Augmentation de capital : décision du 13 décembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/04822
Augmentation de capital : décision du 13 décembre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/04822
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ARRET

[T]

C/

S.A.S. BVP-SOCCA

copie exécutoire

le 13 décembre 2023

à

Me DORE

Me CORMONT

EG/IL/BG

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 13 DECEMBRE 2023

*************************************************************

N° RG 22/04822 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IS6R

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 10 OCTOBRE 2022 (référence dossier N° RG F 20/00379)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [X] [T]

née le 22 Avril 1966 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée et concluant par Me Christophe DORE de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Anne-sophie BRUDER, avocat au barreau d’AMIENS

ET :

INTIMEE

S.A.S. BVP-SOCCA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et concluant par Me Jean-françois CORMONT de la SELARL AUXIS AVOCATS, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS

DEBATS :

A l’audience publique du 18 octobre 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l’arrêt sera prononcé le 13 décembre 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 13 décembre 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

Mme [T], née le 22 avril 1966, a été embauchée à compter du 22 mai 2002 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée par la société SOCCA, devenue BVP-SOCCA (la société ou l’employeur), en qualité de technico-commerciale itinérante.

La société BCP-SOCCA compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des négociants en matériaux de construction.

Par courrier du 9 juillet 2020, Mme [T] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave fixé au 21 juillet 2020 avec mise à pied conservatoire.

Le 27 juillet 2020, la salariée a été licenciée pour faute grave.

Ne s’estimant pas remplie de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, Mme [T] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens le 6 octobre 2020.

Par jugement du 10 octobre 2022, le conseil a :

– dit et jugé que les termes de la lettre de licenciement pour faute grave adressée à Mme [T] par la société BVP-SOCCA étaient fondés ;

– débouté Mme [T] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté les deux parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Mme [T], régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, demande à la cour de :

– réformer le jugement en ce qu’il a considéré que son licenciement reposait sur une faute grave ;

En conséquence,

– dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune faute grave, ni sur aucune cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes afférentes au licenciement (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour préjudice moral, rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire et indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire) ;

En conséquence,

– condamner la société BVP-SOCCA à lui payer les sommes suivantes :

– 47 859,42 euros soit 14,5 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 6 601,30 euros soit 2 mois de salaire à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 660,13 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– 17 165,58 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

– 1 980,38 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ;

– 198,03 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire ;

– réformer également le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité de congés payés et de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

En conséquence,

– condamner la SAS BVP-SOCCA à lui payer les sommes suivantes :

– 3 738,67 euros à titre d’indemnité de congés payés ;

– 373,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

– réformer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés et de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

En conséquence,

– condamner la société BVP-SOCCA à lui payer les sommes suivantes :

– 133,72 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

– 13,37 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

– réformer encore le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de rappel de salaire sur indemnité compensatrice de RTT et de sa demande de rappel de salaire sur indemnité de RTT pris ;

En conséquence,

– condamner la société BVP-SOCCA à lui payer les sommes suivantes :

– 552,54 euros à titre de rappel de salaire sur indemnité compensatrice de RTT ;

– 340,85 euros à titre de rappel de salaire sur indemnité de RTT pris ;

– condamner la société BVP-SOCCA à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société BVP-SOCCA, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, demande à la cour de :

A titre principal :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit et jugé que les termes de la lettre de licenciement pour faute grave adressée à Mme [T] étaient fondés ;

– dit et jugé Mme [T] mal fondée dans l’ensemble de ses demandes ;

– débouté Mme [T] de l’intégralité de ses demandes ;

– débouté Mme [T] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– dire et juger que le licenciement de Mme [T] repose sur une faute grave ;

Par conséquent,

– débouter Mme [T] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

– dire et juger que le licenciement de Mme [T] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Par conséquent,

– débouter Mme [T] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

– fixer le salaire moyen à la somme de 3 230,35 euros et l’ancienneté à 18 ans ;

– limiter les condamnations au titre de la rupture du contrat de travail aux sommes suivantes :

– 6 460,70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 646,07 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– 16 859,59 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

– 1 349 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire ;

– 134,90 euro à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire.

A titre infiniment subsidiaire,

– si la cour juge le licenciement comme infondé, limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions, faute pour Mme [T] de démontrer la réalité et l’effectivité de sa recherche d’emploi et en tout état de cause, de limiter à la somme maximale de 46 840,07 euros.

En tout état de cause,

– débouter Mme [T] de ses demandes de dommages-intérêts pour préjudice moral, de reliquat d’indemnité de congés payés au cours de l’exécution du contrat de travail et de rappel d’indemnité de congés payés sollicités au titre du solde de tout compte (133,72 euros) ;

– débouter Mme [T] de ses demandes d’indemnité compensatrice de congés payés représentant 10 % des rappels d’indemnités de congés payés sollicités pour la période d’exécution du contrat de travail (3 738, 67 euros) ou au titre du solde de tout compte (133,72 euros), à savoir la débouter des sommes suivantes :

– 373,86 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur le reliquat d’indemnité de congés payés sollicités au titre de l’exécution du contrat de travail ;

– 13,37 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur le reliquat d’indemnité de congés payés sollicités au titre du solde de tout compte ;

– constater que Mme [T] n’a jamais fait l’objet d’aucune retenue sur salaire au titre d’une absence pour RTT et par conséquent la débouter de sa demande de rappel d’indemnité de RTT formulée au titre de l’exécution du contrat de travail (340,85 euros) ;

– constater que Mme [T] ne justifie par aucun texte légal ou conventionnel sa demande de paiement au prorata des RTT non pris et par conséquent la débouter de sa demande de rappel d’indemnité de RTT formulée au titre du solde de tout compte (552,54 euros) et à titre infiniment subsidiaire, limiter le reliquat dû au titre du solde de tout compte, à 3,83 jours ;

– débouter Mme [T] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– condamner Mme [T] reconventionnellement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile aux sommes suivantes :

– 2 500 euros au titre de la première instance ;

– 2 000 euros au stade de l’appel.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur la rupture du contrat de travail

1-1/ sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce.

En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

« Nous faisons suite à l’entretien préalable à un éventuel licenciement du 21 juillet dernier, entretien au cours duquel vous étiez assistée.

Au cours de celui-ci, nous vous avons fait part des griefs que nous avons à formuler à votre encontre et avons recueilli vos explications.

Après réflexion, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs ci-après :

Lors de la facturation de juin 2020, nous nous sommes aperçus que vous avez annulé des bons de livraison datés de juin 2020 pour les recréer sur le mois de juillet 2020, provoquant ainsi un décalage de facturation d’un mois.

Ces opérations ont eu lieu sur votre secteur commercial et touchent plusieurs de vos clients sur les opérations de livraisons directes.

Il n’est pas dans votre pouvoir de décision de décaler une facturation client, c’est d’ailleurs totalement illégal au vu de notre obligation de collecteur de TVA.

Cette manipulation est totalement intolérable, vous avez agi de votre propre chef, sans en référer à personne.

Le groupe a connu ces derniers mois deux crises majeures, fragilisant son équilibre économique, nécessitant le recours à une augmentation de capital, mais également à des emprunts bancaires.

Vous n’êtes pas sans savoir que la facturation des « directs » est particulièrement sensible puisque la marchandise est livrée directement chez le client par le fournisseur, qui vous a donc déjà établi sa facture.

En décalant la facturation du client, non seulement vous pénalisez la trésorerie, pouvez mettre en péril son équilibre financier, mais vous créez de surcroit de faux documents.

Une telle attitude et de telles manipulations sont constitutives d’une faute grave.

Cela est d’autant plus grave que lorsque vous vous êtes aperçue de la rectification que nous avons opérée pour passer la facturation sur le bon mois, c’est-à-dire juin 2020, vous nous avez interpellé par écrit en ces termes :

«J’ai été désagréablement surprise de découvrir que certaines de mes facturations ont été repoussées en juin pour mes clients EIFFAGE, SADE, REA et SIAEP du Vimeu Vert».

«Je ne m’explique toujours pas pourquoi vous êtes intervenu sur la gestion de ces facturations».

« Ayant atteint mes objectifs sur le mois de juin, j’ai annulé sciemment la facturation pour EIFFAGE, SADE et SIAEP du Vimeu Vert afin de ventiler mes chiffres d’affaires qui ont un impact sur ma commission et donc ma paie ».

Vous avez de nouveau reconnu durant l’entretien préalable avoir agi sciemment dans votre propre et seul intérêt pour vous assurer une rémunération plus importante au titre du mois de juillet 2020 puisqu’en juin, vos objectifs étaient réalisés.

Pis encore, après recherches, nous nous sommes aperçus que de telles manipulations avaient déjà été opérées par vous sur les mois précédents.

Enfin, lors de l’entretien préalable, vous nous avez indiqué que vous agiriez de la même manière dans le futur, persistant dans cette démarche malhonnête et contraire à vos prérogatives professionnelles.

Le maintien de votre contrat de travail ne peut davantage s’envisager.

Votre licenciement prend effet immédiatement, sans préavis, ni indemnité de rupture.

Nous signalons à cet égard qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. »

Mme [T] conteste le caractère fautif des faits qui lui sont reprochés affirmant qu’elle a dû décaler la facturation de certains clients pour compenser les retards de livraison liés au non-paiement des fournisseurs par la société et éviter de lourdes pénalités ainsi qu’une baisse de sa rémunération alors qu’elle avait avisé sa hiérarchie de ces dysfonctionnements et que son responsable d’agence était très peu présent, que nombre de ses collègues pratiquaient comme elle au vu et au su de l’employeur sans se voir appliquer aucune sanction, et qu’aucune procédure interne ou disposition fiscale n’interdisaient cette pratique.

Elle ajoute que son licenciement n’est en réalité intervenu que parce que la société connaissait des difficultés économiques et qu’elle avait présenté des doléances quant à sa rémunération.

L’employeur invoque la reconnaissance des faits reprochés par la salariée lors de l’entretien préalable, constitutifs d’une pratique illégale, notamment quant aux dispositions légales sur la collecte de la TVA, et non conforme aux procédures internes qui supposent la facturation à la livraison, et souligne que la salariée a agi dans son seul intérêt financier.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit donc intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, il est constant que la rémunération de Mme [T], technico-commerciale itinérante, était composée d’une part fixe et d’une part variable consistant notamment en un versement mensuel de 2 % du volume de marge réalisé par le secteur commercial qui lui était attribué, majoré à 3 % en cas d’atteinte de l’objectif de marge mensuel.

L’employeur justifie par les pièces produites que des facturations devaient être faites en juin 2020 pour les clients Eiffage, Rea et Sade.

Or, dans un courriel du 8 juillet 2020, la salariée s’étonne que ses facturations aient été repassées en juin pour ses clients Eiffage, Sade, Rea et SIAEP du Vimeu vert et reconnait avoir sciemment annulé la facturation pour Eiffage, Sade et SIAEP du Vimeu vert car elle avait atteint ses objectifs sur le mois de juin et souhaitait ventiler ses chiffres d’affaires qui ont un impact sur sa commission et donc sa paie.

En annulant les facturations faites alors que par courriel du 26 juin 2020, la consigne avait été donnée par le directeur négoce aux collaborateurs, dont Mme [T], de regarder de très près la liste des commandes directes non facturées afin de régulariser la facturation, précisant que «Les comptes au 30 juin auront une importance significative dans l’analyse des performances tant auprès des banques, des assureurs crédit, des actionnaires. », Mme [T] a privilégié son intérêt personnel sur celui de l’entreprise qu’elle reconnait elle-même en difficulté économique.

Cette consigne étant claire, la salariée ne pouvait de son propre chef l’ignorer en invoquant des accords « gagnant-gagnant » avec « ses » clients du fait de problèmes récurrents de livraison, aucun élément ne permettant, par ailleurs, d’établir que d’autres commerciaux ont alors pratiqué comme elle sans se voir sanctionnés.

Ce choix délibéré de faire primer son intérêt sur celui de l’entreprise, que la salariée défend encore lors de l’entretien préalable, est de nature à faire perdre toute confiance dans la loyauté de cette dernière, ce qui constitue une faute grave justifiant la mise à pied conservatoire et le licenciement notifiés respectivement les 9 et 27 juillet 2020.

S’il est avéré que la salariée avait formé des réclamations sur le calcul de sa rémunération avant les faits et que l’entreprise rencontrait des difficultés économiques, aucun élément ne permet de retenir que les griefs invoqués, qui sont parfaitement établis, n’aient été qu’un prétexte.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire ainsi que les demandes pour licenciement injustifié.

1-2/ sur les circonstances vexatoires du licenciement

Mme [T] considère qu’en mettant en doute de façon injustifiée sa probité et son intégrité morale, l’employeur lui a causé un préjudice moral.

L’employeur relève qu’aucune circonstance brutale ou vexatoire entourant le licenciement n’est établie et que la salariée ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct.

La cour rappelle que le salarié peut réclamer la réparation d’un préjudice particulier lié au caractère abusif et vexatoire de la procédure mais qu’il lui appartient d’établir à cet égard un comportement fautif de l’employeur.

En l’espèce, Mme [T] ne présente aucun élément probant permettant de caractériser les circonstances vexatoires qu’elle invoque alors que le caractère fautif des faits qui lui sont reprochés est établi.

Il convient donc de rejeter sa demande de ce chef par confirmation du jugement entrepris.

2/ Sur l’exécution du contrat de travail

2-1/ sur la demande au titre des indemnités de congés payés

Mme [T] soutient que l’employeur n’a pas appliqué la méthode des 10 % qui lui était la plus favorable pour calculer ses indemnités de congés payés en tenant compte des primes versées en contrepartie de son travail.

L’employeur considère que son calcul est conforme aux dispositions de l’article L.3141-24 du code du travail et que s’agissant d’une demande de rappel d’indemnités de congés payés, elle n’ouvre pas droit à indemnité compensatrice afférente.

L’article L.3141-24 du code du travail dispose notamment :

I.- Le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.

Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :

1° De l’indemnité de congé de l’année précédente ;

2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;

3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement.

Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l’article L. 3141-3, l’indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.

II.- Toutefois, l’indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :

1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;

2° De la durée du travail effectif de l’établissement.

En l’espèce, il ressort des bulletins de salaire de Mme [T] que l’employeur a systématiquement appliqué depuis 2017 une base 98,31 pour calculer l’indemnité de congés payés alors que la rémunération de la salariée sur chaque période de référence, primes et commissions incluses, a varié.

Le tableau de valorisation des congés payés produit par l’employeur ne permettant pas de déterminer le détail de la rémunération retenue pour servir d’assiette au calcul de l’indemnité de congés payés ni même le mode de calcul appliqué, et celui-ci n’apportant aucun élément permettant d’exclure les éléments de salaire retenus par la salariée dans son propre calcul, il convient de faire droit à la demande de rappel d’indemnité de congés payés de cette dernière.

En revanche, le rappel d’indemnité de congés payés ainsi obtenu ne saurait donner droit à une indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement entrepris est donc infirmé seulement en ce qu’il a rejeté la demande de rappel d’indemnité de congés payés.

2-2/ sur la demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés

Mme [T] fait valoir qu’elle n’a pas été remplie de ses droits quant à l’indemnité compensatrice de congés payés perçue lors de l’arrêté des comptes, l’employeur lui devant un reliquat de 133,72 euros outre 13,37 euros de congés payés afférents.

L’employeur se prévaut de la mise à pied conservatoire pour affirmer que la salariée n’a pas acquis de congés payés sur cette période, souligne que cette demande fait double emploi avec la demande de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée, et rappelle qu’il ne peut être accordé de congés payés sur des congés payés.

L’article L.3241-28 du code du travail dispose notamment que lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. L’indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur.

En dehors des périodes assimilées à du temps de travail effectif par la loi ou par la convention collective, les périodes de suspension du contrat de travail ne sont pas prises en compte dans le calcul de la durée du congé.

En l’espèce, Mme [T] ayant fait l’objet d’une mise à pied conservatoire du 9 au 27 juillet 2020, c’est à bon droit que l’employeur a déduit cette période de suspension du contrat de travail du calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés à défaut de règle légale ou conventionnelle en disposant autrement.

Il convient donc de rejeter ce chef de demande par confirmation du jugement entrepris, qui, ayant débouté Mme [T] de l’intégralité de ses demandes, a nécessairement rejeté cette demande en particulier.

2-3/ sur les demandes au titre des jours de récupération du temps de travail

Mme [T] avance qu’elle n’a pas été remplie de ses droits au titre de la valorisation des jours RTT pris et à prendre, l’employeur ayant omis d’inclure les primes, commissions et challenges pour en déterminer l’assiette de calcul et ayant retenu un nombre de jours erroné lors du solde de tout compte.

L’employeur rappelle que la salariée était soumise à une convention de forfait annuel en jour et oppose l’absence de dispositions conventionnelles prévoyant l’indemnisation des jours de repos non pris en cas de départ du salarié en cours d’année.

En vertu de l’application combinée des articles 1353 du code civil et 1221-1 du code du travail, il appartient à l’employeur de prouver qu’il a payé le salaire dû.

A défaut d’accord collectif prévoyant une indemnisation, l’absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n’ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l’employeur.

En l’espèce, l’employeur n’expliquant pas plus que pour la détermination de l’assiette de calcul des congés payés comment il a compensé les jours pris au titre de la réduction du temps de travail, il convient de faire droit à ce chef de demande de la salariée par infirmation du jugement entrepris.

En revanche, Mme [T] ne justifiant d’aucune disposition conventionnelle prévoyant l’indemnisation des jours de repos acquis au titre de la réduction du temps de travail mais non pris au jour de son licenciement pour faute grave alors que ce licenciement est justifié, sa demande de ce chef est rejetée par confirmation du jugement entrepris.

3/ Sur les demandes accessoires

Chaque partie succombant partiellement, il convient de confirmer le jugement entrepris quant aux frais irrépétibles et dépens, et de laisser à la charge de chacune les frais irrépétibles et dépens engagés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de rappel sur indemnité de congés payés et de rappel sur indemnité de jours de réduction du temps de travail pris,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société BVP-SOCCA à payer à Mme [X] [T] les sommes suivantes :

– 3 738,67 euros à titre de rappel sur indemnité de congés payés,

– 340,85 euros à titre de rappel sur indemnité de jours de RTT pris,

Rejette le surplus des demandes,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens engagés en appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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