Augmentation de capital : décision du 10 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03435
Augmentation de capital : décision du 10 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03435
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 278

Rôle N° RG 22/03435 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BI737

[A] [Z]

SARL ALLIANT

C/

[I] [J]

[U] [J]

[R] [J]

SCP AJILINK AVAZERI BONETTO

S.C.I. T.A.P

[N] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Sebastien SALLES

Me Christophe PINEL

Me Pascale BARTON-SMITH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 03 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 2020F01312.

APPELANTES

Madame [A] [Z]

née le [Date naissance 8] 1964 à [Localité 13] (13), demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Hervé BARBIER de la SCP YVES BARBIER & HERVÉ BARBIER, avocat au barreau de MARSEILLE,

SARL ALLIANT prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 12]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENC et assistée de Me Hervé BARBIER de la SCP YVES BARBIER & HERVÉ BARBIER, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMES

Monsieur [I] [J]

né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 13] (13), demeurant [Adresse 7]

représenté et assisté de Me Sebastien SALLES de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [U] [J]

née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 13] (13), demeurant [Adresse 9]

représentée et assistée de Me Sebastien SALLES de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [R] [J]

né le [Date naissance 6] 1993 à [Localité 13] (13), demeurant [Adresse 7]

représentée et assistée de Me Sebastien SALLES de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.C.I. T.A.P prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 9]

représentée et assistée de Me Sebastien SALLES de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

SCP AJILINK AVAZERI BONETTO

représentée par Maître [Y] [S], agissant en sa qualité d’administrateur provisoire de la SARL ALLIANT, dont le siège est sis [Adresse 11]

représentée par Me Christophe PINEL, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE INTERVENANTE

Monsieur [N] [J], intervenant volontaire

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 13] (13), demeurant [Adresse 3]

représenté et assisté de Me Pascale BARTON-SMITH, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022,

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL Alliant a été constituée en 2005 par deux frères, MM [V] et [K] [J].

Elle a pour objet la prise de participations dans des sociétés appartenant directement ou indirectement à la famille [J].

Son capital était détenu à hauteur de :

– 50% par la SCI TAP, détenue par [V] [J], son épouse [U] [J] née [F] et leurs deux enfants [I] et [R] [J],

– 50% par la SCI TFBG, constituée par [K] [J] et ses trois enfants, [Y], [N] et [P] [J], et dont le capital est détenu à 90% par la SCI l’Alpium, dont Mme [Z] est associée à 50%, les autres parts étant réparties entre MM [Y] et [N] [J].

La gérante de la société était Mme [A] [Z], compagne de M. [K] [J].

Le 15 février 2018, l’assemblée générale de la société Alliant a décidé d’une augmentation de capital en numéraire, dont la réalisation définitive a été constatée par l’assemblée générale du 3 avril 2018 qui a également adopté la modification corrélative des statuts.

À la suite de cette opération le capital de la société Alliant était divisé en 550 parts sociales dont 50 détenues par la société TAP et 500 détenues par la société TFBG.

M. [V] [J] est décédé le [Date décès 5] 2018.

La gestion de la société Alliant a fait l’objet de vives tensions entre les deux branches de la famille.

Par acte du 22 décembre 2020, Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP ont fait assigner devant le tribunal de commerce de Marseille la société Alliant et Mme [A] [Z].

Ils demandaient au tribunal de prononcer l’annulation des assemblées générales de la société des 15 février 2018, 3 avril 2018, 16 février 2021 et 17 juillet 2021 et de toutes AG qui seraient intervenues postérieurement au 3 avril 2018, la révocation de Mme [Z] de ses fonctions de dirigeante, la désignation d’un administrateur provisoire et la condamnation des défenderesses au paiement de dommages et intérêts.

Alors que l’instance était pendante devant le tribunal, une assemblée générale du 17 juillet 2021 a désigné M. [N] [J], fils de M. [K] [J], en qualité de cogérant de la SARL Alliant.

Par jugement du 3 mars 2022, le tribunal de commerce de Marseille a :

– prononcé la nullité des assemblées générales extraordinaires de la société Alliant SARL du 15 février 2018 et du 3 avril 2018,

– débouté Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP de leur demande de nullité des assemblées générales de la société Alliant SARL du 16 février 2021 et du 17 juillet 2021,

– prononcé la révocation judiciaire de Mme [A] [Z] de son mandat de gérante de la société Alliant SARL,

– désigné la SCP Ajilink [S] Bonetto, mission conduite par Maître [Y] [S], administrateur judiciaire, en qualité d’administrateur provisoire de la société Alliant SARL, avec pour mission :

– de gérer et administrer la société Alliant SARL et de prendre toutes mesures utiles concernant notamment les comptes bancaires de la société,

– de prendre toutes mesures nécessaires pour préserver les intérêt sociaux, l’actif social et la continuité de l’exploitation sociale,

– d’effectuer toutes les publicités et formalités légales en la matière, notamment auprès du registre du commerce et des sociétés, de Marseille,

– de procéder à la convocation de toute assemblée générale qu’il estimera nécessaire,

– s’il y a lieu de dresser et déposer rapport de ses opérations au greffe du tribunal de commerce de Marseille,

– mis les frais d’administration provisoire à la charge de la société San Diego SARL (sic),

– condamné solidairement la société Alliant SARL et Mme [A] [Z] à payer à Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP SCI la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

– débouté Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP SCI de leur demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice moral,

– condamné conjointement la société Alliant SARL et Mme [A] [Z] à payer à la société TAP SCI la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– dit que le jugement est exécutoire de plein droit,

– rejeté pour le surplus toutes les autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.

Le tribunal a retenu à cet effet :

– qu’il est justifié de la régularité des convocations pour l’assemblée générale du 15 février 2018 mais que la preuve de l’envoi de la convocation à l’assemblée générale du 3 avril 2018 n’est pas produite, que la seule constatation de cette irrégularité est insuffisante à justifier l’annulation de l’assemblée générale sur ce fondement,

– qu’en application de l’article L.223-30 du code de commerce et de l’article 28 des statuts de la société Alliant, la majorité requise pour la modification des statuts est la majorité des trois quarts du capital social, à peine de nullité prononcée à la demande de tout intéressé, que les modifications adoptées par les assemblées générales du 15 février 2018 et du 3 avril 2018 l’ont été par la société TFBG représentant 50% du capital, qu’il échet en conséquence de prononcer la nullité de ces assemblées générales,

– que les assemblées générales du 16 février et du 17 juillet 2021 qui avaient pour objet l’approbation des comptes des exercices 2018, 2019 et 2020 ont été régulièrement convoquées,

– que constituent une cause légitime de révocation judiciaire du gérant : la violation de la loi ou des statuts, le manquement du gérant à ses obligations et la mauvaise gestion de nature à compromettre l’intérêt social,

– que les décisions des assemblées générales du 15 février et du 3 avril 2018 ont été prises en violation de la loi et des statuts, dans le but de modifier la répartition du capital au profit de la société TFBG dans laquelle Mme [Z] et les membres de sa famille avaient des intérêts, et au détriment de la société TAP, que Mme [Z] a pris ces décisions en violation des intérêts des autres associés, des statuts et de l’article L.223-30 du code de commerce, et a ainsi commis une grave faute de gestion justifiant sa révocation,

– que la révocation de la gérante empêche la société Alliant de fonctionner normalement et conduit à faire droit à la demande de désignation d’un administrateur provisoire,

– que Mme [A] [Z] à payer à Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP ont dû faire appel à des intervenants extérieurs pour analyser la situation juridique de la société Alliant et supporter le coût d’un audit financier, qu’ils ne rapportent cependant pas la preuve d’un préjudice moral certain et actuel.

Mme [A] [Z] et la société Alliant ont interjeté appel de cette décision le 7 mars 2022.

Par conclusions déposées et notifiées le 14 septembre 2022, les appelantes demandent à la cour de :

– déclarer recevable l’intervention volontaire de M. [N] [J],

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a prononcé la nullité des AGE de la société Alliant du 15 févier 2018 et du 3 avril 2018,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société T.A.P de leur demande de nullité des assemblées générales de la société Alliant SARL du 16.02.2021 et du 17.02.2021,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a prononcé la révocation judiciaire de Mme [Z] de son mandat de gérance et en conséquence débouter Mme [U] [J], Mme [R] [J], Monsieur [I] [J] et la société T.A.P de leurs demandes sur ce point,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a désigné la SCP Ajilink [S] Bonetto, mission conduite par Maître [Y] [S] en qualité d’administrateur provisoire de la SARL Alliant avec mission de :

– Gérer et administrer la société Alliant SARL et de prendre toutes mesures utiles concernant notamment les comptes bancaires de la société,

– Prendre toutes mesures nécessaires pour préserver les intérêts sociaux, l’actif social et

la continuité de l’exploitation sociale,

– Effectuer toutes les publicités et formalités légales en la matière, notamment auprès du registre du commerce et des sociétés de Marseille,

– Procéder à la convocation de toutes assemblée qu’i1 estimera nécessaire,

– S’il y a lieu de dresser et déposer rapport de ses opérations au greffe du tribunal de

commerce de Marseille,

– et en conséquence débouter Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société T.A.P de leurs demandes sur ce point,

– à titre infiniment subsidiaire, désigner un mandataire ad hoc pour convoquer l’AG de la SARL Alliant devant statuer sur l’approbation des comptes de l’exercice 2021 et sur les résolutions demandées par la société T.F.B.G dans sa LRAR du 02.08.2022,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné solidairement la société Alliant et Mme [A] [Z] à payer à Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société T.A.P la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et en conséquence débouter ces derniers de l’ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier allégué mais non justifié,

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société T.A.P de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné conjointement la société Alliant et Mme [A] [Z] à payer à la société T.A.P la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 et aux dépens et en conséquence débouter Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société T.A.P de leurs demandes sur ce point,

– condamner solidairement Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société T.A.P à payer :

– à la SARL Alliant, la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– à Mme [A] [Z], la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et notifiées le 23 mars 2022, M. [N] [J] demande à la cour de:

– déclarer recevable son intervention volontaire,

– infirmer le jugement rendu le 3 mars 2022 par la tribunal de commerce de Marseille en ce qu’il a désigné la SCP Ajilink [S] Bonetto représentée par Maître [Y] [S] en qualité d’administrateur provisoire de la SARL Alliant,

– condamner Mme [U] [F] veuve [J], ses enfants [I] et [R] [J] et la SCI TAP au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ordonnance du 1er septembre 2022, le président de la chambre a prononcé l’irrecevabilité des conclusions déposées par la SCP Ajilink [S] Bonetto représentée par Maître [Y] [S] agissant en sa qualité d’administrateur judiciaire de la SARL Alliant.

Par conclusions déposées et notifiées le 24 mai 2022, Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP demandent à la cour de :

– confirmer partiellement la décision de première instance en ce qu’elle a :

– prononcé la nullité des assemblées générales extraordinaires de la société Alliant du 15 février 2018 et du 03 avril 2018 ;

– prononcé la révocation judiciaire de Mme [A] [Z] et de son mandat de gérante;

– désigné la SCP Ajilink [S]-Bonetto en la personne de Maître [Y] [S] comme administrateur judiciaire provisoire de la SARL Alliant ;

– condamné solidairement Mme [A] [Z] et la SARL Alliant à payer à Mme [U] [J], Mme [R] [J] et M. [I] [J] la somme de 8000 euros pour leur préjudice financier ;

– condamné solidairement la Société Alliant et Mme [A] [Z] à verser 5000 euros à Mme [U] [J], Mme [R] [J] et M. [I] [J] et la SCI TAP en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– infirmer pour le reste cette décision de première instance et :

– prononcer la nullité de l’AG du 17 juillet 2021;

– condamner la société Alliant à prendre à sa charge les frais et honoraires de l’administrateur

provisoire désigné ;

– condamner solidairement Mme [A] [Z] et la Société Alliant au paiement de la somme de 45000 euros en indemnisation du préjudice moral subi par la société T.A.P ;

– condamner solidairement Mme [A] [Z] et la société Alliant au paiement de la somme globale de 45000 euros, soit respectivement 15000 euros à Mme [R] [J], M. [I] [J] et Mme [U] [J], en indemnisation du préjudice moral des associés de la SCI TAP ;

Y ajoutant en cause d’appel :

– condamner solidairement Mme [A] [Z], M. [N] [J] et la société Alliant à verser à la SCI TAP la somme de 10000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée le 27 septembre 2022 avant les débats.

MOTIFS :

Sur l’intervention volontaire de M. [N] [J] :

M. [N] [J], associé de la société Alliant, a été désigné en qualité de cogérant de la société par l’assemblée générale 17 juillet 2021 alors que le litige était pendant devant le tribunal de commerce de Marseille.

Il n’était pas partie au jugement de première instance et a intérêt à intervenir en cause d’appel, conformément aux dispositions de l’article 554 du code de procédure civile, ne serait-ce que pour défendre à la demande d’annulation de l’assemblée générale qui l’a désigné en qualité de cogérant.

La recevabilité de son intervention n’est au demeurant contesté par aucune des parties.

Sur la demande d’annulation de l’assemblée générale du 17 juillet 2021 :

La cour n’est saisie d’aucune demande d’infirmation des chefs du jugement prononçant la nullité des assemblées générales extraordinaires de la SARL Alliant des 15 février 2018 et 3 avril 2018.

Il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 17 juillet 2021 que les résolutions votées lors de cette assemblée l’ont été en considérant que la société TFBG détenait 500 voix et que la société TAP absente non représentée détenait 50 voix.

L’annulation des décisions réalisant l’augmentation de capital remet en cause cette répartition et replace la société et les associés dans la situation antérieure à cette augmentation, les sociétés TAP et TFBG détenant chacune 50% des parts.

Aux termes de l’article L.223-29 du code de commerce les décisions sont adoptées par un ou plusieurs associés représentant plus de la moitié des parts sociales et les décisions prises en violation de cette règle peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

L’ensemble des résolutions ayant été votées par la seule société TFBG ne représentant que 50% des parts, ces décisions seront annulées, le jugement étant réformé sur ce point.

Il en résulte que M. [N] [J] ne peut se prévaloir de sa qualité de cogérant de la SARL Alliant, sa désignation étant annulée.

Sur la révocation de Mme [Z] de ses fonctions de gérante :

Mme [Z] déclare ne plus souhaiter assurer la gérance de la société Alliant mais sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a considéré qu’elle avait agi en fraude des droits des associés et ordonné sa révocation.

Les premiers juges ont considéré à juste titre que les conditions dans lesquelles la gérante avait fait voter par l’assemblée générale une augmentation du capital de la société Alliant au profit de la société TFBG dans laquelle Mme [Z], son compagnon et les enfants de ce dernier avaient des intérêts, et au détriment de la société TAP, caractérisaient une faute de gestion.

En effet, ainsi que le soulignent les intimés, ces opérations sont intervenues alors que M. [V] [J], gérant de la SCI TAP, était affaibli par la maladie qui devait l’emporter le [Date décès 5] 2018, et alors que le siège de cette SCI était en cours de transfert, ce que ne pouvait ignorer Mme [Z] puisque ce transfert résultait de la résiliation d’une convention de domiciliation qui concernait également la société Alliant.

Mme [Z] s’est contentée des convocations adressées à l’ancien siège de la SCI TAP et revenues avec la mention ‘destinataire inconnu à l’adresse’, sans chercher à informer le gérant de cette SCI, M. [V] [J], du projet d’augmentation de capital de la société Alliant et des réunions de l’assemblée générale, faisant ainsi preuve d’un manque de loyauté certain à l’égard de la SCI TAP et de ses associés.

Elle a par ailleurs fait voter des décisions entraînant modifications des statuts en violation des règles statutaires et légales de majorité, et s’est abstenue de mettre la SCI TAP en mesure d’exercer son droit préférentiel de souscription.

Les griefs développés par les intimés concernant des transferts de trésorerie existant entre la société Sogimed, filiale de la société Alliant, et la société holding, sont insuffisants, en l’absence d’autres éléments, à caractériser une faute de gestion de la gérante de la société Alliant.

Les intimés démontrent en revanche un manque de rigueur de Mme [Z] dans la gestion comptable de la société Alliant et produisent à cet effet le procès-verbal de constat établi par l’huissier ayant assisté à l’assemblée générale ordinaire du 16 février 2021 et dont il ressort notamment :

– que Mme [Z] ne peut fournir aucune explication sur le fait que figurent au bilan des comptes courants d’associés débiteurs à hauteur de 249301 euros, le nouvel expert comptable indiquant qu’il pourrait s’agir de comptes de sociétés filiales, sans autre précision,

– qu’elle ne peut pareillement fournir aucune explication sur un montant de 1 387 222 euros de créances inscrites à l’actif du bilan depuis des années,

– que Mme [Z] reconnaît que l’ancien expert comptable faisait beaucoup d’erreurs, par exemple en matière de TVA, et que ‘tout est foireux’, mais qu’elle lui a fait confiance sans vérifier ses écritures.

L’insuffisance de la gérante dans le suivi de la gestion comptable est d’autant plus préjudiciable que la société Alliant fait l’objet d’un contrôle fiscal et que le nouvel expert comptable déclare ne pas être en possession des justificatifs de certaines données comptables qui seront demandés par le contrôleur.

Mme [Z] ne fournit dans ses écritures aucune explication sur ces faits.

Il est enfin justifié par les intimés que Mme [Z] a fait acquérir par la société Alliant des titres représentant 1,6 % d’une SCI Optineo constituée entre elle-même, son compagnon [K] [J] et un fils de ce dernier, juste avant l’engagement de cette SCI dans une opération immobilière en qualité de bénéficiaire d’une promesse de vente de parkings et bureaux pour un prix de 1 104 000 euros nécessitant des concours bancaires.

Les intimés font valoir à juste titre que l’achat de 1,6% des titres de la SCI ne présente aucun intérêt pour la SARL Alliant mais lui fait supporter le risque financier de l’opération en qualité d’associé indéfiniment tenu au passif, et ne bénéficie qu’à la SCI Optineo en lui permettant d’asseoir sa solvabilité et d’obtenir les concours financiers.

Cette utilisation du crédit de la SARL Alliant dans le seul intérêt d’une SCI constituée par la gérante et ses proches, sur laquelle Mme [Z] ne fournit aucune explication dans ses écritures, caractérise également une faute de gestion.

En considération de ces différents manquements, le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la révocation de Mme [Z] de ses fonctions de gérante.

Sur les demandes en dommages et intérêts formées par les intimés :

À la suite de l’augmentation de capital réalisée à son insu et compte tenu des irrégularités apparues dans la gestion de la société Alliant, la SCI TAP a dû s’adjoindre les services d’un professionnel pour faire réaliser un audit juridique de la société Alliant et de ses filiales pour faire valoir ses droits.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné solidairement Mme [Z] et la société Alliant à payer à la société TAP la somme de 8000 euros correspondant aux frais exposés pour cet audit suivant facture versée aux débats.

Les conditions, ci-dessus rappelées, dans lesquelles Mme [Z] a fait réaliser l’ augmentation de capital de la société sans en informer M. [V] [J], alors fragilisé par la maladie, et le manque de loyauté dont elle a fait preuve ont nécessairement causé un préjudice moral, subi non pas par la SCI TAP mais par Mme [U] [J], Mme [R] [J] et M. [I] [J], justifiant la condamnation de Mme [Z] de la SARL Alliant, dont les décisions collectives sont annulées, à verser à chacun d’eux une somme de 5000 euros de dommages et intérêts.

Sur la désignation de l’administrateur provisoire :

La révocation de Mme [Z] de ses fonctions de gérante et l’annulation de la décision de l’assemblée générale du 17 juillet 2021 désignant M. [N] [J] en qualité de deuxième gérant laissent la société Alliant sans représentant légal.

Le conflit aigu entre les associés égalitaires ne permet pas à l’assemblée générale de trouver un accord sur la désignation d’un nouveau gérant.

L’absence de gérant de la société Alliant, qui n’emploie par ailleurs aucun salarié, et qui fait l’objet de procédures fiscales et judiciaires auxquelles elle doit défendre, conduit à confirmer la désignation de l’administrateur provisoire, sauf à en limiter la durée comme il sera dit au dispositif.

Parties succombantes, Mme [Z] et M. [N] [J] seront condamnés aux dépens d’appel, sans qu’il y ait lieu de faire supporter cette charge par la SARL Alliant, indûment associée à la déclaration d’appel par Mme [Z] malgré l’exécution provisoire attachée à la désignation de l’administrateur provisoire.

Mme [Z] et M. [N] [J] seront également condamnés au paiement d’une indemnité pour frais irrépétibles d’appel au profit des intimés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, comme il sera dit au dispositif.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Reçoit M. [N] [J] en son intervention volontaire,

Confirme, dans les limites de sa saisine, le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :

– débouté Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] et la société TAP de leur demande de nullité de l’assemblée générale de la société Alliant SARL du 17 juillet 2021,

– débouté Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] de leur demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice moral,

Statuant à nouveau sur ces points,

Prononce l’annulation de l’ensemble des décisions adoptées lors de l’assemblée générale ordinaire du 17 juillet 2021,

Condamne in solidum Mme [A] [Z] et la SARL Alliant à payer à Mme [U] [J], Mme [R] [J], M. [I] [J] une somme de 5000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,

Rectifie l’erreur matérielle affectant le dispositif du jugement dont appel et dit que dans le chef de dispositif ‘- met les frais d’administration provisoire à la charge de la société San Diego SARL’ le nom de San Diego est remplacé par le nom de Alliant,

Ajoutant au jugement,

Limite à une durée de trois années, à compter de la date du jugement exécutoire, la mission confiée à l’administrateur provisoire,

Condamne Mme [A] [Z] et M. [N] [J] in solidum à payer à la SCI TAP la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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