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En matière de production audiovisuelle et de création artistique, les marques contraires aux bonnes mœurs peuvent tout de même être déposées et reconnues valides. Il a ainsi été jugé que le public germanophone ne percevra pas nécessairement le signe verbal « Fack Ju Göhte » comme moralement inacceptable. Le dépôt de la marque européenne « Fack Ju Göhte » pour désigner une comédie cinématographique allemande a été validé par la CJUE.
Il existe, dans le domaine de l’art, de la culture et de la littérature, un souci constant de préserver la liberté d’expression qui n’existe pas dans le domaine des marques. La liberté d’expression, consacrée à l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit, ainsi que l’admet l’EUIPO, être prise en compte lors de l’application de l’article 7 du règlement no 207/2009.
L’absence d’atteinte aux bonnes mœurs de la marque « Fack Ju Göhte » a été confirmée par le grand succès de la comédie éponyme auprès du public germanophone et la circonstance que son titre ne semble pas avoir suscité de controverses, ainsi que le fait que l’accès du jeune public à celle-ci avait été autorisé. L’Institut Goethe, qui est l’institut culturel de la République fédérale d’Allemagne actif au niveau mondial dont l’une des missions est de promouvoir la connaissance de la langue allemande, s’en sert à des fins pédagogiques.
L’article 7 du règlement no 207/2009, intitulé « Motifs absolus de refus », prévoit, à ses paragraphes 1 à 3 que sont refusés à l’enregistrement f) les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. La notion de « bonnes mœurs » n’étant pas définie par le règlement no 207/2009, elle doit être interprétée en tenant compte de son sens habituel ainsi que du contexte dans lequel elle est généralement utilisée.
Cette notion se réfère, dans son sens habituel, aux valeurs et aux normes morales fondamentales auxquelles une société adhère à un moment donné. Ces valeurs et ces normes, qui sont susceptibles d’évoluer au fil du temps et de varier dans l’espace, doivent être déterminées en fonction du consensus social prévalant dans cette société au moment de l’évaluation. Aux fins de cette détermination, il doit être tenu dûment compte du contexte social, y compris, le cas échéant, des diversités culturelles, religieuses ou philosophiques qui le caractérisent, afin d’évaluer, de manière objective, ce que ladite société considère à ce moment comme moralement acceptable.
Par ailleurs, dans le cadre de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, l’examen du point de savoir si un signe, dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé, est contraire aux bonnes mœurs nécessite une analyse de l’ensemble des éléments propres à l’espèce afin de déterminer la manière dont le public pertinent percevrait un tel signe en cas d’utilisation de celui-ci en tant que marque pour les biens ou les services revendiqués.
À cet égard, pour relever du champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009, il n’est pas suffisant que le signe concerné soit considéré comme étant de mauvais goût. Celui-ci doit, au moment de l’examen, être perçu par le public pertinent comme allant à l’encontre des valeurs et des normes morales fondamentales de la société telles qu’elles existent à ce moment.
Afin d’établir si tel est le cas, il y a lieu de se fonder sur la perception d’une personne raisonnable ayant des seuils de sensibilité et de tolérance moyens, en tenant compte du contexte dans lequel la marque est susceptible d’être rencontrée ainsi que, le cas échéant, des circonstances particulières propres à la partie de l’Union concernée. À cet effet, sont pertinents des éléments tels que les textes législatifs et les pratiques administratives, l’opinion publique et, le cas échéant, la manière dont le public pertinent a réagi dans le passé à ce signe ou à des signes similaires, ainsi que tout autre élément susceptible de permettre d’évaluer la perception de ce public.
L’examen qui est ainsi à effectuer ne saurait se limiter à une appréciation abstraite de la marque demandée, voire de certaines composantes de celle-ci, mais il doit être établi, en particulier lorsque le demandeur a invoqué des éléments qui sont susceptibles de mettre en doute le fait que cette marque est perçue par le public pertinent comme contraire aux bonnes mœurs, que l’utilisation de ladite marque dans le contexte social concret et actuel serait effectivement perçue par ce public comme allant à l’encontre des valeurs et des normes morales fondamentales de la société.
Les expressions « Fuck » et « Fuck you » ont perdu de leur vulgarité à la suite des évolutions du langage dans la société. Si, dans son sens premier, l’expression anglaise « Fuck you » possédait une connotation sexuelle et était empreinte de vulgarité, elle serait également utilisée dans un contexte différent pour exprimer de la colère, de la défiance ou du mépris à l’égard d’une personne. Télécharger la décision