Augmentation de capital : décision du 22 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00814
Augmentation de capital : décision du 22 novembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00814
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63C

DU 22 NOVEMBRE 2022

N° RG 21/00814

N° Portalis DBV3-V-B7F-UJWA

AFFAIRE :

[S], [T] [W]

S.C.E.L. cabinet [S] [W]

C/

S.A.S. NEWCOMEX,

S.A.S. PROCOPI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Décembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/02113

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Isabelle TOUSSAINT,

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S], [T] [W]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

S.C.E.L. cabinet [S] [W]

représentée par son dirigeant en fonction domicilié en cette qualité au siège social

N° SIRET : 412 641 540

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentés par Me Isabelle TOUSSAINT, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249

Me Maxime DELHOMME de la SCP Société Civile Professionnelle d’Avocats DELHOMME, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : P0094

APPELANTS

****************

S.A.S. NEWCOMEX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 478 376 288

[Adresse 3]

[Localité 5]

S.A.S. PROCOPI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 333 263 846

[Adresse 8]

[Localité 2]

représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2165357

Me Guillaume FORBIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : R021

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 06 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

*********************************

FAITS ET PROCÉDURE

La société Procopi, société fondée par MM. [Y], [B] et [V], est fabricant et distributeur grossiste de piscines et matériels de piscines. La société Newcomex est la société holding propriétaire des actions composant le capital de la société Procopi. La société Piscine Clic est notamment spécialisée dans la vente par internet de matériels et équipements de piscines privées.

En juin 2011, M. [R], président de la société Piscine Clic, est devenu actionnaire majoritaire de la société Procopi.

Le 31 décembre 2015, la société Newcomex a racheté les actions détenues par la société

financière De Ker Ivor par la société Albatros et par M. [Y], par ailleurs actionnaires de la société Newcomex.

Lors de la délibération de l’assemblée générale mixte de la société Piscine Clic du 31 décembre 2015, l’assemblée générale a agréé d’une part les cessions d’actions intervenues le même jour, d’autre part la société Newcomex en qualité de nouvelle associée majoritaire et a procédé à une augmentation de capital en numéraire d’un montant de 57 000 euros par l’émission de 5 700 actions nouvelles au prix unitaire de 10 euros correspondant à la valeur nominale de chacune des actions.

La société Newcomex a souscrit 5 700 actions et a ainsi libéré le prix d’émission de ces actions portant alors sa participation à 54,17 % du capital social de la société Piscine clic, le reste du capital social étant réparti de la façon suivante : à concurrence de 41,67% pour la société Aktis et de 4,17 % pour un collaborateur de la société Newcomex, M. [Z].

La même assemblée générale a, par ailleurs, pris acte de la démission de M. [F] de ses fonctions de président de la société et a nommé en remplacement la société Anphitek, dont ce dernier est le gérant.

En 2016, M. [F] a demandé plusieurs avances en compte courant à la société Newcomex pour le compte de la société Piscine Clic à qui celle-ci a effectivement apporté une somme totale de 400 000 euros en compte courant entre le 28 janvier 2016 et le 5 septembre 2016.

En l’absence de remboursements, les collaborateurs de la société Procopi ont procédé à une vérification des stocks, constaté des anomalies et estimé la valeur réelle des stocks à 138 595 euros.

Par courriel du 15 décembre 2016, M. [F] a, en particulier, reconnu que la société Newcomex avait investi dans la société Piscine Clic sur la base d’informations erronées.

Dans l’annexe de son rapport sur les comptes annuels pour l’exercice clos au 31 décembre 2016, le commissaire aux comptes M. [W] a effectivement indiqué que ‘un audit des comptes mené du 4 au janvier 2017 a permis de mettre en évidence une surévaluation du stock de 354 561 euros au 1er janvier 2016. Une charge exceptionnelle de 354 561 euros a donc été comptabilisée pour ajuster la valeur du stock ‘.

Estimant que M. [W] qui avait certifié une évaluation des stocks de 354 561 euros avait manqué à ses obligations professionnelles et engagé sa responsabilité, par acte d’huissier de justice délivré le 14 puis le 21 mars 2019, la société Procopi et la société Newcomex ont fait assigner M. [W] et la société Cabinet [S] [W] pour obtenir l’indemnisation des préjudices résultant, selon elles, de ses manquements à ses obligations professionnelles.

Par jugement contradictoire rendu le 31 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

– Condamné in solidum M. [W] et la société cabinet [S] [W] à payer aux sociétés Procopi et Newcomex les sommes de :

* 458 000 euros au titre du financement de la société Piscine Clic,

* 5 624 euros au titre de la mobilisation de leurs ressources humaines,

* 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rejeté la demande au titre du préjudice d’image,

– Condamné in solidum M. [W] et la société cabinet [S] [W] aux dépens qui pourront être recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [W] et la société [S] [W] ont interjeté appel de ce jugement le 8 février 2021 à l’encontre des sociétés Newcomex et Procopi.

Par ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2022, M. [W] et la société cabinet [S] [W] demandent à la cour, au fondement des articles 1240 et suivants du code civil, L.822-18 et L.225-254 du code de commerce, de :

– Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles le 31 décembre 2020,

Et en conséquence,

– Débouter les sociétés Newcomex et Procopi de l’ensemble de leurs demandes initiales, aux motifs que :

o seuls les faits correspondant à la certification des comptes de l’exercice 2015 peuvent être débattus devant la cour,

o les investissements litigieux remontent à 2005 et non à 2015,

o la société Newcomex ayant racheté les actions de ses propres actionnaires, il n’existe aucun préjudice économique,

o A ce jour, la société Newcomex continue d’investir dans Piscine Clic,

o Il n’existe aucun de lien de causalité entre la certification des comptes par M. [W] et le préjudice allégué,

o La responsabilité de M. [W] ne saurait être engagée dans la mesure où le dirigeant, M. [F], a commis une faute à l’origine du préjudice des sociétés Newcomex et Procopi,

o Les sociétés Newcomex et Procopi ne prouvent l’existence d’aucun préjudice,

o Le commissaire aux comptes n’a pas vocation à rembourser les frais d’audit interne des dirigeants.

Enfin :

– Confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu’il déboute les sociétés Newcomex et Procopi de leurs demandes relatives à l’indemnisation d’un préjudice d’image.

Subsidiairement,

– Revoir à de plus justes proportions le montant des indemnités dans la mesure où :

o Le montant du préjudice ne peut concerner que les investissements liés à la certification des comptes de l’exercice 2015, soit 250 000 euros,

o Le préjudice allégué ne peut s’évaluer que comme une perte de chance dont la réalisation ne saurait être égale à 100 %.

En tout état de cause :

– Condamner les sociétés Newcomex et Procopi à leur verser la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 20 juin 2022, les sociétés Procopi et Newcomex demandent à la cour, au visa des articles L.822-17, L.823-9 et L.823-10 et suivants du code de commerce, de la norme NEP-501 relative au caractère probant des éléments collectés, homologuée par arrêté du 22 décembre 2006, des articles L.225-254 et L.822-18 du code de commerce, de :

A titre principal,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* Condamné in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à payer la somme de 458 000 euros de dommages et intérêts à la société Newcomex du fait de la perte subie au titre du financement de la société Piscine Clic,

* Condamné in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à leur payer la somme de 15 624 euros de dommages et intérêts au titre de la mobilisation de leurs ressources humaines pour la réalisation de l’audit des stocks ainsi que pour le suivi de la situation financière préoccupante de la société Piscine Clic,

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande formulée au titre du préjudice d’image.

En conséquence,

– Condamner in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à leur payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image sur le marché des piscines, compte tenu de la mauvaise santé financière de Piscine Clic,

A titre subsidiaire,

– Dire, en tout état de cause, les demandes liées aux faits dommageables intervenus

postérieurement au 14 mars 2016 recevables.

En conséquence,

– Condamner in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à leur payer la somme de 417 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– Condamner in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à leur payer la somme de 15 624 euros de dommages et intérêts au titre de la mobilisation de leurs ressources humaines pour la réalisation de l’audit des stocks ainsi que pour le suivi de la situation financière préoccupante de la société Piscine Clic,

– Condamner in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à leur payer la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice d’image sur le marché des piscines, compte tenu de la mauvaise santé financière de Piscine Clic.

En tout état de cause,

– Déclarer mal fondé l’appel formé par M. [W] et le cabinet [S] [W],

– Débouter M. [W] et le cabinet [S] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– Débouter M. [W] et le cabinet [S] [W] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] à payer la somme de 10 000 euros à chacune des sociétés demanderesses au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner in solidum le cabinet [S] [W] et M. [W] aux dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 22 septembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l’appel et à titre liminaire,

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.

La cour rappelle que, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les demandes qui sont récapitulées au dispositif des dernières conclusions et ne répond qu’aux moyens qui viennent au soutien de pareilles prétentions.

En l’espèce, ni devant le premier juge, ni devant cette cour, M. [W] et la société Cabinet [W] n’ont sollicité l’irrecevabilité de l’action de leurs adversaires au motif que celle-ci était prescrite. Il s’ensuit que les développements des appelants tirés de la prescription de l’action des sociétés Procopi et Newcomex sont sans portée dès lors qu’ils ne demandent pas à la cour, au dispositif de leurs conclusions, de la déclarer irrecevable.

Sur la responsabilité de M. [W] et de la société cabinet [S] [W]

Se fondant sur les articles L.822-17, alinéa 1er, L.823-9 et L.823-10 du code de commerce ainsi que sur la norme NEP-501 relative au caractère probant des éléments collectés, homologuée par arrêté du 22 décembre 2006, le tribunal a retenu que M. [W] avait manqué à ses obligations professionnelles en n’assistant pas à la prise d’inventaire physique des stocks, en n’intervenant pas plus à une autre date pour procéder à des comptages physiques ou en assistant à de tels contrôles. Il a précisé en outre que, compte tenu de l’importance de la surévaluation des stocks, le contrôle qu’il aurait effectué lui aurait nécessairement permis de le détecter.

Le tribunal a ensuite indiqué que les dirigeants des sociétés Procopi et Newcomex n’avaient commis aucune faute de nature à absorber la faute du commissaire aux comptes ; qu’à cet égard, la faute de M. [F], gérant de la société Anphitek et à ce titre dirigeant de la société Piscine Clic, était sans incidence puisque les sociétés demanderesses étaient des tiers par rapport à la société dont le dirigeant a commis ces fautes.

Il a également considéré que le fait que la gestion des stocks ait été externalisé aurait dû inciter M. [W] à encore plus de vigilance de sorte que sa responsabilité était entière.

Le tribunal a ensuite estimé que les demanderesses démontraient l’existence de leur préjudice, consommé et direct, au titre du financement de la société Piscine Clic au cours de l’exercice 2016 et a condamné M. [W] et la société cabinet [S] [W] à leur payer la somme de 458 000 euros en réparation. Selon lui, ‘les 400 000 euros d’avance en compte courant ont été avancés à fonds perdus, M. [W], qui dispose de tous les éléments relatifs à la valeur de la société Piscine Clic se contente de soutenir que la cession des parts pour un euro symbolique suffit à indemniser le préjudice de la société Newcomex sans apporter aucun élément de nature à établir que par cette cession les avances seraient de fait remboursées’. Et de conclure ‘il convient de faire droit à la demande dont le montant n’est pas contesté en tant que tel et de condamner M. [W] et le cabinet [S] [W] in solidum au paiement de la somme de 458 000 euros’.

Le tribunal a ensuite jugé que le préjudice des demanderesses au titre de la mobilisation de leurs ressources humaines pour réaliser l’audit des stocks outre le suivi de la situation financière préoccupante de la société Piscine Clic était démontré et en réparation a condamné les défendeurs à verser la somme de 15 624 euros en réparation. S’agissant du préjudice d’image, il a débouté les demanderesses de leur demande, selon lui, injustifiée.

* Les manquements de M. [W] et de la société Cabinet [W]

Force est de constater que les appelants ne contestent pas sérieusement les manquements aux obligations professionnelles du commissaire aux comptes, pas plus qu’ils ne critiquent la motivation du jugement de ce chef.

La cour, adoptant les motifs pertinents retenus par le premier juge, confirmera dès lors le jugement en ce qu’il indique que M. [W] a commis des manquements à ses obligations professionnelles en n’assistant pas à la prise d’inventaire physique des stocks, en n’intervenant pas plus à une autre date pour procéder à des comptages physiques ou en assistant à de tels contrôles.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

* Le préjudice subi au titre du financement de la société Piscine Clic

‘ Moyens des parties

Les appelants poursuivent l’infirmation du jugement en ce qu’il les condamne à verser la somme de 458 000 euros au titre de la perte subie en raison du financement de la société Piscine Clic et soutiennent que les demandes de leur adversaire ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance pour la société Newcomex de ne pas avoir réalisé ces investissements si le commissaire aux comptes avait refusé de certifier les comptes en l’état. Ils soutiennent donc que le préjudice allégué, à savoir la perte nette de 400 000 euros, est sans lien de causalité avec la faute du commissaire aux comptes. Ils demandent donc le rejet de cette demande infondée.

Les intimées poursuivent la confirmation du jugement de ce chef et soutiennent que si la société Newcomex avait eu connaissance de la valeur réelle des stocks, elle n’aurait pas pris de participation majoritaire dans la société Piscine Clic ce qui l’a conduite, sur la base des comptes certifiés par M. [W], à se substituer à M. [F] quant aux besoins en fonds de roulement de la société Piscine Clic à hauteur de 400 000 euros et à subir une perte nette de 458 000 euros au titre de l’exercice 2016, sauf à parfaire. Elles insistent sur le fait que la société Newcomex était totalement libre de choisir d’investir soit dans la société Piscine Clic, soit de créer son propre site Internet ce qu’elle aurait fait si elle avait connu la véritable situation de Piscine Clic.

‘ Appréciation de la cour

Il est constant que les intimées sont toujours actionnaires majoritaires de la société Piscine Clic, en tout état de cause aucune information contraire n’a été fournie à la cour, de sorte que l’apport en compte courant demeure toujours au passif de la société au titre des ’emprunts et dettes financières divers’ et que, dans ces conditions, il ne peut être soutenu comme le font les intimées, sans élément de preuve, que la société Newcomex a subi une perte nette de 458 000 euros.

En revanche, il est exact que cette société aurait pu vouloir investir dans d’autres projets si elle avait eu connaissance de la valeur réelle des stocks et elle n’aurait peut-être pas pris de participation majoritaire dans la société Piscine Clic. Ce préjudice s’analyse donc en une perte de chance de n’avoir pu investir dans d’autres projets. Cependant, il revient aux intimées de caractériser l’existence d’un tel préjudice ce qu’elles ne font pas. Ainsi, elles ne démontrent pas qu’elles auraient pu investir dans d’autres projets, pas plus qu’elles ne démontrent qu’en se privant de cette opportunité elles ont subi une perte nette à concurrence du montant réclamé.

Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal a condamné M. [W] et la société Cabinet [S] [W] à verser à la société Newcomex la somme de 458 000 euros de dommages et intérêts du fait de la perte subie au titre du financement de la société Piscine Clic, qu’il a analysé comme un préjudice direct et consommé.

Le jugement sera infirmé de ce chef et cette demande formée par la société Newcomex rejetée.

Le préjudice lié à la mobilisation des ressources humaines

‘ Moyens des parties

Les appelants poursuivent l’infirmation du jugement en ce qu’il les condamne à verser la somme de 15 624 euros au titre de la mobilisation des ressources humaines alors que, selon eux, ce travail n’est pas un travail d’audit, mais d’inventaire annuel complet qui en tout état de cause incombait à l’intimée et dont leurs adversaires ne peuvent lui imputer le coût. Ils soutiennent que l’obligation d’inventaire des stocks par une société ne peut se substituer à l’obligation de contrôle des stocks par le commissaire aux comptes. Ils demandent donc le rejet de cette demande.

Les intimées poursuivent la confirmation du jugement de ce chef et rétorquent que le travail d’inventaire réalisé par la société Procopi dépassait largement la simple actualisation cyclique des stocks ; que cette dernière n’aurait pas eu à effectuer un tel travail si le contrôle des stocks avait été assuré par M. [W] conformément aux normes d’exercice professionnel applicables aux commissaires aux comptes et notamment si ce dernier avait assisté à la prise d’inventaire physique et pris la précaution de valider la fiabilité de la procédure de comptage de l’entreprise Piscine Clic comme il lui appartenait de le faire. Elles soutiennent dont que le coût du travail effectué par les huit collaborateurs qui ont dû être mobilisés pendant plusieurs semaines afin d’inventorier les stocks, d’effectuer les rapprochements avec les prix pondérés à appliquer et à déterminer la valeur réelle des stocks devra être supporté par M. [W], ce qui inclut les frais de déplacement et de logement des équipes de la société Procopi ainsi que le coût salarial lié à leur mobilisation.

Il s’ensuit, selon elles, que c’est exactement que le tribunal a condamné leurs adversaires à payer la somme de 15 624 euros. Pour justifier l’existence de ce préjudice, les intimées produisent la pièce 25 constituée d’un document intitulé ‘Temps passés et coûts supportés par les équipes de Newcomex et Procopi au titre de la réévaluation des stocks de la société Piscine Clic et la régularisation de sa situation comptable et financière’.

‘ Appréciation de la cour

A supposer que les intimées, par leur production, démontraient effectivement que le travail d’inventaire réalisé par la société Procopi dépassait la simple actualisation cyclique des stocks, encore faudrait-il qu’elles justifient en outre que le travail consacré par cette équipe de collaborateurs a eu un impact sur l’organisation du travail de ses salariés, la productivité de l’équipe ou de la société au titre des tâches habituellement effectuées par celle-ci, en d’autres termes il leur reviendrait justifier de la réalité du coût subi par la société Procopi en raison de l’accomplissement de ces opérations.

En effet, en tout état de cause, ces collaborateurs ont accompli un travail pour lequel ils doivent être rémunérés. Ce n’est que si les intimées démontrent que le travail habituellement effectué par cette équipe n’a pu l’être pour réaliser ce travail ‘supplémentaire’ ou bien que le travail ‘habituel’ a été effectué par une autre équipe, par exemple, par des intérimaires, ou encore que la productivité de la société a été éprouvée en raison de la réalisation de cette tâche, qu’elles pourraient en réclamer l’indemnisation. Or, les pièces produites à cette fin sont insuffisantes pour le prouver. En effet, l’unique pièce (pièce 25) invoquée à l’appui de cette prétention est constituée d’un simple tableau établi par les intimées pour les besoins du litige qui n’est corroboré par aucun document comptable (notamment, les factures d’hébergement des salariés…) et qui ne permet pas de justifier l’existence du préjudice dont la réparation est réclamée.

En tout état de cause, ce n’est pas ce préjudice pour lequel les intimées réclament réparation puisqu’elles demandent une indemnité pour la mobilisation de leurs ressources humaines chargées de réaliser l’audit des stocks et le suivi de la situation financière préoccupante de la société Piscine Clic (page 19 de leurs écritures). Et de plus, force est de constater que la pièce produite ne justifie pas l’existence d’un tel préjudice.

Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal a condamné les défendeurs au paiement de la somme de 15 624 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef et les intimées déboutées de cette demande.

Le préjudice d’image

‘ Moyens des parties

Les intimées poursuivent l’infirmation du jugement en ce qu’il les déboute de leur demande d’indemnisation au titre du préjudice d’image sur le marché des piscines en raison de la mauvaise santé financière de la société Piscine Clic. Elles estiment le montant de la réparation de celui-ci à la somme de 50 000 euros.

Les appelants poursuivent la confirmation du jugement de ce chef.

‘ Appréciation de la cour

Force est de constater qu’à l’appui de leur demande, les intimées n’invoquent ni ne produisent aucune pièce de sorte que, pour cette seule raison, elle ne saurait être accueillie.

En outre, les demandes principales ayant été rejetées, cette demande ne peut que l’être également puisqu’un tel préjudice ne pourrait que découler de l’existence des préjudices précédemment invoqués et examinés par cette cour.

Le jugement qui rejette cette demande sera dès lors confirmé.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Procopi et Newcomex, qui succombent majoritairement en leurs prétentions, seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel.

Il n’apparaît pas équitable d’allouer des sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement en ce qu’il rejette la demande de la société Procopi et de la société Newcomex au titre du préjudice d’image ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

REJETTE la demande de la société Procopi et de la société Newcomex en raison de la perte subie au titre du financement de la société Piscine Clic ;

REJETTE la demande de la société Procopi et de la société Newcomex au titre de la mobilisation de leurs ressources humaines pour la réalisation de l’audit des stocks ainsi que pour le suivi de la situation financière préoccupante de la société Piscine Clic ;

CONDAMNE in solidum la société Procopi et de la société Newcomex aux dépens de première instance et d’appel ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

 


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