Augmentation de capital : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01961
Augmentation de capital : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01961

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 28 MARS 2023

(n° / 2023 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01961 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDYZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2021L01209

APPELANT

Maître [Y] [P] [E], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL QUALIPOSE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’EVRY sous le numéro 509 996 849,

Né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 8]

De nationalité française

Dont l’étude est située [Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Frank MAISANT de la SCP MAISANT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J055,

INTIMÉE

SCI DESAMIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’EVRY sous le numéro 810 220 798,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Laurent SERVILLAT de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l’ESSONNE,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant la cour composée en double rapporteur de Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère, et de Madame Constance LACHEZE, conseillère, chargée du rapport,

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société à responsabilité limitée Qualipose, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Évry depuis le 22 janvier 2009, est spécialisée dans le secteur des travaux d’installation d’équipements thermiques et de climatisation. Son siège social est situé [Adresse 3] à [Localité 7].

Elle avait pour gérant et associé majoritaire M. [Z] [G] qui est également le gérant de la société civile immobilière Desamis.

Suivant un bail commercial du 25 août 2015, la société Desamis a donné à bail à la société Qualipose des locaux situés [Adresse 3], [Localité 7], moyennant le paiement, à terme à échoir, d’un loyer mensuel de 2 000 euros.

Sur déclaration de cessation des paiements du 2 avril 2019 et par jugement du 8 avril 2019, le tribunal de commerce d’Évry a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société Qualipose et a nommé Me [Y] [P] [E] en qualité de liquidateur judiciaire. Par jugement du 18 septembre 2020 confirmé en appel le 4 mai 2021, la date de cessation des paiements provisoirement fixée au 14 juin 2018 a été avancée au 15 février 2018 (correspondant à la première échéance des cotisations sociales non réglées).

Désignée par ordonnance du juge commissaire rendue le 25 juillet 2019 pour examiner la comptabilité de la société Qualipose, la société COGEED a constaté que la société Desamis avait continué à percevoir le montant des loyers dus par la société Qualipose, et ce sans retard et jusqu’en décembre 2018.

Estimant que ces loyers ont été indûment perçus, Me [E] ès qualités a assigné la société Desamis en nullité des actes de la période suspecte aux fins d’obtenir, notamment, le remboursement de la somme globale nette de 17 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 février 2021.

Par jugement du 18 janvier 2022, le tribunal de commerce d’Évry a :

– débouté Me [E] ès qualités de sa demande de remboursement de la somme de

17 650 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 2021, ainsi qu’à la capitalisation desdits intérêts ;

– débouté Me [E] ès qualités de sa demande d’article 700 du code de procédure civile;

– condamné Me [E] ès qualités au paiement des dépens ;

– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision, celle-ci étant de droit.

Le tribunal a considéré que bien qu’effectués durant la période suspecte au profit d’une société ayant le même dirigeant que la société Qualipose, les paiements litigieux étaient nécessaires à l’exercice de l’activité de la société telle qu’elle résulte de son objet social.

Par déclaration du 24 janvier 2022, Me [E] ès qualités a relevé appel de ce jugement.

Par une ordonnance sur incident du 11 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a, entre autres dispositions, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la nullité de la déclaration d’appel et des conclusions d’appel du 14 février 2022.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 13 octobre 2022, Me [E] ès qualités demande à la cour :

– de le juger recevable et fondé en son appel ;

– y faisant droit, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– statuant à nouveau, de juger nuls les paiements dont a bénéficié la société Desamis ;

– de condamner la société Desamis à lui rembourser la somme de 17 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2020, date de la mise en demeure et avec capitalisation annuelle ;

– de condamner la société Desamis sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de la procédure de première instance, et d’une somme de 2500 euros au titre de la procédure d’appel ;

– de condamner la société Desamis aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Me [E] ès qualités soutient que la société Desamis a bénéficié de paiements de la part de la société Qualipose alors que cette dernière était en état de cessation des paiements, ce que la société Desamis ne pouvait ignorer puisque ces deux sociétés ont le même gérant, que ces paiements sont entachés de nullité sur le fondement de l’article L. 632-2 du code de commerce et qu’il n’agit pas en répétition de l’indu pour obtenir la restitution de paiements sans cause ou frauduleux.

Il précise que la date de cessation des paiements a été fixée au 15 février 2018, et ce par un jugement du tribunal de commerce d’Evry régulièrement signifié, confirmé en cela par la cour d’appel de Paris par un arrêt exécutoire. Les cotisations sociales dues à partir de cette date n’ont pas été honorées, soit entre mars 2018 et mars 2019. L’augmentation de capital et l’entrée au capital de la société Zest Consulting sont inopérantes quant à la connaissance de cet état de cessation des paiements. Me [E] ès qualités indique que durant la période litigieuse, ce sont 22 000 euros qui ont été indûment versés à la société Desamis qui a effectué dans le même temps des paiements pour le compte de la société Qualipose pour un montant de 4 350 euros (paiements de différents frais de personnel incombant à la société Qualipose).

Suivant conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 13 mai 2022, la société Desamis demande à la cour :

– de constater que Mme la conseillère de la mise en état a été saisie par conclusions d’incident aux fins d’irrecevabilité de l’appel pour nullité de la déclaration d’appel et des conclusions d’appel et aux fins de condamnation de Me [E] ès qualités au paiement de la somme de 2400 euros sur le fondement de l’article 700 et aux dépens de l’incident ;

– à titre subsidiaire, si Mme la conseillère de la mise en état venait à se déclarer incompétente, de dire recevable et fondée la société Desamis en son incident d’irrecevabilité de l’appel, de nullité de la déclaration d’appel du 24 janvier et des conclusions d’appel ainsi qu’en sa demande de condamnation de Me [E] ès qualités au paiement de la somme de 2400 euros sur le fondement de l’article 700 et aux dépens ;

– sur le fond, de dire mal fondé Me [E] ès qualités en son appel et de confirmer le jugement de première instance en toutes des dispositions ;

– de condamner Me [E] ès qualités au paiement de la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 et aux entiers dépens d’appel.

La société Desamis expose que la somme réclamée par le demandeur et qu’elle a reçue durant la période suspecte correspond au versement des loyers au titre du bail du 25 août 2015, bail portant sur des bureaux et entrepôt situés à [Localité 7].

Elle fait valoir que Me [E] ès qualités ne justifie pas du caractère définitif de l’arrêt prononcé par la cour d’appel de Paris ayant confirmé la date de cessation des paiements au 15 février 2018, que la seule identité de dirigeant ne suffit pas à établir la connaissance de l’état de cessation des paiements en l’absence d’autres éléments extrinsèques et qu’il n’était nullement dans son intention de recevoir des loyers au cours d’une période suspecte en toute connaissance de cause, étant précisé que, lors d’une assemblée générale extraordinaire de la société Qualipose tenue le 28 novembre 2017, une somme de 40 000 euros a été apportée au capital de cette dernière.

Enfin, le quantum de 17 650 euros réclamé ne résulte que d’une attestation du cabinet COGEED sans aucune justification et n’est donc pas suffisamment fondé en son principe.

La clôture de l’affaire a été prononcée le 6 décembre 2022.

SUR CE,

Le conseiller de la mise en état s’étant prononcé sur l’incident par ordonnance du 11 octobre 2021, la cour n’est saisie que du fond du litige.

– Sur la nullité des paiements de loyers durant la période suspecte

L’article L. 632-2, alinéa 1, du code de commerce, dans sa version en vigueur au moment des paiements litigieux, dispose :  » Les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements « .

En l’espèce, suivant un bail commercial du 25 août 2015, la société Qualipose, par l’intermédiaire de son gérant M. [Z] [G], a payé des loyers commerciaux jusqu’en décembre 2018 par versements mensuels réguliers de 2 000 euros. Elle a ainsi payé des dettes échues après la date de cessation des paiements fixée au 15 février 2018 par la cour d’appel dans son arrêt du 4 mai 2021, arrêt qui n’a pas été frappé d’un pourvoi en cassation. Le montant total de ces paiements s’élève ainsi, au titre des loyers échus durant la période suspecte, à la somme de 20 000 euros (2 000 € x 10 mois, mois de février 2018 non inclus compte tenu du paiement à terme à échoir avant le 15 février 2018).

La société Desamis prise en la personne de son gérant M. [Z] [G] ne pouvait ignorer l’état de cessation des paiements de son locataire la société Qualipose, les deux sociétés ayant le même gérant qui n’ignorait pas que la société débitrice ne pouvait faire face à son passif exigible avec l’actif disponible, notamment en raison des défauts de paiements des cotisations sociales de la société Qualipose. En effet, il ressort du rapport de la société COGEED que des paiements partiels de ces cotisations intervenaient ponctuellement mais que la dette n’était jamais soldée en totalité. Dans ces conditions, la société Desamis ne peut valablement prétendre que les apports de la société Zest Consulting au capital de la société Qualipose l’ont induite en erreur quant aux capacités de la société Qualipose à faire face à son passif exigible, étant relevé qu’en réalité le rapport COGEED a montré que la société Zest Consulting a souscrit à une augmentation de capital de 10 000 euros par apport en numéraire selon les statuts modifiés au 28 décembre 2017 versés aux débats, puis a effectué une avance de trésorerie en compte courant de 35 000 euros le 25 septembre 2018, soit postérieurement à la date de cessation des paiements.

Les paiements litigieux ont donc été réalisés par la société Qualipose après la date de cessation des paiements, au profit de la société Desamis qui avait connaissance de l’état de cessation des paiements de son débiteur.

S’il est prétendu que le paiement des loyers était nécessaire à la poursuite de l’activité s’agissant de locaux commerciaux comportant deux bureaux, un entrepôt, trois parkings et des annexes à l’adresse du siège social de l’entreprise, ce qui n’est pas contestable, il apparaît également que ces paiements ont été effectués dans l’intérêt personnel du gérant de la société Qualipose qui est gérant et associé de la société Desamis et au détriment des créanciers institutionnels.

Il convient dans ces conditions de prononcer la nullité des paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements, soit une somme totale de 20 000 euros, de condamner la société Desamis à rembourser cette somme déduction faite de celle de 4350 euros comme demandé par Me [E] ès qualités, soit une somme de 15 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2021, date de la mise en demeure en application de l’article 1231-6 du code civil.

Les intérêts échus étant dus au moins pour une année entière, ils produiront intérêts au taux légal en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

En conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Desamis, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à verser à Me [E] ès qualités une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens. Ses demandes à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité des paiements effectués par la société Qualipose à la société Desamis entre le 15 février 2018 et le 31décembre 2018 ;

Condamne la société civile immobilière Desamis à payer à Me [Y] [P] [E] ès qualités la somme de 15 650 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2021;

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts au taux légal ;

Condamne la société civile immobilière Desamis aux dépens de première instance et d’appel;

Condamne la société civile immobilière Desamis à payer à Me [Y] [P] [E] ès qualités la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société civile immobilière Desamis de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La Présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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