Augmentation de capital : décision du 10 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02900
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ARRET N°13

JPF/KP

N° RG 21/02900 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GMC3

Société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE

C/

HUVELIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 10 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02900 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GMC3

Décision déférée à la Cour : jugement du 03 août 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

SOCIETE CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE

2, place Graslin

44911 NANTES

Ayant pour avocat plaidant Me Henri BODIN de la SELARL BODIN-COUE, avocat au barreau des SABLES D’OLONNE.

INTIME :

Monsieur [B] [U]

né le 13 Octobre 1954 à PETIT BOURG DES HERBIERS (85)

3 allée du Petit Trianon – OLONNE SUR MER

85340 LES SABLES D’OLONNE

Ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre CORNET, avocat au barreau de NANTES.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE:

M. [B] [U] était le représentant légal et associé majoritaire de la société holding Fleur de Sel Participations qui détenait l’intégralité du capital social des sociétés filles :

-SAS Joyaux Perles Gemmes (ci-après également désignée sociétéJPG), ayant pour activité la création et la réalisation d’articles de prêt à porter féminin commercialisé sous la marque Diplodocus,

-SAS [L] [V],

– MH Distribution.

Compte tenu des difficultés financières, les sociétés du groupe ont sollicité et obtenu, par ordonnance du président du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en date du 20 janvier 2015, la désignation d’un mandataire ad hoc, en la personne de Maître [T] [G], de la SCP de mandataires judiciaires [S].

Ce dernier a ensuite été désigné en qualité de conciliateur par ordonnance du président du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en date du 21 juillet 2015.

Un protocole de conciliation est intervenu le 10 septembre 2015 entre les sociétés du Groupe et ses partenaires bancaires (la Caisse d’Epargne HSBC, la Banque Palatine, le Crédit Agricole) prévoyant une restructuration de la dette et une consolidation des concours à court terme, avec maintien et prises de garanties par les établissements concernés.

Ce protocole a été homologué par jugement du tribunal de commerce de la Roche sur Yon en date du 7 octobre 2015.

Le 26 mai 2016, la société JPG. a émis à l’ordre de la Caisse d’Epargne un billet à ordre d’un montant de 26 400 euros au profit la société Joyaux Perles Gemmes à échéance au 2 juillet 2016, lequel a été avalisé par M. [U] à cette même date.

Par jugement du 13 juillet 2016, le tribunal de commerce de La Roche Sur Yon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Joyaux Perles Gemmes, en fixant la date de cessation des paiements au 31 mai 2016.

Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon en date du 7 septembre 2016, désignant Me [D] en qualité de liquidateur.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 13 juin 2017, la Caisse d’Epargne a mis en demeure M.[U] en sa qualité d’avaliste du billet à ordre émis par la société JPG. au bénéfice de la banque, d’avoir à payer la somme de 26 400 euros outre les intérêts.

Suivant ordonnance sur requête en date du 12 juin 2019, le président du tribunal de commerce de la Roche sur Yon a enjoint M.[U] à payer à la Caisse d’Epargne :

– la somme principale de 26 400 euros,

– les intérêts à compter du 13 juin 2017,

– 50 euros au titre de l’article 700 du code de rocédure civile,

– les dépens dont 35,21 euros correspondant aux frais de greffe.

L’ordonnance portant injonction de payer a été signifiée à M.[U] par acte d’huissier en date du 5 juillet 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 juillet 2019, M. [U] a, par l’intermédiaire de son conseil, a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 3 août 2021, le tribunal de commerce de La Roche Sur Yon a:

-constaté que le protocole de conciliation homologué en date du 22 octobre 2015 est devenu caduc du fait de l’ouverture de la procédure collective à l’égard de la société Joyaux Perles Gemmes,

– dit et jugé que la caducité du protocole de conciliation a entraîné la caducité de l’aval pris par M. [U] dans le cadre du protocole sur le billet à ordre d’un montant de 26 400 euros émis par la société Joyaux Perles Gemmes,

– débouté la Caisse d’Epargne de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la Caisse d’Epargne à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-l’a condamnée aux entiers frais et dépens de l’instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de greffe liquidés à la somme de 90,70 euros.

Par déclaration en date du 7 octobre 2021, la Caisse d’Epargne a relevé appel du jugement en ses chefs expressément critiqués.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 29 septembre 2022, la société EOS France, déclarant venir aux droits de la Caisse d’Epargne demande à la cour :

au visa :

des articles 1103 (anciennement 1134) et suivants et 1902 et suivants du code civil, des articles L 512-1et suivants, L 512-4 du code de commerce,

de l’article 861-2 du code de procédure civile,

-de dire que la société EOS France, venant aux droits de la Caisse d’Epargne recevable et bien fondée en son appel et ses demandes,

-d’infirmer le jugement rendu le 3 août 2021 par le tribunal de commerce de la Roche sur Yon en ce qu’il a :

-constaté que le protocole de conciliation homologué en date du 22 octobre 2015 est devenu caduc du fait de l’ouverture de la procédure collective à l’égard de la société Joyaux Perles Gemmes

-dit et jugé que la caducité du protocole de conciliation a entraîné la caducité de l’aval pris par M.[U] dans le cadre du protocole sur le billet à ordre d’un montant de 26 400 euros émis par la société Joyaux Perles Gemmes.

-débouté la Caisse d’Epargne de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

-condamné la Caisse d’Epargne à payer à M.[U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

-l’a condamnée aux entiers frais et dépens de l’instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de greffe liquidés à la somme de 90,70 euros.

Statuant de nouveau

– de condamner M. [U] à payer à la société EOS France en sa qualité d’avaliste du billet à ordre arrivé à échéance le 2 juillet 2016 la somme de 26 400 euros, outre les intérêts courant au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 juin 2017,

– d’ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– de condamner M. [U] à payer la somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner M.[U] aux entiers dépens de première instance et d’appel conformément à l’article 696 du code de procédure civile, dans lesquels sera inclus le coût de l’ordonnance d’injonction de payer et de sa signification,

-de dire qu’aucune condamnation ne saurait intervenir à l’égard de la Caisse d’Epargne par suite de la cession intervenue au profit du FCT FONCRED V, représenté par France Titrisation, laquelle a mandaté EOS France pour procéder au recouvrement, lequel FCT FONCRED vient aux droits de la Caisse d’Epargne,

-de débouter M. [U] de l’intégralité de ses demandes, moyens, fins et conclusions contraires.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 15 septembre 2022, M. [U] demande à la cour :

au visa :

-des articles L650-1 L611-12 du code de commerce,

-des articles L214-169 et D214-227 du code monétaire et financier,

-de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de La Roche Sur Yon en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

-de juger les demandes de la société EOS France irrecevables,

-de juger que le protocole de conciliation homologué par jugement du 22 octobre 2015 est devenue caduc du fait de l’ouverture de la procédure collective à l’égard des sociétés du Groupe Fleur de sel,

-de juger que la caducité du protocole de conciliation a entraîné la caducité de l’ensemble des sûretés consenties par M. [U] dans le cadre de ce protocole,

-de débouter la société EOS France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire

-de juger que la Caisse d’Epargne a commis une faute en faisant souscrire à la société Joyaux Perles Gemmes un billet à ordre en date du 20 mai 2016, avalisé le jour même par M.[U],

-De débouter la société EOS France de l’ensemble de ses prétentions,

-De condamner la société EOS France à payer à M.[U] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-De la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée au 5 octobre 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précités pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la recevabilité de l’intervention de la société EOS France

1- La société EOS France indique intervenir volontairement à la cause, agissant en qualité de représentant du fonds commun de titrisation FONCRED V, représenté par la société France Titrisation qui a acquis la créance de La Caisse d’Epargne à l’encontre M.[U], elle précise avoir reçu mandat pour assurer le recouvrement judiciaire et amiable des créances cédées.

2- M.[U] réplique que cette demande est irrecevable, au motif que la cession de créance n’est pas démontrée; la créance n’étant selon lui pas identifiable dans l’annexe de l’acte de cession.

Il précise avoir, en vain, délivré une sommation de communiquer en date du 7 septembre 2022 en vue d’obtenir la communication de tous éléments permettant de désigner et d’individualiser la créance litigieuse cédée au fonds commun de titrisation FONCRED V, en particulier l’annexe jointe à l’acte de cession du 20 décembre 2021.

3- La cour rappelle que selon les dispositions de l’article L214-169 V du code monétaire et financier

1° L’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret, ou par tout autre mode d’acquisition, de cession ou de transfert de droit français ou étranger.

Il résulte de l’article D214-227 du même code que le bordereau au premier alinéa du V de l’article L. 214-169 comporte les énonciations suivantes:

(….)

4° La désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir, par exemple l’indication du débiteur ou du type de débiteurs, des actes ou des types d’actesdont les créances sont ou seront issues, du lieu de paiement, du montant des créances ou de leur évaluation et, s’il y a lieu, de leur échéance. La désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir peuvent figurer sur un ou des fichiers pouvant le cas échéant prendre la forme électronique, dès lors que ce ou ces fichiers sont remis ou transmis par le cédant au cessionnaire au plus tard le jour de la remise du bordereau et que le bordereau fait référence à ce ou ces fichiers. Ce ou ces fichiers sont alors réputés faire partie intégrante du bordereau.

Lorsque la transmission des créances cédées est effectuée par un procédé informatique permettant de les identifier, le bordereau peut se borner à indiquer, outre les mentions prévues aux 1°, 2° et 3°, lemoyen par lequel elles sont transmises, désignées ou individualisées ainsi que l’évaluation de leur

nombre global.

(‘)

Le bordereau peut être établi, signé, conservé et transmis sous forme électronique.

4- Aux termes du premier de ces textes, l’acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s’effectue par la seule remise d’un bordereau.

Il résulte du second que, si le bordereau doit comporter la désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir, les procédés d’identification proposés par ce texte ne sont ni impératifs ni exhaustifs.

5- Dès lors, si ce bordereau doit comporter, en application du 4° de l’article D.214-227 du même code, la désignation ou l’individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d’y pourvoir, l’indication de la nature et du montant de ces créances et le nom du débiteur ne constituent pas des mentions devant obligatoirement y figurer et l’identification de ces créances peut intervenir au moyen de références chiffrées.

De la même façon, la désignation du débiteur cédé ne constitue pas une mention obligatoire du bordereau, prévu par l’article L. 214-169, IV, du même code, mais seulement l’un des moyens susceptibles de permettre aux parties d’effectuer l’identification des créances cédées à un fonds commun de titrisation (en ce sens, cour de cassation, Com. 25 mai 2022, no 20-16.042 B: D. 2022. Actu. 1036; JCP E 2022. 1299, note [M])

6- En l’espèce, par un acte de cession du 20 décembre 2021, la Caisse d’Epargne a cédé au Fonds commun de titrisation FONCRED V un portefeuille de créances dont celle détenue à l’encontre de la société Joyaux Perles Gemmes.

L’acte de cession précitée (pièce 14 EOS) précise que « les créances composant le Portefeuille sont désignées et individualisées en annexe jointe à l’Acte de Cession ».

La société EOS France verse aux débats :

– son mandat de gestion pour la recouvrement amiable et judiciaire de la société FCT FONCRED V (sa pièce 15),

-l’acte de cession de créance du 20 décembre 2021 (sa pièce 14),

– l’extrait de l’annexe à l’acte de cession faisant référence à la créance en cause (pièce 16 produit en réponse à la sommation de M.[U]).

Il ressort des productions que cet acte a été régularisé selon le processus de signature électronique certifié Docusign, qui génère un identifiant unique par document et commun pour chaque page du document signé.

Ce numéro d’identification « DocuSign Envelope ID :48E6C2D0-BBE6-418C-870B-6FB1718A26E7 » figure en haut de la page de l’acte de cession.

Un historique comptable de la créance établi par la Caisse d’Epargne est également produit aux débats (pièce 17 de la société EOS); ce dernier mentionne la numérotation attribuée à la créance suite à l’exigibilité du billet financier(PCTX1444500400065034), le numéro de dossier contentieux de la Caisse d’Epargne (1315144), le nom du débiteur (la société Joyaux Perles Gemmes) et le type de créance (billet financier)(pièce 17).

Les référence du dossier et de la créance de la Caisse d’Epargne sont reprises dans l’extrait de bordereau (en haut du document).

L’annexe à l’acte de cession comporte donc bien les éléments permettant d’identifier sans risque d’erreur la créance cédée.

7- Il convient en conséquence de déclarer recevables les demandes formées à l’encontre de M. [U] par la société EOS France, agissant en qualité de représentant-recouvreur de la société de gestion France Titrisation, elle-même représentante légale du fonds commun de titrisation FONCRED V.

Sur la demande tendant à voir constater que l’engagement de M.[U] était caduc :

5- Se fondant sur les dispositions de l’article L.611-12 du code de commerce, M. [U] soutient que le jugement en date du 13 juillet 2016, prononçant l’ouverture du redressement judiciaire de la société JPG (et des sociétés [L] [V] et Fleurs de sel participations) a mis fin de plein droit à l’accord de conciliation homologué, de sorte que l’ensemble des sûretés consenties par ses soins dans le protocole sont également devenues caduques, ce qui doit nécessairement concerner l’aval souscrit pour la première fois le 26 mai 2016 à l’occasion de l’émission du billet à ordre, qui constitue une opération économique unique, indivisiblement lié à l’accord de conciliation.

6- La société EOS réplique que le billet à ordre avalisé est postérieur à l’accord de conciliation, et n’en fait pas partie, de sorte que la caducité de l’accord de conciliation consécutive à l’ouverture de la procédure collective de la société JPG ne saurait entraîner celle l’aval souscrit le 26 mais 2016.

Elle fait en outre valoir que l’aval constitue un engagement cambiaire, qui demeure valable même lorsque l’obligation qu’il garantit serait nulle, pour toute autre cause qu’un vice de forme, en application de l’article L511-21 du code de commerce.

Elle ajoute que si l’on considère que le billet à ordre a été émis dans le cadre de l’accord de conciliation, il s’agirait alors d’un nouveau concours financier par apport d’argent frais (new money), ce qui conduirait alors à exclure l’application de l’article L.611-12 du code de commerce.

7- La cour rappelle que selon les dispositions de l’article L.611-12 du code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué en application de l’article L. 611-8. En ce cas, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 611-11.

L’article L.611-11 précité dispose qu’en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 641-13 . Les personnes qui fournissent dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.

Cette disposition ne s’applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.

Les créanciers signataires de l’accord ne peuvent bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre de leurs concours antérieurs à l’ouverture de la conciliation.

Il est en outre constant que si, selon l’article L. 611-12, lorsqu’il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l’accord de conciliation recouvre l’intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l’accord (En ce sens, cour de cassation, chambre commerciale, 25 sept. 2019, no 18-15.655 P: D. 2020).

8- Il convient donc de déterminer si le concours financier consenti sous forme de billet de trésorerie par la Caisse d’Epargne aux droits de laquelle se trouve la société EOS France, ayant donné lieu à l’engagement d’aval, constitue ou non l’exécution de l’accord de conciliation, homologué par le président du tribunal de commerce par ordonnance du 22 octobre 2015, et rendu caduc par l’effet du jugement d’ouverture du redressement judiciaire par jugement du 13 juillet 2016.

9- La cour observe que le protocole de conciliation homologué le 21 juillet 2015 par le président du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon stipule en son article 5-2 que les banques ont accepté d’accompagner les sociétés du Groupe Fleur de sel sous deux formes différentes :

-une consolidation des concours court terme (à savoir, dans les rapports entre la caisse d’Epargne et la société JPG, un billet de trésorerie de 100 000 euros),

-des prêts de consolidation, d’une durée de 48 mois, avec un différé d’amortissement sur 12 mois, au taux de 3,5 % l’an hors commission de BPI France.

10- Le billet à ordre d’un montant de 26400 euros, tiré par la société JPG le 20 mai 2016 au bénéficie de la Caisse d’Epargne Bretagne Pays de Loire, à échéance au 2 juillet 2016, avec l’aval de M. [U], ne correspond pas à l’exécution du protocole, qui n’en fait nullement état, puisque le billet de trésorerie évoqué au paragraphe précédent correspond à un autre concours, à durée indéterminée et d’un montant différent (100 000 euros) dénoncé par la Caisse d’Epargne le 15 janvier 2015 (ainsi que cela ressort de l’exposé préalable en page 7/24 du protocole).

11- Le billet à ordre de 26400 euros correspond à un nouveau financement, faisant suite à une conférence téléphonique du 28 avril 2016, dont le compte rendu non contesté figure en pièce 10 de la banque, au cours duquel M. [U] a fait part d’un pic de besoin de trésorerie de 220000 euros en semaine 24, à répartir entre les différents établissements de crédit, à savoir 12% pour la Caisse d’Epargne, soit 220000 x 12% = 26400 euros, demande pour laquelle les représentants des banques avaient donné un accord de principe, sous réserve que l’offre d’achat du fonds de commerce des Sables d’Olonne ne soit plus conditionnée par un financement bancaire, et que les comités de crédit donnent leur accord.

12- Il en résulte que les dispositions de l’article L. 611-12 du code de commerce ne peuvent donc trouver application en l’espèce, et le jugement sera donc infirmé sur ce point.

13- Statuant à nouveau, la cour dira que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société JPG du 13 juillet 2016, entraînant la caducité du protocole de conciliation n’a pas fait perdre à la Caisse d’Epargne le bénéfice de l’aval souscrit par M. [U] à l’occasion de la signature du billet à ordre du 20 mai 2016.

M. [U] sera donc condamné à payer à la société EOS France en sa qualité d’avaliste du billet à ordre arrivé à échéance le 2 juillet 2016 la somme de 26 400 euros outre les intérêts courant au taux légal à compter du 16 juin 2017, date de réception par M. [U] de la lettre recommandée du 13 juin 2017, valant mise en demeure par la banque, avec capitalisation des intérêts par année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes de dommages-intérêts à l’encontre de la Caisse d’Epargne:

14- Selon les dispositions de l’article L.650-1 du code de commerce, lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

15- M.[U] soutient d’abord, au visa de l’article L.650-1 du code de commerce, que la banque a consenti un crédit abusif, en lui faisant souscrire un billet à ordre le 20 mai 2016, à échéance au 2 juillet 2016, alors que la cessation des paiements de la société JPG est intervenu le 31 mai 2016 selon le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, à seule fin de réduire le passif de la banque dans la déconfiture de l’entreprise.

16- Mais, ainsi que la banque le fait valoir à bon droit, seul le mandataire liquidateur a qualité pour agir sur le fondement de l’article L.650-1 du code de commerce, en réparation du préjudice occasionné à la personne morale, du fait du concours consenti, afin de reconstituer son patrimoine.

M. [U], tiers à l’obligation souscrite par la société JPG à l’occasion de la signature du billet à ordre, n’a pas qualité à agir sur ce fondement légal, et ne peut prétendre par ce moyen obtenir décharge de son obligation d’avaliste.

17- M. [U] invoque enfin un manquement de la banque à son obligation d’information et de conseil, de mise en garde, de prudence et de vigilance, en lui faisant avaliser un billet à ordre concernant un concours bancaire de 26400 euros le 20 mai 2016, alors qu’elle n’ignorait pas les sérieuses difficultés financières de la société JPG, ni sa situation irrémédiablement compromise. (le tribunal de commerce ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire moins de deux mois plus tard au bénéfice de la société JPG), ni les autres engagements souscrits par M. [U] à titre personnel, en qualité de caution.

La banque aurait en outre manqué à son obligation de se renseigner sur les biens et revenus de M. [U].

18- Mais il sera relevé, en premier lieu, que M.[U] était, à la date de son engagement, un dirigeant de société particulièrement averti et avisé, président et unique associé depuis 2007 de la SAS Fleurs de sel Participations et (par l’intermédiaire de cette holding) des sociétés [L] [V] et JPG, ayant une expérience ancienne et complète en matière de financements des sociétés du groupe, et des sûretés personnelles consenties à cette occasion, ainsi qu’il l’indique lui-même ne faisant référence aux engagements de cautions qu’il avait précédemment conclus.

Il a d’ailleurs pris part de manière active, soit directement soit par l’intermédiaire de son conseil, aux négociations avec les établissements bancaires lors de la mission de mandat ad hoc, lors de la réunion de médiation du crédit tenue le 27 mai 2015, puis lors des travaux préalables à la conclusion du protocole de conciliation.

Il n’établit donc pas que la banque était tenue à un quelconque devoir d’information à l’occasion de la signature d’un aval de billet à ordre de 26400 euros, ni à un devoir de conseil, cette opération ne présentant aucune complexité, et se trouvant réalisée dans un contexte économique dont M. [U] était parfaitement informé, d’autant plus qu’il était assisté par des professionnels du droit et du chiffre.

Par ailleurs, ce dernier n’allègue pas que la banque aurait détenu, sur la situation financière de la société JPG, ou sur sa situation personnelle, des éléments d’information qu’il aurait lui-même ignorés.

19- En outre, la Caisse d’Epargne fait valoir à bon droit que l’aval, en ce qu’il garantit le paiement d’un titre dont la régularité n’est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l’avaliste n’est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde, ni pour violation de l’article L. 341-4 (ancien) du code de la consommation relatif à l’exigence de proportionnalité.

Enfin, la banque n’était pas tenu à un devoir de vigilance, s’agissant en l’espèce d’un engagement cambiaire sans rapport avec la surveillance des anomalies éventuelles affectant le fonctionnement d’un compte.

20- Il convient dès lors de rejeter la demande de dommages-intérêts formée par M. [U].

Sur les demandes accessoires

21- Il est équitable d’allouer à la Caisse d’Epargne une indemnité de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Echouant en ses rétentions, M. [U] supportera la charge des dépens d’appel et ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Déclare recevable l’intervention volontaire de la SASU EOS France, agissant en qualité de représentant-recouvreur du fonds commun de titrisation FONCRED V, représenté par la société France titrisation,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que la caducité du protocole de conciliation homologué le 21 juillet 2015 par le président du tribunal de commerce de la Roche-sur-Yon n’a pas entraîné la caducité de l’engagement d’aval de M. [U] du 20 mai 2016,

Condamne M. [B] [U], en sa qualité d’avaliste du billet à ordre arrivé à échéance le 2 juillet 2016, à payer à la société SASU EOS France la somme de 26 400 euros outre les intérêts courant au taux légal à compter de réception de la mise en demeure du 16 juin 2017, avec capitalisation des intérêts par année entière, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de M. [B] [U],

Condamne M. [B] [U] à payer à la société EOS France la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne M. [B] [U] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût de l’ordonnance d’injonction de payer et de sa signification.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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