Augmentation de capital : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05879
Augmentation de capital : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/05879
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 – CHAMBRE 16

ARRET DU 17 JANVIER 2023

(n° 10 /2023 , 30 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05879 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDMGN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2020022014

APPELANTE

Société BIOPHYTIS

société anonyme immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 492 002 225

ayant son siège social : [Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat postulantt du barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée par Me Philippe BRUNSWICK et Me Maxime de la MORINERIE de l’AARPI BRUNSWICK LEGAL, avocats plaidants du barreau de PARIS, toque : P0299

INTIMEE

Société NEGMA GROUP LTD

société anonyme de droit des Iles Vierges Britanniques

immatriculée sous le numéro 1981121

ayant son siège social : [Adresse 2] (ILES VIERGES BRITANNIQUES)

prise en la personne de ses représentants légaux,

Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0241

Assistée par Me Johann BIOCHE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : C1520 et Me Eric DEUBEL du cabinet VEIL JOURDE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : T06

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président

Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Laure ALDEBERT, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCÉDURE

1- La société Negma Group (ci-après : « Negma ») est une société des Îles vierges britanniques spécialisée dans la fourniture de financements flexibles liés au capital.

2- En 2019, la société Biophytis, société française de biotechnologie cotée sur le marché Euronext Growth à la recherche d’une ligne de financement destinée à lui permettre de poursuivre le développement clinique de ses médicaments, est entrée en relation avec la société Negma.

3- Le 21 août 2019 la société Biophytis a signé avec la société Negma un contrat dénommé « Agreement for the issuance of and subscription to warrants giving access to notes convertible into new and /or existing shares and /or redeemable in cash with share subscription warrants attached », traduit par « contrat d’émission et de souscription à des Obligations Remboursables en Numéraire ou en Actions Nouvelles avec bons de souscription d’actions attachés (ci-après « ORNANE avec BSA »), portant sur la somme de 24.000.000 euros libérable en huit tranches de 3 000 000 euros sur une durée déterminée de quatre ans au travers d’une ligne de financement par obligations convertibles en actions donnant lieu à des augmentations de capital variables successives.

4- A la signature du contrat, la société Biophytis a demandé à la société Negma de libérer la première tranche de financement de trois millions d’euros, qui a donné lieu de la part de la société Negma à des demandes de remboursement par conversion de ses obligations.

5- Le 29 décembre 2019, la société Biophytis a appelé une seconde tranche de financement du même montant, libérée à hauteur de 50 % par Negma, qui a donné lieu à plusieurs demandes de remboursement de la part de Negma à compter du 12 février 2020.

6- Reprochant à la société Negma de procéder à une revente massive et systématique des actions qu’elle obtenait à la suite de la conversion de ses obligations occasionnant des effets néfastes sur le cours de bourse de ses actions, la société Biophytis, après avoir engagé des pourparlers avec la société Negma sur les modalités des remboursements, a procédé à la résiliation du contrat le 6 avril 2020.

7- La société Negma, après avoir saisi le juge des référés, a par exploit en date du 6 juin 2020, fait assigner à bref délai la société Biophytis devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 910 900, 62 euros et la livraison de sept millions d’actions, en conséquence de la conversion de ses obligations, sous astreinte, outre le paiement d’une indemnité de procédure sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

8- Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a fait droit aux demandes de la société Negma selon les dispositions suivantes :

‘ Dit que la fin de non recevoir tirée du défaut de respect des dispositions relatives aux notifications opposées par Biophytis aux demandes de Negma n’est pas fondée ;

‘ Déboute Biophytis de sa demande d’annulation du contrat pour violation par Negma Group de la réglementation applicable aux prestataires de services d’investissement ;

‘ Déboute Biophytis de sa demande d’annulation de l’article 8.1 de l’annexe 4 du contrat pour potestativité du mécanisme de calcul du prix de remboursement ;

‘ Déboute Biophytis de sa demande d’annulation des articles 8.1 et 8.2 de l’annexe 4 du contrat pour déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties;

‘ Déboute Biophytis de sa demande de rejet de l’intégralité des demandes de Negma Group au motif que le choix entre remboursement en numéraire et remboursement en actions était en réalité inexistant et théorique ;

‘ Déboute Biophytis de sa demande en réduction judiciaire des indemnités de compensation requalifiées en clause pénale ;

‘ Dit que Negma Group était en droit de demander la livraison du nombre d’actions déplafonné correspondant à ses demandes de remboursement non honorées ;

‘ Déboute Biophytis de sa demande de ne pas verser les indemnités contractuelles impayées en raison de l’absence d’exigibilité de ces indemnités à l’initiative exclusive de Negma Group ;

‘ Dit que Biophytis a manqué à son obligation essentielle de remboursement du prêt, à son obligation d’exclusivité (art.4.1.6 du contrat), à son obligation de disposer d’un nombre suffisant d’actions à émettre au regard du nombre d’ORNANE à convertir (art.4.1.5 du contrat) et à son obligation de verser une pénalité égale à 6% du nominal des tranches non appelées (art. 3.1 alinéa 3) ;

‘ Déboute Biophytis de son exception d’inexécution ;

‘ Dit que le contrat a été résilié le 6 avril 2020 aux torts exclusifs de Biophytis ;

‘ Déboute Biophytis de ses demandes reconventionnelles de restitution;

‘ Dit que Negma Group n’a manqué à aucune de ses obligations contractuelles ;

‘ Condamne Biophytis à payer à Negma Group la somme de 910 900,62 euros au titre des compensations dues conformément aux stipulations de l’article 8.3, alinéa 3, de l’Annexe 4 du contrat du 21 août 2019, assortie d’un intérêt au taux LIBOR + 10 % dans les termes et conditions de l’article 7 § (ii) dudit contrat ;

‘ Condamne Biophytis à livrer à Negma Group 7 000 000 d’actions code ISIN FR0012816825, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard à compter du 10ème jour après la signification de la décision, et ce pendant une période de 30 jours à l’issue de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

‘ Déboute Biophytis de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts;

‘ Condamne Biophytis à verser à Negma Group la somme de 100 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ Ordonne l’exécution provisoire ;

‘ Condamne Biophytis aux dépens de l’instance

9- Par déclaration en date du 26 mars 2021, la société Biophytis a interjeté appel du jugement.

10- Les parties ont adhéré au protocole de procédure CCIP-CA.

11- La société Biophytis a saisi le conseiller de la mise en état, le 1er juillet 2021, d’un incident aux fins de communication des ordres de vente d’actions de Biophytis et des avis d’exécution desdits ordres par la société Negma Group.

12- Par ordonnance du 17 mai 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté cette demande.

13- La clôture est intervenue le 11 octobre 2022.

14- Après la clôture, la société Biophytis aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 octobre et le 17 octobre 2022 demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 781 et 803 du code de procédure civile et de l’article 4.3 du protocole relatif à la procédure devant la chambre internationale de la cour d’appel, de :

– Rejeter des débats les conclusions d’intimée n°2 signifiées par Negma Group le vendredi 7 octobre 2022 à 20H ;

– Rejeter des débats les neuf nouvelles pièces numérotées 74 à 82 communiquées par Negma Group le samedi 8 octobre 2022 à 11H07 ;

– Rejeter des débats la nouvelle pièce numérotée 83 communiquée par Negma Group le lundi 10 octobre 2022 à 17H45 ;

– Rejeter des débats les conclusions d’intimé n°3 signifiées par Negma Group le lundi 10 octobre 2022 à 18H02 ;

– Rejeter des débats l’Annexe ‘ Synthèse signifiée par Negma Group le dimanche 16 octobre 2022 concernant les passages qui citent ses conclusions n°2 et n°3 ;

En tout état de cause :

– Débouter Negma Group de sa demande subsidiaire aux fins de rejet des conclusions d’Appelante n°2 et 3 signifiées par Biophytis les 6 et 12 septembre 2022 et des pièces 67 à 81 communiquées par Biophytis les 7 et 12 septembre 2022.

15- En réponse sur cet incident, la société Negma, selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022, demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 781 du code de procédure civile et du protocole relatif à la procédure devant la chambre internationale de la cour d’appel de débouter Biophytis de ses demandes, et à titre subsidiaire, de :

– rejeter des débats les conclusions d’appelante n°2 du 6 septembre 2022 ;

– rejeter des débats les conclusions d’appelante n°3 du 12 septembre 2022 ;

– rejeter des débats les pièces n°67 à 79 communiquées par Biophytis le 7 septembre 2022 ;

– rejeter des débats les pièces n°80 et 81 communiquées par Biophytis le 12 septembre 2022.

16- A l’audience des plaidoiries le 18 octobre 2022, la cour a joint l’incident au fond.

Sur la demande de rejet des conclusions n°2 et n° 3 de la société Negma et de ses dernières pièces communiquées

17- L’article 15 du code procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

18- Selon l’article 16 dudit code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

19- En l’espèce, la société Biophytis reproche à la société Negma d’avoir porté atteinte au principe de la contradiction en signifiant des conclusions de dernière heure le 7 octobre et le 10 octobre 2022, assorties de 10 nouvelles pièces, en violation du calendrier impératif de procédure.

20- Toutefois, il ressort de la procédure que la société Biophytis a conclu tardivement le 6 septembre laissant passer un délai d’un an après ses premières écritures. Ses conclusions tardives ont eu pour effet de contraindre au report au 11 octobre 2022 de la clôture, initialement prévue au 13 septembre, et de fixer un nouveau calendrier impartissant aux parties un bref délai pour répliquer afin de maintenir la date des plaidoiries au 18 octobre 2022.

21- Si les conclusions de la société Negma sont parvenues après le 29 septembre 2022, date arrêtée par le nouveau calendrier, la cour constate que la société Negma a été mise en position de conclure en peu de temps et que ses dernières écritures et pièces sont parvenues avant la clôture.

22-A cette date, le 11 octobre 2022, la société Biophitys n’a fait valoir aucune demande de report pour pouvoir y répondre si elle estimait ne pas être en mesure d’organiser sa défense, de sorte qu’elle ne saurait prétendre dans ces circonstances au rejet des dernières pièces et conclusions de l’intimée qui a conclu en dernier.

23- En conséquence, il convient de débouter la société Biophytis de ses demandes de rejet.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

24- Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2022, la société Biophytis demande à la cour, au visa des articles 14, 15, 122, 514, 700 du code de procédure civile, des articles 1104, 1143, 1170, 1171, 1186, 1219, 1224 à 1230, 1231-5, 1240, 1304-2 et 1352 à 1352-9 du code civil, des articles L. 321-1, L. 531-1 et suivants, L. 573-1 et suivants et D. 321-1 du code monétaire et financier et de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, d’ :

‘ INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021 en tous ses chefs ;

Et, statuant a nouveau :

A titre principal :

‘ PRONONCER la nullité absolue du contrat du 21 août 2019 en raison de l’exercice illégal par Negma Group de l’activité de prestataire de services d’investissement;

‘ PRONONCER la nullité relative de l’article 8.1 de l’Annexe 4 du contrat du 21 août 2019 en raison de sa potestativité ;

Par conséquent :

1. En cas de nullité absolue du contrat du 21 août 2019 en raison de l’exercice illégal par Negma Group de l’activité de prestataire de services d’investissement :

‘ CONDAMNER Negma Group à restituer à Biophytis :

‘ 300.000 euros versée au moment de la conclusion du contrat du 21 août 2019;

‘ 20.899.841 actions de Biophytis livrées à Negma Group, se décomposant comme suit :

” 13.399.841 actions livrées spontanément par Biophytis à Negma Group au titre de la première tranche ;

” 500.000 actions livrées spontanément par Biophytis à Negma Group au titre de la seconde tranche ;

” 7.000.000 actions livrées par Biophytis à Negma Group en exécution du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021,

et ce, moyennant le remboursement à Negma Group des 4,5 millions d’euros correspondant au montant prêté à Biophytis en exécution du contrat du 21 août 2019 ;

‘ 1.211.818,29 euros versés par Biophytis à Negma Group au titre des pénalités contractuelles, majorées des intérêts de retard et se décomposant comme suit :

” 433.389,59 euros au titre de la première tranche ;

” 778.428,70 euros au titre de la seconde tranche ;

‘ 1.280.380 actions de Biophytis résultant de l’exercice par Negma Group des BSA, se décomposant comme suit :

” 585.936 actions de Biophytis au titre de la première tranche ;

” 694.444 actions de Biophytis au titre de la seconde tranche,

moyennant la restitution par Biophytis à Negma Group de la somme, correspondant au prix de souscription des 1.280.380 BSA et se décomposant comme suit :

” 374.999 euros au titre du prix de souscription des BSA de la première tranche;

” 187.500 euros au titre du prix de souscription des BSA de la seconde tranche ;

‘ le montant de l’astreinte prononcée par le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021 (initialement liquidée à 1,5 million d’euros par le Juge de l’exécution dans son jugement du 16 juillet 2021, puis révisée à 500.000 euros par la Cour dans son arrêt du 8 septembre 2022);

‘ ASSORTIR cette condamnation d’une astreinte de 150.000 euros par jour de retard pendant une période 30 jours à défaut de restitution par Negma Group à Biophytis des actions et des pénalités contractuelles dans les 10 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à l’expiration de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution ;

2. En cas de nullité relative de l’article 8.1 de l’Annexe 4 du contrat du 21 août 2019 en raison de sa potestativité :

‘ CONDAMNER Negma Group à restituer à Biophytis :

‘ 20.899.841 actions de Biophytis livrées à Negma Group, se décomposant comme suit :

” 13.399.841 actions livrées spontanément par Biophytis à Negma Group au titre de la première tranche ;

” 500.000 actions livrées spontanément par Biophytis à Negma Group au titre de la seconde tranche ;

” 7.000.000 actions livrées par Biophytis à Negma Group en exécution du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021,

et ce, moyennant le remboursement à Negma Group des 4,5 millions d’euros correspondant au montant prêté à Biophytis en exécution du contrat du 21 août 2019 ;

‘ 1.211.818,29 euros versés par Biophytis à Negma Group au titre des pénalités contractuelles majorées des intérêts de retard et se décomposant comme suit :

” 433.389,59 euros au titre de la première tranche ;

” 778.428,70 euros au titre de la seconde tranche ;

‘ 1.280.380 actions de Biophytis résultant de l’exercice par Negma Group des BSA, se décomposant comme suit :

” 585.936 actions de Biophytis au titre de la première tranche ;

” 694.444 actions de Biophytis au titre de la seconde tranche,

moyennant la restitution par Biophytis à Negma Group de la somme, correspondant au prix de souscription des 1.280.380 BSA et se décomposant comme suit :

” 374.999 euros au titre du prix de souscription des BSA de la première tranche;

” 187.500 euros au titre du prix de souscription des BSA de la seconde tranche ;

‘ le montant de l’astreinte prononcée par le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021 (initialement liquidée à 1,5 million d’euros par le Juge de l’exécution dans son jugement du 16 juillet 2021, puis révisée à 500.000 euros par la Cour dans son arrêt du 8 septembre 2022) ;

‘ ASSORTIR cette condamnation d’une astreinte de 150.000 euros par jour de retard pendant une période 30 jours à défaut de restitution par Negma Group à Biophytis des actions et des pénalités contractuelles dans les 10 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à l’expiration de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution.

A titre subsidiaire :

1. Juger que Biophytis a valablement résilié le contrat du 21 août 2019 le 6 avril 2020 ;

Par conséquent :

‘ DEBOUTER Negma Group de sa demande de condamnation de Biophytis à lui verser 910.900,62 euros et lui livrer 7.000.000 actions de Biophytis (dont 532.833,62 euros et 4.950.000 actions au titre des notices de conversion des 6 et 9 avril 2020) ;

2. Déclarer irrecevables l’ensemble des demandes de Negma Group en raison du non-respect du formalisme contractuel ;

3. Juger que les indemnités de compensation prévues à l’article 8.3 de l’Annexe 4 du contrat du 21 août 2019 constituent une clause pénale manifestement excessive ;

Par conséquent :

‘ REDUIRE le montant de cette clause pénale manifestement excessive de l’article 8.3 de l’Annexe 4 du contrat du 21 août 2019 à 1 euro ;

4. Juger que Negma Group a engagé sa responsabilité contractuelle ;

Par conséquent :

‘ DEBOUTER Negma Group de sa demande de condamnation de Biophytis à lui verser 910.900,62 euros et lui livrer 7.000.000 actions de Biophytis ;

‘ CONDAMNER Negma Group à restituer à Biophytis :

o 20.899.841 actions de Biophytis livrées à Negma Group, se décomposant comme suit :

” 13.399.841 actions livrées spontanément par Biophytis à Negma Group au titre de la première tranche ;

” 500.000 actions livrées spontanément par Biophytis à Negma Group au titre de la seconde tranche ;

” 7.000.000 actions livrées par Biophytis à Negma Group en exécution du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021,

et ce, moyennant le remboursement à Negma Group des 4,5 millions d’euros correspondant au montant prêté à Biophytis en exécution du contrat du 21 août 2019 ;

‘ 1.280.380 actions de Biophytis résultant de l’exercice par Negma Group des BSA, se décomposant comme suit :

” 585.936 actions de Biophytis au titre de la première tranche ;

” 694.444 actions de Biophytis au titre de la seconde tranche,

moyennant la restitution par Biophytis à Negma Group de la somme, correspondant au prix de souscription des 1.280.380 BSA et se décomposant comme suit :

” 374.999 euros au titre du prix de souscription des BSA de la première tranche;

” 187.500 euros au titre du prix de souscription des BSA de la seconde tranche ;

‘ 1.211.818,29 euros versés par Biophytis à Negma Group au titre des pénalités contractuelles, majorées des intérêts de retard et se décomposant comme suit :

” 433.389,59 euros au titre de la première tranche ;

” 778.428,70 euros au titre de la seconde tranche ;

‘ le montant de l’astreinte prononcée par le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 16 mars 2021 (initialement liquidée à 1,5 million d’euros par le Juge de l’exécution dans son jugement du 16 juillet 2021, puis révisée à 500.000 euros par la Cour dans son arrêt du 8 septembre 2022) ;

‘ ASSORTIR cette condamnation d’une astreinte de 150.000 euros par jour de retard à défaut de restitution par Negma Group à Biophytis des actions et des pénalités contractuelles dans un délai de 10 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à l’expiration de laquelle il sera fait droit à nouveau en cas de non-exécution.

A titre reconventionnel :

CONDAMNER Negma Group à indemniser Biophytis des préjudices qu’elle lui a causés, soit :

‘ 100.000 euros à parfaire au titre de son préjudice d’image ;

‘ 500.000 euros à parfaire au titre des conséquences sur son activité de la baisse de son cours de bourse ;

‘ 200.000 euros à parfaire au titre du temps que ses dirigeants ont été contraints de consacrer au présent litige ;

‘ 612.750 euros à parfaire au titre des frais que Biophytis a été contrainte d’exposer dans le cadre du présent contentieux ;

En tout état de cause :

‘ DECLARER Negma Group mal fondée en ses demandes et l’en débouter ;

‘ CONDAMNER Negma Group au paiement de 150.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

26- Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2022, la société Negma Group demande à la cour, au visa des articles 1217 et suivants du code civil, de :

‘ CONFIRMER le jugement rendu le 16 mars 2021 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions,

‘ DÉBOUTER Biophytis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

‘ CONDAMNER Biophytis à verser à la société Negma Group une somme de 75.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Eric ALLERIT en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

III/ MOTIFS DE LA DECISION

27- Le litige porte sur la demande de la société Negma en remboursement de ses obligations en numéraire et en actions, en exécution des notices de conversion en actions de ses obligations qu’elle a adressées à la société Biophytis entre février et mars 2020, demeurées infructueuses.

28- Les demandes sont fondées sur le contrat du 21 août 2019 et en particulier sur le mécanisme de conversion des obligations prévu par les stipulations de l’article 8.3, alinéa 3, de l’annexe 4 dudit contrat.

29- La société Biophytis conteste ces demandes en opposant à titre principal la nullité du contrat et de l’article 8.3 de son annexe 4, qui seront examinées dans la partie « demandes principales ».

30- Elle fait valoir à titre subsidiaire que le contrat contient une clause pénale soumise à réduction, ainsi que des stipulations déséquilibrées, et qu’il a été exécuté fautivement par la société Negma par rapport aux obligations dont elle demande réparation.

31- L’examen de ces demandes sera traité sous la partie réservée aux demandes subsidiaires.

32- Dans ses écritures, la société Biophytis oppose dans la partie de ses demandes subsidiaires une fin de non-recevoir au visa de l’article 122 du code de procédure civile, tirée du défaut de formalisme des notices de conversion à laquelle la cour répondra en premier après avoir rappelé le droit applicable.

Sur la loi applicable

33- Le litige revêt un caractère international pour trouver son origine dans un contrat financier signé entre une société française et une société d’investissement basée aux îles vierges britanniques.

34- La détermination de la loi applicable est soumise au règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, qui selon son article 3, paragraphe 1, prévoit que «le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.».

35- En l’espèce il est établi et non contesté que selon l’article 9.7 (Governing Law) du contrat, les parties ont entendu voir appliquer le droit français aux différends qui naitraient de leurs relations.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité formelle des notices de conversion

36- La société Biophytis reproche à la société Negma de ne pas avoir respecté le recommandé pour l’envoi de ses notices prévu par l’article 9 du contrat, ce qui lui interdirait conventionnellement de former ses demandes, ce que la société Negma conteste en faisant valoir que ses notifications, régulièrement adressées en exécution du contrat par courrier électronique, n’étaient pas soumises à cette règle.

SUR CE :

37- Selon l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

38- En l’espèce la société Biophytis oppose l’irrégularité formelle des notices de conversion des obligations en actions adressées depuis le 12 février 2020 pour ne pas avoir respecté le principe du recommandé prévu par l’article 9 du contrat qui prévoit :

« 9. MISCELLANEOUS

9.1. Notices

Any notice, demand, consent, waiver or other communication required, given or made under this Agreement (a ‘Notice’) shall be made in writing, signed on behalf of the Party from which it originates and, subject to the forms applicable to the Note Warrant Exercise Notice as set forth in Schedule 3, the Conversion Notice in Schedule 5, and the Warrant Exercise Notice as set forth in Schedule 7, shall be sent by e-mail with acknowledgment of receipt, as well as sent by registered post with confirmation of receipt or by express courrier.

Traduit en français par :

« 9. DISPOSITIONS DIVERSES

9.1 Notifications

Toute notification, toute demande, tout consentement, toute renonciation ou toute autre communication requise, donnée ou faite dans le cadre du présent Contrat (une “Notification”) sera fait(e) par écrit, signé(e) pour le compte de la Partie dont il/elle émane et, sous réserve de la forme applicable à la Notification d’Exercice du Bon d’Emission jointe en Annexe 3, la Notification de Conversion des ORNANE jointe en Annexe 5, et la Notification d’Exercice des BSA jointe en Annexe 7, sera envoyé par courrier électronique avec accusé de réception, ainsi que par courrier recommandé avec accusé de réception ou par porteur. »

39-Toutefois il ressort clairement de ces stipulations que, conformément à ce que les premiers juges ont retenu par de justes motifs, que la cour adopte, la notification des notices litigieuses n’était pas soumise au principe général du recommandé mais obéissait à un régime propre figurant aux annexes 3, 5 et 7 prévoyant une notification par courrier électronique de sorte que cette demande de fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur les demandes principales

– Sur la nullité du contrat 21 août 2019

40- Pour s’opposer à la demande en remboursement de la société Negma, la société Biophytis invoque en premier lieu l’exception de nullité absolue du contrat du 21 août 2019 en faisant valoir que la société Negma a fourni un service d’investissement sans respecter la réglementation applicable et a exercé en conséquence une activité illégale de nature à entrainer la nullité du contrat.

41- Elle soutient que, par le truchement du contrat du 21 août 2019, la société Negma qui a prétendu agir en tant qu’investisseur a en réalité agi comme un intermédiaire financier faisant porter in fine le risque de l’opération sur le marché et qu’elle a fourni un service d’investissement et exercé une activité professionnelle de « prise ferme » des services d’investissement au sens des articles L 321-1 et D 321-1 du code monétaire et financier qui nécessitent l’obtention d’un agrément de l’ACPR qu’elle n’a pas.

42- Elle expose avoir découvert au cours de l’exécution du contrat que la société Negma, qui a revendu systématiquement d’importants volumes d’actions, n’a détenu les actions Biophytis que pour les revendre, c’est-à-dire en vue de leur placement sur le marché, et de tirer profit de la plus-value réalisée par la revente des titres, sans avoir eu l’intention de demeurer actionnaire de l’émetteur, caractérisant ainsi explicitement, par son comportement, l’exercice d’une activité de prise ferme.

43- Elle ajoute que ce contrat participe d’un mécanisme de PACEO, qualifié comme tel par la société Negma qui, selon l’avis unanime de la doctrine, partagé par l’AMF, est considéré comme une activité de prise ferme réservée aux prestataires de services d’investissement.

44-Elle en déduit que, par son comportement et ses déclarations très explicites de revendre systématiquement d’importants volumes d’actions et de la déclaration de son intention de ne pas conserver les actions reçues en remboursement de son financement, la société Negma a pratiqué sans agrément une activité de « prise ferme » caractéristique de la profession de prestataire de services d’investissement , pratique dont la sanction est la nullité absolue du contrat conformément à la jurisprudence en la matière.

45-En réponse la société Negma conteste avoir exercé une activité de prestataire de services d’investissement réglementée.

46-Elle soutient que le contrat dont la qualification dépend de la nature de l’accord des parties apprécié au jour de sa formation, sans égard pour son exécution, est un contrat de financement.

47-A ce titre, elle fait valoir que le contrat litigieux ne réunit ni les termes ni les caractéristiques d’un contrat de prise ferme, faute de mettre à sa charge une obligation de placement qui en est la caractéristique essentielle.

48-Elle soutient que les parties n’ont jamais eu l’intention de mettre en place un service de prise ferme et qu’il s’agissait bien pour Biophytis de réserver l’émission des titres donnant accès au capital à un investisseur qualifié, comme l’appelante l’avait déjà pratiqué avec un contrat similaire avec Braknor Fund en 2017.

49-Elle conteste l’analyse de l’appelante selon laquelle tout PACEO est une prise ferme en faisant valoir que tout dépend de la convention des parties.

50-En tout état de cause, elle fait valoir que l’absence d’agrément alléguée n’est pas de nature à entrainer la nullité des contrats passés.

SUR CE :

51-Selon l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. ll doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

52-Selon l’article 1192 dudit code, on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation.

53-Il n’est pas permis aux juges, lorsque les termes d’une convention sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu’elle renferme.

54-En l’occurrence, la société Biophytis prétend qu’indépendamment des termes du contrat et de sa dénomination, le contrat du 21 août 2019 est un contrat de service d’investissement de « prise ferme » réservé aux prestataires de services d’investissement que la société Negma ne pouvait conclure, faute d’agrément.

55-Le service de prise ferme est un service d’investissement visé expressément par l’article L. 321-1 du code monétaire et financier, dont l’exercice relève normalement du monopole des prestataires de services d’investissements.

56-Le texte réglementaire d’application, à savoir l’article D 321-1 ( 6-1) du même code, définit le service de prise ferme comme suit :

6-1. Constitue le service de prise ferme le fait de souscrire ou d’acquérir directement auprès de l’émetteur ou du cédant des instruments financiers ou sur une ou plusieurs unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement, en vue de procéder à leur vente.

57- Selon cette définition, la prise ferme est une forme de placement qui relève des activités pour compte de tiers propre à l’activité d’intermédiation.

58-Le prestataire se présente alors comme un acheteur-revendeur : il se porte acquéreur des titres auprès d’un émetteur ou d’un cédant et il les revend auprès de ses clients.

59-Le service de prise ferme comprend deux volets : le financement et la revente, qui sont indissociables.

60-Si l’une ou l’autre des deux conditions fait défaut (souscription de titres, financement et revente auprès des souscripteurs ou acquéreurs), il ne saurait y avoir service de prise ferme.

61-En l’espèce, il n’est pas contesté que le contrat ne fait nullement référence à un service de placement dont il ne reprend pas la terminologie.

62- Le contrat du 21 août 2019, intitulé « Contrat d’émission et de souscription de bons d’émission d’obligations remboursables en numéraire et/ou convertibles en actions nouvelles et/ou existantes, avec bons de souscription d’actions attachés », est un contrat financier sophistiqué dans lequel :

– Les parties y sont désignées sous les qualités d’Emetteur et d’Investisseur et la société Negma est présentée comme « une société d’investissement spécialisée dans la fourniture de financements flexibles liés au capital » (Préambule (A)) ;

– La prestation de la société Negma est ainsi définie au Préambule (D) du Contrat : « l’Investisseur accepte de s’engager à financer l’Emetteur à hauteur de 24.000.000 euros (l’ « Engagement ») en souscrivant à des obligations remboursables en numéraire et/ou convertibles en actions nouvelles et/ou existantes ou « ORNANE » de dix mille euros (10.000 euros) de valeur nominale chacune et ayant les caractéristiques décrites en Annexe 4 (les « ORNANE ») ».

63-En contrepartie de cet engagement, la société Biophytis a contracté les obligations suivantes :

‘ émettre les ORNANE et respecter les modalités de conversion définies par l’Annexe 4 du Contrat ;

‘ disposer d’un nombre suffisant d’actions pour réaliser les augmentations de capital consécutives à la conversion des ORNANE et à l’exercice des BSA, tant que des ORNANE et des BSA demeureront en circulation, et sans préjudice de sa faculté de de rembourser les ORNANE en numéraire ;

‘ régler à l’Investisseur (NEGMA) une commission d’engagement égale à 300.000 euros en espèces (art. 3.4. du Contrat)

64- Il ressort clairement de ces stipulations que la société Negma agit en tant qu’investisseur et non en tant qu’intermédiaire.

65- Les obligations composées souscrites sont des ORNANE, c’est-à-dire des obligations remboursables en numéraire ou en actions ; elles ne sont pas à l’origine de la souscription d’obligations en vue de placer in fine des actions sur le marché.

66- L’émetteur avait le choix entre un remboursement en numéraire ou en actions excluant ainsi l’existence d’un service de placement.

67- Sa rémunération est une commission d’engagement comme en perçoit un prêteur de deniers, non une commission de placement rémunérant directement le service rendu par un intermédiaire à l’émetteur.

68- Il ressort ainsi des termes et de l’analyse du contrat qu’il n’entrait pas dans son économie générale un service de placement au sens des dispositions du code monétaire et financier précitées de sorte que la condition essentielle pour le requalifier de contrat de prise ferme n’est pas remplie.

69- La société Biophyits soutient qu’il existe un décalage entre l’intention déclarée par les parties, telle qu’elle résulte de la terminologie utilisée dans le contrat, et leur intention réelle, telle qu’elle résulte de l’exécution du contrat.

70- Pourtant, rien ne démontre que la commune intention a été mal exprimée ni que les parties ont convenu en réalité d’un contrat d’une autre nature, étant rappelé que la question des modalités d’exécution du contrat par Negma est étrangère à la qualification du contrat.

71- Le contrat se présente en effet objectivement et dans l’esprit des parties comme un contrat de financement venant en remplacement d’un contrat de financement précédemment détenu par le fonds Braknor Fund, qu’au jour du contrat la société Biophytis avait déjà conclu et exécuté en 2017.

72- Il est établi que la société Biophytis n’avait aucune intention de conclure un contrat de service relevant du placement et rien ne laisse penser que la société Negma avait l’intention de s’engager dans une relation pour compte de tiers.

73- L’émission a été réalisée sur le fondement de la 12ème résolution de l’Assemblée générale des actionnaires de la société Biophytis qui autorisait le conseil d’administration à émettre des actions ordinaires ou toutes valeurs mobilières donnant accès au capital et/ou à des titres de créance de l’Emetteur à l’intention de certains investisseurs, en particulier : « les sociétés, sociétés d’investissements, fonds d’investissements ou fonds gestionnaires d’épargne collective de droit français ou étranger investissant dans des sociétés françaises cotées sur les marchés d’Euronext [Localité 3], Euronext Growth [Localité 3] ou Euronext Access [Localité 3], ou sur tout autre marché réglementé et/ou régulé, qui sont spécialisés dans les émissions obligataires structurées des capitalisations boursières petites ou moyennes » (Préambule (F)).

74- Dans sa communication au marché, la société Biophytis a présenté le contrat comme un contrat de financement (Communiqué du 23 août 2019) : « Biophytis a signé un financement obligataire de 24 M€ auprès de Negma pour poursuivre le développement de son portefeuille de candidats médicaments dans les maladies neuromusculaires ».

75- Enfin, l’analyse du contrat du 21 août 2019 en un PACEO ou Equity lines n’entraine pas sa requalification en contrat de service d’investissement de prise ferme.

76- Selon la définition retenue par les parties issue du rapport du groupe de travail sur les nouvelles formes d’augmentations de capital, en l’absence de définition légale (Bull. COB sept. 2002, p. 101), « L’equity line (ou “ligne d’actions” ou encore PACEO : programmes d’augmentation de capital par exercice d’options) est “un mode de financement, issu de la pratique nord-américaine, qui prend la forme d’un engagement, pris sur une période longue (entre un et trois ans) par un intermédiaire financier ou un investisseur, de souscrire à des augmentations de capital par tirages successifs, dont le montant et la fréquence sont déterminés par l’émetteur »

77- Il s’agit de programmes qui peuvent être conclus avec une banque ou un investisseur dont il n’est pas démontré qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’un service d’investissement, l’AMF n’exigeant à leur égard aucun agrément.

78- Il résulte ainsi de ce qui précède que, faute d’avoir démontré l’élément constitutif d’un service d’investissement de prise ferme, la demande de l’appelante en nullité du contrat sera rejetée.

79- Il convient en conséquence de confirmer le jugement sur ce chef.

– Sur la nullité relative de l’article 8.1 de l’annexe 4

80- La société Biophytis oppose à la société Negma une exception de nullité de la clause de détermination du prix de conversion des ORNANE en actions en raison de sa potestativité.

81- Elle soutient que la société Negma avait la capacité de déterminer par sa seule volonté le prix de remboursement des ORNANE en influençant à la baisse le cours des actions, laquelle baisse lui était économiquement favorable par le jeu des indemnités de compensation prévues à l’article 8.3 de l’annexe 4.

82- La société Negma conteste cette analyse en faisant valoir que les conditions de l’article 1304-2 du code civil sont inapplicables à la clause contenant une méthode de calcul.

83- Elle conteste avoir pu influer sur le cours des actions Biophytis sur le marché et fait observer qu’en réalité l’appelante lui reproche un délit de manipulation de cours de bourse qui ne peut servir de motif à annuler une clause du contrat.

SUR CE :

84- Selon l’article 1304-2 du code civil, est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.

85- Le contrat du 21 août 2019 dans son annexe 4 « CHARACTERISTICS OF THE NOTES » « Caractéristiques des ORNANE » prévoit les dispositions suivantes :

« 8-Conversion: Termination of Conversion

8-1 Rights Conversion of the Notes into Shares of the Issuer; Conversion Period, Conversion CashPayment

Unless it has terminated its conversion rights pursuant to Paragraph 8.5 of this Schedule 4, each Note holder shall have the right, subject to a maximum of two (2) conversions per week, at any time as of (i) the Issuance Date or (ii) any Closing Date, up to and including the Maturity Date (the ‘Conversion Period”), to convert all or any of the Notes into new or existing Shares, and to determine the number of Notes to be converted, and the corresponding aggregate principal amount so converted (the ‘Conversion Amount”).

At the Issuer’s option, the Issuer shall have the right, upon conversion of the Notes by the Noteholder, to:

(i) deliver new or existing Shares of the Issuer to the Note holder in a number determined by applying the following formula:

Shares issued upon conversion = CA/CP

or

(ii) pay to the Note holder an amount in cash calculated as per the following formula (the “Conversion Cash Payment”):

Conversion Cash Payment = (g) X Closing VWAP on the Conversion Date

where:

CA = the aggregate nominal amount of Notes so converted

CP = the Conversion Price

Each Note holder is allowed to make multiple conversions of Notes as long as it stays within the outstanding Principal Amount. »

Traduit librement comme suit :

« 8-Conversion : Extinction des Droits de Conversion

8.1. Conversion des ORNANE en Actions ; Période de conversion, Paiement de la Conversion en Numéraire

À moins que le porteur d’ORNANE n’ait mis fin à ses droits de conversion conformément au Paragraphe 8.5 de la présente Annexe 4, chaque porteur d’ORNANE aura le droit, dans la limite d’un maximum de deux (2) conversions par semaine, à tout moment à compter de (i) la Date d’Emission ou (ii) toute Date de Réalisation, jusqu’à et y compris à la Date d’Echéance (la « Période de Conversion »), de convertir tout ou partie des ORNANE en Actions nouvelles ou existantes, ainsi que de déterminer le nombre d’ORNANE à convertir, de même que le montant nominal total correspondant ainsi converti (le « Montant de Conversion »). Chaque porteur d’ORNANE est autorisé à effectuer plusieurs conversions d’ORNANE tant que ces conversions s’effectuent dans la limite du Montant Nominal.

L’Emetteur aura le droit, à sa discrétion, lors de la conversion d’ORNANE par leur porteur d’ORNANE :

(i) de remettre un nombre d’Actions nouvelles ou existantes au porteur d’ORNANE déterminé conformément à la formule suivante :

Actions émises sur conversion = MN/PC

ou

(ii) de verser au porteur d’ORNANE un montant en espèces déterminé conformément à la formule suivante (le Paiement de la ” Conversion en Numéraire”):

Paiement de la conversion en numéraire = (MNPC) x Cours Quotidien Moyen Pondéré par les Volumes de l’action à la Date de converSion

Avec :

MN = le montant nominal total des ORNANE ainsi converties ;

PC = le Prix de Conversion »

86- La société Biophytis ne conteste pas, selon l’opinion juridique qu’elle a produit, que les éléments de la clause 8.1 sont insuffisants à eux seuls pour déterminer un « vice de potestativité ».

87- En effet, le prêteur ne détermine pas seul et directement le prix de la conversion dont la signification est définie au contrat comme étant « 92% du plus bas cours quotidien moyen pondéré par les Volumes d’action (tel que rapporté par Bloomberg) durant la période de fixation précédant la date de conversion », mais seulement le nombre des ORNANE présentées à la conversion et la date pendant la période de conversion prévue contractuellement.

88- Elle prétend que c’est le comportement postérieur de la société Negma, par la vente massive des actions, qui a influé à la baisse le cours des actions Biophytis qui affecte a posteriori la clause de potestativité.

89- Or pour les justes motifs retenus par les premiers juges, le choix d’assumer un risque de marché en revendant plus ou moins rapidement les actions résultant des conversions en réalisant d’éventuelles moins’values ou plus’values est totalement étranger à la relation contractuelle entre les parties.

90- En outre, comme le tribunal l’a démontré dans sa décision, il n’est pas établi que la cession des titres opérés par la société Negma explique à elle seule la baisse du titre Biophytis sur le marché, dans la mesure où de nombreux facteurs peuvent significativement influer sur le cours de l’action et que l’intérêt économique de la société Negma était plutôt de pousser à la hausse qu’à la baisse le cours, pour rechercher des plus-values postérieures au remboursement en actions objet du contrat.

91- Il convient donc de rejeter la demande en nullité relative de la clause 8.1 de l’Annexe 4 et de confirmer sur ce chef la décision des premiers juges.

Sur les demandes formulées à titre subsidiaire

– Sur la violation de la position-recommandation n°2020-06 de l’AMF

92- La société Biophytis soutient que la société Negma a violé la position-recommandation n°2020-06 de l’AMF, anciennement doc-2012-18, applicable aux equity lines ou PACEO, qui prohibe toute intervention sur le cours pendant une période donnée.

93- Elle soutient que ladite position-recommandation s’applique à tous les acteurs qu’ils soient agréés ou non en tant que prestataires de services d’investissement et qu’elle est opposable à la société Negma qui est un acheteur-revendeur.

94- Elle expose plus précisément, en s’appuyant sur une note technique établie à sa demande par le cabinet Finexsi, expert et conseil financier, que par sa pratique non conforme à la position’recommandation de l’AMF, la société Negma a procédé à des cessions massives d’actions Biophytis issues de précédentes conversions pendant la période de référence pour la fixation du prix de conversion des ORNANE, ce qui lui a permis d’influer à la baisse sur le cours de bourse de Biophytis et donc sur le prix de conversion des obligations en actions afin de réaliser des profits anormalement élevés.

95- La société Negma réplique que la position recommandation précitée, qui n’a pas de valeur réglementaire, lui est inopposable dans la mesure où elle ne se rattache pas aux obligations spécifiques du contrat et conteste toute influence baissière du cours de bourse de l’action B qui n’était pas dans son intérêt.

SUR CE :

96- La société Biophytis s’appuie sur l’extrait situé dans la troisième partie du Guide d’élaboration des prospectus et information à fournir en cas d’offre au public ou d’admission des titres financiers de l’AMF, qui met à jour les positions’recommandations du régulateur de marché sur les émissions de titres donnant accès au capital dans le document n°2020-06 du 17 juin 2020.

97- Dans cette partie, sous la section « Information du marché lors de la mise en place et de l’exécution d’un programme d’equity line ou Paceo », l’AMF indique :

« Position

“Afin d’éviter tout impact sur le cours, l’intermédiaire financier doit s’abstenir (‘) de toute intervention sur le marché du titre pendant les périodes de référence servant à la fixation du prix d’émission”.

De toute pré-vente des actions souscrites et de toute couverture directe ou indirecte préalablement à la souscription effective des actions

L’intermédiaire financier doit également veiller à ce que la ou les cessions qu’il effectue ne perturbent pas le bon fonctionnement du marché.” »

98- Toutefois, cette position concerne expressément les intermédiaires financiers qui achètent pour revendre.

99- Or, pour les raisons qui ont été exposées plus haut, le contrat litigieux, même s’il a la nature d’un PACEO, est un contrat de financement obligataire dans lequel la société Negma est un investisseur et non un intermédiaire financier ou un prestataire de service d’investissement, de sorte que la société Biophytis ne justifie pas de l’application de cette position au litige.

100- Enfin, cette position fût-elle opposable à la société Negma, il n’est pas établi, pour les motifs exposés plus haut et retenus par les premiers juges, que la vente par la société Negma des actions de conversion ait influé sur le cours de bourse ni que celle-ci avait un intérêt à la baisse du cours de l’action Biophytis.

101- Aussi, la demande de la société Biophytis de voir déclarer fautive la société Negma sur le fondement de la violation de la position de l’AMF exprimée dans le document n° 2020-06 du 17 juin 2020 sera-t-elle rejetée.

102- La décision des premiers juges sur ce chef est en conséquence confirmée.

– Sur la qualification en clause pénale de l’indemnité prévue à l’article 8.3 de l’annexe 4 et son caractère manifestement excessif

103- La société Biophytis soutient que le mécanisme contractuel de détermination de l’indemnité, dans la langue du contrat « contractual penalty payment », qu’elle traduit par « pénalité contractuelle », contenue dans la clause 8.3 de l’annexe 4 du contrat constitue une clause pénale sanctionnant son inexécution de livrer des actions dont le prix serait au moins égal à la valeur nominale, dont le contenu est manifestement excessif

104- Elle demande à la cour d’en réduire le montant à un euro.

105- La société Negma soutient que les critères de qualification de clause pénale ne sont pas réunis en faisant essentiellement valoir que la clause détermine une « indemnité contractuelle » sans lien avec un manquement contractuel.

SUR CE :

106- Selon l’article 1231-5 du code civil, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.

107- Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

108- Elle a pour objet de sanctionner conventionnellement l’inexécution par le débiteur de l’une quelconque de ses obligations.

109- En l’occurrence la clause 8.3 de l’annexe 4 du contrat prévoit dans sa langue d’origine que :

« 8.3 Conversion Ratio

If the issuer has not elected for the Conversion Cash Payment, the number of new Shares issued by the Issuer to the relevant Note holder upon conversion of one or several Notes in accordance with Paragraph 8.1 of this Schedule 4 will be calculated as the Conversion Amount divided by the Conversion Price.

If the issuance of new Shares would result in the issuance of a fraction of a Share, the Issuer shall round such fraction of a Share down to the nearest whole Share.

The new Shares shall be fully paid by set-off against the Conversion Amount that will come in deduction from the Principal Amount. Such conversion shall not require the payment of any fee or charge by the relevant Note holder.

lf the applicable (theoretical) Conversion Price on the Conversion Date is lower than the nominal value of the Shares (which is as of today EUR 0.20) and if the early redemption of the Notes was not requested by the relevant Note holder, the Note holder may accept to receive a number of Shares equal to the Conversion Amount divided by the nominal value of the Shares, provided that the relevant Note holder also receives at the same time a contractual penalty payment in cash of an amount equal to the closing price of the Share on the day prior to the Conversion Date multiplied by the difference between (i) the Conversion Amount divided by the Conversion Price and (ii) the Conversion Amount divided by the nominal value of the Shares.

The Issuer shall promptly deliver freely tradable Shares or the Conversion Cash Payment to the relevant Note holder upon each conversion of Note(s). The issuance of the Shares and their admission to trading on Euronext Growth shall occur no later than two (2) Trading Days after the Conversion Date. The reception of the Conversion Cash Payment by the relevant Noteholder shall occur no later than two (2) Trading Days after the Conversion Date.

Upon conversion of Notes, if the Issuer has not elected for the Conversion Cash Payment and if the relevant Note holder does not receive the relevant Shares as provided for in the paragraph above, and if the early redemption of the Notes was not requested by the relevant Note holder, at the Note holder’s discretion, the Issuer shall pay to the relevant Note holder an amount equal to the difference (if positive) between the closing price of the Shares two (2) Trading Days after the Conversion Date and the closing price of the Share on the day immediately prior to the date on which the relevant Shares are effectively received by the relevant Note holder, for each new Share which was issued upon the relevant conversion of Notes.

Any payment to a Note holder made by the Issuer in accordance with Paragraph 8.3 of this Schedule 4 shall be made by the issuer to the relevant Note holder in cash, by wire transfer to a bank account notified by the relevant Note holder to the Issuer, in immediately available, freely transferable funds in Euros. »

Traduit librement comme suit:

« 8.3. Ratio de Conversion

Si l’Emetteur n’a pas opté pour le Paiement de la Conversion en Numéraire, le nombre d’Actions nouvelles émises par l’Emetteur au profit du porteur d’ORNANE concerné lors de la conversion d’une ou plusieurs ORNANE conformément au Paragraphe 8.1 de la présente Annexe 4 sera calculé en divisant le Montant de Conversion par le Prix de Conversion des ORNANE.

Dans le cas où l’émission des Actions nouvelles se traduirait par l’émission d’une fraction d’Action, l’Emetteur devra arrondir cette fraction d’Action à l’Action entière la plus proche à la baisse.

Les Actions nouvelles seront entièrement libérées par compensation avec le Montant de Conversion qui viendra en déduction du Montant Nominal. Ladite conversion ne saurait exiger le paiement d’honoraires ou de frais par le porteur d’ORNANE concerné.

Si à la Date de Conversion le Prix de Conversion théorique est inférieur à la valeur nominale des Actions (qui est de 0,20 euro à ce jour), et si le remboursement anticipé des ORNANE n’a pas été demandé par le porteur d’ORNANE concerné, le porteur d’ORNANE pourra accepter de recevoir un nombre d’Actions égal au Montant de Conversion divisé par la valeur nominale des Actions, sous réserve que le porteur d’ORNANE concerné reçoive simultanément une indemnité contractuelle en espèces d’un montant égal au cours de clôture de l’Action le jour précédant la Date de Conversion multiplié par la différence entre (i) le Montant de Conversion divisé par le Prix de Conversion et (ii) le Montant de Conversion divisé par la valeur nominale des Actions.

L’Emetteur devra rapidement livrer des Actions librement négociables ou verser le Paiement de la Conversion en Numéraire au porteur d’ORNANE concerné à la suite de toute conversion d’ORNANE. L’émission d’Actions ainsi que leur admission aux négociations sur Euronext Growth devront avoir lieu au plus tard deux (2) Jours de Négociation après la Date de Conversion. La réception du Paiement de la Conversion en Numéraire par le porteur d’ORNANE concerné n’interviendra pas plus de deux (2) Jours de Négociation après la Date de Conversion.

Lors de la conversion d’ORNANE, si l’Emetteur n’a pas opté pour le Paiement de la Conversion en Numéraire et si les Actions n’ont pas été remises au porteur d’ORNANE concerné comme indiqué au paragraphe précédent, l’Emetteur devra payer au porteur d’ORNANE concerné un montant égal à la différence (si elle est positive) entre le cours de clôture de l’Action deux (2) Jours de Négociation après la Date de Conversion et le cours de clôture de l’Action le jour précédant immédiatement la date à laquelle les Actions en question seront effectivement remises au porteur d’ORNANE concerné, pour chaque nouvelle Action remise à l’issue de la conversion d’ORNANE considérée.

Tout paiement en espèces effectué par l’Emetteur en faveur d’un porteur d’ORNANE conformément au Paragraphe 8.3 de la présente Annexe 4 devra être effectué par l’Emetteur en espèces, par virement sur un compte bancaire indiqué à l’Emetteur par le porteur d’ORNANE concerné, en fonds immédiatement disponibles et librement transférables en euros. »

110-Indépendamment du désaccord sur la traduction de « contractual penalty payment » par « indemnité contractuelle en espèces », souligné en gras par la cour, que la société Biophytis traduit par « pénalités contractuelles », cette clause est une indemnité de compensation pécuniaire qui n’a pas les caractéristiques d’une clause pénale.

111-En effet il ressort des termes du contrat que cette clause ne sanctionne aucun manquement contractuel mais détermine la formule applicable au remboursement des obligations par rapport au cours de l’action lorsque la société Biophytis exerce à sa discrétion l’option de rembourser les obligations de la société Negma en actions plutôt qu’en numéraire comme prévu conventionnellement.

112-Dans l’hypothèse du remboursement en actions, les parties ont convenu que le prix serait au moins égal à la valeur nominale de l’action ouvrant droit le cas échéant en fonction du marché à une compensation en espèces.

113-Il s’ensuit que la demande en requalification de la clause sera rejetée et la décision des premiers juges confirmée.

Sur les autres demandes formées à titre subsidiaire

– Sur l’exception d’inexécution

114-La société Biophytis conteste la demande de la société Negma en excipant de sa défaillance dans l’exécution de sa propre obligation de libérer le solde de la seconde tranche de financement qui devait intervenir au plus tard le 2 mars 2020 et fait valoir qu’à compter de cette date, elle a pu légitimement opposer l’exception d’inexécution au prêteur.

115-La société Negma réplique qu’elle était autorisée à retenir la somme au titre des conditions suspensives figurant dans le contrat compte tenu de la défaillance de la société Biophytis à cette date.

SUR CE :

116- Selon l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave

117- Sous l’article 3. EXERCISE OF THE NOTE WARRANTS, il est prévu que :

« 3.3. Conditions precedent

The undertaking of the Investor to exercise a Note Warrant and to fund the Note Warrant Exercise Price in connection with any Tranche is subject to the fulfillment by the Issuer (or waiver thereof by the Investor), prior to or on each Note Warrant Exercise Date and on each Closing Date of each of the following conditions:

(vi) no occurrence that constitutes an Event of Default is outstanding and not cured within the relevant grace or remedy period;

7. EVENTS OF DEFAULT

“Event of Default” shall mean any of the following occurrences:

(ii) failure by the Issuer to pay the contractual penalty payment in the case where the Conversion Price on the Conversion Date is lower than the nominal value of the Shares in accordance with Paragraph 8.3 of Schedule 4, it being specified that after ten (10) Trading Days of delay any amount due by the Issuer to the Investor shall bear interest at LIBOR + 10%; »

Traduit librement par :

‘ 3.3 Conditions suspensives

L’engagement de l’Investisseur d’exercer un Bon d’Emission et de verser le Prix d’Exercice du Bon d’Emission correspondant à toute Tranche est soumis au respect par l’Emetteur de chacune des conditions suivantes (ou à leur renonciation par l’Investisseur), au plus tard à la date de chaque Date d’Exercice du Bon d’Emission et à chaque Date de Réalisation :

vi) aucun événement constituant un Cas de Défaut n’est en cours et n’a pas été résolu dans le délai de grâce ou de résolution applicable ; »

7. CAS DE DEFAUT

Le ” cas de défaut ” désigne l’un des évènements suivants :

(ii) le défaut de paiement par l’Emetteur de la pénalité contractuelle dans le cas où le Prix de Conversion à la Date de Conversion serait inférieur à la valeur nominale des Actions conformément au Paragraphe 8.3 de l’Annexe 4, étant précisé qu’après dix (10) Jours de Négociation de retard toute somme due par l’Emetteur à l’Investisseur portera intérêt au taux LIBOR + 10%. »

118- En l’espèce, il n’est pas contesté qu’à la date d’exigibilité du solde de la libération de la deuxième tranche de financement, le 2 mars 2020, la société Biophytis était prise en défaut de la livraison des titres et du paiement des indemnités contractuelles en conséquence de la notice de conversion émise le 12 février 2020.

119- S’agissant d’un cas de défaut, la société Negma était autorisée à ne pas libérer le solde du financement de sorte que l’exception d’inexécution opposée par la société Biophytis est mal fondée.

120- Il convient de confirmer la décision sur ce chef.

– Sur l’exercice de l’option de remboursement en actions

121- La société Biophytis conteste l’interprétation du contrat selon laquelle dès lors qu’elle n’aurait pas remboursé en numéraire la tranche de l’emprunt dans un délai de 48 heures à compter de la demande, elle serait réputée avoir implicitement opté pour un remboursement en actions.

122- Elle prétend que les mises en demeure de la société Negma de livraison des titres et notifications complémentaires des pénalités contractuelles reposent sur une présomption d’option pour une conversion des obligations en actions qu’elle n’a pas exercée.

123- La société Biophytis soutient que ces dispositions sont anormales car en réalité elle ne pouvait rembourser les obligations qu’en actions et ne bénéficiait d’aucun délai ;

124- Elle expose que, dans les faits, ces dispositions ont permis à la société Negma de réaliser un profit disproportionné en assortissant systématiquement ses demandes à compter du mois de novembre 2019 de pénalités contractuelles.

125- En réponse la société Negma conteste le caractère ambigu des dispositions de la mécanique contractuelle relative à l’option de remboursement prévue entre le numéraire et les actions et demande de confirmer la décision des premiers juges sur ce chef.

SUR CE :

126- Concernant l’option de remboursement les parties ont convenu à l’article 8-2 de l’annexe 4 (schedule 4) du contrat les dispositions suivantes :

« Conversion Date; Notice

Each Note holder may convert all or any of its Notes on any Trading Day of its choice during theConversion Period, effective at the date of receipt by the Issuer of a Conversion Notice inaccordance with Paragraph 8.1 of this Schedule 4 (the “Conversion Date”).

On each chosen Conversion Date, each Note holder shall convert all or any of its Notes bygiving Notice to the issuer (the “Conversion Notice”), using the form attached in Schedule and specifying a number of Notes to be converted and the corresponding Conversion Amount in accordance with Paragraph 8.1 of this Schedule 4. lt is specified that a Conversion Notice shallbe deemed received and acknowledged by the Issuer at the expiry of a 24-hour period following its sending date.

If the Issuer has not elected for the Conversion Cash Payment, the Issuer, after updating the securities account where the Notes are registered, shall in turn send a notice to the Agent for the issuance of new Shares to the relevant Note holder.

The Shares upon conversion shall be issued in bearer form and shall be transferred by the Agent to the Investor’s custodian CREST account within two (2) Trading Days following the Conversion Date. The Agent shall liaise with the custodian of the Investor to ensure prompt delivery. The Issuer shall be liable for, and shall indemnify the Investor against, any losses resulting from a delay over the aforementioned two (2) Trading Days. »

Traduit librement par :

8.2. Date de Conversion ; Notification

Chaque porteur d’ORNANE peut convertir tout ou partie de ses ORNANE le Jour de Négociation de son choix au cours de la Période de Conversion, cette conversion étant effective à la date de réception par l’Emetteur d’une Notification de Conversion conformément au Paragraphe 8.1 de la présente Annexe 4 (la « Date de Conversion »).

A chaque Date de Conversion choisie, chaque porteur d’ORNANE devra convertir tout ou partie de ses ORNANE en transmettant à l’Emetteur une Notification (la « Notification de Conversion »), en utilisant le formulaire joint en Annexe 5 et en précisant le nombre d’ORNANE à convertir, ainsi que le Montant de Conversion correspondant, conformément au Paragraphe 8.1 de la présente Annexe 4. Il est précisé que la Notice de Conversion sera réputée remise et avoir fait l’objet d’un accusé de réception à l’expiration d’une période de 24 heures suivant sa date d’envoi.

Si l’Emetteur n’a pas opté pour le Paiement de la Conversion en Numéraire, l’Emetteur, après mise à jour du compte-titres sur lequel les ORNANE sont inscrites, délivrera en retour une notification à l’Agent en vue de l’émission d’Actions nouvelles au profit du porteur d’ORNANE concerné.

Les Actions émises sur conversion des ORNANE seront sous la forme au porteur et seront transférées par l’Agent sur le compte de dépôt CREST de l’Investisseur dans le délai de deux (2) Jours de Négociation suivant la Date de Conversion. L’Agent se coordonnera avec le dépositaire de l’Investisseur afin d’assurer une livraison rapide des Actions. L’Émetteur sera responsable de, et sera tenu d’indemniser l’Investisseur pour, toute perte résultant d’un retard de livraison au-delà du délai de deux (2) Jours de Négociation susmentionné. »

127- Il ressort clairement de ces dispositions, qui suivent celles prévues par l’article 8.1 précité, comme la société Biophytis le reconnait elle-même dans ses écritures :

– qu’à la réception de chaque “Notification de Conversion”, elle avait la possibilité, en application de l’article 8.1 de l’annexe 4 du Contrat, d’opter entre un remboursement en numéraire ou en actions.

– qu’elle disposait d’un délai de rigueur de deux jours dans lequel elle devait :

” si elle avait choisi un remboursement des obligations en numéraire, avoir procédé au paiement de la somme devant alors être remboursée;

” si elle avait choisi un remboursement par conversion des obligations en actions, avoir livré lesdites actions au créancier obligataire ainsi devenu actionnaire.

128- Il est aussi clairement établi par les dispositions de l’article 8.2 reproduites en caractères gras par la cour que, par défaut, en cas d’abstention de l’émetteur quant à l’exercice de son option, le remboursement se ferait en titres.

129- Ainsi, comme retenu par les premiers juges, contrairement aux allégations de la société Biophytis, les clauses du contrat décrivant le mécanisme de l’option ne sont pas ambigües et ne constituent pas une présomption mais bien une conséquence de l’absence de choix de la société Biophyitis.

130- Il s’ensuit que le défaut de réponse de la société Biophytis aux notices de conversion que la société Negma lui a adressées ne crée pas d’obstacle à la demande de la société Negma.

131- Il est par ailleurs observé que la société Biophytis est à l’initiative de cette option contenue dans les dispositions contractuelles et qu’elle n’a pas connu d’impossibilité matérielle pour l’exécuter dans le cadre de l’émission des notices de conversion antérieures au différend.

132-Il résulte de ces énonciations et constatations que la demande de la société Biophytis est mal fondée et le jugement sera confirmé sur ce chef.

– Sur l’absence d’exigibilité des pénalités contractuelles

133-La société Biophytis soutient que la société Negma ne pouvait pas, aux termes du contrat, facturer d’emblée l’indemnité prévue à l’article 8.3 de l’annexe 4 qui ne pouvait dépendre que de son option, c’est-à-dire de son choix.

134-Cependant, pour les motifs indiqués plus haut, la société Negma n’avait pas à demander, passé le délai de deux jours après la réception de ses demandes de remboursement à la société Biophytis, l’acceptation de cette dernière pour que les indemnités de compensation lui soient versées, s’agissant de l’exercice de ses prérogatives contractuelles.

135-La décision ayant rejeté la demande de la société Biophytis sur ce chef sera également confirmée.

– Sur la résiliation du contrat

136-La société Biophytis prétend au visa des articles 1224 à 1230 du code civil que la résiliation du contrat est valablement intervenue le 6 avril 2020 aux torts de la société Negma, en raison de son comportement déloyal dans l’exercice de ses prérogatives contractuelles.

137-A cet égard, elle reproche à la société Negma de lui avoir, en violation de son devoir de bonne foi, adressé des notices de conversions colossales entre février et avril 2020 au moment même où les parties négociaient pour qu’elle ralentisse la cadence de ses conversions.

138- Elle en déduit que les notices de conversion en actions des obligations en date des 6 et 9 avril 2020, émises après la fin du contrat, ne peuvent produire d’effet.

139- En réponse, la société Negma conteste la résiliation unilatéralement décidée par la société Biophytis en dehors de tout manquement contractuel et soutient que la fin du contrat est en réalité intervenue aux torts exclusifs de la société Biophytis.

140- Elle ajoute que la résiliation valant seulement pour l’avenir, elle ne produit pas d’effet sur les obligations de remboursement de la société Biophytis nées avant la notification de la résiliation, peut important que leur exécution intervienne après cette date.

SUR CE :

141- L’article 1229 du code civil prévoit que la résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l’assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

142- Selon l’article 1224 dudit code « la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice ».

143- L’article 1226 prévoit que :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution ».

144- En l’espèce il n’est pas contesté qu’estimant le rythme des demandes de remboursement opéré par la société Negma abusif et causant la chute du cours de l’action, la société Biophytis est entrée en négociation en janvier 2020 avec la société Negma pour qu’elle ralentisse la cadence.

145-Comme indiqué dans sa lettre notifiant la résiliation sans mise en demeure préalable, la société Biophytis a reproché à la société Negma une poursuite déloyale de sa demande en remboursement pendant la période de discussion :

“Since the start of our discussions regarding a possible amendment of the Issuance Agreement early February, you have tried to take advantage of our financial situation and of our need for financing, and have both (i) exercised your contractual rights and (ii) led our negotiations regarding the contemplated amendment with the upmost disloyalty and bad faith, in order to obtain more favorable contractual terms.

(‘)

Your disloyal behavior at a critical time for the survival of the Issuer constitutes a material breach of the Issuance Agreement.” (nous soulignons)

Traduction libre :

“Depuis le début de nos discussions concernant une éventuelle modification du Contrat d’ Emission début février, vous avez tenté de tirer parti de notre situation financière et de notre besoin de financement, et avez à la fois (i) exercé vos droits contractuels et (ii) mené nos négociations concernant la modification envisagée avec la plus grande déloyauté et mauvaise foi, afin d’obtenir des conditions contractuelles plus favorables.

(‘)

Votre comportement déloyal à un moment critique pour la survie de l’émetteur constitue une violation matérielle de l’accord d’émission”

146-Toutefois, c’est par après une exacte analyse des faits, que la cour fait sienne (page 22 du jugement rappelé au point 143), que les premiers juges ont retenu après les débats de l’audience à laquelle les parties ont comparu personnellement, que les discussions amiables commencées en janvier 2020 avaient pour origine l’intention de la société Biophytis de lever des fonds obligataires de 12 000 000 euros ; que, pour ce faire, elle s’était rapprochée de la société Negma pour renégocier le contrat en vue de suspendre les conversions des obligations et de conserver des délégations de compétence suffisantes pour tenter de réaliser cette levée de fonds.

147- A ce titre, il a été relevé que :

‘ Le 22 janvier, Biophytis a informé Negma de son intention d’effectuer une importante levée obligataire de l’ordre de 12 millions d’euros ; que le 31 janvier, Biophytis a demandé à Negma, afin de ne pas perturber sa prétendue levée obligataire, de suspendre jusqu’à sa prochaine assemblée générale, soit pendant environ cinq mois, ses demandes de remboursement une fois que le montant d’obligations en sa possession serait descendu de 1,74 millions d’euros, montant à la date de sa demande, à 1,5 millions d’euros; que Negma a été ouverte à la discussion, tout en précisant devoir préserver ses intérêts économiques pendant la période de suspension demandée ; que jusqu’au 12 février, sans y être aucunement obligée, Negma s’est abstenue de toute demande de remboursement ; qu’ à cette date, après deux journées d’évolution très inhabituelle du cours de bourse, Negma a notifié une première demande de remboursement de la deuxième tranche (Notice de conversion n°1 de la deuxième tranche) ; que le lendemain Negma a découvert que Biophytis avait sollicité une suspension du cours de bourse avant d’annoncer le succès d’une augmentation de capital par placement privé de 3,3 millions d’euros ; que ladite augmentation de capital a nécessité la création de près de 13 millions d’actions nouvelles sur le total de 35 millions pour lequel le conseil d’administration avait une délégation de pouvoir votée lors de l’assemblée générale extraordinaire du 8 août 2019 ; qu’en dépit de cette situation très préoccupante pour Negma, les discussions ont continué jusqu’au 2 mars ; qu’il est alors apparu que l’objectif réel de Biophytis était de limiter au maximum les demandes de conversion de Negma afin de ne pas être obligée de solliciter de ses actionnaires une extension de sa délégation de pouvoir ; que Negma a donc légitimement recommencé à notifier des demandes de remboursement à partir du 6 mars ; que le 6 avril, Biophytis a résilié le contrat sans mise en demeure préalable ; que le 7 avril, Biophytis a publié trois communiqués de presse annonçant, le premier, une émission de bons de souscription d’actions (BSA), le second, la signature d’un nouveau contrat de financement avec la société Atlas, concurrente directe de Negma, en violation de l’engagement d’exclusivité prévu au contrat (art. 4.1.6) et, le troisième, des informations très favorables concernant les activités de recherche médicale de la société qui ont provoqué une hausse du cours de bourse de 1.300% entre le 7 et le 14 avril ; que l’émission des BSA nécessitait d’appréhender les délégations d’émission d’actions réservées à Negma ainsi que les 7.000.000 d’actions correspondant au montant du prêt à Biophytis en cours ; que le 9 avril 2020, Negma a légitimement notifié à Biophytis une dernière demande de remboursement pour le solde de sa créance au titre de la deuxième tranche du prêt. .

148- Il ressort de ces circonstances et de l’objet de leurs échanges entre le 31 janvier et le 2 mars 2020 que la suspension des remboursements par la société Biophytis puis sa résiliation unilatérale du contrat résultent de décisions de gestion totalement étrangères aux engagements contractuels respectifs des parties ; qu’ainsi, la société Biophytis a cherché, d’une part, à préserver au maximum sa trésorerie dans une période difficile, d’autre part, à limiter au maximum le nombre d’actions nouvelles à émettre a’n de pouvoir réaliser de nouvelles opérations de financement sans être obligée de solliciter de ses actionnaires une extension de sa délégation de pouvoir, et enfin à restaurer la confiance de ses actionnaires en résiliant un contrat considéré, selon elle, comme toxique par certains d’entre eux.

149- Il en ressort que la société Negma n’a aucunement manqué à ses obligations contractuelles et s’est même montrée ouverte à la recherche d’une solution sans y être obligée contractuellement de sorte que le motif allégué par la société Biophytis de ne pas avoir satisfait à son obligation de bonne foi dans l’exercice de ses prérogatives contractuelles ne pouvait valablement servir de fondement à la résiliation.

150- Il convient en conséquence pour les justes motifs retenus par les premiers juges considérant que le contrat a été résilié le 6 avril 2020 aux torts exclusifs de la société Biophytis de débouter cette société de sa demande en résiliation aux torts de la société Negma.

151- La résiliation du contrat n’ayant pas d’effet rétroactif, elle n’empêche pas la société Negma de demander le remboursement par conversion des ORNANE souscrites antérieurement.

152- Il y a lieu, en conséquence, de débouter la société Biophytis de ses demandes et de confirmer la décision des premiers juges sur ces chefs.

– Sur la demande en réparation du préjudice fondée sur la violence économique

153- La société Biophytis prétend qu’elle aurait été dans une situation de dépendance vis-à-vis de la société Negma lors de la conclusion du contrat de financement, ce qui engagerait à son égard sa responsabilité civile sur le fondement de la violence économique en application des articles 1143 et 1178 alinéa 4 du code civil.

154- La société Negma conteste la demande, faute pour la société Biophytis de démontrer que les conditions de l’article 1143 du code civil sont réunies.

SUR CE :

155- Selon l’article 1142 du code civil, la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers.

156- L’article 1143 du code civil énonce qu’

« Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. ».

157-Enfin l’article 1178 du code civil prévoit que :

« Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.

Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle ».

158- En l’espèce, la société Biophytis qui a au demeurant conclu le 7 avril 2020 avec la société Atlas, concurrente de la société Negma, un nouveau contrat de financement de même nature, sans demander explicitement la nullité du contrat du 21 août 2019, n’établit pas la preuve de l’exercice d’une contrainte ni d’un état de dépendance à l’égard de la société Negma.

159- La demande étant mal fondée, il convient de la rejeter.

Sur la demande en réparation fondée sur la qualification du contrat d’adhésion et le déséquilibre significatif

160- La société Biophytis soutient que le contrat liant les parties est un contrat d’adhésion dans lequel la société Negma en prévoyant à son bénéfice les articles 8.1 et 8.2 de l’annexe 4 a institué un déséquilibre significatif qui doit être sanctionné sur le fondement de l’article 1171 du code civil.

161- Elle demande en conséquence de déclarer ces clauses non écrites et de retenir pour ces mêmes faits que la société Negma a engagé sa responsabilité civile sur le fondement de l’article L 442-6, I 2° du code de commerce et doit l’indemniser des préjudices subis.

162- La société Negma s’oppose à la demande en faisant valoir que le contrat de financement n’entre pas dans le champ d’application des dispositions de l’article 1171 du code civil ni de l’article L 442-1 du code de commerce.

163- Elle ajoute que le contrat a été clairement négocié par l’appelante qui ne caractérise pas l’existence d’un déséquilibre significatif.

SUR CE :

164-Selon l’article 1171 du code civil, dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation.

165-Selon l’article L. 442-6, I, 2°, devenu L. 442-1, du code de commerce /

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties; »

166- En l’espèce, la cour relève que c’est au terme de plusieurs semaines de discussions et après des échanges de plusieurs versions amendées par l’intermédiaire des conseils des parties que le contrat de financement a été finalement signé.

167- Il est ainsi établi que la société Biophytis a pu négocier autant qu’elle le souhaitait les clauses du contrat, en particulier celle relative au remboursement des obligations en actions ou en numéraires, de sorte que la qualification de contrat d’adhésion ne sera pas retenue et la demande formée sur les dispositions de l’article 1171 du code civil rejetée.

168- Il en est de même concernant les dispositions de l’article L. 442-1 du code de commerce en l’absence de preuve d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties qui ne peut s’induire de la seule clause de remboursement que la société Biophytis a au surplus négociée.

169- La demande sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce chef.

Sur la demande en réparation fondée sur l’exécution déloyale de la société Negma

170- La société Biophytis maintient à ce titre que la société Negma a exercé ses demandes en remboursement à un moment très inopportun à une époque où les parties conduisaient des négociations pour ralentir le rythme des notices de conversion, à seule fin de prendre l’avantage dans leur discussion.

171-Pour les motifs retenus aux points 144 et 145, en l’absence de démonstration d’un tel manquement, il y a lieu de rejeter cette demande.

172- La société Biophytis succombant dans toutes ses prétentions, il convient de confirmer le rejet par le tribunal de toutes ses demandes reconventionnelles à l’égard de la société Negma en restitution et paiement de dommages et intérêts.

173- En considération de quoi, le jugement sera confirmé dans toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

174- La société Biophytis sera condamnée aux dépens selon les modalités du dispositif.

175 – Outre elle doit être condamnée à verser à la société Negma qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 75 000 euros.

V/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la Cour :

1- Déboute la société Biophytis de sa demande en rejet des dernières conclusions et pièces de la société Negma ;

2- Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 mars 2021 dans toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant :

3- Condamne la société Biophytis à payer à la société Negma Group Ltd la somme de

soixante-quinze mille euros (75 000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

4- Condamne la société Biophytis aux dépens, Maître Eric Allerit, avocat, pouvant recouvrer directement contre elle ceux dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENT,

 


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