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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2022
N° 2022/ 285
Rôle N° RG 19/08951 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BELZ3
[Z] [R]
Société MEDITERRANEENNE D’ETUDES FINANCIERES
C/
[B] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sandra JUSTON
Me Pascal ALIAS
Me Jean-françois JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 14 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00900.
APPELANTS
Monsieur [Z] [R]
né le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 7] (16), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Ophélie GIBELIN, avocat au barreau de NICE
SOCIETE MEDITERRANEENNE D’ETUDES FINANCIERES prise en la personne de son gérant en exercice, dont le siège est sis [Adresse 5]
représentée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance de désistement du 14 avril 2022
INTIME
Monsieur [B] [R]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (75), demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Didier VALETTE, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2022,
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, Procédure et Prétentions
La SCI Société Méditerranée d’études financières (SMEF) a été constituée le 19 septembre 1970 et enregistrée le 25 septembre 1970 à la recette des impôts de Nice entre :
Monsieur [Z] [R] pour 98 parts, également gérant de la société,
Monsieur [T] [L] pour 10 parts
Madame [W] [G] épouse [R] pour 10 parts.
Par suite de cession de parts sociales et d’augmentation de capital, le nombre de parts sociales est passé à 500 répartie de la façon suivante :
Monsieur [Z] [R] pour 245parts
Monsieur [B] [R] pour 255 parts.
Le 2 décembre 1993, Madame [G] et la SMEF ont crée la SCI Dalsyd II dont les 100 parts sociales ont été réparties de la façon suivante :
SMEF pour 90 parts
[W] [G] pour 10 parts, cette dernière cédant ses parts ultérieurement à son fils [B] [R].
Messieurs [R] [B] et [Z] étant désignés cogérants de la SCI Dalsyd II.
Lors d’une assemblée générale extraordinaire du 31 mai 1996, [Z] et [B] [R], tous deux associés dans la SCI SMEF, ont décidé d’une augmentation de capital pour le porter de 50 000 francs à 100 000francs par l’émission de 500 nouvelles parts de 100 francs chacune uniquement au profit de Monsieur [B] [R]. Le capital social est ainsi réparti de la façon suivante :
[Z] [R] pour 245 parts
[B] [R] pour 755 parts.
Par acte du 1er juin 1996, Monsieur [B] [R] aurait cédé 745 parts sur les 755 qu’il détenait dans la SMEF au profit de Monsieur [Z] [R].
De nouveaux statuts seront établis le 31 janvier 2009 par lesquels Monsieur [Z] [R] détient 990 parts sociales et Monsieur [B] [R] 10 parts sociales, statuts déposés au greffe du tribunal de commerce d’Antibes le 13 novembre 2009.
En avril 2002, la société Dalsyd II a souscrit un prêt immobilier de 640 000euros afin de financer la construction d’une résidence, garantie par la mise en gage par Monsieur [Z] [R] de son contrat d’assurance vie.
Entre 2002 et 2008 la SMEF a consenti des avances en compte courant à la SCI Dalsyd II pour un montant de 289 605,89euros.
Le 10 juillet 2009, la SMEF a cédé les 90 parts sociales qu’elle détenait dans la SCI Dalsyd II à Madame [G] et Mademoiselle [R] pour une somme de 90euros.
Le 7 mai 2010, la BNP a exigé le rachat total du contrat mis en gage par Monsieur [Z] [R] à hauteur de 265 000euros qu’elle prélevait sur son compte courant en remboursement du prêt souscrit par la SCI Dalsyd II.
Par acte du 8 février 2017, Monsieur [B] [R] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Grasse Monsieur [Z] [R] et la SMEF afin de voir prononcer la nullité de l’acte de cession de parts sociales daté du 1er juin 1996 et dire que la répartition du capital social doit être celle antérieure à l’acte visé et que les décisions d’assemblée générales ordinaire ou extraordinaire postérieures à cette date seront annulées et voir condamner Monsieur [Z] [R] à lui payer la somme de 20 000euros à titre de dommages et intérêts et 5 000euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 14 mai 2019, le tribunal de grande instance de Grasse a déclaré recevable Monsieur [B] [R] en son action, prononcé la nullité de la cession de parts intervenue le 1er juin 1996, dit que le capital sera réparti selon la répartition antérieure et a annulé les décisions générales ordinaires et extraordinaires postérieures à cette date et condamné Monsieur [Z] [R] à verser la somme de 2 500euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La juridiction a retenu que le délai de prescription est de 5 ans et que l’action dont le point de départ doit être fixé au 20 juin 2003, date de la signature du PV portant mention de la nouvelle répartition, n’est pas prescrite puisqu’elle a été interrompue par l’assignation du 10 mars 2010 devant le tribunal de commerce d’Antibes, l’assignation devant le juge de référés du 30 juin 2010, la plainte avec constitution de partie civile du 7 décembre 2011 et la poursuite de l’information jusqu’au 25 avril 2017, date à laquelle le rapport d’expertise avait été notifié.
Sur le fond, elle a retenu les conclusions de l’expert graphologue désigné par ordonnance de référé du 16 février 2011 qui a conclu que Monsieur [B] [R] n’était pas l’auteur de la signature apposée sur l’acte de cession.
Le 3 juin 2019, la SMEF et Monsieur [Z] [R] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions du 7 mars 2022, la SMEF demande à la Cour de prendre acte de son désistement d’appel et de condamner Monsieur [Z] [R] aux entiers dépens ;
Par conclusions déposées et notifiées le 21 janvier 2020, Monsieur [Z] [R] demande à la Cour de :
Vu les articles 1844-14 et 1240 du code civil
Réformer le jugement du 14 mai 2019 en toutes ses dispositions,
Déclarer recevable l’appel de Monsieur [Z] [R],
Considérant que les actions en nullité des actes et délibérations d’une société sont soumises à la prescription triennale de l’article 1844-14 du code civil,
Considérant qu’il n’existe aucune exception à cette prescription,
Dire et juger que l’action de Monsieur [B] [R] tendant à l’annulation de l’acte de cession du 1er juin 1996 est prescrite,
Dire et juger irrecevable cette action,
Dire et juger que Monsieur [B] [R] ne démontre pas l’existence d’une fraude et d’un préjudice dont il aurait été victime, et ne peut se prévaloir de l’adage ‘fraus omnia corrumpit’
Confirmer le jugement du 14 mai 2019 en ce qu’il a débouté Monsieur [B] [R] de sa demande d’indemnisation de son préjudice et le débouter de son appel incident,
Enjoindre à Madame la Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse de communiquer le réquisitoire définitif aux fins de non-lieu du 1er avril 2019
Ordonner la mise hors de cause de la SMEF,
Débouter Monsieur [B] [R] de ses demandes, fins et conclusions et le condamner au paiement d’une somme de 20 000euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour procédure dilatoire et la somme de 7 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la SCP Badie Simon Thibaud et Juston.
Il soutient que l’action en annulation en violation des dispositions statutaires est soumise à la prescription triennale de l’article 1844-14 du code civil, que le consentement de Monsieur [B] [R] ne peut avoir été vicié puisqu’il affirme n’avoir jamais consenti à l’acte, que son action ne peut être fondée sur un vice du consentement.
Il fait valoir que Monsieur [B] [R] a participé aux AG et signé les procès verbaux des dites assemblées de la SMEF du 20 juin 2003 et du 26 janvier 2004 dans lesquels la nouvelle répartition était indiquée et qu’il ne conteste pas avoir signé les dits procès verbaux.
Sur la fraude, il soutient que l’action de Monsieur [B] [R] est soumise à la prescription triennale sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’irrégularité résulte d’une fraude ou non.
Sur le fond, il fait valoir que rien ne permet d’affirmer que Monsieur [Z] [R] serait l’auteur des signatures litigieuses, l’expert émettant de simples hypothèses en ce sens et que Monsieur [B] [R] ne justifie d’aucun préjudice, cette procédure intervenant dans un conflit plus général l’opposant à son père.
Par conclusions déposées et notifiées le 12 janvier 2022, Monsieur [B] [R] demande à la Cour de :
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du
14 mai 2019 en ce qu’il a prononcé la nullité de l’acte de cession de parts sociales de la SMEF en date du 1er juin 1996, et a rétabli la répartition du capital social dans la SMEF antérieure à l’acte susvisée, à savoir 245 parts détenues par Monsieur [Z] [R] et 750 parts détenues par Monsieur [B] [R].
CONFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé l’annulation des statuts mis à jour en application de cette cession de parts, ainsi que l’ensemble des décisions générales ordinaires et extraordinaires postérieures au 1er juin 1996, et en ce qu’elle a condamné Monsieur [Z] [R] au paiement d’une somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
REFORMER la décision entreprise en ce qu’elle a débouté Monsieur [B] [R] de sa demande de dommages et intérêts formulée à l’encontre de Monsieur [Z] [R],
Statuant à nouveau,
CONDAMNER Monsieur [Z] [R] au paiement d’une somme de 20.000 €,
et ce pour avoir procédé à l’utilisation en toute connaissance de cause de l’acte annulé, à savoir la cession de parts sociales en date du 1er juin 1996.
CONDAMNER par ailleurs Monsieur [Z] [R] au paiement d’une somme
complémentaire en cause d’appel de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code
de Procédure Civile.
CONFIRMER la décision entreprise ce qu’elle a condamné Monsieur [Z] [R] aux entiers dépens de première instance distraits au profit du Conseil de Monsieur [B] [R].
CONDAMNER Monsieur [Z] [R] aux entiers dépens de la procédure d’appel distraits au profit de Maître JOURDAN, Avocat sous sa due affirmation de droit.
Il s’oppose à la mise hors de cause de la SMEF au motif que sa présence est obligatoire dans ce genre de procédure.
Il fait valoir qu’il ne fonde pas sa demande de nullité de l’acte de cession de parts sociales litigieux motif pris de la violation des dispositions statutaires de la Société SMEF, mais sur celle des dispositions de l’article 1108 du Code Civil, qu’il convient de retenir le délai de prescription de l’article 2224 du code civil et non celui de l’article 1844-14 , qu’il n’a eu connaissance de la modification des statuts que le 24 février 2010 lors de sa convocation à l’assemblée générale du 15 mars 2010 et qu’il a fait délivrer une assignation devant le Tribunal de Commerce d’ANTIBES le 10 mars 2010, puis une assignation en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 30 juin 2010, qu’une plainte avec constitution de partie civile a été déposée entre les mains du Doyen des Juges d’Instruction du Tribunal de Grande Instance de GRASSE le 7 décembre 2011 et qu’une ordonnance fixant la consignation a été rendue le 15 décembre 2011, de sorte que son action n’est pas prescrite.
Sur le fond il fait valoir que les experts ont reconnu formellement qu’il n’était pas l’auteur des signatures et que son père en était l’auteur même si des précautions rédactionnelles ont été prises
Monsieur [Z] [R] étant le seul bénéficiaire de l’acte de cession du 1er juin
1996 par lequel il s’est vu attribuer 990 parts du capital social composant la SMEF que les comptes annuels de la SMEF au 31 décembre 2008 font apparaître les créances de la SMEF, créances à l’encontre de Monsieur [Z] [R], que ce dernier ès qualités de gérant de la SMEF, s’est bien abstenu de recouvrer.
Sur les dommages et intérêts, il soutient que les rapports d’expertise des graphologues établissent de manière certaine que les paraphes sur l’acte litigieux sont de la main de Monsieur [Z] [R], même s’il ne peut lui être attribué avec certitude la signature de l’acte, qu’il n’en demeure pas moins que Monsieur [Z] [R] ne pouvait ignorer que son
fils n’était pas le signataire de l’acte, il s’en est néanmoins servi ultérieurement à son seul profit, connaissant la nature frauduleuse de l’acte de cession.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2022.
Motifs
Sur la prescription :
Monsieur [B] [R] sollicite le prononcé de la nullité de l’acte daté du 1er juin 1996 aux termes duquel il est constaté une cession de 745 de ses parts sociales dans la SCI SMEF au profit de Monsieur [Z] [R], au motif qu’il n’est pas l’auteur de la signature apposée sur l’acte litigieux.
Cette action en nullité de la cession de parts sociales en invoquant une falsification de la signature apposée sur l’acte s’analyse en une action fondée sur une absence de consentement.
Or l’article 1304 du code civil dans sa version applicable au présent litige prévoit que ‘ Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.’ La loi n°2008-561 du 17 juin 2008 sur la réforme de la prescription en matière civile étant sans effet sur le présent texte en vigueur jusqu’au 1er janvier 2009.
L’absence de consentement constituant une cause de nullité inhérente à une partie, le délai de cinq ans ne court qu’à compter du jour de sa découverte.
Il est acquis et non contesté que Monsieur [B] [R] a signé le procès verbal d’assemblée générale de la SMEF le 20 juin 2003 portant mention de la nouvelle répartition des parts sociales de la société entre lui-même et Monsieur [Z] [R], Monsieur [B] [R] n’ayant ni dénié sa signature apposée sur cet acte ni soumis ce document à l’examen des experts graphologues.
Dès lors, le point de départ doit être fixé au 20 juin 2003 ainsi que l’a relevé à raison le juge de première instance.
Monsieur [B] [R] disposait d’un délai expirant le 20 juin 2008 pour agir et son action engagée le 8 février 2017 est prescrite, et ce même à considérer les assignations délivrées le 10 mars 2010 et le 30 juin 2011 comme des actes interruptifs de prescription.
Il convient d’infirmer la décision de première instance et de dire irrecevable l’action de Monsieur [B] [R].
Sur les dommages et intérêts :
Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l’espèce, l’appréciation inexacte de ses droits par Monsieur [B] [R] n’est pas constitutive d’une faute . S’estimant lésées dans ses droits, il a pu, sans abus, demander à ce qu’il soit statué sur sa demande. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Par ces motifs la Cour statuant par arrêt contradictoire :
Infirme le jugement rendu le 14 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Statuant à nouveau :
Déclare irrecevable l’action de Monsieur [B] [R] en annulation de la cession de parts sociales du 1er juin 1996,
Condamne Monsieur [B] [R] aux entiers dépens y compris ceux de première instance et le condamne à payer à Monsieur [Z] [R] la somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT