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7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°489/2022
N° RG 21/03300 –
N° Portalis DBVL-V-B7F-RVVA
M. [O] [P]
C/
S.A.S. SENSIG VISION
S.A.R.L. VSR2
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Françoise DELAUNAY, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 26 Septembre 2022
En présence de Madame Florence RICHEFOU, médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [O] [P]
né le 09 Avril 1963 à [Localité 8]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Stéphane BURTHE de la SELARL IGMAN CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A.S. SENSIG VISION agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES, substitué par Maître VIVIER Sandrine, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Youna KERMORGANT-ALMANGE de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
S.A.R.L. VSR2
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES, substitué par Maître VIVIER Sandrine, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Youna KERMORGANT-ALMANGE de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Messieurs [P], [J], [G] et [C] ont constitué le 5 avril 2017 la SARL VSR2, société holding, Monsieur [J] détenant 50 % du capital, Monsieur [P] 40 %, et les deux autres associés 5 % chacun ; le 6 juin 2017, était créée une filiale, la SAS SENSING VISION spécialisée et dans les systèmes d’information, notamment en matière énergétique, Monsieur [J] assurant la présidence des deux sociétés et Monsieur [P] la fonction de directeur technique’; les associés signaient un pacte le 18 mai 2017, prévoyant que les associés bénéficiant de l’aide à la reprise ou création d’entreprise (ACRE), dont Monsieur [P], ne percevraient aucune rémunération jusqu’à l’issue de la période d’indemnisation, seuls les frais professionnels et la participation de l’entreprise à une mutuelle étant pris en charge, un contrat de travail à durée indéterminée devant leur être proposé à la fin de leur période d’indemnisation; Monsieur [P], indemnisé au titre de l’ACRE jusqu’au 15 décembre 2018, ayant refusé de signer le contrat de travail qui lui était proposé, a été révoqué du mandat de directeur général technique par l’assemblée générale des associés le 28 mars 2019 et attrait devant le Tribunal de commerce aux fins de cession forcée de ses titres sociaux.
Contestant avoir été mandataire social et estimant être lié aux sociétés VSR2 et SENSING VISION par un contrat de travail à durée indéterminée depuis l’origine, Monsieur [P] a saisi le conseil des Prud’hommes de Rennes le 6 mai 2019 aux fins de voir requalifier la relation contractuelle en contrat de travail, en prononcer la résiliation judiciaire qui produira les effets d’un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et voir, selon le dernier état de sa demande’:
A titre principal,
Condamner solidairement les sociétés VSR2 et SENSING VISION, à lui payer les sommes suivantes :
– rappel de salaire à compter du 15 juin 2017 jusqu’à la résiliation du contrat de travail sur la base d’un salaire mensuel brut de 4.000 euros, outre les congés payés afférents’;
– les primes de vacances dues sur la période,
– rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2019 de 1.453,65 euros nets, outre les congés payés afférents’;
– rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2018 de 9.770,09 euros nets, outre les congés payés afférents’;
– contrepartie obligatoire en repos : 916,36 euros net,
– rappel d’heures supplémentaires pour l’année 2017 de 5.221,27 euros nets, outre les congés payés afférents’;
– indemnité pour travail dissimulé’: 30.691.50 euros,
– indemnité pour défaut de prévoyance’: 4.000 euros,
– dommages et intérêts pour harcèlement moral’: 24.000 euros,
– dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé : 24.000 euros,
– Dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse: 30.691,50 euros,
– Indemnité de licenciement’: 5.541,51 euros net,
– Indemnité compensatrice de préavis : 15.345,75 euros net,
– Congés payés sur préavis : 1 534.57 euros net,
– Dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 24.000 euros,
– Remboursement des frais professionnels : 903,08 euros’;
A titre subsidiaire :
Condamner la Société SENSING VISION au paiement des sommes ci-dessus’;
Dire que la société VSR2 n’a pas respecté la promesse d’embauche et la condamner au paiement des sommes suivantes’:
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8.000 euros net,
– Indemnité compensatrice de préavis : 8.000 euros net outre les congés payés afférents’;
En tout état de cause :
– Ordonner de procéder à l’affiliation de M. [P] aux organismes sociaux et à [Localité 7] Humanis’;
Ordonner d’effectuer les formalités nécessaires auprès des organismes de prévoyance afin de garantir le maintien de la couverture de santé pendant 12 mois à compter de la résiliation du contrat de travail’;
Ordonner à la Société SENSING VISION et la Société VSR2 de s’acquitter des charges et cotisations’sociales sur les sommes à caractère salarial versées à M. [P],
Ordonner la remise des bulletins de paie conformes et des documents de fin de contrat sous astreinte de 150 euros par jour de retard et dire que le Conseil se réservera la faculté de liquider l’astreinte’;
Ordonner l’exécution provisoire en application de l’article 515 du code de procédure civile’;
Dire que les condamnations prononcées produiront les intérêts au taux légal qui seront capitalisés’;
Condamner solidairement la Société SENSING VISION et la Société VSR2 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 4.200 euros ainsi qu’aux dépens.
Les défenderesses, contestant l’existence d’un contrat de travail, faisaient valoir l’incompétence du Conseil des prud’hommes et sollicitaient le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de commerce de Rennes, outre le paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 17 mai 2021, le Conseil des prud’hommes de Rennes statuait ainsi qu’il suit’:
« Ordonne la jonction des instances n°19/255 et 19/156,
DIT ET JUGE qu’il est compétent pour statuer sur l’existence ou non d’une relation de travail entre M. [P] et les sociétés SENSING VISION et VSR2.
DIT ET JUGE qu’il n’y a pas de lien de subordination entre M. [P] et les sociétés SENSING VISION et VSR2.
DIT ET JUGE que la relation entre M. [P] et les sociétés SENSING VISION et VSR2 ne peut être qualifiée en un contrat de travail.
DIT ET JUGE qu’il n’y a pas eu de promesse d’embauche faite par la société VSR2.
En conséquence, se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes,
DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:
CONDAMNE M. [P] aux entiers dépens de première instance.’»
***
Suivant déclaration de son avocat en date du 28 mai 2021 au greffe de la Cour d’appel, Monsieur [P] faisait appel de la décision et était autorisé à assigner les intimées à jour fixe pour l’audience du 15 février 2022, par ordonnance sur requête du 3 juin 2021.
Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d’appel, il demande à la Cour de’:
A TITRE PRINCIPAL :
Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
Ordonné la jonction des instances n°19/255 et 19/256,
Dit qu’il est compétent pour statuer sur l’existence ou non d’une relation de travail entre M. [P] et les sociétés SENSING VISION et VSR2.
Infirmer le jugement pour le surplus’;
Statuant à nouveau :
Se déclarer matériellement compétent pour connaître du présent litige et évoquer le fond du litige’;
A titre liminaire :
Faire sommation aux sociétés défenderesses de justifier du montant de la masse globale des indemnités de congés payés de l’ensemble des salariés depuis le 15 juin 2017′;
Produire le décompte du temps de travail de Monsieur [P] depuis le 15 juin 2017′;
A titre principal’:
Constater que M. [P] occupe le poste de Directeur technique, en qualité de salarié, depuis le 15 juin 2017,
Juger qu’une situation de co-emploi existe entre la société VSR2 et la société SENSING VISION,
Requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée’;
En conséquence,
Condamner solidairement la société SENSING VISION et la société VSR2 à verser à Monsieur [P] :
Pour les mois courant du 1er juin 2020 jusqu’à la résiliation du contrat de travail:
6.000 euros nets à titre de salaire de base mensuel et les congés payés afférents’;
Pour les mois courant du 15 juin 2017 au 31 mai 2020′:
4.000 euros nets à titre de salaire de base mensuel et les congés payés afférents,
‘ Au titre de l’année 2019 :
– 1.453,65 euros nets à titre de rappels d’heures supplémentaires et les congés payés afférents,
‘ Au titre de l’année 2018 :
– 9.770,09 euros nets à titre de rappels d’heures supplémentaires et les congés payés afférents,
– 916,36 euros nets à titre de la contrepartie obligatoire en repos,
‘ Au titre de l’année 2017 :
– 5.221,27 euros nets à titre de rappels d’heures supplémentaires et les congés payés afférents,
– 30.691,50 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 4.000 euros pour défaut de prévoyance,
– Pour l’ensemble de la période, la prime de vacances prévue à l’article 31 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques ;
Condamner solidairement les sociétés SENSING VISION et VSR2 à lui verser’:
24.000 euros dommages et intérêts pour harcèlement moral,
24.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination en raison de l’état de santé’;
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, au jour de la décision’à intervenir qui produira les effets d’un licenciement nul, ou, à titre subsidiaire, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner solidairement les sociétés SENSING VISION et VSR2 à lui verser les sommes suivantes (en net) :
– 30.691,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,
– 8.013,88 euros nets, à titre d’indemnité de licenciement,
– 15.345,75 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.534,57 euros nets à titre de congés payés sur préavis,
– 24.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire’;
– 903,08 euros à titre de remboursement de frais professionnels’;
A titre subsidiaire :
Condamner la Société SENSING VISION au paiement des sommes ci-dessus’;
Dire que la société VSR2 n’a pas respecté la promesse d’embauche et la condamner au paiement des sommes suivantes’:
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8.000 euros,
– Indemnité compensatrice de préavis : 8.000 euros outre les congés payés afférents’;
En tout état de cause :
Ordonner de procéder à l’affiliation de M. [P] aux organismes sociaux et à [Localité 7] Humanis’;
Ordonner d’effectuer les formalités nécessaires auprès des organismes de prévoyance afin de garantir le maintien de la couverture santé pendant 12 mois à compter de la résiliation du contrat de travail’;
Ordonner aux sociétés SENSING VISION et VSR2 de s’acquitter des charges et cotisations’sociales sur les sommes à caractère salarial versées à M. [P]’;
Ordonner la remise des bulletins de paie conformes et des documents de fin de contrat sous astreinte de 150 euros par jour de retard et dire que la Cour se réservera la faculté de liquider l’astreinte’;
Dire que les condamnations prononcées produiront les intérêts au taux légal qui seront capitalisés’;
A titre infiniment subsidiaire’:
Renvoyer l’affaire devant le Conseil des prud’hommes de Rennes matériellement compétent pour connaître du litige’;
Condamner solidairement les sociétés SENSING VISION et VSR2 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au paiement de la somme de 10.265 euros ainsi qu’aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant expose que le pacte d’associés prévoyait le versement en ce qui le concerne d’une rémunération à l’embauche de 4.000 euros nets, puis de 6.000 euros nets dès que les capacités de la société le permettraient et que ce n’est qu’en janvier 2019 que Monsieur [J] lui a soumis un projet de contrat à durée indéterminée avec une rémunération mensuelle de 2.000 euros qu’il a légitimement refusé de signer, outre qu’il conteste avoir été régulièrement nommé mandataire social en qualité de directeur général technique, mandat qu’il n’a jamais accepté, ni même exercé’; il soutient que les autres associés ont bénéficié d’un contrat de travail conforme au pacte d’actionnaires et rappelle que le Tribunal de commerce a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour ; dans la mesure où il lui a bien été soumis un projet de contrat, il estime qu’il existe un contrat de travail apparent, l’employeur qui invoque son caractère fictif devant en rapporter la preuve’; au-delà, il estime établir l’existence du contrat de travail qui résulte de sa nomination en qualité de directeur technique dès le 15 juin 2017 avec la mise à sa disposition de moyens matériels et de l’exercice effectif de ses fonctions sous la subordination de Monsieur [J] ; il soutient qu’il aurait été frauduleusement nommé le 8 septembre 2017 en qualité de directeur général pour permettre aux intimées de s’exonérer du versement de la rémunération contractuelle définie par le pacte d’associés et le contraindre à revendre ses parts sociales à prix coûtant, outre qu’il ne disposait d’aucune délégation en qualité de mandataire social’; il s’estime, au regard de ces éléments, bien-fondé à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail, ayant été privé de ses salaires, s’être vu interdit de fonction, tous ses accès aux système d’information de l’entreprise ayant été coupés après son refus de signer un contrat de travail non conforme aux engagements souscrits, autant d’éléments qui justifient ses demandes à caractère salarial et indemnitaire.
* * *
Par conclusions de leur avocat présentées en cause d’appel, les sociétés SENSING VISION et VSR2 demandent à la Cour de’:
– A titre principal, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau, de condamner Monsieur [P] à leur payer une somme de 3.000 euros à répartir entre elles, ainsi qu’aux entiers dépens’;
– A titre subsidiaire, débouter Monsieur [P] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à leur payer une somme de 3.000 euros à répartir entre elles, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel’;
– A titre infiniment subsidiaire,’si par extraordinaire, la Cour décidait de faire droit à la demande de Monsieur [P] relative à l’existence d’un contrat de travail, de le débouter de ses demandes au titre des heures supplémentaires’et de fixer à juste proportion le montant de rappel de salaire dans la limite de 1.170,17 euros au titre des heures supplémentaires et 117,02 euros au titre des congés payés afférents.
A l’appui de leurs prétentions, les intimées font valoir que Messieurs [J] et [P] étaient tous deux salariés du même employeur, Monsieur [P] ayant décidé de créer sa propre entreprise en janvier 2016, la société NOVANU dont il est toujours gérant’; Monsieur [J] ayant quitté son employeur en octobre 2016, ils ont décidé de créer ensemble la société VSR2 le 5 avril 2017 avec deux autres associés,’puis la société SENSING VISION le 6 juin 2017, un seul associé, Monsieur [C], non éligible à l’ACRE, ayant été embauché en qualité de salarié, Messieurs [J], [P] et [G] ayant été nommés mandataires sociaux, respectivement président, directeur général technique et directeur général des opérations, tous trois étant associés non-salariés, hormis le remboursement de leurs frais professionnels et la participation de l’entreprise à une mutuelle ; elle observent que s’il était convenu dans le cadre du pacte d’associés du 18 mai 2017 qu’à la fin de la prise en charge par l’ACRE, il devait être proposé aux 3 associés concernés, un contrat de travail avec une rémunération fixée en fonction des capacités financières de l’entreprise, Monsieur [P] a refusé de signer le contrat proposé, exigeant une rémunération de 4.000 euros nets que la société n’était pas en capacité de lui verser; les intimées exposent que Monsieur [P] a alors été placé en arrêt travail à compter du 11 février 2019 et que pour finir, devant son refus réitéré de signer le contrat de travail proposé et son désintérêt à l’égard de l’entreprise, il a été révoqué de son mandat de directeur général par l’assemblée générale extraordinaire du 28 mars 2019 ; elles estiment en conséquence que c’est à juste titre que le Conseil des prud’hommes s’est déclaré incompétent pour connaître du litige dès lors que Monsieur [P] n’a jamais été salarié de l’une ou l’autre des sociétés, l’appelant n’ayant jamais fourni la moindre prestation pour la société VSR2 et ayant exercé un mandat social de directeur technique sans rémunération pour le compte de la société SENSING VISION.
A la suite de l’échec de la médiation acceptée par les parties à l’audience du 15 février 2022, l’affaire a été de nouveau évoquée à l’audience du 26 septembre 2022 la date de prononcer de l’arrêt fixée au 17 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions notifiées par voie électronique au greffe de la Cour le 4 février 2022 pour Monsieur [O] [P] et le 11 février 2022 pour les sociétés VSR2 et SENSING VISION.
SUR CE, LA COUR
1. Sur l’existence d’un contrat de travail
L’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs’; elle suppose que soient réunies la réalisation d’une prestation de travail, la perception d’une rémunération et un lien de subordination juridique’; en l’absence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui se prévaut de son existence d’en rapporter la preuve.
Il ressort des pièces produites que la société VSR2 dont l’objet social est celui d’une société holding a été constituée le 5 avril 2017 entre Messieurs [J] (50%), Senzec (40%) , [G] (5%) et [C] (5%)’; le 6 juin 2017, a été constituée la société SENSING VISION, dont l’objet social est notamment la réalisation de systèmes d’information en matière énergétique, le capital étant détenu par la société VSR2 pour 90 % et pour 10 % par Monsieur [E]’; lors de l’assemblée générale SENSING VISION du 15 juin 2017, par délibérations prises à l’unanimité des associés, la SARL VSR2 représentée par Monsieur [J] a été désignée pour assurer la présidence, les trois autres associés ayant été nommés respectivement en qualité de directeur technique, directeur recherche et développement et directeur des opérations, aucun des associés bénéficiant de l’ACRE n’étant rémunéré, sauf la prise en charge de leurs frais professionnels et la participation de la société SENSING VISION à une mutuelle.
L’appelant qui soutient avoir occupé le poste de directeur technique en qualité de salarié depuis le 15 juin 2017, produit les projets de contrat de travail qui lui ont été proposés entre décembre 2018 et janvier 2019 à l’expiration de sa période d’indemnisation sous le régime de l’ACRE’; pour autant, ce seul élément est insuffisant à caractériser la réalité d’un contrat de travail apparent à compter du 15 juin 2017 et il lui appartient d’apporter la preuve de la réalité du contrat de travail dont il se prévaut.
Pour en justifier, l’appelant produit’notamment :
‘ un échange de courriels du 26 novembre 2018 par lequel il transmet à Monsieur [J] une offre pour un projet d’opération à [Localité 11], ce dernier y apportant des modifications sur la prestation’et sa durée ;
‘ une demande de chiffrage émanant de Monsieur [J] sur une opération envisagée à [Localité 9] le 12 décembre 2018’;
‘ une demande de Monsieur [J] de mise à jour de devis, le 13 décembre 2018’;
‘ une proposition d’offre pour la commune de Saint-Aubin d’Aubigné par l’appelant le 18 décembre 2018, sur demande de Monsieur'[J] ;
‘ une demande de mise à jour d’une feuille de calcul émanant de Monsieur [J] le 20 décembre 2018,’ainsi qu’une demande de mise à jour du planning’;
‘ la transmission par l’appelant de deux offres et de spécifications générales pour le centre Eugène Marquis de [Localité 12] le 19 décembre 2018 à Monsieur [J] pour accord avant la rédaction du document de recettes’;
‘ la transmission, le 19 décembre 2018 de spécifications générales sur une opération à [Localité 13]’et une demande de mise à jour du planning de cette opération émanant de Monsieur [J]’;
‘ une demande de Monsieur [J] pour la transmission en urgence d’une offre à la commune de [Localité 6], le 20 décembre 2018’;
‘ la transmission par Monsieur [P] d’un cadrage budgétaire à la commune de LE FERRE’le 20 décembre 2018’;
‘ une demande de Monsieur [J] adressée à Monsieur [P] le 20 décembre 2018 en ces termes : « merci de faire le ménage dans les opportunités de ce document »’ou encore le 20 décembre 2018 lui demandant de renseigner le planning de déploiement [Localité 13]’ou toujours le 20 décembre 2018 lui demandant de faire à un client une offre au plus vite pour commande dans la journée’;
‘ des échanges, le 10 janvier 2019, de courriels techniques avec une intervenante sur l’opération de [Localité 9], Monsieur [J] étant mis en copie de ces échanges’;
‘ la transmission par Monsieur [P] à Monsieur [J] des documents de recettes pour la phase 1 de l’opération de [Localité 13] le 15 janvier 2019’;
‘ un courriel de Monsieur [J] du 15 janvier 2019 indiquant à un partenaire que le contact principal sur la partie serveur est Monsieur [C], le contact secondaire étant Monsieur [P]’;
‘ un courriel de Monsieur [P] du 17 janvier 2019 adressé au client [Localité 13], avec copie à Monsieur [J], proposant un ordre du jour pour une réunion prévue le lendemain (équipements installés, statut des déploiements, statut des prestations, travaux supplémentaires, actions en cours et actions à planifier)’;
‘ un courriel de Monsieur [P] du 25 janvier 2019 adressé à Monsieur [J] lui rendant compte d’un entretien avec un partenaire sur l’opération [Localité 13] s’agissant des solutions retenues et des prix, ainsi que la réponse de ce dernier lui demandant de préparer un document en réponse en reprenant trois offres et un chiffrage’;
‘ un courriel de Monsieur [P] à Monsieur [J] du 25 janvier 2019 lui indiquant qu’il a rédigé la partie analyse et qu’il lui reste à finir la partie comparative chiffrée ainsi que la réponse de Monsieur [J] lui indiquant qu’il n’a pas d’observations sur la partie déjà rédigée, mais’qu’il faut finaliser le document’;
‘ un courriel de Monsieur [P] du 5 février 2019 indiquant qu’il est passé sur site pour suivre les travaux, observant que l’installation des équipements progresse bien et établissant un compte rendu détaillé au client ;
‘ un projet de contrat de travail à durée indéterminée transmis par Monsieur [J] à Monsieur [P] le 14 novembre 2018 prévoyant l’embauche de ce dernier à compter du 1er décembre 2018 en qualité de directeur technique avec une rémunération brute mensuelle de 2.627,30 euros comprenant les majorations pour heures supplémentaires et fixant le lieu de travail à [Localité 6], puis un second projet daté du 22 décembre 2018 à effet du 2 janvier 2019, Monsieur [P] étant alors embauché en qualité de directeur du développement et directeur de projet pour la même rémunération ; il est toutefois prévu que Monsieur [P] pourra exercer une partie de son activité en télétravail, les plages de télétravail devant être validées préalablement par Monsieur [J] sur proposition d’un agenda détaillé, le salarié pouvant être muté, si l’intérêt de l’entreprise l’exige, dans tout lieu où la société pourrait avoir des intérêts avec un délai de prévenance de 13 jours’;
‘ un courriel de Monsieur [J] à Monsieur [P] du 14 janvier 2019 par lequel il observe qu’il voit sur l’agenda partagé qu’il sera présent à [Localité 6] mercredi et jeudi et il l’interroge sur les autres jours de la semaine, ainsi que sur l’état d’avancement d’une offre [Localité 10], suivi de la réponse de Monsieur [P], suite à un échange par visio-conférence’; il lui indique qu’il souhaite clarifier certains points en lui rappelant qu’il travaille depuis plus de deux ans à temps plein chez SENSING VISION et qu’il a toujours été convenu qu’il travaillerait à distance et viendrait 2 jours par semaine à [Localité 12] dans la mesure où il demeure en région parisienne ; il précise qu’en cas d’événement exceptionnel, il assure une présence complémentaire comme cela été le cas la semaine précédente où il a séjourné 4 jours à [Localité 12] aux fins d’être disponible pour des interventions sur le site de [Localité 13] ; il rappelle qu’un temps plein sur [Localité 12] n’a jamais été envisagé et que si tel avait été le cas il n’aurait pas donné suite au projet ; il expose qu’il ne peut lui être reproché, comme cela été le cas que ses activités ne sont pas connues lorsqu’il est en télétravail, alors qu’il note ses rendez-vous dans le calendrier partagé ;
il expose enfin que sa situation actuelle est très délicate, son chômage s’étant terminé le 17 décembre et qu’il n’a toujours pas de contrat de travail, ni de rémunération, observant que les projets de contrat transmis modifient ses conditions de travail, outre qu’il conteste la rémunération de 2.000 euros nets par mois qui lui a été confirmée et il demande à Monsieur [J] comment il voit son avenir chez SENSING VISION’;
‘ un courriel de Monsieur [P] du 7 février 2019 adressé à Monsieur [J] observant que son adresse «’contact-sensingvision’» a été redirigée sur l’adresse mail de Monsieur [J] sans qu’il ait été avisé de ce changement’;
‘ un échange de courriels entre Monsieur [J] et Monsieur [P] le 7 février 2019 par lequel Monsieur [J] lui fait part de ce qu’il a découvert sur l’agenda partagé qu’une conférence de presse sur le projet [Localité 13] était organisée par la mairie et qu’il n’y était pas convié, le mettant en porte-à-faux ; Monsieur [J] indique que le maire ne s’attend pas à faire une conférence de presse avec un directeur de projet, sa mission étant de s’assurer de la bonne fin du projet, de l’engagement des ressources, du respect du calendrier et la profitabilité du dossier ; il lui indique qu’il sera le seul représentant de SENSING VISION à cette conférence de presse et lui demande de se concentrer sur ses missions de directeur de projet, lui enjoignant de le mettre en copie de l’intégralité des échanges avec le client’; en réponse, Monsieur [P] lui indique qu’il lui a été transmis, dans le cadre du projet [Localité 13], les dates d’une conférence de presse par le maire et de deux réunions publiques d’information et qu’il a pré-positionné les trois dates sur l’agenda partagé, compte tenu de ce qu’il est chef de projet et interlocuteur privilégié du client, pensant participer aux côtés du président de la société à ces manifestations et il prend acte qu’il en est exclu’;
‘ un courriel de Monsieur [J] du 11 février 2019 par lequel il prend acte du refus de Monsieur [P] de signer le dernier contrat de travail qui lui a été proposé ; il observe que ce contrat est en discussion depuis le mois de novembre ; il lui précise qu’à titre conservatoire, il ne dispose plus de délégation pour engager quelque action que ce soit au nom de la société et lui demande de ne plus prendre contact avec les clients partenaires et fournisseurs par quelque moyen que ce soit’;
‘ un courriel de Monsieur [J] adressé à Monsieur [P] le 16 février 2019 par lequel il prend acte de son arrêt de travail à compter du 11 février 2019 ; il lui est rappelé qu’il est cadre dirigeant, mandataire social de l’entreprise en charge de missions clés pour la société, mais que depuis le 11 février, il n’a plus aucun contact avec la société, lui rappelant qu’en sa qualité de directeur du projet [Localité 13] ou du projet NEOSIS, outre le suivi commercial de divers autres projets, il a eu 11 rendez-vous commerciaux entre le 28 janvier et le 7 février sans aucun retour à la société ;il lui indique que ce comportement met en danger la société et lui propose une réunion le 19 février, rendez-vous décliné par Monsieur [P] à raison de la prolongation de son arrêt de travail’;
‘ le compte rendu de l’assemblée générale de la société SENSING VISION du 28 mars 2019 au cours de laquelle Monsieur [P] a été révoqué de son mandat de directeur général technique ; il est rappelé qu’il était pris en charge par l’ACRE jusqu’en décembre 2018 et a été nommé directeur général technique, mandataire social non rémunéré et que depuis novembre 2018 les parties sont en discussion pour l’établissement d’un contrat de travail que Monsieur [P] a refusé de signer, outre qu’il conteste son mandat social, revendiquant une qualification de salarié qui n’a jamais été la sienne ; il est noté qu’il produit des arrêts de travail depuis le 11 février 2019 mais qu’il ne communique plus avec l’entreprise autrement que par son avocat, alors qu’il détient des informations liées à des prospections de clients en qualité de directeur de projet et des informations pour le marché en cours de la mairie de [Localité 13]; sa révocation a été votée à l’unanimité des associés par Monsieur [J] et Monsieur [E], décision notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à l’appelant le 1er avril 2019’;
‘ la lettre de Monsieur [P] à Monsieur [J] qui lui communique sa nouvelle adresse mail et lui rappelle qu’il n’a jamais été directeur général de la société SENSING VISION, cette décision ayant été prise au mois de novembre 2018 à son insu et unilatéralement par décision du président et non par décision collective ordinaire des associés conformément aux dispositions statutaires, outre qu’il n’a jamais exercé la moindre fonction relevant des prérogatives d’un directeur général’et ne dispose d’aucune délégation ;
‘ une lettre intitulée «’décision du président le 8 septembre 2018’» par laquelle, sur décision du président, Messieurs [P] et [G] sont nommés directeurs généraux à compter de ce jour, respectivement en qualité de directeur général technique et de directeur général en charge des opérations, la lettre étant datée du 8 septembre 2017.
Pour leur part, les sociétés intimées font valoir que l’appelant n’a jamais réalisé la moindre prestation de travail pour la société VSR2, société holding et qu’il a eu au sein de la société SENSING VISION’une activité d’actionnaire non salarié, son peu d’implication ayant suscité les interrogations des associés au mois de juin 2018′; compte tenu de ce qu’il n’a pas entendu faire de concessions sur sa rémunération mais a privilégié, au cours de cette période, sa société NOVANUM, il a été décidé de lui retirer son adresse mail SENSING VISION et de le révoquer de son mandat social le 28 mars 2019.
Aux fins d’en justifier les intimées produisent’:
‘ les avis d’arrêt de travail de l’appelant à compter du 7 février 2019’;
‘ les attestations des trois autres associés par lesquelles ils exposent dans les mêmes termes que Monsieur [P] n’utilisait pas les outils informatiques de la société, mais son propre matériel informatique et sa messagerie personnelle, qu’il s’installait dans le bureau de Monsieur [J] lorsqu’il venait travailler dans les locaux de [Localité 6] et qu’il organisait son temps en fonction de ses impératifs personnels, de même que ses congés, Messieurs [G] et [E] précisant en outre que lors de la négociation de son contrat de travail, il a proposé une augmentation de capital pour couvrir son salaire dans un cadre de discussion tendue’;
‘ la publicité sur Infogreffe le 12 décembre 2018 de la nomination de Monsieur [P] en qualité de directeur général à compter du 8 septembre 2018′; il y a lieu de relever à cet égard qu’outre les dates relevées sur «’la décision du président’» déjà évoquée, que les intimées elles-mêmes font valoir dans leurs écritures que le commissaire aux comptes a alerté la société le 30 octobre 2018 sur la situation de Monsieur [P] et [G] et que tous deux ont été nommés directeurs généraux de SENSING VISION par une décision du président le 8 novembre 2018’;
‘ un listing de participations de Monsieur [P] à diverses réunions entre février 2017 et février 2019’;
‘ 4 propositions de contrat de travail à durée indéterminée avec une première date d’effet (biffée) du 1er décembre 2018, puis les trois autres avec une date d’effet au 2 janvier 2019’;
‘ une attestation de l’expert-comptable précisant que Messieurs [E], [C] et [G], tous 3 associés, percevaient une rémunération nette mensuelle de 2.000 euros.
Il ressort de ces éléments que l’appelant ne démontre aucune prestation de travail pour le compte de la société VSR2, société holding sans activité opérationnelle’; en outre, il n’établit nullement, qu’au-delà de la nécessaire coordination des activités économiques entre les deux sociétés et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, il existe une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société VSR2 dans la gestion économique et sociale de la société SENSING VISION de nature à caractériser une situation de co-emploi.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qui concerne les demandes dirigées à l’encontre de la société VSR2.
Par ailleurs, si l’appelant soutient avoir exécuté une prestation de travail pour le compte de la société SENSING VISION à compter du 15 juin 2017, il ne produit aucune pièce aux fins de l’établir, étant observé que le 27 juin 2017, il a facturé par le biais de sa société Novanum, des prestations à la société SENSING VISION, s’agissant notamment d’une prestation pour la création de la marque pour un montant de 4.500 euros tel qu’il ressort des factures versées aux débats.
Par contre, les pièces produites laissent apparaître qu’à compter de la fin du mois de novembre 2018 et plus particulièrement à compter du mois de décembre 2018, étant rappelé la fin de sa période d’indemnisation au titre du régime de l’ACRE le 15 décembre 2018, Monsieur [P] réalisait au quotidien des prestations techniques pour le compte de SENSING VISION précisément identifiées et non contestées, sur instructions du directeur général Monsieur [J] et sous le contrôle de ce dernier, lequel l’invitait d’ailleurs à se concentrer sur ses missions de chef de projet et à lui rendre compte de l’intégralité des échanges avec les clients ; il est encore établi que l’appelant utilisait l’agenda partagé permettant l’organisation et le contrôle de son activité.
Il apparait en outre que s’il utilisait son ordinateur personnel, il bénéficiait à son domicile d’un écran fourni par la société SENSING VISION, d’une adresse mail et des accès au système informatique de l’entreprise, outils au moyen desquels il devait travailler au service de l’entreprise sous l’autorité et le contrôle de son dirigeant.
‘Enfin, il doit être relevé que le premier contrat de travail proposé à l’appelant prévoyait initialement une prise d’effet au 1er décembre 2018, laquelle a bien eu lieu à cette date tel qu’il résulte des pièces produites, sans que le contrat proposé ait été signé.
S’agissant de sa nomination en qualité de mandataire social de la société SENSING VISION, Monsieur [P] soutient n’avoir jamais consenti à cette nomination et n’en avoir eu connaissance qu’à posteriori, étant observé que la société n’a pas produit le procès-verbal de l’assemblée générale des associés ayant décidé de cette nomination et qu’elle indique, elle-même, qu’elle a été invitée par le commissaire aux comptes à régulariser une situation de fait au mois de novembre 2018′; au-delà de ces contestations, cette nomination est sans influence sur le litige dès lors qu’il est établi la réalité de prestations techniques réalisées par l’appelant sous la direction et le contrôle du directeur général qui caractérisent suffisamment la réalité d’un lien de subordination, d’autant qu’il n’est allégué aucune délégation, ni aucun pouvoir d’engagement pouvant accréditer l’exécution d’un mandat social.
Il s’ensuit que Monsieur [P] rapporte suffisamment la preuve de l’existence d’un contrat de travail avec la société SENSING VISION à compter du 1er décembre 2018 et le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a dit que Monsieur [P] n’était pas lié par un contrat de travail à la société SENSING VISION pour se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant le Tribunal de commerce de Rennes.
Conformément aux dispositions de l’article 88 du code de procédure civile, dans la mesure où la Cour estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive conformément à la demande des parties, il y a lieu d’évoquer les points non jugés par le Conseil des prud’hommes, les parties ayant conclu à cette fin à titre principal.
2. Sur le rappel de salaire
Au regard de ce qui précède, il y a lieu de débouter l’appelant de ses demandes de rappel de salaire dirigées à l’encontre de la société SENSING VISION en tant qu’elles portent sur la période antérieure au 1er décembre 2018.
Ceci étant, tel que déjà évoqué, le pacte d’associés du 18 mai 2017 signé entre Messieurs [J], [P], [G] et [C], en présence des société VRS2 et SENSING VISION alors en formation, s’il prévoit une activité non rémunérée de 3 associés dans la phase de création de l’entreprise compte tenu de ce qu’ils percevaient une indemnisation sous le régime de l’ACRE, prévoit par contre précisément la rémunération salariale des 4 associés, soit un salaire mensuel net initial de 4.000 euros pour Messieurs [J] et [P] et un salaire mensuel net initial de 2.000 euros pour Messieurs [G] et [C], outre un objectif de salaire mensuel net précisément chiffré devant être mis en place dans un second temps dès que les conditions financières de la société ou de la filiale le permettront, soit 4.000 euros pour Messieurs [G] et [C], 6.000 euros pour Monsieur [P] et 7.000 euros pour Monsieur [J].
Pour justifier de la proposition d’un salaire d’embauche de 2.000 euros faite à Monsieur [P], la société SENSING VISION fait vainement état de l’incapacité financière de l’entreprise à répondre à l’obligation ainsi contractée, dès lors que le pacte d’associés ne lie pas le salaire d’embauche aux capacités financières de la société, mais uniquement les objectifs de salaire devant être mis en ‘uvre dans un second temps ; à cet égard il y a lieu de relever qu’il ressort de l’attestation de l’expert-comptable déjà évoquée que Messieurs [G] et [C] ont bien été embauchés au salaire mensuel net initial convenu, soit 2.000 euros par mois’; Messieurs [J] et [P] devaient quant à eux percevoir un salaire mensuel net initial de 4.000 euros, étant relevé qu’il n’est communiqué aucun élément sur la rémunération nette perçue par Monsieur [J].
Il y a lieu en conséquence de retenir comme salaire de base pour l’appelant, le salaire mensuel net initial d’embauche convenu entre les parties, soit une rémunération mensuelle nette de 4.000 euros à compter du 1er décembre 2018.
3. Sur la demande au titre des heures supplémentaires
S’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de présenter au juge, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Au vu des éléments fournis, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où le juge retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe la créance salariale s’y rapportant.
Il y a lieu de relever que Monsieur [P] allègue avoir accompli des heures supplémentaires sur la période comprise entre le 15 juin 2017 et son arrêt de travail le 7 février 2019.
Dans la mesure où il a été jugé que la réalité du contrat de travail n’était établie qu’à compter du 1er décembre 2018, l’appelant sera débouté de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires, congés payés et contrepartie obligatoire en repos portant sur la période antérieure à cette date.
S’agissant de la période postérieure au 1er décembre 2018, l’appelant produit un tableau de ses temps de présence au titre des 2 dernières semaines de l’année 2018, ainsi que des captures d’écran de l’agenda partagé des mois de janvier et février 2019 pendant les périodes de travail réalisées au siège de l’entreprise, desquelles il ressort qu’il était présent dans l’entreprise les semaines 2 à 6 de 2019 pendant un temps hebdomadaire variant de 41h15 à 48h.
L’appelant produit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour sa part, la société SENSING VISION se limite à faire valoir qu’elle n’est pas en capacité de produire un décompte du temps de travail de Monsieur [P] dès lors qu’il n’était pas salarié, alors même qu’a été mis en ‘uvre au sein de l’entreprise un agenda partagé permettant une appréciation précise du temps travail de l’appelant.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande au titre de la période considérée et d’allouer à l’appelant, au titre des heures supplémentaires la somme de 572,40 euros nets au titre du mois de décembre 2018 et celle de 1.453,65 euros nets au titre des mois de janvier et février 2019, soit au total la somme de 1.981,05 euros et celle de 198,10 euros au titre des congés payés afférents, l’appelant devant être débouté du surplus de ses demandes à ce titre.
4. Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l’article L.8223-1 du Code du travail, le salarié, auquel un employeur a eu recours en violation des dispositions de l’article L.8221-5 en sa rédaction alors applicable, a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire si l’employeur agit intentionnellement’; aux termes de ces dispositions, constitue un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait, pour tout employeur, de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.
Compte tenu des éléments du litige, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que l’employeur a intentionnellement méconnu de prendre en compte des heures supplémentaires, étant observé l’absence de réclamation du salarié pendant l’exécution de son contrat de travail et il y a lieu de débouter l’appelant de ce chef de demande.
5. Sur le harcèlement moral et la discrimination liée à l’état de santé
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Par ailleurs, aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L. 1134-1 du même code dispose qu’en cas de litige relatif à l’application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Sur le premier point, au soutien de sa demande, Monsieur [P] invoque un harcèlement moral dont il soutient avoir été victime par’les pressions qu’il a subies pour le contraindre à accepter de nouvelles conditions de travail avec une rémunération mensuelle de 2.000 euros et par le refus de lui verser son salaire à défaut de signature du contrat de travail, puis la suppression de ses accès informatiques et l’interdiction de prendre contact avec les clients et partenaires de l’entreprise.
Pour établir la matérialité de ces faits constituant selon lui un harcèlement Monsieur [P] verse aux débats les pièces déjà évoquées, et plus particulièrement les projets de contrat et le courriel du 11 février 2019, par lequel il a été informé par Monsieur [J] de ce que compte tenu de son refus de signer un contrat de travail, il s’est vu supprimer ses accès informatiques et qu’il lui a été fait interdiction de prendre contact avec les clients et partenaires de l’entreprise’; il produit par ailleurs ses arrêts de travail et les factures d’une psychologue clinicienne pour 4 consultations de mars à juillet 2019.
Toutefois les faits ainsi évoqués s’inscrivent dans un contexte d’une négociation d’un contrat de travail dans un climat de mésintelligence entre associés, sans que puisse être établi un lien quelconque entre cette situation et la consultation d’une psychologue et sans que soit mis en évidence des agissements répétés au sens des dispositions précitées de l’article L 1152-1 du code du travail, les éléments dont se prévaut le salarié, pris dans leur ensemble, ne permettant donc pas de présumer une situation de harcèlement moral.
Sur le second point, s’agissant de la discrimination à raison de son état de santé, l’appelant fait valoir la suppression de sa mutuelle alors qu’il était en arrêt maladie, élément qui à lui seul, en présence d’une contestation portant sur l’existence même du contrat de travail, ne permet pas de supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens des dispositions légales précédemment rappelées.
Il convient en conséquence de débouter l’appelant de ses demandes indemnitaires à ce titre.
6. Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
L’action en demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est une procédure ouverte au salarié victime d’un manquement grave de l’employeur à ses obligations. Si la résiliation judiciaire est admise, elle produit au jour où le juge constate le bien-fondé de la demande, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le contrat de travail n’a pas été préalablement rompu et si le salarié s’est tenu à disposition de l’employeur et si elle est rejetée, le contrat n’est pas rompu et se poursuit en l’état.
Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de rapporter la preuve de manquements suffisamment graves par l’employeur à ses obligations contractuelles, quelle que soit leur ancienneté, pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier la rupture à ses torts.
Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, Monsieur [P] fait valoir les pressions auxquelles il a été soumis aux fins de le contraindre à signer un contrat de travail modifiant ses conditions de travail et fixant une rémunération inférieure à celle contractuellement convenue et l’absence de versement de toute rémunération faute de signature de ce contrat, la suppression de ses accès au système d’information de la société à compter du 11 février 2019 et notamment la suppression de son adresse mail, l’interdiction d’entrer en contact avec les clients, partenaires et fournisseurs, de la société, sa désignation frauduleuse en qualité de mandataire social et la résiliation de sa couverture santé à effet du 28 juin 2019, outre une mise en demeure de régler une somme de 30.000 euros pour déloyauté.
Il produit encore un courriel de sa mutuelle du 5 mai 2020 par lequel la société [Localité 7] Humanis lui indique que son employeur l’a tardivement informée de son départ et qu’elle a procédé à la mise en place de la portabilité de ses droits pour la période du 29 juin 2019 au 28 juin 2020.
Il est établi que l’employeur n’a versé aucun salaire à l’appelant malgré l’exécution d’un contrat de travail à compter du 1er décembre 2018, qu’il a supprimé à l’appelant ses accès informatiques et lui a fait interdiction d’entrer en contact avec les clients et partenaires de l’entreprise à compter du 11 février 2019’et enfin qu’il a supprimé son adhésion à la mutuelle à une date non précisément communiquée alors que l’intéressé était en arrêt de travail pour maladie, ces manquements, par leur gravité, ayant empêché la poursuite du contrat de travail de telle sorte qu’il y a lieu d’accueillir la demande en résiliation judiciaire.
S’agissant de la date d’effet de la résiliation, l’appelant produit ses arrêts de travail du 11 février 2019 jusqu’au 2 octobre 2020, période au cours de laquelle son contrat de travail a été suspendu’; il n’est pas inutile de relever que par une lettre du 19 mars 2020, Monsieur [P] était mis en demeure de céder ses parts sociales à ses trois associés pour un montant de 20.000 euros, outre le paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts à chacun d’entre eux au motif d’un manquement à son devoir de loyauté.’
Il ressort de ces éléments que les parties ont cessé de collaborer à compter du 11 février 2019, le contrat de travail étant suspendu jusqu’au 2 octobre 2020′; au-delà de cette date, l’appelant ne produit aucun élément de nature à justifier s’être tenu à disposition de son employeur et il y a lieu de juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, prend effet au 2 octobre 2020.
7. Sur le montant des rappels de salaire
Il ressort des dispositions de l’article 43 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieur-conseil et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987 applicable dans l’entreprise qu’en cas de maladie ou d’accident dûment constaté, les ingénieurs-conseils ayant plus d’un an d’ancienneté bénéficient du maintien du salaire à 100 % pendant 3 mois’; si l’ancienneté de 1 an est atteinte par l’ingénieur-conseil au cours de sa maladie, il recevra, à partir du moment où l’ancienneté sera atteinte, l’allocation fixée pour chacun des mois de maladie restant à courir.
Dès lors qu’il a acquis une année d’ancienneté à la date du 1er décembre 2019, l’appelant pouvait prétendre au maintien de son salaire pendant une durée de trois mois étant rappelé que le dernier arrêt de travail produit a été prolongé le 28 août 2020 jusqu’au 2 octobre 2020.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de rappel de salaire de l’appelant pour la période du 1er décembre 2018 au 7 février 2019, période effectivement travaillée et pour une période de 3 mois supplémentaires correspondant au maintien du salaire pendant la période de maladie et ce, à compter du 1er décembre 2019, date à laquelle il a acquis une année d’ancienneté, soit au total la somme de 17.000 euros nets et celle de 1.700 euros au titre des congés payés afférents.
L’appelant sollicite en outre une prime de vacances en application des dispositions de l’article 31 de la convention collective qui dispose que l’ensemble des salariés bénéficie d’une prime de vacances d’un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés’; dans la mesure où l’employeur ne produit aucun élément permettant de déterminer précisément le montant de cette prime, qu’il s’agisse de la masse globale des indemnités de congés payés et de la répartition entre les différents salariés’, il y a lieu de majorer forfaitairement de 10 % l’indemnité de congés payés alloués à l’intimé au cours de la période et de faire droit à la demande pour la somme de 310 euros.
8. Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
Au moment de la rupture du contrat de travail soit le 2 octobre 2020, Monsieur [P] était âgé de 57 ans et avait une ancienneté de 22 mois dans l’entreprise.’
S’agissant de l’indemnité compensatrice de préavis, l’appelant est bien fondé à solliciter une indemnité de préavis de 3 mois conformément aux dispositions de l’article 15 de la convention collective et il y a lieu de lui allouer la somme de 12.000 euros nets à ce titre, outre celle de 1.200 euros au titre des congés payés afférents.
S’agissant de l’indemnité de licenciement, si l’appelant ne peut prétendre à l’indemnité conventionnelle de licenciement à raison de son ancienneté, il est bien fondé à prétendre à l’indemnité légale de licenciement ayant plus de 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service de son employeur, soit 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté et il y a lieu de faire droit à la demande pour la somme de 1.833 euros.
S’agissant enfin des dommages et intérêts’pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il résulte des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail que si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse le juge peut allouer une indemnité dont le montant est compris entre les montant minimaux et maximaux fixés par ces dispositions en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise’; en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, les montants minimaux fixés sont applicables.
Monsieur [P] lors de la rupture du contrat de travail avait une ancienneté de plus de 1 an dans l’entreprise, dont il soutient, sans être utilement contredit, qu’elle employait plus de 11 salariés à la date de la rupture du contrat; il peut en conséquence prétendre conformément aux dispositions légales précitées à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire brut’et il y a lieu de lui allouer la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
9. Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires pour licenciement vexatoire
Il ressort de la procédure que devant le refus de Monsieur [P] de signer le contrat de travail proposé prévoyant un salaire inférieur de moitié à celui convenu, l’employeur pour justifier de son activité l’a nommé dans les conditions précédemment exposées mandataire social avant de le révoquer trois mois plus tard en lui supprimant brutalement le 11 février 2019 tous ses accès informatique à l’entreprise, en lui faisant interdiction d’exécuter ses missions et en lui supprimant la garantie complémentaire santé alors même que l’intéressé se trouvait en arrêt de travail pour maladie.
Compte tenu des circonstances vexatoires de la rupture telles qu’elles résultent de l’ensemble de ces éléments, il est justifié de condamner la société SENSING VISION à payer à Monsieur [P] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de ce chef de préjudice.
10. Sur la demande de remboursement de frais professionnels
L’appelant sollicite le remboursement de ses frais professionnels engagés au cours du mois de janvier 2018 et au cours des mois de janvier et février 2019 et produit une fiche détaillée des frais professionnels mis en compte.
En absence de contestations précises de l’employeur, il convient de faire droit à la demande et de condamner la société SENSING VISION à payer à Monsieur [P] la somme de 903,08 euros à ce titre.
Conformément à la demande de SEZNZEC, il y a lieu de dire que les sommes ainsi allouées porteront intérêts au taux légal qui se capitaliseront par année entière, conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil.
Il y a lieu en outre de dire qu’il appartiendra à la société SENSING VISION d’acquitter les frais de la garantie complémentaire santé [Localité 7] Humanis pour l’ensemble de la période travaillée, soit jusqu’au 2 octobre 2020 et d’en justifier à l’appelant dans un délai de 2 mois.
Il convient de dire enfin qu’il appartiendra à la société SENSING VISION de délivrer à l’appelant les fiches de paie et documents de fin de contrat conforme aux dispositions du présent arrêt dans un délai de deux mois sans qu’il soit utile d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
11. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile
Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [O] [P] les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la société SENSING VISION sera condamnée à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance et l’instance d’appel.
La société SENSING VISION qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement du Conseil des prud’hommes de Rennes en ce qu’il a dit que la relation entre Monsieur [O] [P] et la société SENSING VISION ne pouvait être qualifiée en un contrat de travail pour se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes et en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code civil et l’a condamné aux dépens’;
Statuant à nouveau dans cette limite et évoquant pour le surplus’:
Dit que Monsieur [O] [P] et la société SENSING VISION étaient liés par un contrat de travail à compter du 1er décembre 2018′;
Dit que le Conseil des prud’hommes était compétent pour connaître des demandes formées par Monsieur [O] [P] à l’encontre de la société SENSING VISION’;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre les parties à effet du 20 octobre 2020 qui produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse’;
Condamne la société SENSING VISION’à payer à Monsieur [O] [P] les sommes suivantes’:
17.000 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période du 1er décembre 2018 au 20 octobre 2020 et 1.700 euros au titre des congés payés afférents,
1.981,05 euros au titre des heures supplémentaires et celle de 198,10 euros au titre des congés payés afférents,
310 euros au titre de la prime du de vacances,
12.000 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1.200 euros au titre des congés payés afférents,
1.833 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
3.000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires pour licenciement dans des conditions vexatoires,
903,08 euros au titre du remboursement des frais professionnels’;
Dit que les sommes allouées à Monsieur [O] [P] porteront intérêts au taux légal qui se capitaliseront par année entière conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil’;
Dit qu’il appartiendra à la société SENSING VISION d’acquitter les frais de la complémentaire santé [Localité 7] Humanis pour l’ensemble de la période travaillée, soit jusqu’au 2 octobre 2020 et d’en justifier à Monsieur [O] [P] dans un délai de 2 mois’;
Ordonne la délivrance à Monsieur [O] [P] des bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes aux dispositions du présent arrêt dans un délai de deux mois’;
Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte’;
Déboute Monsieur [O] [P] de ses demandes indemnitaires pour travail dissimulé, harcèlement moral et discrimination’;
Condamne la société SENSING VISION à payer à Monsieur [O] [P] la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l’instance d’appel’;
Condamne la société SENSING VISION aux entiers dépens de première instance et d’appel’;
Le Greffier Le Président