Attention au choix de votre nom commercial : l’affaire Mediascop
Attention au choix de votre nom commercial : l’affaire Mediascop
Ce point juridique est utile ?

Le nom commercial est celui sous lequel l’activité d’une société est connue du public. Il permet de l’identifier et de la différencier de ses concurrents.

Le fait de créer volontairement ou par imprudence ou négligence une confusion ou un risque de confusion avec une société concurrente ou avec ses produits ou services constitue un acte de concurrence déloyale.

Si vous êtes victime d’un nom commerciale prêtant à confusion avec le vôtre, pensez à l’article 873, alinéa 1, du code de procédure civile :

Le président du tribunal de commerce, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l’acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d’un contrat ou aux usages.

1. Attention à respecter le principe de la contradiction en informant en temps utile les parties des moyens de fait, des éléments de preuve et des moyens de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, afin de garantir des débats loyaux.

2. Il est recommandé de veiller à l’accomplissement des obligations des parties pour assurer les principes essentiels d’un procès équitable, notamment en organisant sa défense de manière adéquate.

3. Il est conseillé de prendre des mesures conservatoires ou de remise en état pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, conformément à l’article 873 du code de procédure civile.

Résumé de l’affaire

La société Facto Communication, exerçant sous le nom commercial ‘Mediascope’, a assigné la société Mediascop (rebaptisée L’Internationale) pour concurrence déloyale en raison de la similitude de leur nom commercial. Après plusieurs rebondissements judiciaires, la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant une nouvelle cour. Facto Communication demande l’interdiction à L’Internationale d’utiliser le nom ‘Mediascop’ et réclame des dommages et intérêts. L’Internationale conteste ces demandes et demande le rejet des conclusions de Facto Communication. La procédure est en attente de décision finale.

Les points essentiels

Sur la recevabilité des dernières conclusions et pièces de l’appelante

Il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour assurer la loyauté des débats, les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Il entre dans la mission du juge de veiller à l’accomplissement de ces obligations qui fondent les principes essentiels d’un procès équitable.

En l’espèce, dès le 4 janvier 2024, les parties ont été informées des dates de clôture et de plaidoiries fixées respectivement au 3 et 25 avril 2024.

Le 14 décembre 2023, la société Facto Communication a notifié au conseil de l’intimée ses premières conclusions, qu’elle avait préalablement remises le 16 novembre 2023 et signifiées à partie le 23 novembre suivant.

La société L’Internationale a remis et notifié ses conclusions le 15 janvier 2024. L’appelante a conclu à nouveau les 8 et 28 mars 2024 en produisant de nouvelles pièces. L’intimée a répliqué le 2 avril 2024, communiqué des pièces et adressé à l’appelante, à cette même date et donc, la veille de la clôture, une sommation de communiquer la copie de ses comptes certifiés pour les exercices 2010 à 2024. Le prononcé de l’ordonnance de clôture a été reporté à l’audience de procédure du 24 avril 2024.

Le 22 avril 2024, la société Facto Communication a remis de nouvelles écritures et communiqué onze nouvelles pièces, pour la plupart récentes, dont trois déjà communiquées par l’intimée.

Cette dernière a conclu le 24 avril 2024 pour s’opposer à l’admission de ces écritures et pièces, justifiant le report de la clôture à l’audience fixée pour les plaidoiries. L’appelante a conclu une cinquième fois, le 24 avril 2024, après la décision de report.

Il est relevé à l’examen des dernières conclusions de la société Facto Communication des 22 et 24 avril 2024, lesquelles sont identiques – à l’exception des paragraphes ajoutés dans les dernières conclusions relatifs à la demande de rejet des conclusions n° 4 et de communication des onze dernières pièces de l’appelante -, qu’elles ne comprennent pas de prétentions nouvelles ni de moyens nouveaux par rapport aux conclusions remises et notifiées le 28 mars 2024 et constituent une réplique aux conclusions n°2 déposées le 2 avril 2024 par l’intimée et aux pièces qu’elle a communiquées à cette date.

Les dernières pièces communiquées par l’appelante, consistant en un extrait du site Société.com relatif à une recherche ‘Mediascop’, des extraits Kbis de la société L’internationale en date des 2 et 21 avril 2024, un extrait Kbis de la société appelante en date du 11 avril 2024, une situation au répertoire sirene concernant l’intimée du 12 avril 2024, les trois premières pièces communiquées par cette dernière, un extrait du site LinkedIn relatif à la fermeture d’un compte, une lettre d’un client de l’appelante du 10 avril 2024 ayant trait à un désistement de commande et la signification de l’arrêt de la Cour de cassation, utiles pour étayer la réplique aux conclusions déposées par l’intimée le 2 avril 2024, soit la veille de la date initialement fixée pour le prononcé de l’ordonnance de clôture, ne nécessitent pas de commentaires.

Il en résulte que les dernières conclusions de l’appelante remises le 24 avril 2024, avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, soit celles portant le n° 5, et les pièces communiquées le 22 avril 2024 ne portent pas atteinte au principe de la contradiction. Il n’y a dès lors pas lieu de les écarter des débats, étant relevé que la prétention tendant au rejet des conclusions n°4 est devenue sans objet.

Sur le trouble manifestement illicite

Selon l’article 873, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l’acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d’un contrat ou aux usages.

Le nom commercial est celui sous lequel l’activité d’une société est connue du public. Il permet de l’identifier et de la différencier de ses concurrents.

Le fait de créer volontairement ou par imprudence ou négligence une confusion ou un risque de confusion avec une société concurrente ou avec ses produits ou services constitue un acte de concurrence déloyale.

Au cas présent, il est constant que la société Facto Communication exerce, depuis plus de trente ans, son activité sous le nom commercial ‘Mediascope’.

Ayant développé un site d’information accessible depuis les noms de domaine ‘www.lemediascope.fr’ et ‘www.lemediascope.com’ sur lequel elle publie du contenu éditorial et propose des services, notamment, d’agence de communication aux entreprises, et utilisant également la marque verbale ‘MEDIASCOPE l’actu politique et media’ et la marque semi-figurative ‘LE MEDIASCOPE’, déposées respectivement les 30 juin 2004 et le 2 janvier 2014 par son gérant, elle est clairement identifiée et connue du public sous ce nom.

La société intimée, qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Paris le 2 août 2011, avait initialement choisi la dénomination sociale Mediascop et exerçait son activité ‘d’agence de communication conseil, étude, réalisation tous supports en communication’ ainsi qu’il résulte de l’extrait Kbis au 6 décembre 2017, sous l’enseigne ‘MEDIASCOP’.

Ces deux sociétés, aux activités concurrentes, apparaissent donc aux yeux du public sous le même nom.

En effet, la ressemblance phonétique mais aussi visuelle, laquelle est caractérisée par les mêmes lettres composant chacun des noms commerciaux à l’exception du ‘e’ final pour celui de l’intimée et conceptuelle, laquelle résulte de la réunion des deux termes ‘media’ et ‘scope’ faisant référence à leur activité respective, crée de manière manifeste une confusion dans l’esprit du public.

Cette confusion est d’ailleurs établie par la société Facto Communication qui justifie avoir reçu d’un de ses clients une formule de chèque émis à l’ordre de ‘Mediascop’ (pièce 15) et par une attestation et des lettres de clients (pièces 12 à 14, 25 et 26, 50) avoir subi des annulations de commandes tant en 2019 qu’en 2024, ces annulations résultant du risque pour ces derniers d’être associés au scandale attaché à la société Mediascop, devenue L’Internationale, relatif à une affaire de surfacturations dans les comptes de campagne de M. [R].

La confusion résulte aussi d’un article de Mediapart intitulé ‘médiascope et coquille vide’, d’un communiqué de BFMTV annonçant un entretien exclusif entre une journaliste de cette chaîne et l’ex-directrice de la communication du candidat susvisé et dirigeante de la société ‘Mediascope’, ou encore d’articles parus sur le site ‘ledauphine.com’ et ‘nouvelobs’, le premier présentant cette dernière comme ‘la directrice de Mediascope’, le second utilisant le terme ‘Mediascope’ pour désigner la société Mediascop.

C’est vainement que la société intimée soutient ne plus être en situation de concurrence avec la société Facto Communication en affirmant ne plus utiliser le nom commercial ‘Mediascop’, ne plus être spécialisée en communication politique, avoir modifié son objet social et oeuvrer désormais dans le secteur de la production audiovisuelle.

En effet, en dépit de la modification de sa dénomination sociale et de la décision prise par son associé unique le 22 septembre 2022 de changer d’activité, les extraits Kbis versés aux débats par l’appelante, levés les 27 septembre 2023, 25 mars 2024, 2 et 21 avril 2024, démontrent que cette société dispose de deux établissements :

le premier, situé [Adresse 3] à [Localité 6], lieu de son siège social, a une activité de production audiovisuelle et pour enseigne ‘Mediascop’, laquelle est devenue ‘L’Internationale’ en avril 2024 ;

le second, situé [Adresse 1] à [Localité 7], exerce depuis le 1er août 2018 une activité de ‘conseils communication’ et a pour nom commercial ‘Mediascop’, non modifié depuis septembre 2023.

Contrairement à ce qu’elle prétend, la société L’Internationale ne démontre pas que le maintien du nom commercial ‘Mediascop’ sur l’extrait Kbis procéderait d’une erreur qu’elle aurait rectifiée le 5 mars 2024 puisque cette ‘erreur’ persiste sur les extraits Kbis en date des 2 et 21 avril 2024.

En tout état de cause, il est relevé que la demande de modification des données d’identification en date du 5 mars 2024, produite en pièce n°2 par l’intimée pour justifier la correction de la prétendue erreur, ne porte que sur l’établissement principal ayant pour enseigne ‘L’Internationale’ et pour activité la ‘production de films et de programmes pour la télévision’.

Cette demande reste taisante sur le second établissement, qui continue de porter le nom commercial litigieux et d’avoir une activité de conseil en communication ainsi que l’établissent les extraits Kbis susvisés.

La société L’Internationale ne démontre pas davantage avoir cessé comme elle le soutient toute activité depuis le mois de juillet 2022 ni avoir cessé toute utilisation du nom commercial ‘Mediascop’ puisque celui-ci figure toujours sur son extrait Kbis et apparaît, de surcroît, sur le site Société.com à la date du 24 mars 2024 sur lequel il est possible de lire ‘Mediascop – [Localité 5] établissement secondaire’, ‘l’établissement situé au [Adresse 1] à [Localité 5] est un établissement secondaire de l’entreprise L’Internationale. Créé le 01-08-2018, son activité est le conseil en relations publiques et communication’.

La confusion créée entre les deux sociétés est à l’origine d’un préjudice évident pour l’appelante puisque cette dernière démontre par des lettres de clients en date des 10 janvier, 4 février 2019, 15, 21 février et 10 avril 2024 avoir subi des annulations de commandes pour le motif précédemment indiqué.

Ainsi, la confusion créée entre les deux noms commerciaux par la société intimée constitue un acte de concurrence déloyale et il en résulte pour la société Facto Communication un trouble manifestement illicite persistant qu’il convient de faire cesser, la société L’internationale ne démontrant pas que les mesures d’interdiction et d’injonction sollicitées seraient devenues sans objet.

Il y a donc lieu de :

lui interdire toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, sur tous supports et moyens de communication et, notamment, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, etc.) ;

lui ordonner de procéder à la suppression du nom commercial ‘Mediascop’ figurant sur son extrait Kbis ;

lui ordonner de cesser toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, comme dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine ou élément de nom de domaine ;

lui ordonner de procéder aux formalités de radiation du nom de domaine ‘mediascop.fr’.

Il convient afin d’assurer l’effectivité de ces mesures de les assortir d’une astreinte dont les modalités seront précisées au dispositif.

En revanche, il n’y a pas lieu d’ordonner à la société L’Internationale de procéder ou faire procéder au déréférencement de tous liens sur internet mentionnant le nom ‘Mediascop’ dans la mesure où s’agissant d’articles de presse ayant par erreur mentionné ce terme, cette mesure n’apparaît pas réalisable en ce qu’elle serait susceptible d’affecter leur contenu et de porter atteinte à la liberté d’expression et d’information.

Sur la demande de provision

Selon l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce, dans les limites de la compétence de ce tribunal, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La société Facto Communication, qui justifie avoir subi depuis 2019 des annulations de commandes en raison de la confusion créée par la société L’Internationale, démontre de manière évidente l’existence d’un préjudice.

L’obligation de la société L’internationale tenue en application de l’article 1240 du code civil de réparer le dommage occasionné par son comportement persistant, n’étant pas sérieusement contestable, il y a lieu d’allouer à la société appelante une provision de 30.000 euros à valoir sur sa réparation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Ce texte institue une obligation pour la juridiction de renvoi de statuer sur les dépens et sur l’indemnité de procédure dont le sort est assimilé aux dépens, les dispositions relatives aux dépens et indemnités de procédure exposés en première instance et en appel jusqu’à la décision censurée ayant été implicitement cassées.

La société L’Internationale, succombant en ses prétentions, sera tenue aux dépens de première instance ayant donné lieu à l’ordonnance du 1er mars 2019, de l’instance d’appel ayant donné lieu à l’arrêt cassé du 11 septembre 2019 et de l’instance d’appel après cassation donnant lieu au présent arrêt, lesquels ne comprendront pas les frais de constat de commissaire de justice, ces frais n’étant pas inclus dans les dépens.

Il convient d’allouer à la société Facto Communication, contrainte d’exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – Astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter du huitième jour suivant la signification de l’arrêt
– Astreinte de 300 euros par jour de retard pour la suppression du nom commercial ‘Mediascop’ sur l’extrait Kbis
– Astreinte de 300 euros par jour de retard pour cesser toute utilisation du nom ‘Mediascop’
– Astreinte de 300 euros par jour de retard pour la radiation du nom de domaine ‘mediascop.fr’
– Somme provisionnelle de 30.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice
– Dépens de première instance et d’appel
– Somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code civil

Article 15 du Code de procédure civile:
“Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.”

Article 16 du Code de procédure civile:
“Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent.”

Article 873, alinéa 1 du Code de procédure civile:
“Le président du tribunal de commerce, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.”

Article 1240 du Code civil:
“Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.”

Article 639 du Code de procédure civile:
“La juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS
– Me Colin LE BONNOIS
– Me Dominique TRICAUD de l’ASSOCIATION TRICAUD AVOCATS

Mots clefs associés & définitions

– Recevabilité
– Contradiction
– Loyauté des débats
– Principes essentiels d’un procès équitable
– Clôture et plaidoiries
– Conclusions et pièces
– Respect du contradictoire
– Ordonnance de clôture
– Trouble manifestement illicite
– Mesures conservatoires
– Concurrence déloyale
– Nom commercial
– Confusion
– Préjudice
– Astreinte
– Provision
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Recevabilité : qualité de ce qui est recevable, c’est-à-dire admissible ou acceptable
– Contradiction : opposition entre deux idées, deux propositions ou deux faits
– Loyauté des débats : principe selon lequel les parties doivent agir de manière honnête et respectueuse lors d’un débat judiciaire
– Principes essentiels d’un procès équitable : ensemble de règles garantissant un procès juste et équitable pour toutes les parties
– Clôture et plaidoiries : étape finale d’un procès où les parties présentent leurs arguments finaux
– Conclusions et pièces : résumé des arguments et des preuves présentés lors d’un procès
– Respect du contradictoire : obligation pour les parties de se communiquer mutuellement les éléments de preuve et de se donner la possibilité de les contester
– Ordonnance de clôture : décision du juge mettant fin à la phase de débats et fixant les délais pour les plaidoiries finales
– Trouble manifestement illicite : situation où un acte illicite est évident et cause un préjudice grave et imminent
– Mesures conservatoires : mesures prises par un juge pour protéger les droits d’une partie en attendant le jugement final
– Concurrence déloyale : pratique commerciale trompeuse ou agressive visant à nuire à la concurrence de manière injuste
– Nom commercial : nom sous lequel une entreprise exerce son activité commerciale
– Confusion : situation où deux marques ou produits sont si similaires qu’ils risquent d’induire en erreur les consommateurs
– Préjudice : dommage subi par une personne du fait d’une action ou d’une omission d’une autre personne
– Astreinte : somme d’argent due en cas de non-respect d’une décision de justice
– Provision : somme d’argent versée à titre d’avance sur une indemnisation ou un paiement
– Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire et qui peuvent être remboursés par la partie perdante
– Frais irrépétibles : frais engagés par une partie lors d’un procès et qui ne peuvent pas être remboursés par la partie perdante

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 mai 2024
Cour d’appel de Paris
RG n° 23/16182
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRÊT DU 24 MAI 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/16182 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIKMO

Décisions déférées à la Cour : Ordonnance du 1er Mars 2019 -Président du TC de PARIS 04 – RG n° 2019002863

Arrêt du 11 septembre 2019 – Cour d’appel de PARIS, Chambre 1-3 – RG n°19/05645

Arrêt du 20 novembre 2021 – Cour de Cassation, pourvoi n°R 19-25.873

APPELANTE

S.A.R.L. FACTO COMMUNICATION, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Colin LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS.

INTIMÉE

S.A.S. L’INTERNATIONALE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Dominique TRICAUD de l’ASSOCIATION TRICAUD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1292

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Avril 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Florence LAGEMI, Président de chambre, chargée du rapport,

Rachel LE COTTY, Conseiller

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

La société Facto Communication, constituée en 1987 et exerçant sous le nom commercial ‘Mediascope’, a, notamment, une activité d’agence de communication et de production de contenus d’information dans le domaine des médias, de la politique, de la culture et des loisirs.

La société Mediascop a été constituée le 2 août 2011 pour exercer, sous le même nom, une activité d’agence de communication, conseil, étude et réalisation tous supports en communication.

Cette société a fait l’objet, au cours de l’année 2018, de plusieurs articles de presse relatifs aux comptes de campagne de M. [R], candidat aux élections présidentielles de 2017, au sujet de possibles surfacturations de ses prestations.

Cette société a ultérieurement modifié sa dénomination sociale, laquelle est désormais L’Internationale.

Reprochant à la société Mediascop d’avoir adopté une dénomination sociale et une enseigne génératrices d’une confusion avec le nom commercial Mediascope sous lequel elle exerce son activité depuis trente ans dans le domaine de la communication, constitutive d’une concurrence déloyale et, par suite, d’un trouble manifestement illicite, la société Facto Communication l’a assignée, par acte du 29 janvier 2019, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, afin qu’il y soit mis fin.

Par ordonnance réputée contradictoire du 1er mars 2019, le premier juge a :

dit n’y avoir lieu à référé ni à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Mediascop aux dépens de l’instance.

Par déclaration du 13 mars 2019, la société Facto Communication a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 11 septembre 2019, cette cour a :

confirmé l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Mediascop ;

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Facto Communication aux dépens.

Sur pourvoi formé par la société Facto Communication, la Cour de cassation a, par arrêt du 10 novembre 2021, cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt susvisé et renvoyé les parties devant la présente cour autrement composée.

Par déclaration du 28 septembre 2023, la société Facto Communication a saisi la cour.

Dans ses dernières conclusions n°5 remises et notifiées le 24 avril 2024, la société Facto Communication demande à la cour de :

In limine litis :

déclarer irrecevable la demande de l’intimée visant au rejet de ses conclusions n°4 et des nouvelles pièces communiquées ;

à tout le moins, la déclarer infondée et débouter la société L’Internationale de cette demande ;

en tout état de cause, déclarer recevables et admettre aux débats ses conclusions n°4 et ses nouvelles pièces communiquées le 22 avril 2024 ;

Au fond :

la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé ni à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

constater que l’intimée continue à utiliser le nom commercial ‘Mediascop’, notamment sur son extrait K-Bis ;

constater l’existence d’un trouble manifestement illicite ;

En conséquence,

interdire à la société L’Internationale toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, sur tous supports et moyens de communication et, notamment, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, etc.), et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter du huitième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;

ordonner à la société L’Internationale de procéder à la suppression du nom commercial ‘Mediascop’ figurant sur son extrait Kbis et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;

ordonner à la société L’Internationale de cesser toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, comme dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine ou élément de nom de domaine, sous huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

ordonner à la société L’Internationale de procéder aux formalités de radiation du nom de domaine ‘mediascop.fr’ et ce, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

ordonner à la société L’Internationale de procéder ou de faire procéder au déréférencement de tous liens sur internet mentionnant le nom ‘Mediascop’ dans un délai de deux mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ;

condamner la société L’Internationale à lui verser à titre de provision la somme de 50.000 euros ;

En tout état de cause,

débouter la société L’Internationale de toutes ses demandes ;

condamner la société L’Internationale à lui verser la somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens en ce compris les frais de constat de commissaire de justice ;

se réserver la liquidation des astreintes.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 avril 2024, la société L’Internationale demande à la cour de :

rejeter des débats les conclusions notifiées par l’appelante le 22 avril 2024 à 16 h ainsi que les dix nouvelles pièces communiquées à cette date ;

confirmer l’ordonnance entreprise ;

débouter la société Facto Communication de toutes ses demandes ;

À titre subsidiaire,

constater l’absence de trouble manifestement illicite perturbant actuellement l’activité de la société Facto Communication ;

en conséquence, dire n’y avoir lieu à référé ;

débouter la société Facto Communication de toutes ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

limiter le montant des astreintes sollicitées à la somme de 1 euro par jour de retard ;

limiter la provision devant être versée à la somme 1.000 euros ;

En tout état de cause,

condamner la société Facto Communication au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 25 avril 2024, à l’audience fixée pour les plaidoiries, avant l’ouverture des débats et sans opposition des parties.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu’aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des dernières conclusions et pièces de l’appelante

Il résulte de la combinaison des articles 15 et 16 du code de procédure civile que le respect du principe de la contradiction impose que, pour assurer la loyauté des débats, les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Il entre dans la mission du juge de veiller à l’accomplissement de ces obligations qui fondent les principes essentiels d’un procès équitable.

En l’espèce, dès le 4 janvier 2024, les parties ont été informées des dates de clôture et de plaidoiries fixées respectivement au 3 et 25 avril 2024.

Le 14 décembre 2023, la société Facto Communication a notifié au conseil de l’intimée ses premières conclusions, qu’elle avait préalablement remises le 16 novembre 2023 et signifiées à partie le 23 novembre suivant.

La société L’Internationale a remis et notifié ses conclusions le 15 janvier 2024. L’appelante a conclu à nouveau les 8 et 28 mars 2024 en produisant de nouvelles pièces. L’intimée a répliqué le 2 avril 2024, communiqué des pièces et adressé à l’appelante, à cette même date et donc, la veille de la clôture, une sommation de communiquer la copie de ses comptes certifiés pour les exercices 2010 à 2024. Le prononcé de l’ordonnance de clôture a été reporté à l’audience de procédure du 24 avril 2024.

Le 22 avril 2024, la société Facto Communication a remis de nouvelles écritures et communiqué onze nouvelles pièces, pour la plupart récentes, dont trois déjà communiquées par l’intimée.

Cette dernière a conclu le 24 avril 2024 pour s’opposer à l’admission de ces écritures et pièces, justifiant le report de la clôture à l’audience fixée pour les plaidoiries. L’appelante a conclu une cinquième fois, le 24 avril 2024, après la décision de report.

Il est relevé à l’examen des dernières conclusions de la société Facto Communication des 22 et 24 avril 2024, lesquelles sont identiques – à l’exception des paragraphes ajoutés dans les dernières conclusions relatifs à la demande de rejet des conclusions n° 4 et de communication des onze dernières pièces de l’appelante -, qu’elles ne comprennent pas de prétentions nouvelles ni de moyens nouveaux par rapport aux conclusions remises et notifiées le 28 mars 2024 et constituent une réplique aux conclusions n°2 déposées le 2 avril 2024 par l’intimée et aux pièces qu’elle a communiquées à cette date.

Les dernières pièces communiquées par l’appelante, consistant en un extrait du site Société.com relatif à une recherche ‘Mediascop’, des extraits Kbis de la société L’internationale en date des 2 et 21 avril 2024, un extrait Kbis de la société appelante en date du 11 avril 2024, une situation au répertoire sirene concernant l’intimée du 12 avril 2024, les trois premières pièces communiquées par cette dernière, un extrait du site LinkedIn relatif à la fermeture d’un compte, une lettre d’un client de l’appelante du 10 avril 2024 ayant trait à un désistement de commande et la signification de l’arrêt de la Cour de cassation, utiles pour étayer la réplique aux conclusions déposées par l’intimée le 2 avril 2024, soit la veille de la date initialement fixée pour le prononcé de l’ordonnance de clôture, ne nécessitent pas de commentaires.

Il en résulte que les dernières conclusions de l’appelante remises le 24 avril 2024, avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, soit celles portant le n° 5, et les pièces communiquées le 22 avril 2024 ne portent pas atteinte au principe de la contradiction. Il n’y a dès lors pas lieu de les écarter des débats, étant relevé que la prétention tendant au rejet des conclusions n°4 est devenue sans objet.

Sur le trouble manifestement illicite

Selon l’article 873, alinéa 1, du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Le caractère illicite de l’acte peut résulter de sa contrariété à la loi, aux stipulations d’un contrat ou aux usages.

Le nom commercial est celui sous lequel l’activité d’une société est connue du public. Il permet de l’identifier et de la différencier de ses concurrents.

Le fait de créer volontairement ou par imprudence ou négligence une confusion ou un risque de confusion avec une société concurrente ou avec ses produits ou services constitue un acte de concurrence déloyale.

Au cas présent, il est constant que la société Facto Communication exerce, depuis plus de trente ans, son activité sous le nom commercial ‘Mediascope’.

Ayant développé un site d’information accessible depuis les noms de domaine ‘www.lemediascope.fr’ et ‘www.lemediascope.com’ sur lequel elle publie du contenu éditorial et propose des services, notamment, d’agence de communication aux entreprises, et utilisant également la marque verbale ‘MEDIASCOPE l’actu politique et media’ et la marque semi-figurative ‘LE MEDIASCOPE’, déposées respectivement les 30 juin 2004 et le 2 janvier 2014 par son gérant, elle est clairement identifiée et connue du public sous ce nom.

La société intimée, qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Paris le 2 août 2011, avait initialement choisi la dénomination sociale Mediascop et exerçait son activité ‘d’agence de communication conseil, étude, réalisation tous supports en communication’ ainsi qu’il résulte de l’extrait Kbis au 6 décembre 2017, sous l’enseigne ‘MEDIASCOP’.

Ces deux sociétés, aux activités concurrentes, apparaissent donc aux yeux du public sous le même nom.

En effet, la ressemblance phonétique mais aussi visuelle, laquelle est caractérisée par les mêmes lettres composant chacun des noms commerciaux à l’exception du ‘e’ final pour celui de l’intimée et conceptuelle, laquelle résulte de la réunion des deux termes ‘media’ et ‘scope’ faisant référence à leur activité respective, crée de manière manifeste une confusion dans l’esprit du public.

Cette confusion est d’ailleurs établie par la société Facto Communication qui justifie avoir reçu d’un de ses clients une formule de chèque émis à l’ordre de ‘Mediascop’ (pièce 15) et par une attestation et des lettres de clients (pièces 12 à 14, 25 et 26, 50) avoir subi des annulations de commandes tant en 2019 qu’en 2024, ces annulations résultant du risque pour ces derniers d’être associés au scandale attaché à la société Mediascop, devenue L’Internationale, relatif à une affaire de surfacturations dans les comptes de campagne de M. [R].

La confusion résulte aussi d’un article de Mediapart intitulé ‘médiascope et coquille vide’, d’un communiqué de BFMTV annonçant un entretien exclusif entre une journaliste de cette chaîne et l’ex-directrice de la communication du candidat susvisé et dirigeante de la société ‘Mediascope’, ou encore d’articles parus sur le site ‘ledauphine.com’ et ‘nouvelobs’, le premier présentant cette dernière comme ‘la directrice de Mediascope’, le second utilisant le terme ‘Mediascope’ pour désigner la société Mediascop.

C’est vainement que la société intimée soutient ne plus être en situation de concurrence avec la société Facto Communication en affirmant ne plus utiliser le nom commercial ‘Mediascop’, ne plus être spécialisée en communication politique, avoir modifié son objet social et oeuvrer désormais dans le secteur de la production audiovisuelle.

En effet, en dépit de la modification de sa dénomination sociale et de la décision prise par son associé unique le 22 septembre 2022 de changer d’activité, les extraits Kbis versés aux débats par l’appelante, levés les 27 septembre 2023, 25 mars 2024, 2 et 21 avril 2024, démontrent que cette société dispose de deux établissements :

le premier, situé [Adresse 3] à [Localité 6], lieu de son siège social, a une activité de production audiovisuelle et pour enseigne ‘Mediascop’, laquelle est devenue ‘L’Internationale’ en avril 2024 ;

le second, situé [Adresse 1] à [Localité 7], exerce depuis le 1er août 2018 une activité de ‘conseils communication’ et a pour nom commercial ‘Mediascop’, non modifié depuis septembre 2023.

Contrairement à ce qu’elle prétend, la société L’Internationale ne démontre pas que le maintien du nom commercial ‘Mediascop’ sur l’extrait Kbis procéderait d’une erreur qu’elle aurait rectifiée le 5 mars 2024 puisque cette ‘erreur’ persiste sur les extraits Kbis en date des 2 et 21 avril 2024.

En tout état de cause, il est relevé que la demande de modification des données d’identification en date du 5 mars 2024, produite en pièce n°2 par l’intimée pour justifier la correction de la prétendue erreur, ne porte que sur l’établissement principal ayant pour enseigne ‘L’Internationale’ et pour activité la ‘production de films et de programmes pour la télévision’.

Cette demande reste taisante sur le second établissement, qui continue de porter le nom commercial litigieux et d’avoir une activité de conseil en communication ainsi que l’établissent les extraits Kbis susvisés.

La société L’Internationale ne démontre pas davantage avoir cessé comme elle le soutient toute activité depuis le mois de juillet 2022 ni avoir cessé toute utilisation du nom commercial ‘Mediascop’ puisque celui-ci figure toujours sur son extrait Kbis et apparaît, de surcroît, sur le site Société.com à la date du 24 mars 2024 sur lequel il est possible de lire ‘Mediascop – [Localité 5] établissement secondaire’, ‘l’établissement situé au [Adresse 1] à [Localité 5] est un établissement secondaire de l’entreprise L’Internationale. Créé le 01-08-2018, son activité est le conseil en relations publiques et communication’.

La confusion créée entre les deux sociétés est à l’origine d’un préjudice évident pour l’appelante puisque cette dernière démontre par des lettres de clients en date des 10 janvier, 4 février 2019, 15, 21 février et 10 avril 2024 avoir subi des annulations de commandes pour le motif précédemment indiqué.

Ainsi, la confusion créée entre les deux noms commerciaux par la société intimée constitue un acte de concurrence déloyale et il en résulte pour la société Facto Communication un trouble manifestement illicite persistant qu’il convient de faire cesser, la société L’internationale ne démontrant pas que les mesures d’interdiction et d’injonction sollicitées seraient devenues sans objet.

Il y a donc lieu de :

lui interdire toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, sur tous supports et moyens de communication et, notamment, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, etc.) ;

lui ordonner de procéder à la suppression du nom commercial ‘Mediascop’ figurant sur son extrait Kbis ;

lui ordonner de cesser toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, comme dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine ou élément de nom de domaine ;

lui ordonner de procéder aux formalités de radiation du nom de domaine ‘mediascop.fr’.

Il convient afin d’assurer l’effectivité de ces mesures de les assortir d’une astreinte dont les modalités seront précisées au dispositif.

En revanche, il n’y a pas lieu d’ordonner à la société L’Internationale de procéder ou faire procéder au déréférencement de tous liens sur internet mentionnant le nom ‘Mediascop’ dans la mesure où s’agissant d’articles de presse ayant par erreur mentionné ce terme, cette mesure n’apparaît pas réalisable en ce qu’elle serait susceptible d’affecter leur contenu et de porter atteinte à la liberté d’expression et d’information.

Sur la demande de provision

Selon l’article 873, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce, dans les limites de la compétence de ce tribunal, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

La société Facto Communication, qui justifie avoir subi depuis 2019 des annulations de commandes en raison de la confusion créée par la société L’Internationale, démontre de manière évidente l’existence d’un préjudice.

L’obligation de la société L’internationale tenue en application de l’article 1240 du code civil de réparer le dommage occasionné par son comportement persistant, n’étant pas sérieusement contestable, il y a lieu d’allouer à la société appelante une provision de 30.000 euros à valoir sur sa réparation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

En application de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.

Ce texte institue une obligation pour la juridiction de renvoi de statuer sur les dépens et sur l’indemnité de procédure dont le sort est assimilé aux dépens, les dispositions relatives aux dépens et indemnités de procédure exposés en première instance et en appel jusqu’à la décision censurée ayant été implicitement cassées.

La société L’Internationale, succombant en ses prétentions, sera tenue aux dépens de première instance ayant donné lieu à l’ordonnance du 1er mars 2019, de l’instance d’appel ayant donné lieu à l’arrêt cassé du 11 septembre 2019 et de l’instance d’appel après cassation donnant lieu au présent arrêt, lesquels ne comprendront pas les frais de constat de commissaire de justice, ces frais n’étant pas inclus dans les dépens.

Il convient d’allouer à la société Facto Communication, contrainte d’exposer des frais irrépétibles pour assurer sa défense, la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit n’y avoir lieu d’écarter des débats les dernières conclusions et les pièces communiquées par la société Facto Communication le 22 avril 2024 ;

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau,

Dit que la confusion créée par la société L’Internationale entre les noms commerciaux de celle-ci et de la société Facto Communication constitue un trouble manifestement illicite ;

En conséquence,

Interdit à la société L’Internationale toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, sur tous supports et moyens de communication et, notamment, sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, etc.), et ce, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée à compter du huitième jour suivant la signification du présent l’arrêt ;

Ordonne à la société L’internationale de procéder à la suppression du nom commercial ‘Mediascop’ figurant sur son extrait Kbis dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

Ordonne à la société L’Internationale de cesser toute utilisation du nom ‘Mediascop’ ou tout nom similaire, comme dénomination sociale, nom commercial et nom de domaine ou élément de nom de domaine, dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

Ordonne à la société L’Internationale de procéder aux formalités de radiation du nom de domaine ‘mediascop.fr’ dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt, et passé ce délai sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

Dit que les astreintes prononcées seront dues pendant une période de quatre mois, à l’issue de laquelle il pourra être prononcé une nouvelle astreinte ;

Dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

Condamne la société L’Internationale à payer à la société Facto Communication la somme provisionnelle de 30.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Condamne la société L’internationale aux dépens de première instance ayant donné lieu à l’ordonnance entreprise et des instances d’appel ayant donné lieu à l’arrêt cassé du 11 septembre 2019 et au présent arrêt, qui ne comprendront pas les frais de constat de commissaire de justice ;

Condamne la société L’Internationale à payer à la société Facto Communication la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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