essentiel de ses revenus dépendant de sa rémunération perçue au sein de la société Digit RE Group.

M. [C] n’établit pas en quoi, alors que sa révocation était déjà acquise, l’absence de signature de la transaction pouvait lui laisser craindre que le groupe Rocka nuise à sa carrière.

Par ailleurs, il ne justifie pas avoir été placé dans une situation économique précaire à la suite de sa révocation, étant relevé, en sens contraire, qu’il avait, le 29 février 2016, perçu une prime de 135 000 euros bruts (représentant huit fois la rémunération mensuelle brute qui lui était versée par la société Digit RE Group avant sa révocation) et qu’il bénéficiait d’une assurance perte d’emploi.

Enfin, M. [C], alors âgé de 50 ans et choisi cinq ans auparavant pour exercer des fonctions de direction au sein du groupe Rocka, était rompu aux affaires.

Il en résulte qu’il n’est pas établi que le consentement de M. [C] ait été vicié par l’exercice d’une violence économique.

– Sur le moyen pris de l’absence d’objet certain de la transaction

M. [C] prétend que l’achat de ses actions LCF par la société Rocka ne s’inscrit pas dans l’objet de la convention en faisant valoir que le préambule de la transaction ne fait référence qu’à la révocation des mandats sociaux, qu’il n’existait pas de différend sur les titres en cause et que la société Rocka n’était ni partie à la transaction, ni l’actionnaire unique de la société LCF. Il ajoute que s’il devait être considéré que l’achat de ses actions LCF par la société Rocka entrait dans l’objet de la transaction, la transaction serait nulle pour erreur sur son objet ou sur l’objet de la contestation.

La société Digit RE Group réplique que l’objet de la transaction, à savoir régler le différend relatif à la révocation de M. [C] de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka, est certain et n’a donné lieu à aucune erreur et que la cession d’actions de sa filiale LCF constitue une modalité de cette transaction.

A supposer que la transaction ne soit pas claire, il y aurait lieu de l’interpréter, et non de l’annuler pour absence d’objet certain.

En tout état de cause, la transaction indique clairement, dans son préambule, qu’elle porte sur les conséquences de la révocation de M. [C] de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka et les deux parties s’accordent d’ailleurs sur ce point.

Quant à l’achat des actions de la société LCF détenues par M. [C], il constitue, non pas l’objet de la contestation ou de la transaction, mais l’un des éléments de cette transaction et, plus précisément, comme indiqué dans l’acte, l’une des prestations dues à titre de concession.

Le moyen manque donc tant en droit qu’en fait.

– Sur le moyen pris de l’absence de concessions réciproques et du caractère dérisoire de l’indemnité transactionnelle

M. [C] conclut à l’absence de concessions réciproques en faisant valoir que celles prétendument faites par la société Digit RE Group ne constituent pas des concessions et que le montant de l’indemnité transactionnelle est dérisoire au regard du préjudice subi du fait des révocations. Concernant la cession des actions de la société LCF, il soutient qu’elle n’a pas été voulue par lui, que la contestation ayant donné lieu à la transaction y est étrangère, qu’une prestation n’entrant pas dans l’objet de la transaction ne peut avoir pour effet de le dédommager, que le prix de 22 000 euros ne prend pas en compte le potentiel de croissance de la société LCF et que 54 % des actions de cette société ont été vendus pour un prix de 50 000 000 euros en 2018, permettant d’évaluer sa propre participation à 750 000 euros.

La société Digit RE Group conteste l’absence de concessions réciproques et le caractère dérisoire de celles qu’elle a consenties.

L’existence et le caractère non dérisoire des concessions consenties par M. [C] à la société Digit RE Group, qui tiennent essentiellement à la renonciation à toute prétention liée à sa révocation ou aux conditions d’exercice de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka, ne sont pas discutés.

Il est mentionné deux concessions en ce qui concerne la société Digit RE Group :

– le versement d’une indemnité de 63 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi par M. [C] du fait de la révocation de ses mandats sociaux au sein du groupe ;

– l’acquisition par la société Rocka des 1 200 actions détenues par M. [C] dans le capital de la société LCF pour un prix de 22 000 euros.

Le préambule de la transaction mentionne que la société Digit RE Group invoquait plusieurs motifs de révocation, tandis que M. [C], estimant avoir déployé ses meilleurs efforts, considérait sa révocation abusive et exigeait le versement d’une indemnité de 70 000 euros au titre du préjudice subi en raison de sa révocation.

Il en résulte que la société Digit RE Group n’était pas disposée, à l’origine, à verser une indemnité à M. [C], étant observé qu’il n’est pas discuté que les mandats en cause étaient révocables ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, sans préavis, ni précision de motifs.

De surcroît, force est de constater que la somme de 63 000 euros représente 90 % de celle que, selon le préambule de la transaction, M. [C] estimait être en droit d’obtenir de la part de la société Digit RE Group.

L’indemnité de 63 000 euros allouée ne saurait donc être regardée comme inexistante ou dérisoire.

S’agissant des actions de la société LCF détenues par M. [C], c’est par une simple affirmation non corroborée par la moindre pièce que ce dernier prétend qu’il n’était pas animé d’une volonté de les céder.

Le moyen pris de ce que la cession des actions n’avait donné lieu à aucune contestation entre les parties est quant à lui inopérant, dès lors que, comme il a été dit, cette cession ne constitue pas l’objet de la transaction mais l’une des concessions stipulées pour mettre un terme à la contestation relative aux conséquences de la révocation des mandats sociaux, dont les parties étaient libres de déterminer la nature. Il est également impropre à établir le caractère inexistant ou dérisoire de la concession concernée.

Il reste à s’interroger sur le prix de cession des actions, à savoir 22 000 euros.

Il ressort des écritures des parties et des pièces versées aux débats que M. [C] a, le 1er mars 2013, versé la somme de 12 000 euros pour acquérir 1 200 actions de la société LCF à leur valeur nominale (10 euros) puis, à l’occasion d’une augmentation de capital décidée le 4 novembre 2014 par élévation de la valeur nominale des actions de 10 à 11,98 euros, une somme complémentaire de 2 376 euros. Il a par ailleurs avancé une somme de 3 200 euros en compte courant d’associé, portant son investissement en tant qu’actionnaire à la somme 17 576 euros, chiffre sur lequel les deux parties s’accordent.

Le montant du compte courant d’associé ayant été remboursé parallèlement à la conclusion de la transaction, c’est à juste titre que la société Digit RE Group fait valoir que le prix offert de 22 000 euros a permis à M. [C] de réaliser une plus-value de 7 624 euros, soit 43 %, en trois ans.

M. [C] invoque l’acquisition par la société April, le 4 septembre 2018, de 54 % du capital de la société LCF pour un prix de 50 000 000 euros.

Force est de constater, d’abord, que l’affirmation du paiement d’un prix de 50 000 000 euros n’est corroborée par aucun élément, l’article de presse produit par M. [C] n’en faisant pas mention.

Ensuite, et en tout état de cause, aucune comparaison pertinente ne peut être opérée entre la cession des actions LCF de M. [C] et celle intervenue en septembre 2018, compte tenu tant de leurs dates, séparées de plus de deux ans, que de leur objet, la première portant sur 1,6 % du capital et la seconde sur une participation majoritaire poursuivant un objectif de rapprochement entre deux acteurs du marché du crédit immobilier.

Dès lors, la condition de validité tenant à l’existence de concessions réciproques est remplie.

Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la transaction présentée par M. [C].

– Sur les demandes de dommages et intérêts pour révocation abusive de ses mandats sociaux formées par M. [C]

M. [C] demande que les sociétés Digit RE Group et Rocka soient condamnées in solidum à lui payer les sommes de 450 000 et 481 355 euros au titre de la révocation abusive de ses mandats sociaux.

Se fondant sur l’article 2052 du code civil, les sociétés Digit RE Group et Rocka soulèvent l’irrecevabilité de la demande pour défaut du droit d’agir en faisant valoir que celle-ci a le même objet que la transaction du 28 avril 2016 qui bénéficie de l’autorité de chose jugée.

L’article 2052, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction antérieure au 21 novembre 2016, dispose : « Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. »

Quant aux tiers, si l’effet relatif des contrats leur interdit de se prévaloir de l’autorité d’une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ils peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que celle-ci renfermerait.

Les sociétés Digit RE Group et Rocka sont, respectivement, partie et tiers à la transaction du 28 avril 2016.

La société Digit RE Group et M. [C] ont transigé sur les conséquences de la révocation des mandats sociaux détenus par ce dernier au sein du groupe Rocka et

M. [C] a déclaré, dans cette transaction, « expressément renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature que ce soit, lié à sa révocation ou aux conditions d’exercice de ses mandats sociaux au sein du groupe Rocka ».

Dès lors, M. [C] est irrecevable à agir en réparation des préjudices subis à raison de la révocation des mandats qu’il détenait au sein du groupe Rocka tant contre la société Digit RE Group, à raison de l’autorité de la chose jugée de la transaction du 28 avril 2016, que contre la société Rocka, du fait de sa renonciation à toute demande indemnitaire relative à ces révocations.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [C] à l’encontre de la société Digit RE Group et infirmé en ce qu’il a rejeté celles tendant à voir condamner la société Rocka à lui verser des dommages et intérêts à raison de sa révocation. La cour, statuant à nouveau, déclarera ces dernières demandes irrecevables.

– Sur les demandes d’annulation de la cession des 1 200 actions conclue entre

M. [C] et la société Rocka et de condamnation de cette dernière au paiement de 375 000 euros de dommages et intérêts

M. [C] conclut, sur le fondement de l’article 1591 du code civil, à la nullité de la cession des 1 200 actions de la société LCF pour vileté du prix et, à titre subsidiaire, en l’absence de nullité, à l’allocation d’une somme de 375 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, correspondant à la moitié du prix qu’il aurait pu obtenir s’il avait conservé ses actions jusqu’en 2018.

Se fondant sur l’article 2052 du code civil, les sociétés Digit RE Group et Rocka soulèvent l’irrecevabilité de la demande pour défaut du droit d’agir en faisant valoir que celle-ci a le même objet que la transaction du 28 avril 2016 qui bénéficie de l’autorité de chose jugée. A titre subsidiaire, elles contestent la vileté du prix.

La société Rocka, qui n’est pas partie à la transaction, n’est pas fondée à invoquer l’autorité de chose jugée de celle-ci.

Par ailleurs, en déclarant, dans la transaction, « expressément renoncer à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature que ce soit, lié à sa révocation ou aux conditions d’exercice de ses mandats au sein du groupe Rocka », M. [C] n’a pas renoncé à son droit à agir relativement à la cession des actions de la société LCF qu’il détenait.

Toutefois, c’est de manière inopérante que M. [C] tente de remettre en cause la cession des actions de la société LCF indépendamment de la transaction, alors que cette cession constitue l’un des éléments des engagements réciproques interdépendants conclus par les parties.

De surcroît, et en tout état de cause, il se déduit des motifs retenus pour écarter le caractère dérisoire des concessions consenties que la vileté du prix alléguée n’est pas établie. Quant à la demande subsidiaire d’indemnisation, présentée pour le cas où la cession d’actions serait jugée valable, sans autre précision, elle ne peut qu’être rejetée, aucun manquement de la société Rocka n’étant démontré, ni même allégué.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [C] tendant à voir annuler la cession d’actions de la société LCF conclue avec la société Rocka et condamner cette dernière à lui payer des dommages et intérêts pour vileté du prix.

– Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive présentées par les sociétés Rocka et Digit RE Group

Les sociétés Rocka et Digit RE Group considèrent que c’est de mauvaise foi que

M. [C] a tenté, plus de trois ans après sa conclusion, de remettre en cause un contrat négocié et signé par lui dans le but de bénéficier de la plus-value générée par la restructuration conduite après son départ et soutiennent que M. [C] s’est borné, en appel, à reprendre ses arguments soulevés en première instance malgré le caractère clair et précis du jugement.

Le seul fait que M. [C] ait contesté un contrat trois ans après y avoir consenti ne suffit pas à caractériser une mauvaise foi de sa part et les intimées ne précisent pas en quoi les moyens présentés par ce dernier, incluant, en appel, des critiques du jugement, sont dépourvus de sérieux.

L’abus du droit d’agir en justice n’est donc pas établi. De surcroît, les sociétés Rocka et Digit RE Group n’invoquent aucun préjudice.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

– Sur les dépens et frais irrépétibles

M. [C], qui succombe, sera tenu aux dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d’appel.

Il sera en outre condamné à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile et en sus de la somme globale de 3 000 euros mise à sa charge par les premiers juges, celle de 7 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par les sociétés Rocka et Digit RE Group à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] [C] de sa demande de condamnation de la société Rocka à lui verser des dommages et intérêts en raison de sa révocation,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de M. [T] [C] tendant à voir condamner la société Rocka, in solidum avec la société Digit RE Group, à lui payer les sommes

de 450 000 et 481 355 euros au titre de la révocation abusive de ses mandats sociaux,

Rejette les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive présentées par les sociétés Rocka et Digit RE Group,

Condamne M. [T] [C] à payer aux sociétés Rocka et Digit RE Group la somme globale de 7 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés par ces dernières à hauteur d’appel,

Condamne M. [T] [C] aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par la SELARL JRF & Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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