Augmentation de capital : décision du 28 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07957
Augmentation de capital : décision du 28 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/07957
Ce point juridique est utile ?

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2023

(n° 417, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/07957 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWBN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Avril 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° 2021062563

APPELANTE

S.A.R.L. BEN TOUCH, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée par Me Mathieu EYCHENE de la SELEURL MATHIEU EYCHENE, avocat au barreau de PARIS, toque : D19

INTIMÉES

S.A.S. LABEL HABITAT, RCS d’Evreux n°521694133, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

S.A.S. MEA PARTICIPATIONS prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistées par Me Nicolas FAGUER de la SELEURL Nicolas Faguer , avocat au barreau de PARIS, toque : P62

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre

Jean-Christophe CHAZALETTE, Président

Patricia LEFEVRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Olivier POIX

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, Président de chambre et par Jeanne PAMBO Greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

La société Label habitat est la holding du groupe détenant la marque Mister menuiserie. Cette marque a d’abord servi à la mise en ‘uvre d’un site marchand sur internet, puis a été utilisée pour la mise en place d’un réseau de magasins à partir de fin 2016, qui s’est développé jusqu’à compter 120 magasins. Le groupe a été créé en 2010 par M. [Y], actuellement majoritaire via sa société MEA participations, et M. [R].

La société Ben Touch est notamment la holding de Technitoit, qui se présente comme le leader de la rénovation de l’habitat en France, et compte 70 agences franchisées en France.

M. [R] a cédé sa participation minoritaire le 10 février 2015 à la société Ben Touch, soit 150 parts sociales de la société Label habitat, représentant 30 % du capital social, moyennant le prix de 64 000 euros.

Courant 2018, une société d’investissement dénommée Idi a souhaité investir au capital social de la société Label habitat. Le 17 janvier 2019, les associés de la société Label habitat ont autorisé une augmentation de capital réservée à la société Idi. Le capital social de la société Label habitat se trouvait alors détenu par la société MEA participations à concurrence de 33,58 %, M. [Y] pour 20,46 %, la société Ben Touch pour 23,16 % et la société Idi pour 22,80 %.

Dans le cadre de cet investissement, un pacte d’associés était signé le 17 janvier 2019 et prévoyait notamment une clause de « rendez-vous » dès le 1er janvier 2022 pour échanger sur l’avenir de la société et de la participation respective des associés au capital ; une procédure permettant à compter du 1er janvier 2023 à MEA participations d’initier un processus de liquidité afin de rechercher la cession de la totalité du capital ; l’inaliénabilité des titres jusqu’au 31 décembre 2025, à moins, notamment, d’un accord de MEA participations et de la société Idi.

Après une évaluation comptable de la société Label habitat réalisée par le cabinet Grant Thornton, le 16 décembre 2020, une promesse de cession d’actions a été conclue entre la société Ben Touch et la société MEA participations, avec faculté de substitution, moyennant un prix de cession des actions détenues par la société Ben Touch de 13 300 000 euros.

Par courrier du 25 janvier 2021, la société MEA participations a notifié à la société Ben Touch qu’elle entendait exercer la promesse de vente du 16 décembre 2020 et l’a informée vouloir se substituer partiellement la société Label habitat.

Exposant avoir découvert que la société Label habitat avait procédé à une nouvelle augmentation de capital le 1er mars 2021 sur la base d’un prix par action supérieur de 85,34 % à celui qui avait été utilisé pour la cession du 20 décembre 2020, la société Ben Touch a fait assigner les sociétés Label habitat et MEA participations devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris par acte d’huissier du 6 janvier 2022 en lui demandant d’ordonner aux défenderesses de lui remettre sous astreinte une série de documents concernant l’augmentation du capital décidé par les associés de la société Label habitat le 1er mars 2021 et concernant la cession d’actions susceptible d’être intervenue entre M. [Y] et la société MEA participations d’une part et la société IDI d’autre part.

Par ordonnance du 1er avril 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

débouté la société Ben Touch de toutes ses demandes ;

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Ben Touch aux dépens ;

rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 19 avril 2022, la société Ben Touch a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :

infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

juger qu’elle justifie d’un motif légitime pour solliciter la mesure d’instruction énoncée ci-après ;

ordonner aux sociétés Label habitat et MEA participations de remettre à tel huissier de justice qu’il plaira à la cour de désigner et territorialement compétent, les documents certifiés conformes suivants dans un délai de sept jours courant à compter de l’ordonnance à intervenir :

1°) concernant l’augmentation du capital décidé par les associés de la société Label Habitat le 1er mars 2021 :

la liste certifiée conforme et exhaustive des documents sociaux établis à l’occasion de l’augmentation de capital de la société Label habitat du 1er mars 2021 et de remettre, notamment, les documents suivants certifiés conformes :

toute communication, postale ou électronique, transmettant aux associés le projet des décisions écrites des associés du 1er mars 2021 ;

le rapport spécial du commissaire aux comptes sur le montant de la prime d’émission lors de l’opération du 1er mars 2021 ;

le procès-verbal complet des décisions du président du 2 mars 2021 ;

les copies certifiées conformes des registres des assemblées générales de la société Label Habitat ;

une copie certifiée conforme du registre des décisions prises par le comité stratégique entre le 1er décembre 2020 et le 29 avril 2021, et notamment le procès-verbal du comité stratégique de la société Label habitat relatif à l’augmentation de capital décidé par les associés le 1er mars 2021 ;

les échanges avec les commissaires aux comptes par lesquels il leur a été sollicité l’établissement des rapports nécessaires ;

pour les documents susvisés, dès lors qu’il s’agit de documents établis par une solution de signature électronique type Docusign, le certificat de réalisation permettant de connaître la date de signature effective ;

2°) concernant la cession d’actions intervenue entre la société MEA participations et la société Idi :

la liste certifiée conforme et exhaustive des actes juridiques établis pour ou en lien avec la réalisation de ladite cession incluant, le cas échéant, les avant contrats conclus à cette fin, et notamment les copies certifiées conformes des documents suivants :

la promesse de cession des actions consentie au bénéfice de la société Idi ;

l’acte de cession des actions réalisées au bénéfice de la société Idi ;

le formulaire Cerfa n° 2759 SD enregistré auprès du service des impôts  compétent ;

le ou les ordres de mouvement de titres ;

le procès-verbal de l’éventuelle décision du Comité Stratégique ayant discuté et approuvé la cession ;

la notification de la cession des titres aux autres associés de la société Label habitat les invitant à exercer leur droit de préemption au titre de l’article 8 du pacte des associés ;

pour les documents susvisés, dès lors qu’il s’agit de documents établis par une solution de signature électronique type Docusign, le certificat de réalisation permettant de connaître la date de signature effective ;

3°) plus généralement, concernant les opérations susvisées :

les documents et/ou fichiers et/ou correspondances électroniques, émis, reçus ou rédigés, à l’exception de ceux couverts par le secret professionnel de l’avocat, figurant sur tout support physique, imprimé ou non, et notamment tout serveur, disque dur, messagerie électronique ou tout autre support externe ou interne de données informatiques, suivants :

la liste certifiée conforme et exhaustive des courriers électroniques échangés (envoyés et/ou reçus), entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 entre M. [Y] et/ou M. [S] (directeur administratif et financier) et/ou tout salarié de la société Label Habitat d’une part, et des adresses de messagerie électroniques comportant un suffixe « @idi.fr » et notamment celles attribuées à MM. [Z] et [V], et Mme [K] notamment d’autre part, relatifs aux faits visés dans la présente assignation, et la copie certifiée conforme desdits courriers  électroniques;

la liste certifiée conforme et exhaustive des courriers électroniques échangés (envoyés et/ou reçus), entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 entre M. [Y] et/ou M. [S] (directeur administratif et financier) et/ou tout salarié de la société Label Habitat d’une part, et des adresses de messagerie électroniques attribuées à M. [G] notamment, d’autre part, relatifs aux faits visés dans la présente assignation, et la copie certifiée conforme desdits courriers  électroniques;

la liste certifiée conforme et exhaustive des documents adressés à M. [G] et/ou signés par celui ci au titre de sa prise de fonctions de directeur général et sa qualité d’associés, et notamment l’offre d’emploi qui lui a été adressée ;

assortir l’obligation de communication des documents susvisés d’une astreinte de 3 000 euros par jour de retard, courant à compter du huitième jour suivant l’ordonnance à intervenir ;

autoriser l’huissier de justice désigné, à faire toutes recherches ou constatations utiles et consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées lors de la remise des documents ;

dire que l’huissier de justice désigné devra réunir l’ensemble des documents ainsi remis, dresser procès-verbal récapitulant ses opérations auquel les documents appréhendés ou leur copie certifiée conforme seront annexés ;

dire que l’huissier désigné devra remettre le procès-verbal établi et les documents remis y annexés dans un délai de sept jours à compter de la réception des documents susvisés, à chacune des parties et ce nonobstant l’exercice éventuel d’une voie de recours ;

dire qu’à défaut de remise des documents susvisés, en tout ou partie, dans le délai de sept jours, l’huissier désigné dressera un procès-verbal attestant de la carence des défenderesses, lequel sera adressé aux parties et à la cour ;

En tout état de cause,

condamner les sociétés Label habitat et MEA participations à lui payer la somme de 20 000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure  civile ;

condamner les sociétés Label habitat et MEA participations aux entiers dépens.

Les sociétés Label habitat et MEA participations, aux termes de leurs dernières conclusions en date du 7 décembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demandent à la cour de :

dire et juger que la société Ben Touch ne démontre pas l’existence de motif légitime ;

dire et juger que les mesures sollicitées constituent de mesures générales d’investigation non légalement admissibles ;

En conséquence,

confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Ben Touch de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée aux dépens ;

condamner la société Ben Touch à leur payer à chacune la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Boccon-Gibod, Lexavoué.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

En vertu de l’article 145 du code civil, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L’application de ces dispositions suppose de constater la possibilité d’un procès potentiel, non manifestement voué à l’échec, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond.

Il est constant qu’à la suite de la cession d’actions conclue entre la société Ben Touch et la société MEA participations le 16 décembre 2020, la cessionnaire a levé l’option d’achat dont elle bénéficiait et les titres ont été effectivement transféré le 24 février 2021. Il n’est de même pas contesté que la société Label habitat a procédé à une augmentation de capital le 1er mars 2021, pour permettre à son nouveau dirigeant, M. [G], de souscrire 129 actions ordinaires et 27 actions de préférence dites « ADP R » pour une valeur nominale de 4,32 euros assortie d’une prime d’émission de 1 922,10 euros afin de l’intéresser au capital. Enfin, il est également constant que la société Idi a renforcé sa présence au capital de la société Label habitat le 29 avril 2021 en acquérant 2038 actions auprès de la société MEA Participations pour la somme totale de 3 925 664 euros.

La société Ben Touch fait valoir que la valorisation retenue 5 jours après qu’elle ait effectivement transféré ses actions était supérieure à 90 millions d’euros et moyennant une prime d’émission de 1 922,10 euros, contre un peu plus de 60 millions d’euros et une prime d’émission de 1 035,07 euros pour l’opération qui la concernait, soit une augmentation de plus de 85,34% de la valeur des actions de la société Label Habitat en seulement une semaine.

Elle affirme que la société Label habitat, son dirigeant et ses actionnaires ont volontairement cherché à dissimuler le montant de la valorisation de la société ayant servi de base aux opérations du 1er mars 2021 et du 29 avril 2021 en publiant des documents sociaux incomplets, en communiquant des informations partielles aux investisseurs potentiels de la société Idi et au marché. Elle ajoute que compte-tenu des délais propres à l’organisation d’une telle opération sur capital social, celle-ci a nécessairement été organisée plusieurs semaines avant que les sociétés Label Habitat et MEA Participations ne procèdent à l’acquisition des actions détenues par la société Ben Touch. Elle relève que la souscription de la société Idi du 29 avril 2021 s’est faite sur la même valorisation que celle du 1er mars 2021, alors qu’aucune circonstance objective sur la situation de la société n’est venue justifier un tel écart.

En réponse, la société Label habitat soutient que la société Ben Touch est parvenue à négocier la cession de sa participation pour un prix de 13,3 millions d’euros, soit une valeur de 1 039 euros par actions, correspondant à une valeur supérieure de près de 50 % à celle retenue par l’expert. Elle indique que l’augmentation de capital du 1er mars 2021 s’est fait sur valorisation supérieure à celle retenue quelques mois plus tôt dans le cadre de la promesse de cessions des actions détenues par la société Ben Touch mais est intervenue dans un contexte différent : selon elle, une telle opération non significative (300 000 euros) était mue par la volonté d’intéresser un nouveau dirigeant au partage de création de valeur, et ne peut être comparée avec une opération de cession de l’intégralité du bloc de 23 % de la société Ben Touch. Elle précise que deux mois plus tard, étant donné le nouveau plan de développement porté par M. [G], la société Idi a renforcé sa participation sur la base de la valorisation retenue lors de la dernière opération réalisée par ce nouveau dirigeant.

Il n’est ainsi pas contesté par les intimées que la valorisation d’actions des opérations sur capital des 1er mars et 21 avril 2021 approchait le double du prix des actions vendues par la société Ben Touch quelques semaines est auparavant. Par ailleurs, la société Ben Touch établit, sans être contestée sur ce point par les intimées, qu’elle avait accepté la valorisation des actions qu’elle cédait en ignorant que des opérations affectant la nature et la composition du capital social de la société Label habitat aurait lieu à très bref délai pour une valeur très supérieure. Il faut relever à ce titre qu’il est établi que le dirigeant de la société Ben Touch a vu son mandat de membre du comité stratégique révoqué le 7 novembre 2020 par le dirigeant de la société Label habitat. Or, la société Ben Touch justifie que ce comité avait été institué dans le pacte d’associés du 17 janvier 2019 et constituait à l’évidence un organe de gouvernance important puisque son autorisation préalable était requise (article 4 du pacte) notamment pour l’approbation du budget annuel et de l’arrêté des comptes, les émissions de titres, la modification des statuts, les cessations, changements, ou lancements d’activités stratégiques du Groupe, les opérations d’investissements ainsi que d’acquisition ou de cession d’actifs, filiales ou fonds de commerce significatifs, la souscription de tout engagement financier, et le recrutement ou le licenciement de salariés clés.

Ces différents éléments doivent conduire à constater qu’un procès potentiel fondé sur le dol est possible, sans être manifestement voué à l’échec, et sans que la société Ben Touch soit tenue, comme l’affirme à tort l’intimée, de démontrer l’existence de ce vice du consentement dès la demande de mesure d’instruction.

La société Label habitat ajoute vainement que les pièces réclamées par l’appelante ne courent aucun risque de dépérissement. Cependant, dès lors qu’un motif légitime est démontré au sens de l’article 145 précité, la démonstration d’un tel risque n’est pas une condition pour ordonner une mesure d’instruction.

Il importe néanmoins de vérifier si la communication des pièces réclamées est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, et, au titre de l’évolution du litige, d’écarter la demande en ce qu’elle porte sur des pièces communiquées dans le cadre de la présente instance.

Sur l’augmentation de capital décidé le 1er mars 2021

La société Ben Touch réclame tout d’abord une série de pièces sous le point (i) du dispositif de ses conclusions concernant l’augmentation de capital décidé le 1er mars 2021. Dans la présente instance, les sociétés Label habitat et MEA participations ont déjà communiqué le rapport du président établi dans la perspective des décisions écrites des associés du 1er mars 2021 ; le procès-verbal complet des décisions écrites des associés du 1er mars 2021 ; le rapport spécial du commissaire aux comptes relatif à l’émission d’actions ordinaires et d’ADP R avec suppression du droit préférentiel de souscription ; le rapport spécial du commissaire aux comptes relatif à l’inscription dans les statuts des modalités de conversion des ADPR ; le rapport du commissaire aux avantages particuliers relatif à la création et l’émission d’ADP R, dont l’établissement est mentionné dans la cinquième décision du procès-verbal du 1er mars 2021, et les rapports du commissaire aux comptes relatifs à l’émission d’actions de préférence avec suppression du droit préférentiel de souscription du 26 février 2021 et à l’augmentation du capital avec suppression du droit préférentiel de souscription du 26 février 2021 ; le procès-verbal complet des décisions du président du 2 mars 2021.

Ces pièces déjà communiquées rendent inutile la demande en tant qu’elle portait sur une liste certifiée conforme et exhaustive des documents sociaux établis à l’occasion de l’augmentation de capital de la société Label habitat du 1er mars 2021 avec remise, notamment, les documents suivants certifiés conformes : toute communication, postale ou électronique, transmettant aux associés le projet des décisions écrites des associés du 1er mars 2021 ; le rapport spécial du commissaire aux comptes sur le montant de la prime d’émission lors de l’opération du 1er mars 2021 ; le procès-verbal complet des décisions du président du 2 mars 2021.

La demande de la société Ben Touch n’apparaît pas disproportionnée aux intérêts en présence, et améliore certainement sa situation probatoire, en tant qu’elle porte sur une copie certifiée conforme du registre des décisions prises par le comité stratégique entre le 1er décembre 2020 et le 29 avril 2021, et notamment le procès-verbal du comité stratégique de la société Label habitat relatif à l’augmentation de capital décidée par les associés le 1er mars 2021. Au demeurant, les objections des intimées à ce titre ne portent pas sur la communication de ces pièces.

La demande concernant les copies certifiées conformes des registres des assemblées générales de la société Label Habitat n’est pas proportionnée aux intérêts en présence dès lors qu’elle n’en précise aucune date et peut donc toucher des périodes sans rapports avec les faits litigieux.

S’agissant de la demande en tant qu’elle porte sur les échanges avec les commissaires aux comptes par lesquels il leur a été sollicité l’établissement des rapports nécessaires, elle n’apparaît pas proportionnée aux intérêts en présence, dès lors que le rapport spécial du commissaire aux comptes sur le montant de la prime d’émission lors de l’opération du 1er mars 2021 est communiqué, avec l’ensemble des autres rapports des commissaires aux comptes ‘ à l’évidence la situation probatoire de l’appelante est satisfaisante à cet égard.

Sur la cession d’actions intervenue entre la société MEA Participations et la société Idi

La société Ben Touch réclame ensuite une série de pièces sous le point (ii) du dispositif de ses conclusions concernant la cession d’actions intervenue entre la société MEA Participations et la société Idi. Dans la présente instance, les sociétés Label habitat et MEA participations ont déjà communiqué le formulaire Cerfa n°2759-SD, l’ordre de mouvement de titres et les copies des registres des mouvements de titres de Label habitat. La communication d’avant-contrats sera rejetée en l’absence complète d’indication que de tels documents ont existé.

La demande de la société Ben Touch n’apparaît pas disproportionnée aux intérêts en présence en tant qu’elle porte sur la promesse de cession des actions consentie au bénéfice de la société Idi ; l’acte de cession des actions réalisées au bénéfice de la société Idi ; le procès-verbal de l’éventuelle décision du comité stratégique ayant discuté et approuvé la cession ; la notification de la cession des titres aux autres associés de la société Label habitat les invitant à exercer leur droit de préemption au titre de l’article 8 du pacte des associés. Au demeurant, les objections des intimées à ce titre ne portent pas sur la communication de ces pièces.

Sur les courriers électroniques et documents concernant M. [G]

La société Ben Touch réclame ensuite une série de pièces sous le point (iii) du dispositif de ses conclusions portant sur des messages électroniques et sur des documents concernant M. [G]. Dans la présente instance, les sociétés Label habitat et MEA participations ont déjà communiqué le contrat de travail de M. [G] et les bulletins de souscription remplis par lui au titre de l’émission des 129 actions ordinaires nouvelles et des 27 ADP R nouvelles en application de l’augmentation de capital qui a été décidée le 1er mars 2021. Ces pièces déjà communiquées rendent inutile la demande en tant qu’elle portait sur la liste certifiée conforme et exhaustive des documents adressés à M. [G] et/ou signés par celui-ci au titre de sa prise de fonctions de directeur général et sa qualité d’associés, et notamment l’offre d’emploi qui lui a été adressée – à l’évidence la situation probatoire de l’appelante est satisfaisante à cet égard.

La demande porte par ailleurs sur la communication des courriers électroniques échangés entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 entre M. [Y] et/ou M. [S] (directeur administratif et financier) et/ou tout salarié de la société label habitat d’une part, et des adresses de messagerie électroniques comportant un suffixe « @idi.fr » et notamment celles attribuées à MM. [Z] et [V], et Mme [K] notamment d’autre part, relatifs aux faits visés dans la présente assignation ; ainsi que sur la liste certifiée conforme et exhaustive des courriers électroniques échangés (envoyés et/ou reçus), entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 entre M. [Y] et/ou M. [S] (directeur administratif et financier) et/ou tout salarié de la société Label Habitat d’une part, et des adresses de messagerie électroniques attribuées à M. [G] notamment, d’autre part, relatifs aux faits visés dans la présente assignation, et la copie certifiée conforme desdits courriers électroniques.

Cette demande n’est pas proportionnée aux intérêts en présence dès lors qu’elle regarde des échanges avec des personnes qui ne peuvent avoir eu aucun rôle dans les faits dénoncés, de man’uvres dolosives ou réticence dolosive en ce compris M. [G], qui n’était pas actionnaire puis l’a été à un niveau très faible, puisque le postulat de l’appelante consiste à affirmer que la valorisation litigieuse a été préparée de longue main antérieurement aux opérations capitalistiques critiquées. En outre, la demande s’étend de manière injustifiée à une communication générale de toutes les adresses de messagerie avec un suffixe « @idi.fr ». Il y aura donc lieu de se borner à ordonner la production des courriers électroniques échangés entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 entre M. [Y] et M. [S], directeur administratif et financier, ayant trait à la valorisation des actions souscrites par M. [G] et à la valorisation des actions lors du rachat de 2038 actions par la société Idi ‘ ces pièces améliorent très certainement la situation probatoire de l’appelante, et ne touchent pas d’une manière disproportionnée aux intérêts des intimées, qui n’expliquent pas en quoi leur communication peut porter atteinte à la vie personnelle des salariés, ni au secret des affaires, notamment par référence aux critères de l’article L. 151-1 du code de commerce.

Il n’y a pas lieu au prononcé d’une astreinte, en l’absence d’indication à ce stade, que les intimées se refuseront aux communications ordonnées. L’intermédiation d’un huissier de justice pour la remise des pièces n’apparaît pas nécessaire.

Les parties défenderesses à une demande de mesure d’instruction, ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, ne peuvent être considérées comme des parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile. La société Ben Touch conservera donc la charge des dépens. Les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné la société Ben Touch aux dépens ;

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Ordonne la communication à la société Ben Touch par les sociétés Label habitat et MEA participations des documents suivants, avec le certificat de réalisation dans le cas de signatures électroniques :

une copie certifiée conforme du registre des décisions prises par le comité stratégique entre le 1er décembre 2020 et le 29 avril 2021, et notamment le procès-verbal du comité stratégique de la société Label habitat relatif à l’augmentation de capital décidée par les associés le 1er mars 2021 ;

la promesse de cession des actions consentie au bénéfice de la société Idi ;

l’acte de cession des actions réalisées au bénéfice de la société Idi ;

le procès-verbal de décision du comité stratégique ayant discuté et approuvé la cession, s’il existe ;

la notification de la cession des titres aux autres associés de la société Label habitat les invitant à exercer leur droit de préemption au titre de l’article 8 du pacte des associés ;

les courriers électroniques échangés entre le 1er novembre 2020 et le 31 mars 2021 entre M. [Y] et M. [S], directeur administratif et financier, ayant trait à la valorisation des actions souscrites par M. [G] et à la valorisation des actions lors du rachat de 2038 actions par la société Idi.

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

Y ajoutant,

Condamne la société Ben Touch aux dépens d’appel et dit que Me Boccon-Gibod, avocat au barreau de Paris, société Lexavoué, pourra recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x