Augmentation de capital : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/02877
Augmentation de capital : décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 23/02877
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 11 JANVIER 2024

N° RG 23/02877 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NJ24

[J] [G]

c/

[F] [L]

S.E.L.A.R.L. [R] [S]-[E]

Nature de la décision : APPEL D’UNE ORDONNANCE DE MISE EN ETAT

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 05 juin 2023 par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 20/09701) suivant déclaration d’appel du 16 juin 2023

APPELANT :

Jean-Claude CONVENANT

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 9] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 7]

Représenté par Maître Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[F] [L]

né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 12] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

S.E.L.A.R.L. [R] [S]-[E], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

Représentés par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER – SAMMARCELLI – MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Bérengère VALLEE, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Paule POIREL

Conseiller : Mme Bérengère VALLEE

Conseiller : M. Emmanuel BREARD

Greffier : Mme Séverine ROMA

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [J] [G] a constitué le 15 mars 2001 avec ses deux fils, [O] et [N], la SCI JTC, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n°435 344 445, ayant pour objet principal la propriété, l’administration, l’entretien et l’exploitation par bail ou autrement d’un bien immobilier situé à [Localité 10] (Gironde), [Adresse 6] et dont le capital social initial était fixé à 80 000 euros réparti en 100 parts.

Par acte notarié de Me [F] [L] du 19 février 2013, M. [J] [G] a réalisé un apport en nature à la SCI JTC d’un bien immobilier situé à [Localité 11], [Adresse 3], à savoir une parcelle de terrain à bâtir pour 00 ha 39 a 93 ca entraînant une augmentation de capital évaluée à 140 000 euros.

Par acte notarié de Me [L] du 17 avril 2014, M. [N] [G] et M. [O] [G] ont effectué un apport d’un bien immobilier situé à [Localité 11], [Adresse 8], consistant en un immeuble à usage de bureaux, entrepôt, parking, bien qui dépendait initialement de la communauté ayant existé entre M. [J] [G] et Mme [W] entraînant une augmentation de capital évaluée à 800 000 euros.

Reprochant à Me [L] de ne pas avoir procédé à la réévaluation du capital de la SCI JTC et des 100 parts initiales avant ces deux apports en nature, ce qui aurait entraîné une incidence dans la répartition des parts de la SCI JTC à son détriment, M. [J] [G] a, par acte d’huissier des 2 et 7 décembre 2020, fait assigner Me [L] et la SCP [R] [S]-[E] en responsabilité professionnelle devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par conclusions du 14 octobre 2022, la société [R] [S]-[E] et Me [L] ont demandé au juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux de notamment juger irrecevables comme prescrites l’ensemble des demandes de M. [J] [G].

Par ordonnance contradictoire du 5 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– déclaré irrecevable l’action en responsabilité professionnelle introduite à l’encontre de Me [L] et de la société [S] [E] comme étant prescrite,

– constaté en conséquence l’extinction de l’instance et le dessaisissement du tribunal,

– condamné M. [J] [G] à payer à Me [L] et de la Société [S] [E] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [J] [G] aux dépens.

Le juge de la mise en état a retenu que le point de départ de la prescription quinquennale était l’acte d’apport litigieux pour lequel il est allégué un manquement au devoir de conseil, soit l’acte du 17 avril 2014.

M. [J] [G] a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 16 juin 2023, et par conclusions déposées le 24 octobre 2023, il demande à la cour de :

– déclarer recevable M. [J] [G] en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

En conséquence,

– déclarer recevable l’action en responsabilité professionnelle introduite à l’encontre de Me [L] et de la société [S] [E],

– condamner solidairement la société [R] [S] [E] et Me [L] à payer à M. [J] [G] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par conclusions déposées le 27 octobre 2023, la société [R] [S]-[E] et Me [L] demandent à la cour de :

– rejeter l’appel de M. [J] [G],

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 5 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux,

– débouter M. [J] [G] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [J] [G] à payer à Me [L] et à la Société [R] [S] [E] une indemnité de 2 500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] [G] aux entiers dépens.

L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 16 novembre 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 02 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

I Sur la prescription de l’action.

M. [G], se fondant sur l’article 2224 du code civil, conteste que le premier juge ait pu retenir qu’il n’était pas démontré une erreur de valorisation des immeubles apportés lors des actes d’apport.

Il avance qu’il n’était pas argué de sa part une erreur de valorisation des immeubles apportés en 2013 et 2014 auprès de la société JTC, mais l’absence de revalorisation de cette dernière société lors de ces apports.

Il souligne que le notaire instrumentaire, afin de déterminer la parité d’échange lors des augmentations de capital, a comparé la valeur des immeubles apportés à la valeur initiale de la société JTC, alors que 12 ans plus tard, celle-ci avait une valeur supérieure, ce qui devait venir diminuer la part des titres sociaux accordés en contrepartie des droits immobiliers apportés.

Il indique ainsi que la valeur de la part retenue par Maître [P] était de 800 € alors qu’il retient un montant de 2.400 €.

Il estime donc que le point de départ du délai de prescription est le jour lors duquel il a pris conscience que le notaire instrumentaire aurait dû procéder à une réévaluation de la société JTC lors de l’augmentation de capital, induisant une répartition des titres sociaux différente à l’issue.

Il affirme que cette prise de conscience est survenue lors de l’assemblée générale de la société JTC du 2 décembre 2019 et du conflit qui s’est élevé à cette occasion avec un de ses fils, comme le révèle le courriel de Maître Maître du 21 avril 2022.

Il soutient que les questions relatives à l’existence de la faute ou du préjudice relèvent du bien fondé de l’action et ne sauraient interférer sur sa recevabilité.

Il admet avoir été averti de ce que sa participation dans la société serait amoindrie du fait de la seconde augmentation de capital, mais souligne que ce n’est pas le grief qu’il formule, puisqu’il conteste la proportion de la dilution de ses droits.

Il met en avant le fait que le rapport d’expertise évalue que la société JTC avait une valeur réelle, au 14 avril 2014, d’un montant de 2.295.000 €, ce qui lui aurait permis une répartition des parts sociales plus favorable le concernant, puisqu’il n’en détient plus la majorité, alors qu’il aurait conservé celle-ci.

En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

La cour constate que l’appelant ne conteste pas avoir été avisé lors des actes d’apport des 19 février 2013 et 17 avril 2014 des augmentations de capital effectuées, ni de la répartition des parts sociales résultant des assemblées générales des 17 janvier 2013 et 21 février 2014 (pièces 1 et 2 des intimés).

Il ressort de ces éléments que non seulement M. [G] avait connaissance de la diminution de sa participation dans la société JTC, mais également des modes de calcul ayant abouti à cette baisse et au fait qu’il perde la majorité au sein du capital social.

Il s’ensuit que la partie appelante avait non seulement tous les éléments relatifs à la dilution de ses droits lorsqu’il a voté en la faveur des augmentations de capital, mais qu’il avait les informations nécessaires lui permettant de les remettre en cause.

Il s’ensuit que M. [G] a créé la situation aujourd’hui objet du litige, mais également qu’il connaissait les conséquences qu’elle impliquait en votant les augmentations de capital de février 2013 et avril 2014.

Par conséquent, le point de départ de la prescription a été exactement retenu par le premier juge et l’action, puisqu’elle a été introduite plus de cinq après, doit être déclarée prescrite. La décision attaquée sera donc confirmée de ce chef.

II Sur les demandes annexes.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que M. [G] soit condamné à verser à M. [L] et à la société [R] [S]-[E], ensemble, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, M. [G], qui succombe au principal, supportera la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME la décision rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux le 5 juin 2023 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] à verser à M. [L] et à la société [R] [S]-[E], ensemble, la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la présente procédure d’appel ;

CONDAMNE M. [G] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Séverine ROMA, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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