Augmentation de capital : décision du 22 novembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00022
Augmentation de capital : décision du 22 novembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00022
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Arrêt n°

du 22/11/2023

N° RG 23/00022

MLB/ML

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 22 novembre 2023

APPELANT :

d’un jugement rendu le 13 décembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Industrie (n° F22/00190)

Monsieur [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par la SELAS BDB & ASSOCIÉS, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉES :

1) Maître [P] [N] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CD DECO et RENOVATION

[Adresse 3]

[Localité 4]

2) L’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D’AMIENS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentées par la SCP X.COLOMES S.COLOMES – MATHIEU – ZANCHI – THIBAULT, avocats au barreau de l’AUBE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 octobre 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François M”LIN, président de chambre, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 22 novembre 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François M”LIN, président de chambre

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame [P] FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Madame Maureen LANGLET, greffier placé

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François M”LIN, président de chambre, et Madame Maureen LANGLET, greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 2 novembre 2021, le tribunal de commerce de Reims a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL CD DECO & RENOVATION.

Cette société, dont l’activité portait sur tous travaux de bâtiments, était immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 25 novembre 2019 et son siège social était fixé au [Adresse 1].

Suivant acte sous-seing privé en date du 19 février 2020, Monsieur [J] [F], alors associé unique de la société, cédait à Monsieur [Z] [D] 50 des 100 parts qu’il détenait.

Suivant contrat en date du 20 février 2020, Monsieur [Z] [D] apportait à la SARL CD DECO & RENOVATION un fourgon d’une valeur de 1000 euros.

Le même jour, les associés procédaient à une augmentation de capital et à une répartition des parts, à hauteur de 50 parts pour Monsieur [J] [F], et de 100 parts pour Monsieur [Z] [D].

Maître [P] [N], ès qualités de mandataire liquidateur judiciaire de la SARL CD & DECO RENOVATION, convoquait le 10 novembre 2021 Monsieur [Z] [D] à un entretien préalable à licenciement au cours duquel il lui était proposé d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier du 15 novembre 2021, le mandataire liquidateur indiquait à Monsieur [Z] [D] qu’en cas de refus du contrat de sécurisation professionnelle, sous réserve de la réalité de son contrat de travail et de l’existence d’un véritable lien de subordination entre lui-même et la société, ladite lettre constituerait la notification de son licenciement pour cause économique, à titre conservatoire, qui prendrait effet le 16 novembre 2021.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, le 29 avril 2022, Monsieur [Z] [D] saisissait le conseil de prud’hommes de Reims de demandes de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la SARL CD DECO & RENOVATION et en vue de voir juger que l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens serait tenue de garantir le paiement desdites sommes.

Les défendeurs soulevaient l’incompétence du conseil de prud’hommes pour connaître des demandes de Monsieur [Z] [D] au profit du tribunal de commerce.

Par jugement en date du 13 décembre 2022, le conseil de prud’hommes :

– a dit que Monsieur [Z] [D] n’apporte pas la preuve de l’existence d’une relation de travail ayant lié les parties ;

– s’est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Reims pour connaître le litige ;

– a réservé les dépens.

Le 6 janvier 2023, Monsieur [Z] [D] a formé une déclaration d’appel du jugement du 23 décembre 2022 au terme de laquelle il demandait son infirmation en toutes ses dispositions.

L’affaire a été enregistrée sous le numéro 23/00022 et a fait l’objet d’un avis de fixation à bref délai au 2 octobre 2023.

Le 4 avril 2023, Monsieur [Z] [D] a formé une déclaration d’appel dirigée contre le jugement du 23 décembre 2022 statuant sur la compétence, à laquelle il a joint des conclusions. L’affaire a été enrôlée sous le numéro 23/00608.

Le 5 avril 2023, il a déposé une requête adressée au premier président de la cour d’appel de Reims en vue d’être autorisé à assigner à jour fixe.

Par ordonnance en date du 12 mai 2023, le premier président a autorisé Monsieur [Z] [D] à procéder à jour fixe sur l’appel et a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 2 octobre 2023.

Par actes d’huissier de justice en date des 13 et 18 juillet 2023, Monsieur [Z] [D] a fait assigner à jour fixe Maître [P] [N] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CD DECO & RENOVATION et l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens à comparaître à l’audience du 2 octobre 2023.

Dans ses écritures en date du 25 août 2023 communes aux deux affaires, Monsieur [Z] [D] demande à la cour :

– de débouter l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens et le mandataire liquidateur de leur demande tendant à voir déclarer ses appels caducs,

– d’ordonner la jonction des deux procédures,

– d’infirmer la décision en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

– de dire qu’il apporte la preuve de l’existence d’une relation de travail ayant lié les parties,

en conséquence,

– de juger que le conseil de prud’hommes de Reims était matériellement compétent pour juger du cas d’espèce,

– de renvoyer au conseil de prud’hommes de Reims afin qu’il soit statué sur ses demandes,

– de rappeler que cette décision s’impose aux parties et aux juges de renvoi,

– de rappeler que le renvoi étant fait devant la juridiction initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge,

– de rappeler que la notification est faite à la diligence du greffe, par voie de lettre recommandée avec demande d’avis de réception,

– de rappeler que l’arrêt à intervenir n’est pas susceptible d’opposition et que le délai de pourvoi court à compter de sa notification,

si la cour évoquait le fond, estimant de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive :

– de fixer sa créance salariale au passif de la liquidation judiciaire de la SARL CD DECO & RENOVATION aux sommes de :

. 30399,68 euros bruts, correspondant aux salaires d’octobre 2020 à février 2021,

. 3039,96 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

. 1793,70 euros bruts au titre des congés payés pour la période de janvier 2020 à septembre 2020,

. 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– de juger que l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens sera tenue de garantir le paiement desdites sommes,

– de condamner le mandataire liquidateur ès qualités à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’appel ainsi qu’aux dépens de la procédure,

– de débouter le mandataire liquidateur ès qualités et l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens de leurs demandes.

Dans leurs écritures en date du 27 juillet 2023 communes aux deux affaires, l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens et Maître [P] [N], ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CD DECO & RENOVATION demandent à la cour, de :

– in limine litis, déclarer les appels de Monsieur [Z] [D] caducs,

– condamner Monsieur [Z] [D] à leur payer à chacune la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [Z] [D] aux dépens,

– à défaut à titre principal, confirmer le jugement en ce qu’il a dit que Monsieur [Z] [D] n’apporte pas la preuve de l’existence d’une relation de travail ayant lié les parties et en ce qu’il a déclaré le conseil de prud’hommes de Reims matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Reims pour connaître du litige,

– condamner Monsieur [Z] [D] à leur payer à chacune la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [Z] [D] aux dépens,

– à titre subsidiaire, dire que l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens ne sera tenue à garantie des sommes auxquelles l’employeur pourrait être condamné que dans les limites, conditions et modalités prévues par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

– dire notamment que la garantie de l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens ne pourra s’appliquer sur l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS,

– Sur la jonction des procédures :

Les deux déclarations d’appel portant sur le même jugement, il est d’une bonne administration de la justice de joindre les deux affaires sous le seul n° 23/00022.

– Sur les déclarations d’appel :

Les intimées demandent à la cour de déclarer caducs :

– l’appel enregistré sous le n° 23/00022 dès lors que le jugement a été notifié par le greffe le 14 décembre 2022 et que Monsieur [Z] [D] a fait appel le 6 janvier 2023, soit au-delà du délai légal de 15 jours et que la requête en vue d’être autorisé à les assigner à jour fixe a été présentée au premier président le 5 avril 2023, soit au-delà du délai d’appel de 15 jours.

– l’appel enregistré sous le n°23/00608 n’a pas été établi dans le délai d’appel et n’a pas pu régulariser la première déclaration d’appel.

Monsieur [Z] [D] soutient que ses déclarations d’appel ne sont pas caduques dès lors qu’il n’a pas signé l’accusé de réception de la notification du jugement dans les conditions de l’article 670 du code de procédure civile, de sorte que le délai d’appel n’ayant pas commencé à courir, les deux déclarations d’appel ont été régularisées dans le délai d’appel.

Il ressort de la notification du jugement faite par le greffe, que l’accusé de réception de la lettre recommandée adressée à Monsieur [Z] [D] est revenu avec la mention ‘pli avisé et non réclamé’, de sorte qu’à défaut pour les défendeurs d’avoir fait procéder à la signification du jugement dans les conditions de l’article 670-1 du code de procédure civile, c’est à raison que Monsieur [Z] [D] soutient que le délai d’appel n’a pas commencé à courir.

Dans ces conditions, en formant appel le 4 avril 2023, suivant la procédure prévue aux articles 83 et suivants du code de procédure civile au titre de l’appel du jugement sur la compétence, au vu de ce qui a été rappelé en exorde de l’arrêt, Monsieur [Z] [D] a régularisé sa première déclaration d’appel.

Aucun des actes d’appel n’est donc caduc, de sorte que les intimées doivent être déboutées de leur demande à ce titre.

– Sur la compétence du conseil de prud’hommes :

Le conseil de prud’hommes s’est reconnu incompétent pour connaître des demandes de Monsieur [Z] [D] à l’encontre des intimés au visa de l’article L.511-1 du code du travail, au motif qu’aucun élément du dossier ne laissait supposer l’existence d’un lien de subordination.

Monsieur [Z] [D] demande à la cour d’infirmer le jugement de ce chef, rendu au visa d’un article depuis longtemps abrogé. Il prétend qu’il cumulait des fonctions d’associé de la SARL CD & DECO RENOVATION et de salarié puisque son contrat de travail portait sur un travail réel avec des fonctions techniques distinctes des fonctions de mandataire social, qu’il existait un lien de subordination envers le gérant de la société et une rémunération distincte de celle de mandataire social.

Les intimées répliquent que Monsieur [Z] [D] ne justifie pas de sa qualité de salarié, alors que faisant l’objet d’une mesure de faillite personnelle prononcée le 25 juin 2018, il s’est entendu avec un gérant de paille pour gérer indirectement une nouvelle société.

Il ressort des pièces produites aux débats que le contrat de travail daté du 13 janvier 2020, produit par Monsieur [Z] [D] au titre de son embauche en qualité de plaquiste par la SARL CD DECO & RENOVATION, n’est pas signé par cette dernière.

Les bulletins de paie produits par Monsieur [Z] [D], à compter du 13 janvier 2020 et jusqu’au mois de février 2021, sont par ailleurs insuffisants à créer une apparence de salariat alors que le siège social de la SARL CD & DECO RENOVATION était fixé au [Adresse 1], soit à son domicile, que les intimés affirment que Monsieur [J] [F] -sans être contredits sur ce point- était le salarié de la société MPC RENOVATION liquidée judiciairement le 12 septembre 2017 gérée par Monsieur [Z] [D] et qu’enfin l’expert-comptable de la SARL CD & DECO RENOVATION écrit dans un mail du 4 novembre 2021 adressé au mandataire liquidateur que c’est Monsieur [Z] [D] qui appelait le cabinet chaque mois pour communiquer les éléments de paie.

Il appartient donc dans ces conditions à Monsieur [Z] [D] d’établir l’existence d’un contrat de travail le liant à la SARL CD & DECO RENOVATION.

Le critère essentiel du contrat de travail est le lien de subordination juridique, qui se caractérise par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Monsieur [Z] [D] invoque trois éléments au soutien de l’existence d’un tel lien de subordination.

Il soutient en premier lieu que Monsieur [J] [F] ne manquait pas de lui donner des directives. Or, il ne produit que quelques sms échangés entre eux, desquels il ne ressort pas, contrairement à ce qu’il affirme, que ce dernier lui demandait de venir le chercher et de le déposer sur des chantiers, ni qu’il lui envoyait des mesures et des côtes d’exécution.

Il indique ensuite que Monsieur [J] [F] a entendu le licencier avant de revenir à de meilleurs sentiments, ce qui ressortirait du sms qu’il lui a adressé le 30 octobre 2020 en ces termes : ‘Tu vois la décision a été faite maintenant à partir de lundi tu ne fais plus partie de l’entreprise’. Or, la seule retranscription d’un tel SMS, sans aucun élément de contexte, sans justificatif de la décision en cause et sans aucune suite apportée à celle-ci, est insuffisante à caractériser l’exercice par Monsieur [J] [F] d’un pouvoir disciplinaire envers l’appelant.

Enfin, l’absence de pouvoirs de Monsieur [Z] [D] sur le compte bancaire de la SARL CD & DECO RENOVATION est sans effet sur la caractérisation d’un lien de subordination.

Monsieur [Z] [D] échoue donc à rapporter la preuve de l’existence d’une relation salariée avec la SARL DC & DECO RENOVATION, et ce alors même qu’il convient de relever que celui-ci faisait l’objet depuis le 25 juin 2018 d’une mesure de faillite personnelle d’une durée de 5 ans en sa qualité de gérant de la SARL MPC, société liquidée judiciairement le 12 septembre 2017 et dont l’activité était identique à celle de la SARL DC & DECO RENOVATION, qu’il a pris à sa charge le règlement des salaires des 3 salariés de cette dernière de décembre 2020 à février 2021, et qu’il reconnaissait avoir effectué un virement de 7000 euros pour aider l’entreprise et avoir reçu directement des sommes dues à la société sur son compte (pièce n°12 des intimés).

Au vu de ces éléments, c’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Reims pour connaître des demandes de Monsieur [Z] [D], et ce toutefois, non pas au visa de l’article L.511-1 du code du travail qui est abrogé, mais au visa de l’article L.1411-1 du code du travail.

Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.

********

Partie succombante, Monsieur [Z] [D] doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel, débouté de sa demande d’indemnité de procédure et condamné en équité à payer aux intimées la somme totale de 1000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Ordonne la jonction des affaires n°23/00022 et 23/00608 sous le seul n°23/00022 ;

Dit que les déclarations d’appel ne sont pas caduques ;

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a réservé les dépens ;

L’infirme de ce chef ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :

Condamne Monsieur [Z] [D] à payer à Maître [P] [N] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL CD DECO & RENOVATION et à l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens la somme totale de 1000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d’appel ;

Condamne Monsieur [Z] [D] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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