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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /22 DU 19 OCTOBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/00894 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EX57
Décision déférée à la Cour :
jugement du Tribunal de Commerce d’EPINAL, R.G. n° 2018002430, en date du 09 mars 2021,
APPELANTE :
S.A.S. RAGOT, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 3] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Vienne sous le numéro 450 246 590
Représentée par Me Bertrand GASSE de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur [P] [R]
né le [Date naissance 7] 1980 à [Localité 10] (88), demeurant [Adresse 8]
Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
Monsieur [M] [R]
né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 10] (88), demeurant [Adresse 6]
Représenté par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
S.A.R.L. SNDA agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 5] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d’EPINAL sous le numéro 429 950 165
Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant Me DUPONT avocat au barreau d’EPINAL
S.A.R.L. GES MATIC AUDIT représentée par son gérant pour ce domicilié audit siège, [Adresse 2] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d’Epinal sous le numéro 330 189 739
Représentée par Me Frédéric BARBAUT de la SELARL MAITRE FREDERIC BARBAUT, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant Me HOU substituant Me Olivier HILLEL avocat au barreau de PARIS
S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de ses dirigeants pour ce domiciliés au
dit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Valérie BACH-WASSERMANN, avocat au barreau de NANCY
Avocat plaidant : Maitre Nathalie SIU BILLOT avocat au barreau de PARIS
S.A.S. CABINET BEX prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège, [Adresse 9]inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d’Epinal sous le numéro 438 018 707
Représentée par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, avocat au barreau d’EPINAL
Avocat plaidant : Me Maxime DELHOMME avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre chargé du rapport et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l’issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 19 Octobre 2022, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE
La Sarl Ragot est devenue l’associée unique de la Sarl ASD Auto par l’acquisition de :
– 44 parts sociales de M. [M] [R] le 21 octobre 2015 et la souscription à une augmentation de capital décidée par une assemblée générale du 21 octobre 2015 à hauteur de 1.103.600€,
– 81 parts sociales détenues par M. [M] [R] et 375 parts sociales détenues par la Sarl SNDA, le 18 janvier 2016.
Les prises de participation ont été réalisées sur la base des comptes annuels de la Sarl ASD Auto établis au 31 mars 2015 par la Sarl BEX, cabinet d’expertise comptable , assurée auprès de la SA Allianz IARD et certifiés par la Sarl GES Matic Audit, commissaire au compte.
Par acte des 9,10 et 13 février 2017, la Sas Ragot a fait assigner devant le tribunal de commerce de Vesoul, M. [P] [R], gérant de la Sarl ASD Auto, M. [M] [R], la Sarl SNDA, la Sarl BEX et la Sarl GES Matic Audit aux fins d’obtenir in solidum leur condamnation au paiement de la somme de 1.039.080€ à titre de dommages et intérêts au motif que les comptes sur la base desquels avaient été effectuées les prises de participation ne réflétaient pas la réalité de la situation économique et financière de la société.
Par jugement du 16 mars 2018, le tribunal de commerce de Vesoul s’est déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de commerce d’Epinal.
Selon acte de dissolution sans liquidation du 10 janvier 2019, la Sarl Ragot a été absorbée par son associée unique la Sas Taba, qui a ensuite pris la dénomination de Sas Ragot.
Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal de commerce a débouté la Sas Ragot de l’ensemble de ses demandes et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée le 8 avril 2021, la Sas Ragot a interjeté appel de la décision.
Selon dernières conclusions du 14 décembre 2021, elle sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande de :
A titre principal,
– condamner in solidum M. [P] [R], M. [M] [R], la Sarl SNDA, la Sarl BEX et la Sarl GES Matic Audit à lui payer la somme de 1.039.080€, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 9 février 2017,
-débouter M. [P] [R], M. [M] [R], la Sarl SNDA, la Sarl BEX et la Sarl GES Matic Audit de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
-désigner un expert judiciaire avec pour mission de :
*se faire remettre par les parties au litige les pièces comptables, commerciales et de toute nature qu’il estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
* vérifier les points 1 à 9 dénoncés dans le ‘III- Faux bilan clos du 31 mars 2015″ de ses conclusions et dire pour chacun d’eux s’il s’agit d’une irrégularité ou une inexactitude ou d’une présentation de faux bilan pour l’exercice comptable clos au 31 mars 2015,
* compte-tenu de ces investigations, donner son avis sur l’impact sur l’EBE et sur les capitaux propres de la Sarl ASD Auto,
*donner à la cour tous les éléments d’actifs fictifs et charges non provisionnées au bilan clos au 31 mars 2015,
*donner à la cour tous les éléments de fait lui permettant de déterminer, au vu de ces travaux, les responsabilités des différents intervenants à l’élaboration et à la certification du bilan de la Sarl ASD Auto clos au 31 mars 2015,
*donner à la cour tous les éléments de fait lui permettant de déteminer le montant du préjudice subi.
Selon conclusions du 5 octobre 2021, M. [P] [R], M. [M] [R] et la Sarl SNDA sollicitent la confirmation du jugement, sauf en ce qu’il a rejeté leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et sollicitent à ce titre la somme de 10.000€ outre celle de 7.000€ chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon conclusions d’intimé n° 2 du 11 janvier 2022, la Sarl BEX sollicite la conifirmation du jugement entrepris, subsidiairement demande de constater qu’elle était assurée pour le risque professionnel auprès de la SA Allianz IARD qui lui doit donc pleine et entière garantie et sollicite en outre la somme de 15.000€ pour le préjudice subi et 15.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon conclusions du 10 mai 2022, la Sarl GS Matic Audit, commissaire aux comptes conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et à ce titre sollicite la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 50.000€ à titre de dommages et intérêts outre celle de 10.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon dernières conclusions du 1er octobre 2021, la Société Allianz IARD sollicite :
– à titre principal la confirmation en toutes ses dispositions du jugement,
– à titre subsidiaire, de dire que la garantie, à la supposer acquise est limitée à 500.000€ et soumise au paiement par le cabinet BEX d’une franchise de 1.500€,
– en tout état de cause, de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’ article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l’exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience de plaidoirie du 14 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur la demande principale de la Sarl Ragot
La Sas Ragot soutient que les comptes établis au 31.03.2015 étaient inexacts et qu’il s’agit d’une faute extra-contractuelle de M. [P] [R], à l’époque gérant de la Sas ASD Auto, d’une faute de nature contractuelle de la part de M. [M] [R] de la société SNDA, les cédants, d’une négligence professionnelle ou d’une complicité d’établissement de faux bilan de la part de la Sarl BEX, expert-comptable et enfin de fautes ou négligences de la Sarl GES Matic Audit, engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article L 822-17 du code de commerce.
Pour démontrer l’existence de ces fautes, la Sas Ragot s’appuie sur un rapport remis le 15 janvier 2018 par la Société comptable de l’Est, société d’expertise-comptable à qui elle avait confié la mission d’analyser l’état des stocks, les ristournes de fin d’année, un accord commercial avec la société Valéeo, certaines factures ayant fait l’objet d’une remise à l’escompte, les postes clients et la propriété des certaines immobilisations.
Les intimés font valoir qu’il s’agit d’un rapport non contradictoire qui ne peut pas être pris en compte, d’autant qu’il se concentre sur les points soulevés par le demandeur et non sur la situation globale de la société ASD au moment de la cession.
Il s’agit toutefois d’une pièce soumise au débat contradictoire et qui doit donc être examinée :
Stock inventaire au 31.03.2015
La Sas Ragot soutient que le stock a été surévalué de 953.594€.
Les intimés observent que le rapport produit par la Sas Ragot elle-même ne porte que sur 327.158€ et contestent l’existence d’un écart de stok injustifié de 150.000€, qui correspondrait à la reprise du stock de peinture chez certains clients.
Avoirs fournisseurs à recevoir concernant les retours de marchandises
Selon la Sas Ragot sont pris en compte des avoirs fournisseurs à hauteur de 77.506,80€ pour le site de Chevalot et 20.011,39€ pour le site de [Localité 11], alors que le détail fourni fait apparaître des avoirs très anciens qui n’ont pas été perçus.
Ce point ne fait pas l’objet d’observations de la part des intimés.
Ristournes de fin d’année
Selon l’appelant, le bilan au 31.03.2015 fait apparaître des avoirs à hauteur de 702.751,86€, alors que seuls 378.069,85€ ont été perçus, de sorte que le montant non perçu et comptabilisé en pertes s’élève à 270.568€, consituant ainsi un actif fictif au 31 mars 2015.
Les intimés soutiennent que les ristournes sont justifiées par des pièces émanant du groupe Precisum, notamment un courriel du 27 janvier 2015 validant le montant des ristourne de fin d’année à un montant quasi-équivalent à celui figurant dans les comptes ASD Auto au 31 mars 2015, la Sas Ragot ne pouvant que s’en prendre à elle-même si elles n’ont pas été perçues ultérieurement.
Accord commercial Valeo d’avril 2014 à mars 2018
La Sas Ragot indique qu’il s’agit d’un accord avec versement d’une prime de 66.000€, soit 50.000€ à la signature du contrat et 16.000€ à la fin du contrat pluriannuel, alors que la prime a été enregistrée au 31.03.2015 dans sa totalité.
Les intimés indiquent que cette somme n’a pas été versée parce que la nouvelle direction n’a pas donné suite à cet accord.
Fausses factures
Selon le rapport produit par la Sas Ragot, deux factures fictives ont été comptabilisées au 31.03.2015, l’une d’un montant de 25.675,00€ HT et l’autre de 8.248,33€ HT, qui ont été remises à l’escompte avant leur émission et ne figurent pas dans la comptabilité des clients, ce qui démontrerait une pratique de cavalerie de la part de la Sarl ASD Auto.
Les intimés indiquent que la Sarl ASD Auto réalisait un chiffre d’affaires de plus de 6.000.000€ et que les erreurs de facturation sont inévitables, observant par ailleurs que le montant très limité des deux factures n’était manifestement pas de nature à régler les problèmes de trésorerie et que si le système était ‘institutionnalisé’, l’expert n’aurait pas manqué de le remarquer.
Ristournes clients non provisionnés
Selon la SasRagot des avoirs clients n’ont pas été provisionnés à hauteur de 30.971,51€ au 31 mars 2015.
Ce point ne fait pas l’objet d’observations de la part des intimés.
Clients douteux
Selon la Sas Ragot , il existait deux clients douteux qui n’ont pas été provisonnés au 31.03.2015 pour une somme totale de 83.526€ HT.
Les intimés soutiennent que ces deux clients payaient même s’ils étaient irréguliers et produit un extrait du grand livre de l’un d’entre eux faisant apparaîre qu’au 29 janvier 2016, la somme dûe se limitait à 10.800€.
Machines à plaques
La Sas Ragot indique que des machines à plaques ont été comptabilisées, alors qu’elles n’appartenaient pas à la société ADS Auto, mais étaient mises en dépôt par le fournisseur.
Les intimés indiquent que ce mode de comptabilisation a été choisi en concertation avec le cabinet d’expertise comptable.
Machines à peinture
La Sas Ragot fait état de non-valeurs à hauteur de 65.021,92€ pour les machines Standox, de 80.835,96€ pour les machines Octoral et de 121.357,68€ pour les machines PPG Autocolor.
Les intimés indiquent également que ce mode de comptabilisation a été choisi en concertation avec le cabinet d’expertise comptable.
Le premier juge n’a toutefois pas statué sur les griefs articulés par la Sas Ragot, en considérant d’une part, que ces irrégularités étaient connues d’elle et qu’elle ne pouvait donc s’en prévaloir et que, d’autre part, il n’existait aucun préjudice et il y a donc lieu d’examiner préalablement ces deux points.
Le jugement retient que la Sas Ragot était informée de l’absence de fiabilité des documents comptables établis au 31 mars 2015.
Il observe en premier lieu que le protocole portant promesse d’augmentation de capital du 1er septembre 2015 précise que ‘le bilan et les comptes de résultat de la Sarl ASD Auto arrêtés au 31 mars 2015 montrent une situation financière extrêmement dégradée. Depuis plusieurs mois la société ne peut faire face aux échéances fournisseurs de son groupement d’achat Precisum (…) Le groupement a cessé, à ce jour, toute relation commerciale avec la Sarl ASD Auto’.
Par ailleurs, un audit a été effectué et une réunion a eu lieu entre les parties le 24 septembre 2015, l’acquéreur ayant ensuite relevé par un courrier du 30 septembre 2015 un certain nombre d’anomalies, au titre des avoirs, des remises de fin d’année et fait part de ses craintes quant à la valorisation du stock.
Un courrier adressé par le cabinet BEX aux deux parties le 6 novembre 2015 note également dix points accompagnés de commentaires, suggestions ou recommandations afin de préciser la portée financière de certaines des anomalies énumérées, notamment remises de fins d’année, client présentant des antériorités importantes, remises d’effets à l’escompte sur la base de devis et non de factures, valorisation des stocks.
En ce qui concerne les stocks, la Sarl BEX préconise un inventaire physique, dont la Sas Ragot ne sollicitera toutefois pas la réalisation.
Ces courriers portent sur l’essentiel des anomalies qui ont été ensuites pointées par le rapport produit par la Sas Ragot et celle-ci ne peut donc soutenir en avoir pris conscience lors de l’établissement du bilan pour l’exercice clos au 31mars 2016, de sorte qu’elle a bien mené les négocations en toute connaissance de cause.
Le premier juge a ensuite retenu que ces négociations, menées du 1er septembre 2015 au 18 janvier 2016, ont permis à la Sarl Ragot de minorer son offre initiale, et que l’obtention d’un abattement de cette ampleur ne peut s’expliquer que par la présence d’anomalies et/ou irrégularités dans les comptes sociaux ayant servi de fondement à la détermination des conditions initiales de prise de contrôle de la Sarl ASD Auto.
Ainsi, à la suite de l’audit, la Sarl Ragot a indiqué que si les éléments énumérés par le courrier du 30 septembre 2015 n’étaient pas régularisés, elle souhaitait porter son taux de détention des parts sociales de 60 à 70%, ce taux ayant ensuite été porté 80% par diminution de la prime d’émission.
Par un calcul que l’appelant ne critique pas à hauteur d’appel, le jugement retient que grâce aux informations obtenues par la Sarl Ragot, les acquisitions ont eu lieu le 18 janvier 2016, pour 18% de la valeur nominale des parts et que l’appelant indique lui-même que la valeur de la société était de 186.000€, alors qu’il l’a acquise pour 121.480€, après déduction de l’augmentation de capital qui ne bénéficie pas au cédant.
Il en conclut donc qu’il n’existe aucun préjudice. Aucun élément ne permet de remettre en cause ce constat, l’appelant ne concluant pas sur ce point, se bornant à soutenir que le tribunal a rejeté les demandes en considérant ‘curieusement’ que le préjudice allégué n’était pas établi, alors que la juridiction a effectivement considéré qu’une des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile n’était pas remplie
Il en résulte donc que si les comptes établis au 31 mars 2015 présentaient bien des anomalies, leur connaissance par la Sas Ragot, qui en tenu compte lors des négociations, excluait tout lien de causalité avec un préjudice qui n’est au surplus pas démontré.
L’appelant soutenant que les irrégularités et inexactitudes étaient l’oeuvre combinée du gérant, M. [P] [R], des cédants, M. [M] [R], et la Sarl SNDA, de l’expert comptable, le cabinet BEX et du commissaire au compte, la Sarl GES Matic Audit, la demande en tant qu’elle est fondée sur les articles 1382 et 1147 du code civil, dans leur rédaction alors applicable ne peut qu’être rejetée à l’égard de l’ensemble des intimés, le jugement étant confirmé sur ce point.
La demande à l’égard de la Sarl Ragot est également fondée sur le dispositions de l’article 1116 du code civil, dans leur rédaction applicable, au motif que son consentement a été vicié.
La connaissance par la Sas Ragot des éléments de comptabilité inexacts, dont elle a tenu compte lors des négociations exclut toutefois que son consentement ait pu être vicié.
En ce qui concerne la Sarl GES Matic Audit, l’appelant invoque les dispositions spécifiques de l’article L 822-17 du code de commerce selon lequel les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la personne ou de l’entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Toutefois, en l’absence de toute démonstration de conséquences dommageables il n’y a donc pas lieu d’examiner l’existence d’une faute commise par la Sarl GES Matic Audit.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la Sas Ragot.
3- Sur la demande subsidiaire de nomination d’un expert judiciaire
Pour rejeter la demande d’expertise le premier juge a retenu que :
– la cession a eu lieu le 18 janvier 2016, les assignations ont été délivrées en 2017, sans que soit sollicitée une expertise judiciaire, la Sas Ragot ayant fait établir un rapport privé en 2018,
-les comptes ont été établis il y a près de six ans, alors qu’une transmission universelle de patrimoine a eu lieu en 2019, ce qui rend la recherche d’éléments chiffrés antérieurs à mars 2015 encore plus aléatoire,
-les discussions ont eu pour effet d’intégrer les écarts relevés dans le cadre de la valorisation de la Sarl ASD Auto et de relativiser l’importance des comptes sociaux initiaux,
– la réalisation de l’expertise, à supposer même qu’elle confirme le rapport de 2018, n’aurait qu’un impact limité voir nul sur la valorisation de la société, telle qu’elle a été calculée au terme des discussions.
Il est exact que l’absence de démonstration d’un préjudice rend inutile l’instauration d’une mesure d’expertise quant aux fautes éventuellement commises et le jugement sera également confirmé sur ce point.
4- Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
Le jugement a rejeté cette demande au motif qu’ester en justice est un droit fondamental reconnu à toute personne titulaire de la capacité d’agir et que l’abus de ce droit doit être clairement caractérisé.
M. [P] et [M] [R] et la Sarl SNDA font valoir que l’action de la Sas Ragot ne repose que sur des affirmations sans preuve, accusant ses adversaires de l’avoir trompée alors qu’elle était au courant de la situation de l’entreprise.
Le commissaire aux comptes précise quant à lui qu’il n’existe aucune allégation précise quant au fait dommageable, au dommage ou au lien de causalité, la Sas Ragot s’en tenant des imputations malveillantes et qu’elle subit un préjudice moral constitué par l’atteinte à son image et à sa réputation professionnelle.
Ces éléments ne caractérisent toutefois pas un abus d’ester en justice et le jugement sera confirmé sur ce point.
5- Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
La somme de 3.000€ sera allouée à la Sarl BEX, la Sarl GES Matic Audit, la SA Allianz Iard, ainsi que celle de 1.000€ chacun à MM [P] et [M] [R] et la Sarl SNDA au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
CONFIRME le jugement entrepris ;
CONDAMNE la Sas Ragot à payer la somme de 1.000€ chacun à MM [P] et [M] [R] et la Sarl SNDA au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sas Ragot à payer la somme de 3.000€ chacun à la Sarl BEX, à la Sarl GES Matic Audit et la Sa Allianz IARD au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sas Ragot aux dépens de la procédure d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre, à la Cour d’Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en huit pages.