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Copies exécutoires République française
délivrées aux parties le : Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 23 NOVEMBRE 2022
(n° /2022)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12375 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCO6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Février 2021 TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 20/58356
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Florence LAGEMI, Présidente de chambre, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
SELAS GRANDE PHARMACIE BAILLY
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Florent LOYSEAU DE GRANDMAISON de la SELEURL LDG AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : E2146
à
DEFENDEUR
Madame [S] [O] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Et assistée de Me Jean-Marie JOB de la SELARL JTBB AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : P0254
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 19 Octobre 2022 :
[R] [X], qui exerçait la profession de pharmacien, est décédé le 26 novembre 2013 en laissant pour lui succéder, Mme [O] veuve [X], sa seconde épouse, Mme [B] [X] et M. [Y] [X], ses enfants issus d’une première union.
Jusqu’à son décès, [R] [X] était associé de la société Grande Pharmacie Bailly, exploitant un fonds de commerce d’officine de pharmacie avec Mme [C], pharmacienne et aujourd’hui actionnaire majoritaire et présidente de la société.
Parmi les actifs de la succession figuraient 6.781 actions de la société Grande Pharmacie Bailly obtenues par suite d’une augmentation de capital réalisée le 28 février 2013. [R] [X] était par ailleurs titulaire d’un compte courant d’associé dont le solde créditeur au 31 mars 2020 s’élevait à la somme de 961.983 euros.
Par deux testaments, l’un en date des 18 juillet 2000, déposé auprès de Maître [F], notaire à [Localité 4], le 27 janvier 2014 et, l’autre en date du 3 avril 2004, déposé auprès de Maître [K], notaire à [Localité 3], le 6 janvier 2014, [R] [X] a institué pour légataire universelle son épouse, Mme [O].
L’acte de notoriété a été dressé le 19 février 2014 par Maître [J], notaire à [Localité 5].
Le 5 décembre 2014, Mme [O] a opté pour le bénéfice de la succession à hauteur d’un quart en pleine propriété et de trois quarts en usufruit.
Les actions n’ayant pas été cédées dans les cinq années du décès, l’assemblée générale de la société Grande Pharmacie Bailly a décidé, le 27 février 2019, de réduire le capital social de 1.033.783,30 euros par voie de rachat, en vue de leur annulation, des 6.781 actions appartenant aux ayants droit de [R] [X].
Le 3 juillet 2020, Mme [O] a déclaré accepter le legs universel des biens dépendant de la succession.
Par acte du 9 novembre 2020, Mme [O] a fait assigner, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, la société Grande Pharmacie Bailly afin d’obtenir notamment, la somme provisionnelle de 961.983 euros représentant la créance détenue par elle au titre du solde créditeur du compte courant d’associé de [R] [X], demande ultérieurement ramenée à la somme de 397.204,87 euros.
Par ordonnance du 22 février 2021, le juge des référés a :
– déclaré l’action en référé de Mme [O] veuve [X] exercée en son nom et pour son propre compte recevable et non prescrite ;
– condamné la société Grande Pharmacie Bailly à régler à Mme [O] la somme provisionnelle de 350.000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;
– condamné la société Grande Pharmacie Bailly à verser à Mme [O] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 13 juillet 2022, la société Grande Pharmacie Bailly a relevé appel de cette décision.
Par acte du 8 août 2022, la société Grande Pharmacie Bailly a fait assigner en référé, devant le premier président de cette cour, Mme [O] afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie la décision susvisée.
Aux termes de ses conclusions déposées et développées à l’audience, la société Grande Pharmacie Bailly demande de :
– débouter Mme [O] de toutes ses prétentions ;
– la recevoir en ses demandes ;
– constater qu’elle justifie d’un moyen sérieux de réformation de la décision entreprise et de conséquences manifestement excessives que lui causerait l’exécution immédiate de celle-ci ;
– en conséquence, suspendre l’exécution provisoire dont est assortie l’ordonnance du 22 février 2021 ;
– condamner Mme [O] au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de conclusions déposées et développées à l’audience, Mme [O] demande de :
– juger que la société Grande Pharmacie Bailly ne fait état d’aucun moyen sérieux d’annulation ou de réformation de l’ordonnance entreprise ;
– juger qu’elle ne fait état d’aucune conséquence manifestement excessive qui résulterait de l’exécution provisoire de cette ordonnance ou qui se serait révélée postérieurement à celle-ci ;
– débouter en conséquence la société Grande Pharmacie Bailly de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire ;
– en tout état de cause, la débouter de toutes ses demandes ;
– la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE
Selon l’article 514-3 du code de procédure civile, en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Il sera rappelé à titre liminaire qu’en application du dernier alinéa de l’article 514-1 dudit code, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé.
Ainsi, le moyen invoqué par Mme [O], tiré de l’alinéa 2 de l’article 514-3 du code de procédure civile, selon lequel la société Grande Pharmacie Bailly n’ayant présenté aucune observation sur l’exécution provisoire devant le juge des référés ne pourrait solliciter l’arrêt de cette mesure que si elle justifiait de conséquences manifestement excessives qui seraient survenues postérieurement à la décision frappée d’appel, est dépourvu de pertinence puisque le premier juge ne pouvait écarter l’exécution provisoire dont est de droit assortie l’ordonnance de référé.
L’arrêt de l’exécution provisoire est conditionné à la réunion de deux conditions : l’existence de conséquences manifestement excessives entraînée par l’exécution immédiate de la décision déférée et l’existence de moyen sérieux d’annulation ou de réformation de celle-ci.
S’agissant des conséquences manifestement excessives, la société Grande Pharmacie Bailly fait valoir d’une part, que deux procédures sont en cours devant le tribunal judiciaire de Paris ayant pour effet de remettre en cause la qualité de légataire universelle de Mme [O] de sorte qu’elle ne peut prendre le risque de payer à celle-ci la somme mise à sa charge et, ce faisant, de léser les droits des autres héritiers, d’autre part, qu’elle est actuellement dans l’incapacité matérielle de régler le montant de la condamnation prononcée à son encontre au regard de sa situation financière délicate et d’une absence de trésorerie, l’exécution de la décision risquant de provoquer l’ouverture d’une procédure collective à son encontre, enfin, qu’elle s’expose à ne pouvoir obtenir le remboursement des fonds versés en cas d’infirmation de l’ordonnance puisque Mme [O] est débitrice envers les héritiers réservataires.
Il est constant que la société Grande Pharmacie Bailly et la société Bailly Santé, pourtant tiers à la succession, ont assigné Mme [O] en contestation de faux à titre principal afin que le testament du 18 juillet 2000, l’instituant légataire universelle de [R] [X], soit déclaré nul et ont engagé une procédure en inscription de faux incident à l’encontre de l’acte de notoriété dressé le 19 février 2014, en soutenant que celui-ci comporterait de nombreuses erreurs matérielles quant à la reproduction des mentions des testaments établissant la qualité de légataire universelle de la défenderesse.
Cependant, ces procédures ne sont pas de nature à caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives qui résulterait de l’exécution immédiate de l’ordonnance déférée.
Au surplus, il sera relevé que les héritiers réservataires n’ont pas contesté la qualité de légataire universelle de Mme [O] dans l’acte de notoriété dressé le 19 février 2014 ni dans le procès-verbal de dires dressé par Maître [P], notaire, le 30 septembre 2020.
Il est rappelé que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire doit être apprécié au regard de la situation de la partie condamnée, compte tenu de ses facultés de paiement, comme des capacités de remboursement du bénéficiaire des condamnations.
Or, en l’espèce, il ne résulte pas des éléments comptables versés aux débats que l’exécution de la décision critiquée placerait la société Grande Pharmacie Bailly dans une situation irréversible qui ne pourrait que conduire à l’ouverture d’une procédure collective.
En effet, il résulte des extraits du bilan de l’exercice clos au 30 avril 2022 que :
– cette société a réalisé au cours du dernier exercice un chiffre d’affaires net de 8.029.125 euros, en forte progression par rapport à celui de l’exercice précédent qui s’élevait à la somme de 4.926.656 euros ;
– si son résultat avant impôt est largement déficitaire et s’établit à la somme de – 1.283.903 euros alors que celui de l’exercice précédent était de – 481.968 euros, il est relevé une forte augmentation des charges d’exploitation, notamment les postes achats de marchandises (poste qui permettra la réalisation de chiffre d’affaires), autres achats et charges externes, salaires et charges sociales sans que cette augmentation ne soit expliquée ;
– l’actif circulant au 30 avril 2022 s’élève à la somme de 3.114.333 euros alors qu’il était de 1.968.293 euros au 30 avril 2021.
Ces éléments ne caractérisant pas une situation financière fragile, les conséquences manifestement excessives invoquées ne sont pas établies.
Par ailleurs, la société Grande Pharmacie Bailly ne démontre pas davantage qu’en cas d’infirmation de la décision entreprise, Mme [O] ne pourra restituer les fonds versés en exécution de celle-ci, alors qu’il ressort du procès-verbal de dires précité que l’actif net successoral s’établit à la somme de 10.507.308 euros, de sorte que ses droits, même après déduction du montant de l’indemnité de réduction calculée à la somme de 3.940.240 euros, garantissent qu’elle pourra, en cas d’infirmation de la décision de première instance, restituer sans difficulté l’intégralité des sommes qui lui seraient versées.
Ainsi, en l’absence de conséquences manifestement excessives avérées, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société Grande Pharmacie Bailly ne peut être que rejetée sans qu’il soit utile d’examiner l’existence d’un moyen sérieux de réformation de la décision déférée.
Succombant en ses prétentions, la société Grande Pharmacie Bailly supportera les dépens du présent référé, sans pouvoir prétendre à une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Il sera alloué à Mme [O], contrainte d’exposer de tels frais pour assurer sa défense, la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déboutons la société Grande Pharmacie Bailly de sa demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire dont est assortie l’ordonnance de référé en date du 22 février 2021 ;
Condamnons la société Grande Pharmacie Bailly aux dépens du présent référé et à payer à Mme [O] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Florence LAGEMI, Présidente de chambre, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente