Augmentation de capital : décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00419
Augmentation de capital : décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00419
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/00419 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCK2G

Décision déférée à la cour :

Arrêt du 27 juin 2019-cour d’appel de Paris-RG n° 18/05246

APPELANTE

S.A. HELLENIC CORPORATION OF ASSETS & PARTICIPATIONS

société de droit grec

[Adresse 4]

[Adresse 4] (Grèce)

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

Ayant pour avocat plaidants Me Jean-Philippe PONS-HENRY et Me Jean-sébastien BAZILLE, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE

S.A. HELLENIC SHIPYARDS

société de droit grec

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (Grèce)

Représentée par Me Fanny CROSNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R010

Ayant pour avocat plaidant Me Camille VIAUD LE POLLES de la SARL TGS FRANCE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

La société de droit grec Hellenic Corporation of Assets and Participations SA (ci-après la société HCAP), est un fonds d’investissement créé par la loi grecque n°4389/2016 en 2016 afin de permettre à l’Etat grec de prétendre à un programme d’assistance financière du Mécanisme européen de stabilité (ci-après le MES).

La société de droit grec Hellenic Shipyards SA (ci-après la société HSY) fait partie du groupe Privinvest de construction navale, spécialisé dans la construction de navires militaires et la construction de chantiers navals dans divers pays.

Selon une sentence arbitrale rendue le 29 septembre 2017 par la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale, devenue exécutoire en France en vertu d’une ordonnance d’exequatur rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 7 décembre 2017, l’Etat grec a été condamné à payer à la société HSY la somme de 155 millions d’euros, majorée des intérêts qui s’élevaient, au 5 février 2018, à la somme de 55.338.904,11 euros. La société HCAP n’était pas partie à cette procédure d’arbitrage.

Soutenant que la société HCAP est une émanation de l’Etat grec, la société HSY a présenté au juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris, le 6 février 2018, une requête tendant à être autorisée à pratiquer une saisie-attribution pour la somme de 210.338.904,11 euros sur la moitié des fonds déposés sur le compte [XXXXXXXXXX01] qu’elle supposait détenu par la société HCAP à la banque HSBC sise [Adresse 2].

Par ordonnance rendue le 13 février 2018, le juge de l’exécution a rejeté la requête au motif que, à supposer retenue la qualification d’émanation de l’Etat grec à l’égard de la société HCAP, il n’était pas démontré que celui-ci avait renoncé expressément et spécialement à son immunité d’exécution, ni que la créance sur la banque HSBC était affectée à la demande, et que le compte bancaire était destiné à des fins de service public non commerciales, en ce que la restructuration de la dette grecque ne pouvait être considérée comme relevant d’une activité commerciale.

Par arrêt du 27 juin 2019 rendu en matière gracieuse, cette cour a :

infirmé l’ordonnance rendue par le juge de l’exécution le 13 février 2018 ;

statuant à nouveau,

autorisé la société HSY à pratiquer une saisie-attribution sur la moitié des fonds déposés sur le compte [XXXXXXXXXX01] détenu par la société HCAP, émanation de l’Etat grec, dans les livres de la banque HSBC sise [Adresse 2], pour la somme de 210.924.931,51 euros.

Le 2 août 2019, la société HSY a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société HCAP ouvert dans les livres de la banque HSBC. Cependant, le tiers saisi a indiqué à l’huissier que la société HCAP ne détenait dans ses livres aucune créance de somme d’argent (pièces n°11 de la société HCAP et n°24 de la société HSY).

Selon déclaration du 3 septembre 2020, la société HCAP a saisi la cour d’une demande de rétractation de son arrêt du 27 juin 2019.

Le dossier a été communiqué, le 17 septembre 2020, au ministère public, qui a apposé son visa le 25 septembre suivant, tendant au rejet de la demande de rétractation.

Les 7 et 8 avril 2021, la cour a soulevé d’office deux fins de non-recevoir, l’une tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la cour en l’absence de mesure d’exécution en cours, l’autre tirée du défaut d’intérêt à agir de la société HCAP dès lors que le bien objet de la saisie ne lui appartiendrait pas.

Par dernières conclusions du 28 avril 2022, la société HCAP demande à la cour de :

la déclarer recevable en sa demande de rétractation ;

juger qu’elle n’est pas une émanation de l’Etat grec ;

rétracter en conséquence dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 27 juin 2019 ;

déclarer irrecevable la demande de la société HSY visant à être autorisée à saisir la moitié des fonds déposés sur tout compte bancaire ouvert en France dans les livres de toute banque et à diligenter une enquête Ficoba relative aux comptes bancaires qu’elle détient ;

condamner la société HSY aux entiers dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions du 4 mai 2022, la société HSY conclut à voir :

lui donner acte de ce qu’elle s’en remet à justice concernant l’irrecevabilité des demandes de la société HCAP, soulevée d’office par la cour ;

juger que la société HCAP est une émanation de l’Etat grec ;

en conséquence,

débouter la société HCAP de l’ensemble de ses demandes ;

confirmer l’arrêt en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’a autorisée à pratiquer une saisie-attribution sur la moitié des fonds déposés sur le compte [XXXXXXXXXX01] détenu par la société HCAP dans les livres de la banque HSBC ;

statuant à nouveau,

l’autoriser à pratiquer une saisie-attribution sur la moitié des fonds déposés sur tout compte détenu par la société HCAP dans les livres de toute banque ;

l’autoriser à faire diligenter par tout huissier de justice une enquête Ficoba aux fins d’obtenir l’identité des établissements bancaires dans les livres desquels la société HCAP dispose de comptes ;

condamner la société HCAP aux entiers dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 10.000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande de rétractation

Sur la recevabilité au regard de l’étendue des pouvoirs du juge de l’exécution

Aux termes de l’article L. 213-6 alinéas 1er et 2 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en ‘uvre.

Selon l’article R. 111-6 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance, lequel peut modifier ou rétracter celle-ci.

Certes la saisie-attribution diligentée le 2 août 2019 s’est avérée infructueuse, mais une voie d’exécution a bien été diligentée à cette date. En outre, l’appelante a fondé son recours sur l’article R. 111-6 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution. Celui-ci ne s’analyse pas en une demande de mainlevée d’une mesure d’exécution en cours, mais de rétractation d’un arrêt rendu en matière gracieuse. L’objet d’un tel recours est de soumettre à un débat contradictoire l’autorisation de pratiquer une mesure de saisie-attribution prévue à l’article L. 111-1-1 du même code, par hypothèse avant que ne soit diligentée la mesure.

Le recours en rétractation de l’arrêt du 27 juin 2019 est donc recevable au regard de l’étendue des pouvoirs juridictionnels de la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution.

Sur la recevabilité au regard de l’intérêt à agir

La société HCAP fait valoir à cet égard que :

l’article R. 111-6 du code des procédures civiles d’exécution semble admettre une conception souple de l’intérêt à agir puisqu’il ouvre le recours en rétractation à «tout intéressé» ; le tiers saisi n’a pas répondu que le compte objet de la saisie appartenait à une autre entité que la société HCAP, mais que celle-ci ne détenait aucune créance de somme d’argent dans ses livres :

elle est manifestement intéressée à exercer le présent recours dès lors que l’arrêt, inscrit dans l’ordre juridique français, la qualifie, dans son dispositif, d’émanation de l’Etat grec.

La société HSY soutient que la saisie a été infructueuse parce que le compte bancaire objet de l’autorisation n’appartenait pas à la société HCAP. Elle ajoute que, puisque la société HCAP prétend (en page 9 de ses conclusions) ne disposer d’aucun actif en France, aucune nouvelle saisie fondée sur l’article L. 111-1-1 du code des procédures civiles d’exécution ne pourrait aboutir, de sorte que la société HCAP n’a aucun intérêt né et actuel pour agir en rétractation de l’arrêt litigieux.

Dès lors que l’arrêt du 27 juin 2019 a qualifié la société HCAP d’émanation de l’Etat grec et que cette qualification est susceptible de fonder l’autorisation d’autres voies d’exécution sur le fondement de titres exécutoires détenus à l’encontre de l’Etat grec, la requérante justifie d’un intérêt pour agir en rétractation de l’arrêt litigieux.

Sur le fond

L’article L111-1-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :

Des mesures conservatoires ou des mesures d’exécution forcée visant un bien appartenant à un Etat étranger ne peuvent être autorisées par le juge que si l’une des conditions suivantes est remplie :

1° L’Etat concerné a expressément consenti à l’application d’une telle mesure ;

2° L’Etat concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de la procédure ;

3° Lorsqu’un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l’Etat concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée.

Pour l’application du 3° de ce texte, sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :

a) Les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’Etat ou de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales ;

b) Les biens de caractère militaire ou les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions militaires ;

c) Les biens faisant partie du patrimoine culturel de l’Etat ou de ses archives qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;

d) Les biens faisant partie d’une exposition d’objet d’intérêt scientifique, culturel ou historique qui ne sont pas mis ou destinés à être mis en vente ;

e) Les créances fiscales ou sociales de l’Etat.

Pour infirmer l’ordonnance du juge de l’exécution et autoriser la saisie-attribution sollicitée, la cour a considéré, en application du texte précité, d’une part que la société HCAP était une émanation de l’Etat grec comme étant dépourvue d’autonomie organique et patrimoniale, d’autre part que la moitié des fonds déposés sur le compte ouvert auprès de la banque HSBC, destinés à valoriser le patrimoine privé de l’Etat grec, n’étaient pas spécifiquement utilisés ou destinés à des fins de service public non commerciales et entretenaient un lien avec l’entité contre laquelle la procédure était intentée.

Cette seconde partie des motifs retenus par l’arrêt n’est pas contestée par la société HCAP, qui s’attache exclusivement à contester sa qualification d’émanation de l’Etat grec.

A cet effet, elle soutient que :

son indépendance par rapport à l’Etat grec a été une condition de sa création imposée pour qu’elle puisse bénéficier de l’aide financière du MES et a été reconnue en diverses occasions ;

la seule qualité d’actionnaire de l’Etat ne saurait à elle seule caractériser une émanation de l’Etat au sens de la jurisprudence, en l’absence de démonstration que l’Etat exerce un contrôle permanent sur l’entité et puise librement dans ses réserves ; or les principes de fonctionnement établis par sa loi constitutive visent à garantir son indépendance organique ; l’essentiel du pouvoir de contrôle sur elle est exercé par le conseil d’administration, lequel n’est pas désigné par l’Etat, mais par le conseil de surveillance, ce qu’a illustré récemment une décision du 4 février 2022 du Conseil d’Etat grec ;

selon la jurisprudence, l’absence de patrimoine propre ne résulte que d’une confusion de patrimoines flagrante en présence de flux anormaux entre les deux entités ; son indépendance patrimoniale est garantie par plusieurs dispositions légales : les actifs qui lui sont transférés lui appartiennent en propre ; son activité est rigoureusement contrôlée et certifiée chaque année par un cabinet d’audit indépendant ; à l’instar des revenus de toute société commerciale, la distribution de dividendes à l’Etat en sa qualité d’actionnaire ne peut être modifiée librement par celui-ci.

L’intimée réplique que :

l’indépendance de la société HCAP par rapport à l’Etat grec est de pure façade, la notion d’indépendance utilisée dans l’avis de la Commission européenne ne visant que la forme juridique de la société, entité dite « à part » de l’Etat ;

l’objet social et la détention intégrale du capital social par l’Etat grec, la position d’actionnaire unique de celui-ci, associé aux larges attributions de nomination et de retrait des membres des organes de gestion (l’assemblée générale de l’actionnaire unique, le conseil de surveillance, le conseil d’administration et les commissaires aux comptes) et sa capacité à fixer les objectifs à atteindre lui procurent un pouvoir permanent de contrôle et d’orientation sur l’ensemble de la société HCAP ;

la société HCAP n’a aucun patrimoine propre et ne fait que gérer et exploiter celui de l’Etat grec au profit de ce dernier, qui reste propriétaire des actifs ; elle ne dispose d’aucune capacité d’autofinancement, n’ayant aucune autonomie quant à l’emploi de ses bénéfices ; si l’Etat grec lui confie la mission de valoriser ses biens, c’est toujours selon les principes et objectifs fixés par ses soins.

Sur le critère organique

La composition de l’organe de gouvernance d’une entité ne peut constituer un indice de ce que celle-ci est une émanation de l’Etat que si ce dernier y est représenté de manière exclusive, à tout le moins extrêmement majoritaire. En outre, cette condition sine qua non n’est pas suffisante. Il faut encore que l’Etat exerce sur l’entité un véritable pouvoir permanent d’orientation et de contrôle.

En l’espèce, il ressort de la « déclaration du sommet de la zone euro » faite le 12 juillet 2015 (page 4) que les autorités grecques s’y engageaient à « élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance ; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d’autres moyens… Ce fonds serait mis en place en Grèce et géré par les autorités grecques sous la supervision des institutions européennes concernées. »

La société HCAP a alors été créée par la loi n°4389/2016 avec, pour objet statutaire, la gestion et l’exploitation de la propriété privée de l’Etat grec qui lui est transférée dans l’intérêt public afin ‘ (a) d’apporter des ressources pour mettre en ‘uvre la politique d’investissement du pays et des investissements concourant au renforcement du développement de l’économie grecque et (b) contribuer à la réduction des passifs financiers de la République hellénique.

Par la suite, aux termes d’un avenant en date du 21 juin 2018, la société HCAP a adhéré à l’accord dit FAFA (Financial Assistance Facility Agreement) conclu entre le MES, la République hellénique, la banque centrale grecque et le fonds de recapitalisation grec.

Certes le rapport de la Commission européenne sur le programme d’aide du MES de novembre 2017 indique en son paragraphe 25 qu’un nouveau fonds de privatisation et d’investissement « indépendant » a été créé pour gérer et maximiser la valeur des actifs grecs, la société HCAP.

Cependant l’ensemble des circonstances et principes ayant ainsi présidé à sa création pour répondre à la volonté du MES ne suffisent pas à attester de la réalité de l’autonomie organique actuelle de la société HCAP.

Certes la société HCAP est une société privée commerciale, immatriculée au registre grec des sociétés commerciales, oeuvrant dans l’intérêt public mais fonctionnant selon les règles de l’industrie privée, comme il est dit aux articles 184 et 185 de sa loi constitutive.

Cependant l’Etat grec, actionnaire unique de la société, y est représenté de manière exclusive.

En outre et surtout, l’assemblée générale de l’actionnaire unique, qui est, aux termes de l’article 190 2. de la loi 4389/2016, l’autorité suprême de la société, approuve le plan stratégique de la société HCAP et de ses filiales, déterminé par le conseil d’administration conformément aux directives fournies par l’actionnaire unique, représenté par le ministre des finances grec (page 27 du rapport financier pour la première année fiscale 2016), enfin approuve son règlement intérieur.

Le conseil d’administration, outre cette élaboration du plan stratégique, est chargé de garantir l’intégrité des comptes de la société, des systèmes d’information financière ainsi que l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques, de mettre en place des procédures de surveillance des transactions pour éviter les conflits d’intérêts entre la société et sa direction ou son actionnaire unique, enfin décide et contrôle l’efficacité des processus de gouvernance de la société.

Quant au conseil de surveillance, il supervise et évalue les activités du conseil d’administration par l’intermédiaire du rapport annuel. Enfin il nomme l’ensemble des membres du conseil d’administration. Or aux termes de l’article 191.2 de la loi constitutive de la société HCAP, le conseil de surveillance est composé de 5 membres désignés par l’assemblée générale de l’actionnaire unique qui est l’Etat grec, dont 3 membres sont choisis par l’actionnaire unique avec l’accord de la Commission européenne et du MES et 2 membres, dont le président du conseil de surveillance, sont choisis par la Commission européenne et le MES avec l’accord du ministre des finances grec.

Cette structure, au sein de laquelle l’Etat grec apparaît ainsi comme extrêmement majoritaire et joue un rôle prééminent, est de nature à conférer à celui-ci un pouvoir permanent de contrôle et d’orientation sur la société HCAP. La décision n°190/2022 rendue par le Conseil d’Etat grec le 4 février 2022, qui déclare inconstitutionnelle la cession à la société HCAP par l’Etat grec de plus de 50% des titres détenus par celui-ci dans la compagnie publique d’alimentation en eau EYPAD en violation des dispositions de la Constitution grecque selon lesquelles le contrôle de l’Etat grec est constitutionnellement requis non seulement à travers l’exercice d’une surveillance mais aussi par le biais de la détention de 50,1% au moins de son capital social, n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion ci-dessus dégagée par la cour.

Ainsi l’Etat grec, représenté de manière exclusive au sein de l’organe de gouvernance de la société HCAP qu’est l’assemblée générale de l’actionnaire unique et de manière extrêmement majoritaire au sein du conseil de surveillance et du conseil d’administration, exerce sur la société HCAP un pouvoir permanent de contrôle et d’orientation. Par conséquent le critère organique de l’émanation de l’Etat se trouve ici rempli.

Cependant, le contrôle exercé par un Etat ne suffit pas à considérer une entité qui en dépend comme une émanation de cet Etat. Il faut encore que cette entité ne dispose pas d’un patrimoine propre, distinct de celui de l’Etat.

Sur le critère patrimonial

Selon l’article 5 de l’article 204 de la loi n°4389/2016, le capital social initial, s’élevant à 40 millions d’euros, a été apporté intégralement par l’Etat grec et toute augmentation de capital future ne peut se faire que par dépôts de l’actionnaire unique, qu’est l’Etat grec lui-même. La détention intégrale du capital social de la société HCAP par l’Etat est un premier élément tendant à démontrer la confusion du patrimoine de la société avec celui de l’Etat grec, nonobstant le fait qu’il s’agisse d’une société de droit privé.

En outre, l’article 185 de la loi n°4389/2016 définit l’objet social de la société HCAP comme suit :

« 1. La Société agit dans l’intérêt public, conformément aux règles de l’économie privée. Elle est destinée à servir un objectif public spécifique. En particulier, la Société gère et utilise ses actifs afin : (a) d’apporter des ressources pour mettre en ‘uvre la politique d’investissement du pays et des investissements concourant au renforcement du développement de l’économie grecque et (b) contribuer à la réduction des passifs financiers de la République Hellénique, conformément à la loi 4336/2015 (A94).

Pour atteindre son objectif, la société agit dans un organisme indépendant, professionnel et des affaires à long terme pour atteindre les résultats selon les règles de procédure, avec toutes les garanties de transparence et afin d’augmenter la valeur et d’améliorer la performance des actifs ci-dessus, ainsi que la monétisation, qui sont attribués conformément aux dispositions de la présente loi. »

Ainsi la mission de la société HCAP, déterminée par la loi qui l’a créée, consiste à transférer, détenir et gérer des actifs appartenant exclusivement à l’Etat grec. La requérante se prévaut des dispositions de l’article 188.1 de la loi n°4389/2016. Cependant cet article, qui dispose que :

« A partir de l’acquisition de la personnalité juridique de la Société, les entités suivantes disposant des capitaux propres ou de titres intégrés transférés à la Société ou formés conformément aux dispositions des présentes, sont considérées aux fins de la présente loi comme des filiales directes :

a. le Fonds de stabilité financière.

b. Le fonds de développement de la propriété d’Etat de la loi 3986/2011 (A’152) (« TAIPED »).

c. La société immobilière publique SA de la loi 2636/1998 (« ETAD »).

d. La Société de Public Holdings SA, établie conformément au paragraphe 8»,

est tout à fait inopérant à établir que les actifs apportés par l’Etat grec à la société HCAP appartiennent à celle-ci en propre.

Aux termes de l’article 199 1. de la loi n°4389/2016, la distribution des bénéfices de la société [HCAP] se fait conformément à la politique de dividende, qui fait partie du règlement intérieur, et qui assure la répartition suivante :

a) 50% des bénéfices de la société sont versés sous forme de dividende à l’Etat grec et est disponible selon la loi 4336/2015, et

b) les autres résultats sont utilisés pour les investissements de la société conformément à la politique d’investissement décrite à l’article 200.

Il s’ensuit que les bénéfices réalisés par la société HCAP profitent exclusivement à l’Etat grec, soit directement par le reversement de 50% de ceux-ci sous forme de dividendes, soit par le réinvestissement au sein de la société HCAP et de ses filiales directes en vue d’augmenter les ressources de l’Etat grec ; qu’ainsi les revenus de la société sont pour moitié reversés à l’Etat grec en vue du remboursement de la dette de l’Etat et pour autre moitié certes réinvestis mais, conformément à la politique d’investissement de l’Etat grec, au profit de celui-ci.

En outre, la société HCAP n’exerce aucune autre activité commerciale que sa mission de réduction de la dette grecque et d’investissement de l’Etat.

Par ailleurs il résulte de l’article 191.4 l) de la même loi constitutive que le conseil de surveillance doit « superviser pour l’Etat grec sans contrepartie, par contrat établi par celui-ci, les actifs qui ont été transférés à la Société ou aux filiales directes au titre de la présente loi », ce qui implique que les services rendus par la société HCAP à l’Etat grec ne sont pas rémunérés.

Enfin, si la société HCAP soutient que son autonomie patrimoniale par rapport à l’Etat grec a été certifiée par son commissaire aux comptes, la société Deloitte désignée conformément à l’article 193 de la loi n°4389/2016, elle n’apporte à cette fin aucun élément de preuve, les rapports financiers annuels de la société pour les années 2018 et 2020, qui se bornent à attester qu’ils sont établis conformément aux normes IFRS, étant insuffisants à cet effet.

Il s’ensuit que le critère tiré de l’absence de patrimoine propre, distinct de celui de l’Etat grec, se trouve également réuni, de sorte que c’est à juste titre que l’arrêt du 27 juin 2019 a retenu que la société HCAP était une émanation de l’Etat grec.

Enfin, il n’est pas contesté par les parties que, dès lors que cette qualification d’émanation de l’Etat grec est retenue, il n’est pas nécessaire d’examiner si les comptes de la société HCAP sont spécifiquement utilisés par ledit Etat autrement qu’à des fins de service public non commerciales et entretiennent un lien avec l’entité contre laquelle la procédure a été intentée, cette seconde condition étant alors remplie.

En conséquence, il y a lieu de rejeter la demande en rétractation de l’arrêt du 27 juin 2019.

Sur la demande de modification de l’arrêt du 27 juin 2019 présentée par la société HSY

La saisie pratiquée le 2 août 2019 n’ayant pas pu aboutir, faute par la société HCAP de détenir de créance de somme d’argent envers la banque HSBC, l’intimée sollicite, sur le fondement de l’article R. 111-6 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, la modification de l’arrêt du 27 juin 2019, demandant à être autorisée à pratiquer une saisie-attribution sur la moitié des fonds déposés sur tout compte bancaire dont la société HCAP serait titulaire en France. Ne disposant d’aucun moyen pour identifier elle-même de tels comptes, elle sollicite l’autorisation de faire procéder à une enquête Ficoba à cette fin.

La société HCAP lui oppose que l’article R. 111-6 du code des procédures civiles d’exécution ne permet pas au créancier de solliciter de nouvelles mesures qu’il n’avait pas demandées dans sa requête initiale, la saisine du juge de la rétractation se trouvant limitée à l’objet de celle-ci qui est de soumettre à un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire.

Aux termes de l’article R. 111-6 du code des procédures civiles d’exécution, s’il n’est pas fait droit à la requête [en autorisation prévue à l’article L. 111-1-1], appel peut être interjeté. Le délai d’appel est de quinze jours. L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.

S’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance, lequel peut modifier ou rétracter celle-ci.

Le juge de la rétractation ne doit pas étendre l’objet de la saisine de la juridiction. Or la nouvelle demande de la société HSY ne tend pas seulement à modifier le dispositif de l’arrêt du 27 juin 2019, mais à étendre l’objet de la saisine de la cour. La demande formée à ce titre par la société HSY doit donc être déclarée irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’issue du litige commande de condamner la société HCAP aux dépens de l’instance en rétractation.

Il y a lieu de la condamner au paiement d’une somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande en rétractation de l’arrêt n°RG 18/05246 rendu par la cour le 27 juin 2019, formée par la société de droit grec Hellenic Corporation of Assets and Participations SA ;

Au fond, l’en déboute ;

Déclare irrecevable la demande de la société de droit grec Hellenic Shipyards SA de ses demandes tendant à se voir autoriser à pratiquer une saisie-attribution sur la moitié des fonds déposés sur tout compte détenu par la société HCAP dans les livres de toute banque, et à faire diligenter par tout huissier de justice une enquête Ficoba aux fins d’obtenir l’identité des établissements bancaires dans les livres desquels la société HCAP dispose de comptes ;

Condamne la société de droit grec Hellenic Corporation of Assets and Participations SA à payer à la société de droit grec Hellenic Shipyards SA la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société de droit grec Hellenic Corporation of Assets and Participations SA aux dépens de la présente instance en rétractation.

Le greffier, Le président,

 


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