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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Arrêt n°
du 14/12/2022
N° RG 21/02187
IF/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 14 décembre 2022
APPELANT :
d’un jugement rendu le 25 novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Commerce (n° F 20/00360)
Monsieur [H] [T]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par la SCP ROYAUX, avocats au barreau des ARDENNES
INTIMÉE :
SARL CARS DELANNOY ET FILS
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL OCTAV, avocat au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 septembre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Isabelle FALEUR, Conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 novembre 2022, prorogée au 14 décembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Madame Lozie SOKY, greffier placé
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Monsieur [H] [T] a été embauché par la SARL CARS DELANNOY à compter du 23 avril 2017 en qualité de conducteur de car, coefficient 137 V dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet de 151h 67 de travail par mois.
La convention collective applicable dans l’entreprise est la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires.
Le contrat de travail de Monsieur [H] [T] prévoit en son article 2 que le salarié peut être employé à toutes missions utiles à l’entreprise.
Monsieur [H] [T] a été placé en arrêt de travail le 17 mai 2019.
Le 2 juillet 2019, Monsieur [H] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims aux fins d’obtenir avec exécution provisoire la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 18’868,72 euros bruts à titre de rappel de salaires des années 2017, 2018 et 2019 outre 1 886,87 euros de congés payés afférents et 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 25 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Reims a débouté Monsieur [H] [T] de ses demandes et l’a condamné à payer à la SARL CARS DELANNOY la somme de 326 euros au titre du remboursement de paniers repas.
Le conseil de prud’hommes a condamné la SARL CARS DELANNOY à payer à Monsieur [H] [T] la somme de 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [H] [T] a été condamné aux dépens.
Monsieur [H] [T] a régulièrement formé appel du jugement de première instance, le 9 décembre 2021.
Prétentions et moyens :
Au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 7 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [H] [T] demande à la cour :
DE LE JUGER recevable et bien-fondé en son appel,
D’INFIRMER LE JUGEMENT dans l’ensemble de ses dispositions,
statuant de nouveau,
D’ECARTER des débats les attestations de Monsieur [G] et de Monsieur [P] comme étant non conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile,
DE CONDAMNER la SARL CARS DELANNOY à lui payer :
* la somme de 20 143,72 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les années 2017, 2018 et 2019,
* la somme de 2 014,37 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* les entiers dépens,
DE DÉBOUTER la SARL CARS DELANNOY de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
DE CONDAMNER la SARL CARS DELANNOY aux dépens de l’instance d’appel.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [H] [T] fait valoir qu’il a effectué de très nombreuses heures supplémentaires depuis son embauche par la SARL CARS DELANNOY qui n’ont pas été rémunérées.
Il expose qu’il produit des décomptes précis correspondant à la fois à son activité de chauffeur et à son activité d’employé polyvalent affecté notamment à l’entretien des locaux extérieurs de l’entreprise, que les tâches liées aux travaux d’entretien ne figurent pas sur les relevés de carte conducteur et qu’il a rempli des feuilles de relevé d’heures tous les jours, remises à l’employeur. Il souligne que la SARL CARS DELANNOY paye très partiellement les heures supplémentaires de ses salariés par des primes exceptionnelles et des primes de panier.
Monsieur [H] [T] soutient enfin que les attestations produites en pièces trois et quatre par l’employeur doivent être déclarées irrecevables pour non-respect des exigences mentionnées à l’article 202 du code de procédure civile en ce qu’elles ne mentionnent pas l’ensemble des informations obligatoires et pour l’une d’elles, qu’elle n’est pas manuscrite.
Au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 19 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens présentés, en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SARL CARS DELANNOY demande à la cour :
DE DÉCLARER Monsieur [H] [T] recevable mais mal fondé en ses demandes,
DE CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Reims le 25 novembre 2021 en ce qu’il :
a débouté Monsieur [H] [T] de ses demandes de rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
l’a condamné à lui payer la somme de 326 euros au titre des indemnités de panier-repas trop-perçues,
DE DÉBOUTER Monsieur [H] [T] de l’ensemble de ses demandes,
DE CONDAMNER Monsieur [H] [T] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DE CONDAMNER Monsieur [H] [T] aux entiers dépens.
La SARL CARS DELANNOY soutient que le salarié qui demande le paiement d’heures supplémentaires doit, à l’appui de sa demande apporter des éléments suffisamment précis, ce que ne fait pas Monsieur [H] [T] qui produit des relevés d’heures établis sur des documents qui ne sont pas des documents internes à la société et qui ne lui ont jamais été transmis en dehors de la procédure judiciaire. Elle souligne que les tableaux produits aux débats ne constituent que de simples allégations qui ne sont étayées par aucun élément sérieux, que les relevés d’heures communiqués par Monsieur [H] [T] ne sont pas cohérents avec les rapports de conduite et que les travaux annexes qu’il prétend avoir effectués devaient être enregistrés sur la carte conducteur.
La SARL CARS DELANNOY conteste l’ampleur des travaux annexes que Monsieur [H] [T] prétend avoir réalisés.
Elle ajoute que l’accomplissement des heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l’employeur et que Monsieur [H] [T] n’a jamais demandé à accomplir d’heures supplémentaires. Elle souligne que les tâches annexes confiée au salarié ne rendaient pas nécessaire l’accomplissement d’heures supplémentaires et qu’il s’agissait au contraire de compléter son temps de travail lié aux heures de conduite pour l’occuper à temps complet. Elle conteste avoir payé des heures supplémentaires sous forme de primes exceptionnelles et de primes de panier.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 août 2022.
MOTIFS
Sur la recevabilité des attestations de Monsieur [G] et de Monsieur [P]
Les attestations rédigées par Monsieur [S] [G] et Monsieur [E] [P] ne mentionnent pas les dates et lieux de naissance, professions et liens avec l’une ou l’autre des parties, de leurs auteurs. Par ailleurs l’attestation de Monsieur [S] [G] n’est pas manuscrite.
Toutefois, ces mentions ne sont pas prescrites à peine de nullité et le juge ne peut rejeter une attestation comme non conforme aux exigences de l’article 202 sans préciser en quoi l’irrégularité constatée constitue l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public faisant grief à la partie qui l’attaque.
En l’espèce, les attestations sont circonstanciées. La profession de Monsieur [S] [G] se déduit de son attestation puisqu’il indique qu’il faisait son service de transport scolaire lorsqu’il a aperçu Monsieur [H] [T] qui effectuait des travaux de bûcheronnage. Ses relations avec la SARL CARS DELANNOY se déduisent également de l’attestation puisqu’il indique l’avoir signalé à son employeur.
La profession de Monsieur [E] [P] ressort également de son attestation puisqu’il indique qu’il était sur un circuit scolaire avec un autocar après 16 heures lorsqu’il a aperçu Monsieur [H] [T] avec une tronçonneuse à la main en train de couper du bois.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’écarter ces deux attestations, Monsieur [H] [T] ne justifiant d’aucun grief lié à leur non-conformité aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.
Sur les heures supplémentaires
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les rapports des parties sont régis notamment par la Convention nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, ainsi que par l’accord sur l’aménagement, l’organisation et la réduction du temps de travail et sur la rémunération des personnels des entreprises de transport routier de voyageurs (ARTT) du 18 avril 2002, étendu par arrêté du 22 décembre 2003, applicable aux entreprises de transport routier de voyageurs relevant de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
L’article D. 3312-7 du code des transports, applicable depuis le 1er janvier 2017, prévoit que la durée hebdomadaire du travail est calculée sur une semaine, que pour le personnel roulant, la durée hebdomadaire du travail peut être déterminée sur la base d’une moyenne calculée sur deux semaines consécutives, à condition que cette période comprenne au moins trois jours de repos et sous réserve, pour chacune de ces deux semaines, du respect des limites prévues aux articles L. 3121-20 et L. 3121-21 du code du travail.
Le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires si elles ont été accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Monsieur [H] [T] verse aux débats des relevés mensuels d’heures, manuscrits, depuis le 24 avril 2017 jusqu’au 16 mai 2019.
Sur ces relevés mensuels sont indiquées, quotidiennement, les plages horaires travaillées.
A partir du mois de septembre 2018, Monsieur [H] [T] a fait figurer distinctement les heures correspondant à la conduite et les heures correspondant aux travaux d’entretien et de bricolage.
Monsieur [H] [T] produit également, à partir de ces documents, un tableau récapitulatif de ses demandes au titre des heures supplémentaires.
Ces pièces contiennent des éléments suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre. L’obligation qui pèse sur le salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies ne lui impose pas de les faire figurer sur des documents internes édités par l’employeur. Par ailleurs, l’absence de réalisation d’heures supplémentaires ne saurait se déduire de l’absence de réclamation du salarié à ce titre auprès de son employeur avant l’introduction d’une instance en justice.
En sa qualité de conducteur de car, Monsieur [H] [T] dispose d’une carte de conducteur qu’il doit introduire dans le tachygraphe lorsqu’il prend son service.
La SARL CARS DELANNOY produit aux débats les rapports de conduite de Monsieur [H] [T] pour la période du 24 avril 2017 au 28 mars 2019, étant souligné que les rapports de conduite ne sont pas produits pour les périodes suivantes, ce qui représente environ 9 mois :
du 1er au 14 janvier 2018,
du 27 janvier 2018 au 1er mars 2018,
du 14 mars 2018 au 10 avril 2018,
du 20 avril 2018 au 1er juillet 2018,
du 8 juillet 2018 au 12 juillet 2018,
le 14 juillet 2018 au 10 septembre 2018,
du 18 septembre 2018 au 1er octobre 2018,
du 20 octobre 2018 au 28 octobre 2018,
du 28 mars 2019 au 17 mai 2019.
Ces documents n’indiquent pas d’heures supplémentaires, pour les périodes qu’ils concernent, à l’exception de la semaine du 19 au 25 juin 2017 durant laquelle Monsieur [H] [T] a effectué 2 heures supplémentaires.
Monsieur [H] [T] produit aux débats ses bulletins de paie pour la période du 23 avril 2017 au 31 mai 2019 sur lesquels apparaissent régulièrement des primes exceptionnelles. Le bulletin de paie du 1er juin 2018 au 30 juin 2018 mentionne un rappel de 24 heures majorées à 25 % et 6 heures majorées à 50 % effectuées au mois de janvier 2018.
Monsieur [H] [T] soutient que les heures liées à son activité d’employé polyvalent affecté notamment à l’entretien des locaux extérieurs n’étaient pas comptabilisées sur sa carte de conducteur.
La SARL CARS DELANNOY affirme au contraire que si des heures supplémentaires étaient accomplies, elles devaient nécessairement figurer sur les rapports de conduite du salarié soit dans la colonne conduite soit dans la colonne travail pour toutes les activités annexes, telles qu’entretien du véhicule, entretien des espaces verts ou autres activités.
Elle fonde son affirmation sur les dispositions de l’article 34 du règlement CEE 165/2014.
En présence d’un tachygraphe analogique (mécanique), l’article 34, paragraphe 6 du règlement (UE) n° 165/2014 décrit précisément les indications qui doivent être portées sur le disque avant qu’il ne soit inséré dans l’appareil en début de service et lorsqu’il est sorti de celui-ci en fin de service : nom et prénom du conducteur, date et lieu au début et à la fin de l’utilisation de la feuille, numéro de plaque d’immatriculation de l’engin, relevés du compteur kilométrique et, si nécessaire, l’heure de changement de véhicule.
En présence d’un tachygraphe numérique, le chauffeur insère sa carte à mémoire dans l’ouverture du boîtier. Puis, il indique, à partir de l’appareil de contrôle, le symbole du pays où il commence son service. Il fait de même en fin de service.
Selon l’article 34, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 165/2014 du 4 février 2014, en cours de service le chauffeur manipule le tachygraphe pour actionner les dispositifs de commutation permettant d’enregistrer les périodes de temps suivantes :
‘ sous le signe « volant » : temps de conduite (dont des trajets domicile/travail, dès lors qu’ils sont effectués à l’aide de véhicules lourds de transport de marchandises ou de transport en commun, le chauffeur les conduisant personnellement) ;
‘ sous le signe « marteaux croisés », la catégorie « autre tâche », c’est-à-dire les tâches autres que la conduite, telles qu’elles sont définies à l’article 3, a), de la directive 2002/15/CE du 11 mars 2002 (chargement et déchargement, assistance aux passagers à la montée et à la descente du véhicule, nettoyage et entretien technique, autres travaux visant à assurer la sécurité du véhicule, du chargement et des passagers ou à remplir les obligations légales ou réglementaires directement liées aux transports spécifiques en cours, les périodes durant lesquelles le travailleur mobile ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail notamment les périodes d’attente de chargement ou de déchargement)
Sont aussi indiquées sous ce signe les autres activités professionnelles qui seraient accomplies par le conducteur pour le même employeur ou d’autres employeurs, en particulier quand le travailleur conduit également à titre professionnel des véhicules n’entrant pas dans le champ d’application de la réglementation sur les temps de conduite ou de repos (PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 561/2006, 15 mars 2006, art. 6, § 5), tel un véhicule de moins de 3,5 tonnes de PTAC. Sont enfin indiquées sous ce signe le cas où le chauffeur se rend sur le lieu de prise en charge d’un véhicule entrant dans ce champ d’application (ou revient de ce lieu), ledit véhicule ne se trouvant ni au lieu de résidence du chauffeur, ni à l’établissement auquel le conducteur est rattaché (Règl. (CE) n° 561/2006, 15 mars 2006, art. 9, § 3) et qu’il utilise pour ce faire un autre véhicule n’entrant pas dans le champ d’application de la réglementation communautaire sur les temps de conduite, soit là encore usuellement, un véhicule léger ;
‘ sous le signe « carré barré », les périodes de disponibilité définies à l’article 3, b de la directive 2002/15/CE : périodes autres que celles relatives au temps de pause et au temps de repos durant lesquelles le travailleur mobile n’est pas tenu de rester à son poste de travail mais doit être disponible pour répondre à des appels éventuels lui demandant de reprendre la conduite ou de faire d’autres travaux
‘ sous le signe « lit », les pauses, telles que les interruptions de conduite (« coupures »), les périodes de repos journalier et de repos hebdomadaires, les congés payés et les périodes d’arrêt maladie. Au surplus, à côté du signe « lit », il doit être indiqué le signe « ferry/train » quand un repos est pris en cours de voyage en train ou sur un navire.
Selon l’article 34 paragraphe 3 du règlement (UE) numéro 165/2014 du 4 février 2014, lorsque par suite de son éloignement du véhicule, le conducteur ne peut pas utiliser le tachygraphe installé dans le véhicule, les périodes relatives aux autres tâches, à la disponibilité, et au temps de pause et de repos sont inscrites :
– sur la feuille d’enregistrement de façon lisible et sans souillure, manuellement, automatiquement ou par d’autres moyens si le véhicule est équipé d’un tachygraphe analogique
– sur la carte conducteur à l’aide de la fonction de saisie manuelle dont dispose le tachygraphe si le véhicule est équipé d’un tachygraphe numérique
Il est donc établi, contrairement à ce que soutient Monsieur [H] [T], que même lorsqu’il ne pouvait utiliser le tachygraphe installé dans le véhicule, il pouvait inscrire les périodes relatives aux autres tâches, et en particulier celles relatives aux travaux d’entretien et de maintenance sur la feuille d’enregistrement ou sur sa carte conducteur.
Monsieur [H] [T] soutient qu’en 2017, au moment de son embauche, il n’existait autour des locaux qu’un terrain vierge dont les aménagements ont été entièrement réalisés par ses soins. Il affirme qu’il a installé le système d’arrosage automatique, creusé des tranchées, installé des plantations (massifs de fleurs et arbres de type palmier), qu’il a créé la fosse de 10 m nécessaire à l’entretien des véhicules dans le garage de l’entreprise et qu’il a installé toutes les caméras de surveillance.
Au soutien de ses affirmations il produit :
– une attestation de Monsieur [K] [J] en date du 15 mars 2021, sans profession, ancien salarié de la SARL CARS DELANNOY, qui indique que Monsieur [H] [T] réalisait des travaux de peinture à l’extérieur et à l’intérieur, des travaux d’entretien, des travaux de plantations et d’ornement des extérieurs, qu’il fabriquait des meubles pour les salons professionnels et la salle de réception, qu’il installait des caméras, posait les décorations de Noël, effectuait divers travaux de maçonnerie, s’occupait des espaces verts, de la mécanique sur les véhicules et qu’il était l’homme à tout faire, en plus de ses heures de conduite de cars scolaires.
– une attestation de Madame [M] [B] épouse [R] en date du 15 mars 2021, conductrice d’autocar, ancienne salariée de la SARL CARS DELANNOY qui indique que Monsieur [H] [T] était l’homme à tout faire de la société, qu’il réalisait les travaux de peinture, d’enduit, de plomberie, d’aménagement des locaux de l’entreprise, l’installation des caméras de vidéosurveillance, l’entretien des véhicules (vidange, contrôle des pneus, éclairage, nettoyage) qu’il s’occupait de la signalétique au sol du hangar ainsi que du parking de l’entreprise, des travaux de jardinage, de plantation d’arbres et qu’il a fabriqué des stands publicitaires pour les expositions, et installé un arrosage automatique.
– une attestation de Madame [C] [U] en date du 15 mars 2021, conductrice de car qui indique que Monsieur [H] [T] entretenait les espaces verts, lavait tous les cars, entretenait les locaux et qu’en sa qualité d’homme à tout faire, il était présent dans l’entreprise toute la journée.
– une attestation de Monsieur [X] [A] en date du 15 mars 2021, retraité et conducteur de cars scolaires qui indique qu’il a pu constater que Monsieur [H] [T] était non seulement conducteur de car mais aussi en charge de l’entretien et du lavage de tous les cars de l’entreprise, de la création et de l’entretien des espaces verts, du nettoyage du sol du garage, de la mise en peinture des murs des locaux et qu’il était l’homme à tout faire.
– une attestation de Monsieur [V] [F] en date du 16 mars 2021, qui certifie avoir vu Monsieur [H] [T] travailler à l’atelier pour faire l’entretien des véhicules et divers travaux.
La SARL CARS DELANNOY conteste la sincérité des attestations produites aux débats en faisant valoir que les salariés qui ont témoigné en faveur de Monsieur [H] [T] sont en litige avec elle.
Il est établi que :
– Madame [C] [U] a fait appel d’un jugement rendu le 14 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Reims et qu’au terme d’un arrêt du 21 avril 2021 de la chambre sociale de la cour d’appel de Reims, elle a été partiellement accueillie en ses demandes de rappel de salaire au titre du dépassement de l’amplitude de travail et du non-respect du repos hebdomadaire, de rappel de congés payés non pris et de dommages et intérêts pour la tardiveté du paiement du salaire du mois d’octobre 2007,
– Monsieur [X] [A] a fait appel d’un jugement rendu le 14 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Reims et qu’au terme d’un arrêt du 9 juin 2021 de la chambre sociale de la Cour d’appel de Reims, il a été partiellement accueilli en sa demande de rappel de salaire au titre de l’indemnisation des dépassements des amplitudes journalières, au titre de l’indemnité du 13e mois et au titre du solde de congés payés
– Monsieur [K] [J] a été condamné le 16 mars 2021 par le tribunal de commerce de Reims à payer à la SARL CARS DELANNOY la somme de 20’000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et violation de la liberté du commerce de l’industrie, outre 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Par arrêt du 27 avril 2022, la cour d’appel de Reims a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 28 mai 2021 qui a débouté Monsieur [K] [J] de sa demande tendant à voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute lourde.
– [K] [J] a par ailleurs fait l’objet d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Reims, en date du 21 février 2022. Il lui est reproché d’avoir envoyé par e-mail, en se servant du listing manifestement obtenu dans le cadre de son activité salariale au sein de l’entreprise, deux courriels, le 1er janvier 2021 et le 8 février 2021 contenant des propos diffamants et injurieux à l’égard de la SARL CARS DELANNOY.
– Madame [M] [R] a été déboutée le 25 juin 2021 par le conseil de prud’hommes de Reims de sa demande tendant à voir reconnaître le caractère équivoque de sa démission et à la voir requalifier en prise d’acte de la rupture de son contrat de travail.
Par ailleurs la SARL CARS DELANNOY soutient que les travaux que Monsieur [H] [T] prétend avoir réalisés ont été effectués par des entreprises extérieures et elle produit au soutien de ses affirmations :
– une facture de 5542,24 euros TTC de la SAS VILLET, entreprise de maçonnerie générale, en date du 19 décembre 2016 concernant une fosse d’entretien
– trois factures de la société OPTIMUM TRAVAUX en date du 10 janvier 2017, du 11 avril 2017 et du 19 octobre 2018 concernant le terrassement de la fosse d’entretien, la création d’un réseau d’assainissement, la création de tranchées pour le passage des conduites de carburant, des travaux d’électricité pour les bureaux, l’alarme et les barrières, et la réalisation des fosses de plantation, le tout pour un montant dépassant 7 000 euros TTC
– une facture de la société EGFPV en date du 7 juin 2017 d’un montant de 19’341,12 euros TTC concernant des travaux d’électricité et de mise en place d’une alarme.
Il résulte de l’ensemble des pièces produites aux débats que le décompte des heures que Monsieur [H] [T] prétend avoir effectuées est utilement combattu tant par les rapports de conduite que par les factures qui démontrent que l’essentiel des travaux qu’il prétend avoir effectués ont été réalisés par des entreprises extrérieures.
Les attestations que Monsieur [H] [T] produit au soutien de ses demandes émanent toutes d’anciens salariés en litige avec la SARL CARS DELANNOY qui ont été déboutés d’une partie ou de l’intégralité de leurs demandes.
Enfin, s’il ressort des bulletins de salaire de Monsieur [H] [T] que la SARL CARS DELANNOY lui a régulièrement versé des primes exceptionnelles, aucun élément ne contredit l’affirmation de la SARL CARS DELANNOY selon laquelle ces primes récompensaient la polyvalence du salarié lorsqu’il accomplissait des tâches sans lien direct avec ses fonctions principales.
En considération de l’ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que Monsieur [H] [T] n’a pas accompli d’heures supplémentaires.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Reims sera donc confirmé en ce qu’il l’a débouté de ses demandes à ce titre.
Sur le remboursement de l’indemnité de panier
Monsieur [H] [T] sollicite l’infirmation du jugement de première instance en ce qu’il a condamné à rembourser une somme de 326 euros au titre de l’indemnité de panier indûment perçue, mais il ne fait valoir aucun moyen au soutien de sa demande.
Le jugement du conseil de prud’hommes de Reims sera donc confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes
Partie qui succombe, Monsieur [H] [T] est condamné à payer à la SARL CARS DELANNOY la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel.
Monsieur [H] [T] est débouté de sa demande de paiement des frais irrépétibles au titre de la procédure d’appel.
Il est condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du 25 novembre 2021 du conseil de prud’hommes de Reims en ce qu’il a :
– débouté Monsieur [H] [T] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents
– condamné Monsieur [H] [T] à payer à la SARL CARS DELANNOY la somme de 326 euros au titre de l’indemnité de panier-repas indûment perçue ;
Y ajoutant
CONDAMNE Monsieur [H] [T] à payer à la SARL CARS DELANNOY la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles en appel ;
DEBOUTE Monsieur [H] [T] de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel ;
CONDAMNE Monsieur [H] [T] aux dépens de la procédure d’appel ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT