Augmentation de capital : décision du 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/02268
Augmentation de capital : décision du 24 novembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/02268
Ce point juridique est utile ?

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp + GROSSES le 24 NOVEMBRE 2022 à

la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC

la SELARL ACTANCE

– ABL

ARRÊT du : 24 NOVEMBRE 2022

N° : – 22

N° RG 20/02268 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GHPA

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORLEANS en date du 29 Octobre 2020 – Section : INDUSTRIE

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [X] [U]

né le 24 Octobre 1963 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Pascal LAVISSE de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GAFTONIUC, avocat au barreau d’ORLEANS

ET

INTIMÉE :

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE La SAS SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE vient aux droits de la société ALOMBARD

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Emeric SOREL de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, Me Aurélie VERGNE, avocat au barreau d’ORLEANS

Ordonnance de clôture :1er septembre 2022

A l’audience publique du 08 Septembre 2022

LA COUR COMPOSÉE DE :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.

Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et le 24 NOVEMBRE 2022, Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier, a rendu l’arrêt par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [U], né en 1963, a été engagé par la SAS Alombard le 02 décembre 1982, en qualité de magasinier, qualification ouvrier, niveau II, échelon 3, coefficient 190 selon contrat de travail à durée indéterminée non communiqué. Il exerçait ses fonctions sur le site Alombard de [Localité 8] (45).

La société est spécialisée dans la fabrication d’appareillage électrique modulaire (prises de courant et interrupteurs, appelées ‘PCI’, et boîtes d’encastrement, dites ‘boîtes’). Elle relève de la convention collective des industries métallurgiques du Loiret et est devenue en 2002, aux termes d’une série d’acquisitions, une filiale de la société Schneider Electric France sous la marque Schneider Electric. Elle comptait 152 salariés au 1er janvier 2011.

A l’occasion de la réunion du comité d’entreprise de la société le 20 janvier 2011, le groupe Schneider Electric a annoncé sa décision de l’interruption de l’activité sur le site d’Alombard à [Localité 8] fin 2012.

Un projet de licenciements collectifs pour motif économique et un plan de sauvegarde de l’emploi ont alors été mis en oeuvre.

Le 6 juin 2013, M. [U] s’est vu notifier son licenciement économique pour arrêt d’activité et impossibilité de reclassement après une dispense d’activité rémunérée à compter du 5 novembre 2012.

Par requête en date du 16 juillet 2013, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans aux fins de contester son licenciement et obtenir diverses sommes en conséquence. Le conseil de prud’hommes par décision du 12 février 2015 a ordonné la radiation de l’affaire pour défaut de diligence. M. [U] a fait réinscrire l’affaire le 2 février 2017 mais une nouvelle radiation pour les mêmes motifs est intervenue le 21 septembre 2017.

L’affaire a finalement été réinscrite au rôle le 14 novembre 2019 et par jugement du 29 octobre 2020, le conseil de prud’hommes d’Orléans, section industrie, a :

– Dit que le Iicenciement de M. [U] pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– Dit que la SAS Alombard, devenue la SAS Schneider Electric France, a respecté son obligation en matière de reclassement,

– Dit qu’il n’y a pas lieu au versement d’une indemnité complémentaire à l’indemnité de licenciement,

En conséquence,

– Débouté M. [U] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamné M. [U] à verser à la SAS Schneider Electric France venant aux droits de la SAS Alombard la somme de 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné M. [U] aux entiers dépens.

M. [U] a régulièrement interjeté appel le 4 novembre 2020 de cette décision, qui lui a été signifiée par voie d’huissier, en toutes ses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions (n°2) remises au greffe par voie électronique le 12 juillet 2021, M. [U] demande à la cour de :

> Le déclarer recevable en son appel, ainsi qu’en toutes ses demandes, fins et conclusions;

> Prendre acte de ce que la SAS Schneider Electric France vient désormais aux droits de la société Alombard par suite d’une décision du 28 octobre 2015 de l’associé unique de cette dernière procédant à sa dissolution sans liquidation avec transmission universelle de son patrimoine à la SAS Schneider Electric France ;

> Infirmer le jugement critiqué du 29 octobre 2020, en ce que le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement prononcé à son encontre pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– dit que la société Alombard, devenue la SAS Schneider Electric France a respecté son obligation en matière de reclassement ;

– l’a, en conséquence, débouté de l’ensemble de ses demandes ;

– l’a condamné à payer à la SAS Schneider Electric France venant aux droits de la SAS Alombard la somme de 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– l’ a condamné aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

> Juger infondé le motif économique invoqué par la SAS Alombard, aux droits de laquelle vient la SAS Schneider Electric France, pour justifier la mesure de licenciement prononcée à son égard ;

> Déclarer que la SAS Alombard a manqué à son obligation de recherche loyale et sérieuse de reclassement ;

> Juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour prétendu motif économique prononcé à son égard en date du 6 juin 2013 ;

> Requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse la rupture du contrat de travail intervenue dans ces conditions ;

> Déclarer M. [U] bien fondé en sa demande en paiement de l’indemnité complémentaire de licenciement par application des dispositions de l’article 3.5 de la 2ème partie du PSE ;

> Juger y avoir lieu au versement de cette indemnité complémentaire à son profit ;

En conséquence :

> Condamner la SAS Schneider Electric France venant aux droits de la SAS Alombard à lui verser :

– 9 599 euros à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 120 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

> Ordonner la remise par la SAS Schneider Electric France de bulletins de paie et documents de rupture rectifiés, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard passé le délai de 15 jours compter de sa notification ;

> Condamner la SAS Schneider Electric France à lui verser une somme de 3500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 2500 € au titre des frais irrépétibles d’appel ;

> Condamner la SAS Schneider Electric France aux entiers dépens, de première instance comme d’appel, en ce compris le coût de signification de la citation à comparaître faite à celle-ci ;

> Débouter la SAS Schneider Electric France de toutes ses demandes contraires et éventuel appel incident.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 03 mai 2021, la SAS Schneider Electric France, venant aux droits de la SAS Alombard, relevant appel incident, demande à la cour de :

> Constater que le licenciement de M. [U] est motivé par la cessation de l’activité de la SAS Alombard ;

> Constater que le licenciement de M. [U] pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;

> Constater que la SAS Alombard a respecté son obligation en matière de reclassement;

En conséquence,

> Confirmer dans son intégralité le jugement du 29 octobre 2020 en ce qu’il a débouté M. [U] de l’intégralité de ses demandes ;

> Condamner M. [U] à lui verser la somme de 1 500 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur les demandes au titre du licenciement pour motif économique

Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version en vigueur du 27 juin 2008 au 1er décembre 2016, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

La Cour de cassation y a ajouté deux motifs, la réorganisation d’une entreprise si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, ainsi que la cessation d’activité si elle est définitive et totale.

Il appartient à l’employeur de démontrer la réalité du motif économique de licenciement invoqué dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l’espèce, M. [U] estime avoir fait l’objet d’un licenciement injustifié dans la mesure où sa lettre de licenciement ne mentionne aucunement un quelconque arrêt de l’activité, partielle ou totale, définitif ou non.

Il ajoute qu’au surplus, les relations entre Alombard et Schneider Electric France illustrent une confusion d’intérêts, d’activité et de direction, se manifestant notamment par une immixtion de la seconde dans la gestion économique et sociale de la première, de sorte que doit être retenue à son égard une situation de co-emploi entre les deux sociétés et que la simple cessation d’activité de la société Alombard ne saurait suffire à caractériser le motif économique de son licenciement en dehors de toute démonstration de difficultés économiques, mutations technologiques ou nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur du groupe Schneider Electric.

Il conteste la cessation définitive d’activité de la SAS Alombard et affirme que la société Alombard a ouvert un nouvel établissement à [Localité 5] d’avril 2013 à mars 2016, poursuivant ainsi son activité avec une augmentation de capital social le 22 décembre 2014 avant sa dissolution, sans liquidation, avec transmission universelle de patrimoine à la société Schneider Electric France, son associé unique, suivant décision du 28 octobre 2015.

Il prétend ensuite qu’en réalité c’est la décision du groupe de délocaliser en Espagne sa production qui l’a conduit à cesser tout investissement sur le site d’Alombard, qui a été démantelé progressivement, ce qui a entraîné la baisse de chiffre d’affaires invoquée pour justifier a posteriori la fermeture du site. Il voit dans ce procédé une légèreté blâmable de l’employeur l’empêchant de se prévaloir valablement de la cessation d’activité en découlant comme motif du licenciement économique querellé.

Il conteste enfin l’existence de difficultés économiques ou de menaces réelles sur la compétitivité du groupe et considère au vu des résultats de Schneider Electric notamment en avril 2011 que le projet de restructuration visait uniquement à continuer de délivrer une croissance solide et rentable.

De son côté, l’employeur conteste ne pas avoir visé ou motivé la cessation d’activité de la société Alombard dans la lettre de licenciement de M. [U] et rappelle qu’il s’agit d’un motif économique autonome. Il se défend par ailleurs de toute faute ou légèreté blâmable, soulignant qu’il n’appartient pas au juge d’apprécier le choix opéré par l’employeur entre les différentes solutions de réorganisations possibles. À cet égard, il réfute toute délocalisation vers des pays émergents et fait valoir que les données chiffrées permettant d’appréhender la santé financière doivent s’apprécier au niveau du secteur d’activité du groupe auquel la société appartient, en l’occurrence le seul secteur PCI et boîtes d’encastrement. Or, selon lui, le positionnement du groupe sur le marché des boîtes face à ses concurrents, son offre éclatée et vieillissante et le recul de ses ventes et de son chiffre d’affaires en la matière justifiaient de réorganiser la production autour de nouvelles gammes innovantes harmonisées au sein du groupe afin de gagner des parts de marché et de simplifier les flux. Il explique s’être alors orienté, à l’instar de ses concurrents, vers une production basée sur le concept de plate-forme impliquant le choix de sites de production distincts, par typologie de produits ou de technologies ; c’est dans cette logique que, selon lui, le site de [Localité 7] en Espagne a été désigné comme usine pour la réalisation de la plate-forme PCI Odace venant en substitution des offres Alvais (produites par Alombard) et les interrupteurs et prises Unica afin d’amortir les investissements engagés dans le développement de cette offre et d’utiliser des sous-ensembles et procédés industriels communs aux offres déjà en place à [Localité 7].

Il s’avère que les termes de la lettre de licenciement de M. [U] sont ainsi exposés: ‘Nous vous rappelons les orientations stratégiques ci-dessous ayant pour conséquence la fermeture de la filiale Alombard …. l’activité de notre société Alombard SAS a été impacté par la crise économique dont les effets se sont faits ressentir dès le premier trimestre 2010 avec une décroissance sur l’ensemble de ses gammes. Notre société a ainsi vu son chiffre d’affaires régulièrement diminuer. Le projet de réorganisation envisagée afin de sauvegarder la compétitivité de notre société prévoit le transfert des activités d’Alombard à fin 2012.’

Force est de constater que la lettre de licenciement de M. [U] évoque à la fois la fermeture de la filiale et le transfert de ses activités, ce qui peut être source de confusion.

Pour autant, si l’on considère que le transfert des activités est la résultante de la fermeture de la filiale, la cessation d’activité sous-jacente doit néanmoins être totale et définitive, sans procéder d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur pour constituer un motif autonome de licenciement économique et que celui-ci n’ait pas à justifier des raisons qui l’ont conduit à cette décision. Il appartient au juge de vérifier la réalité de ce motif économique invoqué.

Sur la question de la cessation d’activité, il doit être relevé que la société Schneider Electric France procède par voie d’affirmation et n’apporte aucun élément de contradiction aux moyens avancés par le salarié d’une cessation seulement partielle d’activité de la SAS Alombard, laquelle a perduré plusieurs années après le licenciement de M. [U].

Or, il résulte des pièces versées aux débats par le salarié que si les courriers qui lui ont été adressés pendant la procédure de licenciement émanent de la SAS Alombard, immatriculée au RCS d’Orléans (45) sous le n° 433 681 467 00026, ses bulletins de salaires communiqués ont été émis par Alombard [Adresse 9] (92), établissement enregistré sous le n°433 681 467 00034 auprès du RCS de Créteil, créé le 28 février 2013 et fermé le 2 mars 2016 bien après celui de [Localité 8]. Il apparaît également que l’établissement de la région parisienne présentait tous les signes d’une poursuite d’activité avec des effectifs et un chiffre d’affaires, même s’ils étaient réduits. Enfin, il est avéré que la SAS Alombard n’a été dissoute que le 8 décembre 2015 aux termes d’une opération de transmission universelle au profit de la SAS Schneider Electric France, associé unique.

Dans ces conditions, il ne peut être admis, en l’absence de tout élément objectif et vérifiable apporté par la société Schneider Electric quant à la cessation définitive et totale de la SAS Alombard, que celle-ci soit effective et retenue comme motif autonome du licenciement économique de M. [U]. Il convient dès lors d’examiner le projet de réorganisation envisagée afin de sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe Schneider Electric France pour apprécier du bien fondé des motifs du licenciement économique querellé.

La réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité n’implique pas l’existence de difficultés économiques actuelles mais celle d’une menace sur la compétitivité de l’entreprise ou le secteur d’activité du groupe nécessitant une anticipation des risques et le cas échéant, des difficultés à venir.

Il ressort des débats et il n’est pas contesté que les gammes de produits PCI (Alvais, Alcyon, Alréa et Altira) et Boites d’encastrement (Multiflix, Airtight, Alfix, DCL et Préfal) fabriqués sur le site de l’usine d’Alombard représentaient respectivement 81% et 18 % de son activité en 2010 mais ont enregistré une décroissance entre 2008 et 2010, ce qui a fait chuter le chiffre d’affaires de -25,5 % ou -28,6 % selon si l’on tient compte du CA “divers” sur la même période.

L’employeur justifie de la réalité des chiffres qu’il avance par la production des bilans et annexes aux comptes annuels de sa filiale pour les exercices 2006 à 2010. Il en résulte une alternance de résultats positifs ou négatifs, l’année 2008 se concluant par une perte de 214 994 euros, l’année 2009 par un bénéfice de 1 182 759 euros et l’année 2010 par une nouvelle perte de 904 115 euros.

Toutefois, ainsi que le fait remarquer l’expert comptable auprès du comité d’entreprise, sans être contredit, ces constatations sont à mettre en perspective avec l’évolution du chiffre d’affaires global des mêmes gammes et produits (PCI et boites) du groupe, qui reflète une baisse générale, la plus forte se trouvant en Espagne avec – 41%, ce qui n’a pas empêché l’employeur d’y engager des investissements en équipements industriels de 14 M€ en vue d’instaurer une plateformisation des produits à l’instar de son principal concurrent, le groupe Legrand. Il doit cependant être constaté que selon l’extrait du document de référence 2011 de ce dernier, son positionnement de leader s’explique principalement par une réorganisation autour d’un Front Office et d’un Back Office dès la fin de l’année 2001, la mise en place de plates-formes produits n’étant qu’un élément parmi d’autres pour augmenter la performance industrielle.

Au surplus, il s’évince d’une documentation complémentaire fournie par l’employeur à la demande du cabinet comptable du comité d’entreprise que les parts de marché des PCI de Schneider Electric sont restées relativement stables en France : 11 % en 2010 contre 12 % en 2008, même si une baisse est apparue s’agissant de la gamme Alcyon (-4%) mais le haut de gamme a augmenté (+ 3%) tandis que le milieu de gamme s’est maintenu. Quant au secteur des PCI en Europe, il n’est pas permis à la cour d’en mesurer l’évolution, dans la mesure où les éléments versés aux débats par l’employeur, tels qu’issus du document remis au comité d’entreprise le 20 janvier 2010, ne sont ni sourcés ni datés.

Quant aux boites, l’employeur affirme sans en justifier qu’elles souffrent d’une tendance négative et que son principal concurrent le devance désormais.

Enfin, c’est avec pertinence que le salarié relève que l’argumentaire du groupe Schneider ne tient pas compte de la reprise économique et d’un marché reparti à la hausse dans le secteur du bâtiment ou à tout le moins de “l’absence de détérioration marquée de l’environnement économique” comme cela ressort de l’extrait de l’assemblée générale mixte du groupe Legrand en date du 25 mai 2012, qui entend confirmer ses objectifs pour l’année 2012 après une croissance totale de 9,2 % en 2011. Il sera observé que les chiffres n’étaient pas moins encourageants pour Schneider Electric France l’année précédente qui affichait lors de son assemblée générale mixte 11,8 % de croissance en 2010.

En conséquence de ces constatations et en l’absence d’éléments pertinents de comparaison avec ses principaux concurrents, il n’apparaît pas que la compétitivité du secteur d’activité PCI/ Boites du groupe Schneider Electric France soit réellement menacée et justifie de prendre des mesures d’anticipation des risques et de difficultés éventuelles.

Ainsi, le licenciement de M. [U] sera considéré comme dénué de cause réelle et sérieuse, la fermeture définitive et totale n’étant pas avérée d’une part et la nécessité de réorganiser l’entreprise pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité du groupe Schneider Electric France auquel elle appartient n’étant pas caractérisée d’autre part.

La décision déférée sera donc infirmée sans qu’il soit nécessaire d’examiner de plus amples moyens, désormais sans objet.

Lors de son licenciement, M.[U] était âgé de 50 ans et présentait 31 ans d’ancienneté. Il peut donc prétendre en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, à des dommages et intérêts qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des six derniers mois. Il justifie qu’il a subi un perte conséquente de revenus jusqu’en mars 2015, ne percevant que l’ARE, puis a retrouvé un emploi de mai 2016 à juillet 2019 pour une rémunération inférieure avant de se retrouver de nouveau sans emploi stable. Il lui sera donc alloué la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice découlant de sa perte d’emploi injustifiée.

2 – Sur les demandes au titre du complément d’indemnité de licenciement

Selon l’article 3.5 du PSE, intitulé ‘Indemnités de licenciement’, ‘le salarié qui n’a pas pu donner suite à des propositions de reclassement interne à moins de 120 km bénéficiera à la date de la rupture de contrat de travail d’une indemnité de départ équivalente à l’indemnité conventionnelle de licenciement pour motif économique avec des planchers spécifiques…

Pour les salariés ayant une ancienneté de 25 ans à 34 ans, l’indemnité de rupture du contrat de travail ne pourra être inférieure à 30’000 euros.

Le montant des indemnités qui excédera celui de l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement sera soumis à la CSG/CRDS… conformément à la loi de finances de décembre 2010, les indemnités de rupture sont exonérées de cotisations sociales dans la limite de trois fois le plafond annuel de la Sécurité sociale.’

En l’espèce, M. [U] sollicite la somme de 9599 euros en complément de celle de 20’400,61 euros perçue à titre d’indemnité de licenciement. Il fait valoir que compte tenu de son ancienneté, supérieure à 30 ans, il devait bénéficier des dispositions de l’article 3.5 de la deuxième partie du PSE et percevoir une indemnité de licenciement qui ne pouvait être inférieure à 30’000 euros. Il estime que c’est par une erreur manifeste d’appréciation que l’employeur lui oppose qu’il n’est pas éligible à ce dispositif au motif qu’aucune proposition de reclassement sur un poste situé à moins de 120 km ne lui a été faite dans la mesure où les dispositions querellées ne précisent pas les motifs de l’impossibilité. A cet égard, il rappelle qu’il a été mis dans l’impossibilité matérielle de donner suite à une proposition de poste situé à moins de 120 km du seul fait de son employeur. Il demande encore à bénéficier du complément d’indemnité hors assujettissement aux cotisations sociales dont le plafond était en 2014 de 37 548 euros et hors CSG/CRDS, faute de connaître la portion d’indemnité concernée.

De son côté, l’employeur soutient qu’il ressort des dispositions du PSE visé que Monsieur [U] ne saurait prétendre à l’indemnité querellée dans la mesure où, résidant à [Localité 4] dans le Loiret (45), l’ensemble des postes qui lui ont été proposées étaient situés à plus de 120 km de son domicile. Il ajoute qu’au surplus, l’indemnité majorée prévue par le PSE n’était pas nette mais brute.

L’article 3 de la deuxième partie du PSE intitulé ‘l’accompagnement des salariés licenciés pour motif économique’ s’inscrit pleinement dans la démarche du PSE en envisageant les différentes possibilités pour limiter autant que possible le nombre de licenciements contraints ; il prévoit notamment, le cas échéant au point 3.5, des indemnités de licenciement pour le salarié qui n’a pas pu donner suite à des propositions de reclassement interne à moins de 120 km. Dès lors, au regard de l’esprit du PSE et en l’absence de plus amples précisions sur la nature de l’impossibilité, il doit être admis que le versement de l’indemnité de départ équivalente à l’indemnité conventionnelle de licenciement pour motif économique vise à réparer un préjudice né d’un potentiel éloignement, faute d’avoir pu bénéficier d’un reclassement proche ; ainsi, c’est à bon droit que M. [U] réclame le paiement d’un complément sur ce fondement dans la mesure où il n’est contesté que les cinq propositions de reclassement qui lui ont été faites se situaient toutes à plus de 120 km de son domicile.

Le montant réclamé s’avère être en brut, ce qui est conforme à la partie principale déjà versée à savoir 20 400.61 euros brut. La décision déférée sera donc infirmée sur ce point et la société sera condamnée à payer à M. [U] la somme de 9599 euros à ce titre.

3 – Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles :

Il sera ordonné à la société de remettre à M. [U] l’ensemble de ses documents de fin de contrat conforme au présent arrêt, dans un délai de 15 jours suivant la signification du dit arrêt, sans qu’il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, la société sera condamnée d’office à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [U] du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités.

Le jugement querellé est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La SAS Schneider Electric France, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût de signification de la citation à comparaître qui lui a faite ; si en effet, M. [U] a procédé par voie d’huissier aux fins de réinscrire son affaire au rôle du conseil de prud’hommes à quelques jours de l’expiration du délai de péremption, il s’agissait de faire valoir utilement ses droits ainsi que l’a statué la cour de céans.

La SAS Schneider Electric France sera également condamnée à payer à M. [U] la somme complémentaire de 1 000 euros en première instance et 2 000 euros en appel en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera en conséquence déboutée de sa propre demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orléans le 29 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le licenciement pour motif économique de M. [X] [U] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SAS Schneider Electric France à payer à M. [X] [U] les sommes suivantes :

– 35 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 9 599 euros brut à titre de complément de l’indemnité de licenciement sur le fondement de l’article 3.5 de la deuxième partie du PSE ;

Ordonne à la SAS Schneider Electric France de remettre à M. [X] [U] l’ensemble de ses documents de fin de contrat conforme au présent arrêt, dans un délai de 15 jours suivant la signification du dit arrêt et dit n’y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la SAS Schneider Electric France à rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [X] [U], du jour de son licenciement au jour de l’arrêt, ce, dans la limite de six mois d’indemnités ;

Condamne la SAS Schneider Electric France à payer à M. [X] [U] une somme complémentaire de 1 000 euros en première instance et 2 000 euros en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne la SAS Schneider Electric France aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût de signification de la citation à comparaître qui lui a faite, et la déboute de sa propre demande d’indemnité de procédure ;

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET

 


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