Augmentation de capital : décision du 26 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/15031
Augmentation de capital : décision du 26 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 21/15031
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 3ème section

N° RG 21/15031 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVTJA

N° MINUTE : 8

Assignation du :
24 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 26 Janvier 2024
DEMANDEURS

Monsieur [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 6]

Madame [N] [U] épouse [G]
[Adresse 3],
[Localité 6]

Représentés par Maître Bertrand DE CAMPREDON de la SELARL GOETHE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0097

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. ELITE ASSET MANAGEMENT prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]

S.A. MMA IARD prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentées par Maître Arnaud PERICARD de la SELARL ARMA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B036

Décision du 26 Janvier 2024
9ème chambre – 3ème section
N° RG 21/15031 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVTJA

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur BERTAUX, Juge
Madame SAJIE, Vice-Présidente

assistés de Chloé GAUDIN, Greffière lors des débats et de Claudia CHRISTOPHE, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 24 Novembre 2023 tenue en audience publique devant Hadrien BERTAUX, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société MARANATHA SAS a été fondée par M. [Z] [F] en 2007 et a contrôlé et supervisé un important groupe hôtelier français entre 2007 et 2017, exploitant une cinquantaine d’hôtels, répartis plus particulièrement à [Localité 7] (21 hôtels), dans les Alpes (13 hôtels) et dans le Sud-Ouest de la France (20 hôtels).

Le groupe MARANATHA avait fait l’acquisition des fonds de commerce des hôtels précités en finançant ces acquisitions par des investisseurs individuels qui ont souscrit au capital de sociétés financières ayant elles-mêmes des participations dans les sociétés propriétaires desdits fonds de commerce.

C’est dans ce cadre que société ELITE ASSET MANAGEMENT est intervenue auprès de M. [Y] [G] et de Mme [N] [U], épouse [G]. En effet, société ELITE ASSET MANAGEMENT était spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine et est inscrit à l’ORIAS depuis le 27 novembre 2015 en qualité de conseiller en investissement financier.

C’est ainsi que le 13 décembre 2016, les époux [G] ont fait l’acquisition, respectivement de 150.000 actions de la société SAS HOTELIERE CHRISTIANIA pour un prix de 150.000 €, pour Mme [G] et de 100.000 actions de la même société pour un prix de 100.000 € pour M. [G]. Dans le cadre de cette opération, M. [G] a également fait l’acquisition de 40.000 actions de la société HOTELIERE ANTHEMIS pour un prix de 40.000 € le 22 mai 2017.

A compter de septembre 2017, la quasi-totalité des sociétés composant le « groupe MARANATHA » a été placée en redressement judiciaire et notamment les sociétés objet des investissements des demandeurs.

Par actes des 29 et 30 novembre 2021, les époux [G] ont fait assigner les sociétés ELITE ASSET MANAGEMENT et MMA IARD, son assureur, devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices.

Suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juin 2023, les époux [G] demandent au tribunal, à titre principal et au visa des articles 1134, 1135 et 1147, anciennement, du code civil, 541-8-1 du code monétaire et financier, 325-3, 325-4,325-5 et 325-7 du règlement général de l’AMF, dans leur rédaction applicable à l’espèce, de :

“DIRE que le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT a manqué à ses obligations d’informations à l’égard des demandeurs.

CONSTATER que les préjudices subis par les demandeurs, et en l’occurrence la perte de chance de ne pas investir, sont en lien direct avec les manquements du Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT,

CONSTATER l’existence du contrat d’assurance souscrit par le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT, auprès de la société MMA IARD.

CONFIRMER le principe de l’exécution provisoire, conformément aux principes de droits.

EN CONSEQUENCE ET A TITRE PRINCIPAL

CONDAMNER solidairement, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD en sa qualité d’assureur du défendeur, à payer à Monsieur [Y] [G] la somme de 80 000 € à titre de réparation de la perte de chance de ne pas investir dans les opérations HOTELIERE CHRISTIANIA et HOTELIERE ANTHEMIS.

CONDAMNER solidairement, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD en sa qualité d’assureur du défendeur, à payer à Madame [N] [U] épouse [G] la somme de 105 000 € à titre de réparation de la perte de chance de ne pas investir dans l’opération HOTELIERE CHRISTIANIA.

DIRE que les demandeurs pourront le saisir de nouveau concernant une éventuelle réparation complémentaire due par le cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et son assureur de leur perte de chance, en cas d’aggravation des préjudices financiers ayant servis de base à l’évaluation de leur perte de chance.

A TITRE SUBSIDIAIRE

CONSTATER qu’à hauteur de 185 000 €, le préjudice financier subi par les Demandeurs n’est pas sérieusement contesté,

CONDAMNER solidairement, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD en sa qualité d’assureur du défendeur, à payer à Monsieur [Y] [G] la somme de 80 000 € à titre de provision sur la fixation définitive du montant des dommages et intérêts dus au titre de la réparation de la perte de chance de ne pas investir dans les opérations HOTELIERE CHRISTIANIA et HOTELIERE ANTHEMIS.

CONDAMNER solidairement, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD en sa qualité d’assureur du défendeur, à payer à Madame [N] [U] épouse [G] la somme de 105 000 € à titre de provision sur la fixation défi nitive du montant des dommages et intérêts dus au titre de la réparation de la perte de chance de ne pas investir dans l’opération HOTELIERE CHRISTIANIA.

CONSTATER, que dans le cadre des opérations de reprise du groupe MARANATHA, les époux [G] pourraient subir un préjudice financier complémentaire qui viendra augmenter l’évaluation faite de leur perte de chance.

EN CONSEQUENCE

INVITER la partie la plus diligente à ressaisir le Tribunal de Céans concernant la fixation définitive des dommages et intérêts dus par le cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT à l’égard des demandeurs au titre de la perte de chance de ne pas investir subie par ces derniers, au regard des sommes qui seront finalement perçues ou non par ceux-ci, suite à la vente des hôtels dit « Hôtels contributeurs » du pôle historique, conformément au protocole de sécurisation convenu avec le fonds COLONY CAPITAL.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONDAMNER solidairement, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD à payer à Monsieur [Y] [G] la somme de 15 119 € à titre de réparation des gains manqués par ce dernier au titre des sommes investies par lui.

CONDAMNER solidairement, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD à payer à Madame [N] [U] épouse [G] la somme de 16 565 € à titre de réparation des gains manqués par ce dernier au titre des sommes investies par lui.

CONDAMNER solidairement le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD en sa qualité d’assureur du défendeur à payer à Monsieur [Y] [G] et à Madame [N] [U] épouse [G], la somme de 3336,00 € à titre de prise en charge des honoraires de son avocat assurant la défense de ses intérêts dans le cadre des procédures collectives affectant les investissements réalisés au sein du « groupe » MARANATHA.

CONDAMNER solidairement le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD en sa qualité d’assureur du défendeur, à payer à chaque des demandeurs, la somme de 2 000 € à titre de réparation des préjudices moraux subis par eux.

CONDAMNER in solidum, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD à payer aux époux [G], la somme de 8 000 € au titre de ses frais de procédure, conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

D’ASSORTIR l’ensemble des condamnations des intérêts légaux sur la totalité des sommes et de faire application de l’article 1154 du Code Civil concernant la capitalisation des intérêts.

CONDAMNER in solidum, le Cabinet ELITE ASSET MANAGEMENT et la société MMA IARD aux entiers dépens dont distraction à Me Bertrand DE CAMPREDON, avocat à la Cour d’Appel de Paris”.

Les époux [G] soutiennent que la société ELITE ASSET MANAGEMENT a manqué à ses obligations professionnelles découlant des règles du code monétaire et financier et du règlement général de l’AMF applicables à son activité de conseiller en investissement financier et plus généralement aux obligations découlant de son activité de gestion de patrimoine.

Ils précisent que la société ELITE ASSET MANAGEMENT a plus particulièrement manqué à ses obligations d’information et à ses obligations de conseil et leur a fait perdre une chance de ne pas souscrire à des opérations qui les exposaient à des risques excessifs de perte.

Ils font enfin valoir que la société MMA IARD, assureur de la société ELITE ASSET MANAGEMENT au titre de sa responsabilité professionnelle sera tenue de garantir le paiement des indemnités qui leur sont dues et résultant des défaillances professionnelles couvertes par l’assurance souscrite.

Suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 07 septembre 2023, les sociétés ELITE ASSET MANAGEMENT et MMA IARD demandent au tribunal, à titre principal et au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, de :

“Juger qu’ELITE n’a pas commis de faute à l’égard des époux [G] lors de leurs investissements dans la SAS Hôtelière Christiania et la SCA Hôtelière Anthémis,

Juger que les époux [G] ne rapportent pas la preuve de l’existence d’un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre ces préjudices et les fautes alléguées,

Débouter en conséquence les époux [G] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre MMA,

A titre subsidiaire,

Vu les articles 771, 378 et 74 du Code de procédure civile,

Se déclarer matériellement incompétent pour statuer sur les demandes de sursis à statuer et d’allocation d’une provision,

Déclarer la demande de sursis à statuer formulée par les époux [G] irrecevable pour ne pas avoir été soulevée in limine litis,

Débouter en conséquence les époux [G] de leurs demandes de sursis à statuer et d’allocation d’une somme de 185.000 euros à titre de provision,

A titre très subsidiaire,

Dans l’hypothèse où le Tribunal entrerait en voie de condamnation à l’encontre des concluantes,

Rejeter l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

En tout état de cause,

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner in solidum les époux [G] à verser à ELITE et MMA la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,”

Les défenderesses soutiennent que la responsabilité de la société ELITE ASSET MANAGEMENT n’est pas établie ; qu’en effet, celle-ci n’a commis aucune faute, qu’elle a exécuté ses obligations d’information, étant entendu qu’il était impossible au jour des investissements litigieux, d’anticiper la déconfiture de Maranatha, que M. [G] présentait un profil d’investisseur averti et que les demandeurs ont souscrit au produit en ayant parfaitement connaissance des risques et de la situation financière de Maranatha, que le préjudice invoqué n’est pas justifié et que le lien de causalité entre la prétendue faute et le préjudice n’est pas démontré.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus des moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 06 octobre 2023, l’affaire appelée à l’audience du 24 novembre, et mise en délibéré au 19 janvier 2024, puis prorogée au 26 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera rappelé, à titre liminaire, qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de “dire/juger/constater” qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d’entraîner des conséquences juridiques au sens de l’article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions, et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

Il convient de souligner en outre qu’aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, “les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées”.

Sur le principe de la responsabilité du conseiller en investissement financier

Aux termes de l’article L.533-13 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux faits, « I. – En vue de fournir le service de conseil en investissement ou celui de gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d’investissement s’enquièrent auprès de leurs clients, notamment leurs clients potentiels, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers adaptés ou gérer leur portefeuille de manière adaptée à leur situation.
Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations requises, les prestataires s’abstiennent de leur recommander des instruments financiers ou de leur fournir le service de gestion de portefeuille pour compte de tiers.

II. – En vue de fournir un service autre que le conseil en investissement ou la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, les prestataires de services d’investissement demandent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, des informations sur leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement, pour être en mesure de déterminer si le service ou le produit proposés aux clients ou demandés par ceux-ci leur conviennent.

Lorsque les clients, notamment les clients potentiels, ne communiquent pas les informations nécessaires ou lorsque les prestataires estiment, sur la base des informations fournies, que le service ou l’instrument ne sont pas adaptés, les prestataires mettent en garde ces clients, préalablement à la fourniture du service dont il s’agit.

III. – Les prestataires de services d’investissement peuvent fournir le service de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers ou le service d’exécution d’ordres pour le compte de tiers sans appliquer les dispositions du II du présent article, sous les conditions suivantes
1. Le service porte sur des instruments financiers non complexes, tels qu’ils sont définis dans le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;
2. Le service est fourni à l’initiative du client, notamment du client potentiel ;
3. Le prestataire a préalablement informé le client, notamment le client potentiel, de ce qu’il n’est pas tenu d’évaluer le caractère approprié du service ou de l’instrument financier ;
4. Le prestataire s’est conformé aux dispositions du 3 de l’article L. 533-10. ».

En outre, selon l’article L.541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable aux faits : « Les conseillers en investissements financiers doivent :
1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ;
2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ;
3° Etre dotés des ressources et procédures nécessaires pour mener à bien leurs activités et mettre en œuvre ces ressources et procédures avec un souci d’efficacité ;
4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ou les clients potentiels ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question;
5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, la nature juridique et l’étendue des éventuelles relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations.
Ces règles de bonne conduite sont précisées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
Les codes de bonne conduite mentionnés à l’article L. 541-4 doivent respecter ces prescriptions qu’ils peuvent préciser et compléter. »

Il sera rappelé qu’en sa qualité de conseiller en investissement financier, la société PERENNITY est tenue aux obligations énoncées, au titre des règles de bonne conduite, par les articles 325-3 à 325-9 du règlement général de AMF devant être intégrés dans le code de bonne conduite de l’association agréée à laquelle a adhéré le conseiller en investissement financier en application de l’article L. 541-4 du code monétaire et financier ainsi que par l’article L.541-8-1 du code monétaire et financier.

Le règlement général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), dans sa version applicable à l’espèce, prévoit :

– en son article 325-3, que “lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, le conseiller en investissements financiers lui remet un document comportant les mentions suivantes :

1. Son nom ou sa dénomination sociale, son adresse professionnelle ou celle de son siège social, son statut de conseiller en investissements financiers et son numéro d’immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 546-1 du code monétaire et financier ;

2. L’identité de l’association professionnelle à laquelle il adhère ;

3. Le cas échéant, sa qualité de démarcheur et l’identité du ou des mandants pour lesquels il exerce une activité de démarchage ;

4. Le cas échéant, l’identité du ou des établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier avec lesquels il entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale ;

5. Le cas échéant, tout autre statut réglementé dont il relève”,

– en son article 325-4, qu’avant de formuler un conseil, le conseiller en investissements financiers soumet à son client une lettre de mission, rédigée en double exemplaire et signée par les deux parties. La lettre de mission, rédigée conformément à un modèle type élaboré par l’association à laquelle le conseiller en investissements financiers adhère, comporte notamment les indications suivantes :

1. La prise de connaissance par le client du document mentionné à l’article 325-3 ;

2. La nature et les modalités de la prestation, en adaptant la description de celle-ci à la qualité de personne physique ou morale du client ainsi qu’à ses caractéristiques et motivations principales ;

3. Les modalités de l’information fournie au client, en précisant, lorsque la relation est appelée à devenir durable, les dispositions spécifiques convenues en matière de compte rendu de l’activité de conseil et d’actualisation des informations mentionnées aux 3° et 4° de l’article 325-3 ;

4. Les modalités de la rémunération du conseiller en investissements financiers, en précisant, s’il y a lieu, le calcul des honoraires correspondant à la prestation de conseil et l’existence d’une rémunération perçue de la part des établissements mentionnés au 4° de l’article 325-3 au titre des produits acquis à la suite des conseils prodigués.

Un exemplaire de la lettre est remis au client après signature,

– en son article 325-5, que toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, émises par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur. Elles sont présentées de manière équilibrée,

– en son article 325-7, que le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. Ces propositions se fondent sur :

1. L’appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière;

2. Les objectifs du client en matière d’investissements.

Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client.

Il en résulte que le conseiller en investissement financier est tenu à l’égard de son client, avant toute réalisation d’une opération ou d’un investissement, d’une obligation de conseil lui imposant de s’informer non seulement sur les produits qu’il propose mais également sur les connaissances, les capacités financières et les objectifs de son client afin de lui soumettre la proposition d’investissement la mieux adaptée à sa situation personnelle. Il est tenu à cet égard d’une obligation d’information orientée consistant à faire part à son client, après prise en compte de tous les paramètres qu’il a veillés à identifier et vérifier, de l’opportunité d’effectuer ou non une opération ou un investissement. Il est tenu d’une obligation de mise en garde lorsque les conditions propres à celle-ci étaient réunies.

Il incombe au conseiller en investissement financier d’apporter la preuve qu’il a satisfait à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde lorsque cette dernière est due.

En l’espèce, il convient de relever que :

– les demandeurs ont signé des lettres d’entrée en relation et de mission avec la société ELITE ASSET MANAGEMENT le 14 octobre 2016, cette dernière étant intervenue en qualité de conseiller en investissement financier avec notamment pour mission d’assister et de conseiller les époux [G] dans le choix de différents types d’instruments financiers susceptibles de réaliser leur objectif d’investissement financier, aucune étude ou synthèse patrimoniale de ces derniers n’étant versée aux débats,

– par mail du même jour, le conseiller en investissement financier a recommandé à M. [G] le produit “club deal capitalisation” proposé par le groupe Maranatha, lequel comprend notamment en pièce jointe une notice d’information relative au produit financier ainsi qu’un rapport financier du groupe Maranatha pour l’exercice clos le 30 septembre 2015 et précise, au titre des garanties, que la garantie contractuelle est conditionnée à la solvabilité du groupe, sans plus alerter sur les risques liés à la souscription de ce produit,

– le produit “club deal capitalisation” constitue un investissement ayant pour sous-jacent unique l’hôtel Christiania, avec pour objectif de faire participer l’investisseur à l’acquisition de cet hôtel et à la création de valeur qui sera réalisée sur ce dernier, la souscription aux actions lui permettant de pouvoir bénéficier, en contre-partie de risques, d’un rendement dans les conditions prévues par une promesse de vente des actions au bénéfice de la société Maranatha, celle-ci disposant ainsi d’une option d’achat des titres, ledit rendement étant, pour une “sortie” à l’issue de la :

* 5ème année échue de détention (des titres) : de 140,25% au prorata temporis,
* 6ème année échue : de 150,07% au prorata temporis,
* 7ème année : de 160,57% au prorata temporis,
* 8ème année : de 171,81% au prorata temporis,

– toutefois, était jointe au bulletin de souscription une notice d’information sur le produit “club deal capitalisation” – HOTELIERE CHRISTINA mentionnant, au titre des principaux facteurs de risque :

* un risque lié à la solvabilité du “fondateur” (la société Maranatha) et plus généralement du groupe Maranatha, soit, en cas de difficultés économiques sérieuses : le fondateur ne pourrait plus être en capacité de racheter les actions au titre de la promesse et, par voie de conséquence, ne plus être en mesure d’offrir à l’investisseur le rendement escompté, ses engagements envers l’investisseur ne faisant pas l’objet d’une caution ou d’une garantie,

* l’indépendance des risques pris par l’investisseur vis-à-vis de la situation économique de l’hôtel, soit : la solvabilité du fondateur et du groupe Maranatha dans son ensemble constitue le principal risque auquel s’expose l’investisseur ; “la possibilité de sortir et de percevoir un rendement est en effet indépendante de la situation économique de l’hôtel dans la mesure où le rendement espéré est uniquement lié à l’exercice de la promesse [option fondateur correspondant à la promesse de vente consentie par l’investisseur au bénéfice du fondateur dans les conditions prévues par l’accord contractuel] par le fondateur, qui ne détient pas la propriété de l’hôtel. En cas de non exercice de l’option fondateur, il ne peut être garanti que l’investisseur pourra céder ses titres à un prix lui permettant de recouvrir le capital investi et de générer le rendement escompté”,

* les mécanismes de sortie, soit : jusqu’au 1er janvier 2022, l’investisseur peut sortir s’il le souhaite en cédant ses titres à Maranatha SAS si ce dernier consent à acquérir ses titres, cette possibilité de sortie restant “à la discrétion de Maranatha SAS” ; à compter du 1er janvier 2022, “l’investisseur ne peut sortir que si le fondateur exerce l’option fondateur. Si le fondateur n’exerce pas l’option fondateur, l’investisseur s’expose au risque de ne pouvoir céder ses actions, ni percevoir de rendement”, étant ainsi relevé des risques : 1) d’inaliénabilité partielle, soit l’interdiction de céder, pour l’investisseur, ses actions à des personnes autres que la société Maranatha et 2) d’illiquidité, soit de la possibilité exclusive, à compter du 1er janvier 2022, de céder lesdites actions à la société Maranatha en cas d’exercice par cette dernière de son option,

* le mécanisme de rendement : le rendement ne peut être perçu qu’à la revente des actions dans le cadre de la promesse ; “les rendements stipulés dans la présente notice lors de la sortie des investisseurs, dans les conditions décrites également dans cette notice, constituent des rendements espérés. Ces rendements espérés ne peuvent pas constituer un indicateur fiable des rendements qui seront constatés lors de la sortie de l’émetteur. Ces rendements ne sont donc pas garantis. En outre, le délai entre la collecte des fonds dans le cadre de la présente augmentation de capital et leur investissement dans l’hôtel Christiania est susceptible d’affecter défavorablement la rentabilité des fonds investis”,

– le conseiller en investissement financier a également joint, comme il a été dit, un projet de rapport financier du groupe Maranatha portant sur l’exercice clos au 30 septembre 2015 mentionnant, malgré des perspectives considérées comme favorables, un résultat financier de “- 2,9 M € [provenant] principalement des intérêts d’emprunt (…) Après prise en compte des amortissements sur actifs pour 15.6 M € ; reflet de la politique du groupe en matière d’investissement et de rénovation et de 4.2M € de charges et produits exceptionnels (…) l’exercice ce solde par une perte de 19.2 M € et un cash-flow de 646 k €. Ce résultat en demi-teinte est lié à la croissance externe du groupe avec l’acquisition de 6 établissements (…) mais surtout à des rénovations importantes du parc. Il est à noter qu’à périmètre équivalent, avec les 41 établissements consolidés dans le portefeuille de Maranatha l’année dernière, le chiffre d’affaires connaît une évolution de +46%. Néanmoins, le résultat d’exploitation est négatif cette année en raison d’une très forte augmentation des amortissements des travaux réalisés”,

– les échanges de mails entre M. [G] et le conseiller en investissement financier, s’ils révèlent des interrogations du souscripteur permettant au demeurant d’établir, et à tout le moins, que ce dernier était averti, sont postérieurs à la souscription des produits litigieux et n’ont pas impacté la décision de M. [G] de souscrire un nouveau produit postérieurement à ces interrogations,

– la notice d’information jointe au bulletin de souscription d’engagement de libération d’apport (produit “club deal valorisation ANTHEMIS”), précise, au titre des risques relatifs à la souscription, des problématiques quasi-identiques à celles figurant dans l’opération “club deal capitalisation” – HOTELIERE CHRISTINA.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments :

– en premier lieu, que le seul défaut de communication d’une lettre de mission et d’un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent, ainsi que d’un bilan patrimonial ne saurait suffire à faire la preuve d’une faute s’il n’est pas établi que l’investisseur a effectivement souffert d’un défaut d’information à l’origine de son préjudice et ce, étant relevé que la lettre d’entrée en relation et de mission étaient adressées tant à M. qu’à Mme [G],

– en second lieu, que les époux [G] avaient parfaitement conscience que les risques de l’opération pesaient sur la capacité de la société Maranatha et ne peuvent ainsi raisonnablement prétendre avoir ignoré que la rentabilité de l’investissement était exposée au risque de défaillance de ce groupe, de sorte qu’aucun défaut d’information et de conseil quant à la fragilité du monteur d’un investissement financier ou quant au montage proposé ne saurait être reproché au conseiller en investissement financier,

– en troisième lieu, que les obligations de ce conseiller se limitent à l’état des connaissances au jour où l’opération s’est réalisée, celui-ci n’étant en outre pas garant de la bonne exécution du contrat.

– en dernier lieu, que compte tenu des données dont disposait la société ELITE ASSET MANAGEMENT au jour de la réalisation de l’investissement, consistant notamment dans les informations à elle fournies par la société Maranatha, la croissance régulière des activités de celle-ci, les performances reconnues notamment dans la presse à cette société, et les connaissances manifestes de M. [G], les demandeurs ne sont pas fondés à reprocher à la société ELITE ASSET MANAGEMENT d’avoir manqué à son obligation de conseil, d’information et de mise en garde.

En conséquence, les demandes des époux [G] seront rejetées.

Sur les autres demandes

Les époux [G], partie succombant à la présente instance, seront condamnés aux dépens.

L’équité commande cependant de débouter les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe, et en premier ressort,

DEBOUTE M. [Y] [G] et Mme [N] [U], épouse [G] de l’intégralité de leurs demandes ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédue civile ;

CONDAMNE M. [Y] [G] et Mme [N] [U], épouse [G] aux dépens ;

Fait et jugé à Paris le 26 Janvier 2024

Le GreffierLe Président

 


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