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En présence d’une contrefaçon de marque, une demande complémentaire en concurrence déloyale est justifiée si la victime démontre également un enregistrement fautif de sa raison sociale par un concurrent à titre de nom commercial (cet usage étant nécessairement fait en ligne à titre d’enseigne).

En la cause, l’usage du signe “XV Transfert” par la défenderesse est susceptible de créer, dans l’esprit du consommateur, un risque de confusion avec le nom commercial et l’enseigne de la société Au XV du déménagement, compte tenu de la reproduction du signe litigieux “XV” en chiffres romains.

La société Quinze transfert a, en conséquence, engagé sa responsabilité à l’égard de la société Au XV du déménagement pour concurrence déloyale.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L’article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n° 16-23.694).

Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, n° 18-24.373).

En revanche, un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 28 juin 2012, n° 11-19.265 ; également, chambre commerciale, 12 février 2020, n° 17-31.614).

Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n°16-23.694).

Résumé de l’affaire

La société Au XV du déménagement, spécialisée dans les services de déménagement, est en conflit avec la société Quinze Transfert, spécialisée dans le transfert de bureaux d’entreprises, concernant l’utilisation du nom de domaine et des marques semi-figuratives. Après une mise en demeure restée sans réponse, Au XV du déménagement a assigné Quinze Transfert en nullité de sa marque, en contrefaçon et en concurrence déloyale. Les prétentions des parties sont divergentes, avec Au XV du déménagement demandant des réparations financières importantes et la cessation de l’utilisation du signe litigieux, tandis que Quinze Transfert demande le rejet des demandes et des réparations pour préjudice moral et d’image. L’affaire a été plaidée en décembre 2023 après une instruction close en mars 2023.

Les points essentiels

Sur la demande d’écarter des pièces des débats

La société Quinze transfert demande à écarter des débats les pièces numérotées 10, 11 et 12 de la demanderesse au motif d’un défaut de lisibilité. Le tribunal rejette cette demande, estimant que la lisibilité des pièces relève de l’appréciation de leur valeur probante par le tribunal, non de leur admission aux débats.

Sur la demande en nullité de marque

La société Au XV du déménagement fait valoir que la marque “XV Transfert” de la défenderesse est similaire à ses marques antérieures et engendre un risque de confusion pour le public pertinent. Le tribunal annule la marque “XV Transfert” pour les services visés à son enregistrement.

Sur la demande en contrefaçon de marques

La société Au XV du déménagement soutient que la défenderesse a commis des actes de contrefaçon en utilisant la marque “XV Transfert”. Le tribunal confirme la contrefaçon des marques antérieures et condamne la défenderesse à verser des dommages et intérêts à la demanderesse.

Sur la demande en concurrence déloyale et en parasitisme

La société Au XV du déménagement soutient que l’usage du signe “XV Transfert” par la défenderesse porte atteinte à son nom commercial et à son enseigne. Le tribunal reconnaît la concurrence déloyale et condamne la défenderesse à verser des dommages et intérêts à la demanderesse.

Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

La société Quinze transfert demande l’indemnisation du préjudice subi du fait de son attraction dans une procédure judiciaire. Le tribunal rejette les demandes de la société Quinze transfert, considérant qu’aucune faute n’est imputable à la demanderesse dans l’exercice de son droit d’agir en justice.

Sur les demandes accessoires

La société Quinze transfert est condamnée aux dépens et à verser 5000 euros à la société Au XV du déménagement au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision est maintenue.

Les montants alloués dans cette affaire: – 5000 euros à la société Au XV du déménagement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon des marques semi-figuratives françaises “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587
– 5000 euros à la société Au XV du déménagement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale
– 5000 euros à la société Au XV du déménagement en application de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle
– Code civil

Article 135 du code de procédure civile:
Le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Article L.716-4-7 du code de la propriété intellectuelle:
La contrefaçon de marque peut être prouvée par tous moyens.

Article L.711-3 I du code de la propriété intellectuelle:
Ne peut être valablement enregistrée une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France.

Article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle:
L’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.

Article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle:
Est interdit l’usage dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à une marque enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires.

Article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle:
Pour fixer les dommages et intérêts en cas de contrefaçon, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, le préjudice moral et les bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Article 1240 du code civil:
Tout fait de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Article 1241 du code civil:
Chacun est responsable du dommage qu’il a causé par son fait, sa négligence ou son imprudence.

Article 32-1 du code de procédure civile:
Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile.

Article 696 du code de procédure civile:
La partie perdante est condamnée aux dépens, sauf décision motivée du juge.

Article 700 du code de procédure civile:
Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 514 du code de procédure civile:
Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me David TAPIERO
– Me Coline HEINTZ
– Me Anne DARRAS

Mots clefs associés & définitions

– Motivation
– Demande d’écarter des pièces des débats
– Code de procédure civile
– Contrefaçon de marque
– Preuve
– Nullité de marque
– Marque semi-figurative française
– Risque de confusion
– Directive 2015/2436 CE
– Similitude des signes
– Similitude des services
– Similitude visuelle, phonétique et conceptuelle
– Dommages et intérêts
– Préjudice moral
– Concurrence déloyale
– Parasitisme
– Image de marque
– Développement commercial
– Procédure abusive
– Amende civile
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Exécution provisoire
– Motivation: Ensemble des facteurs internes et externes qui poussent un individu à agir dans un certain sens.
– Demande d’écarter des pièces des débats: Requête visant à exclure certaines pièces de la procédure judiciaire.
– Code de procédure civile: Ensemble des règles régissant le déroulement des procédures civiles devant les tribunaux.
– Contrefaçon de marque: Utilisation non autorisée d’une marque protégée par un tiers.
– Preuve: Élément permettant d’établir la véracité d’un fait ou d’une allégation.
– Nullité de marque: Annulation d’une marque en raison de son non-respect des critères légaux.
– Marque semi-figurative française: Type de marque comprenant à la fois des éléments verbaux et des éléments graphiques.
– Risque de confusion: Possibilité que le consommateur confonde deux marques ou produits similaires.
– Directive 2015/2436 CE: Directive européenne régissant les marques dans l’Union européenne.
– Similitude des signes: Ressemblance entre deux marques en termes de graphisme, de sonorité ou de sens.
– Similitude des services: Correspondance entre les services offerts par deux entreprises.
– Similitude visuelle, phonétique et conceptuelle: Analyse des similitudes entre deux marques selon différents critères.
– Dommages et intérêts: Réparation financière accordée à une partie lésée par un préjudice.
– Préjudice moral: Atteinte aux sentiments, à la réputation ou à l’intégrité morale d’une personne.
– Concurrence déloyale: Pratiques commerciales trompeuses ou déloyales visant à nuire à la concurrence.
– Parasitisme: Utilisation abusive de la notoriété ou de l’investissement d’une entreprise par une autre.
– Image de marque: Perception qu’ont les consommateurs d’une marque.
– Développement commercial: Stratégies mises en place pour accroître les ventes et la notoriété d’une entreprise.
– Procédure abusive: Utilisation de la procédure judiciaire de manière malveillante ou dilatoire.
– Amende civile: Sanction financière prononcée par un tribunal en cas de violation de la loi.
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire, notamment les honoraires d’avocat et les frais de justice.
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition permettant au juge d’allouer une somme à titre de frais de justice à la partie gagnante.
– Exécution provisoire: Mise en œuvre d’une décision judiciaire avant même que celle-ci ne soit définitive.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 mai 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 22/00604
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Le
Expédition exécutoire délivrée à :
– Me Tapiero, D1603
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Me Heintz, L301

3ème chambre
3ème section

N° RG : 22/00604
N° Portalis 352J-W-B7F-CVW6Q

N° MINUTE :

Assignation du :
04 Janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 29 mai 2024

DEMANDERESSE

La société AU XV DU DEMENAGEMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me David TAPIERO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire D1603

DÉFENDERESSE

La société QUINZE TRANSFERT
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Coline HEINTZ, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire L0301 et Me Anne DARRAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire L0301

Décision du 29 mai 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG : 22/00604 N° Portalis 352J-W-B7F-CVW6Q

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Linda BOUDOUR, juge
Anne BOUTRON, JUGE

assistés de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l’audience du 20 décembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024, puis prorogé en dernier lieu au 29 mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

____________________________

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société à responsabilité limitée Au XV du déménagement se présente comme étant spécialisée dans la prestation de services de déménagement au profit des particuliers et des entreprises.
Au titre de son activité, elle a réservé le nom de domaine et est titulaire des marques semi-figuratives françaises suivantes :- “Au XV du déménagement” déposée le 21 janvier 2014 et enregistrée sous le numéro 4062226 en classe 39 :
– “Au XV du déménagement” déposée le 2 décembre 2015 et enregistrée sous le numéro 4230587 en classe 39 :

La société par actions simplifiée Quinze Transfert se présente comme une société spécialisée dans le transfert de bureaux d’entreprises créée en 2017. Au titre de son activité, elle est titulaire d’une marque semi-figurative française “XV Transfert” déposée le 10 septembre 2020 et enregistrée sous le numéro 4680957 en classe 39 :5. Estimant l’usage de ce signe attentatoire à ses droits antérieurs, la société Au XV du déménagement a, par l’intermédiaire de son conseil, mis en demeure, le 21 avril 2021, la société Quinze transfert d’avoir à cesser l’utilisation du signe précité.

Par courrier officiel de son conseil du 29 avril 2021, la société Quinze transfert indiquait ne pas déférer à la mise en demeure en exposant les raisons pour lesquelles les prétentions de la société Au XV du déménagement étaient, selon elle, infondées.
Par acte d’huissier du 4 janvier 2022, la société Au XV du déménagement a fait assigner la société Quinze transfert en nullité de la marque semi-figurative française “XV Transfert”, en contrefaçon de ses propres marques et en concurrence déloyale et parasitaire.
L’instruction de l’affaire a été close par une ordonnance du 23 mars 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 20 décembre 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 1er août 2022, la société Au XV du déménagement demande au tribunal de :- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions
– dire et juger que la responsabilité civile de la société Quinze Transfert a été engagée à son égard
– ordonner à la société Quinze Transfert de cesser la commercialisation des services qu’elle propose sous la marque “XV Transfert”, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement
– déclarer nulle la marque figurative “XV Transfert” n° 4680957 déposée et enregistrée le 10 septembre 2020 pour la classe de services 39 et dont est titulaire la société Quinze Transfert
– condamner la société Quinze Transfert à lui payer :
> 150 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait des actes de contrefaçon
> 100 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait des actes de concurrence déloyale
> 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi
> 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– condamner la société Quinze Transfert aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le19 janvier 2023, la société Quinze transfert demande au tribunal de : – écarter des débats les pièces communiquées par la société Au XV du déménagement sous les numéros 10, 11 et 12, faute pour celles-ci d’être lisibles
– rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Au XV du déménagement
– à titre reconventionnel, condamner la société Au XV du déménagement à lui payer :
> 1 euro au titre de son préjudice d’image,
> 10 000 euros au titre de son préjudice moral,
> 15 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de son action abusive
– condamner la société Au XV du déménagement à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

MOTIVATION

I – Sur la demande d’écarter des pièces des débats

Moyens des parties

La société Quinze transfert demande à écarter des débats les pièces numérotées 10, 11 et 12 de la demanderesse au motif d’un défaut de lisibilité dont elle déduit l’impossibilité de les examiner de façon contradictoire.

La société Au XV du déménagement n’a pas répondu à cette demande.
Réponse du tribunal

Aux termes de l’article 135 du code de procédure civile, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.
En application de l’article L.716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon de marque peut être prouvée par tous moyens.
Il en résulte que la contrefaçon de marque peut notamment l’être par des constats de commissaire de justice.
Au cas présent, la circonstance que les pièces produites par la demanderesse soient ou non lisibles relève de l’appréciation de leur valeur probante par le tribunal, non de leur admission ou non aux débats.
La demande à ce titre de la société Quinze transfert sera, en conséquence, rejetée.
II – Sur la demande en nullité de marque

Moyens des parties

La société Au XV du déménagement fait valoir que la marque semi-figurative française “XV Transfert” n° 4680957 de la défenderesse est similaire à ses marques tant du point de vue visuel que phonétique et conceptuel, que la défenderesse use de ce signe pour des services identiques aux siens et en conclut que le risque de confusion pour le public pertinent, qu’elle définit comme l’ensemble des entreprises du territoire, est constitué. Elle considère que la circonstance que la société Quinze transfert ne s’adresse qu’à des professionnels n’est pas de nature à rendre les services pour lesquels celle-ci utilise sa marque litigieuse différents de ceux pour lesquels elle-même utilise ses marques antérieures, dans la mesure où ses prestations concernent également les transferts d’entreprise ou les déménagements de professionnels.
La société Quinze transfert réplique que le fait que les marques opposées par la demanderesse et la sienne soient enregistrées dans la même classe ne suffit pas à considérer comme similaires les services pour lesquels elle-même use du signe litigieux et ceux de la demanderesse. Elle ajoute que les marques de la demanderesse sont essentiellement utilisées pour des services aux particuliers, contrairement à ce que celle-ci prétend, que la marque semi-figurative française n°4062226 ne vise pas les activités de déménagement à son enregistrement et que la marque semi-figurative française n°4230587 avec laquelle la sienne doit être comparée ne vise pas les activités de services de transfert d’entreprises ou de sociétés de plus de 200 salariés pour lesquelles elle utilise sa marque, ce dont elle déduit une absence de similitude entre les services. Subsidiairement, elle estime que les marques opposées se distinguent de la sienne du point de vue visuel, phonétique et conceptuel, en sorte qu’aucune confusion n’est possible pour le public pertinent, qu’elle définit comme les particuliers souhaitant déménager.
Réponse du tribunal

En vertu de l’article L.711-3 I du code de la propriété intellectuelle, ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :1° Une marque antérieure :
a) Lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure.

Le risque de confusion dans l’esprit du public, dont la charge de la preuve incombe au demandeur à la nullité, doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, par rapport à un consommateur d’attention moyenne de la catégorie des produits tels que désignés par ces enregistrements et sans tenir compte des conditions d’exploitation des marques ou des conditions de commercialisation des produits (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 23 juin 2015, n° 14-13.011).

Ces dispositions sont équivalentes à celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont elles réalisent la transposition et dont il résulte que le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97).

En l’absence de reproduction à l’identique de la marque opposée, l’appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).
L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure doit être appréciée dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisée (en ce sens CJUE, 27 novembre 2008, Intel Corporation Inc c. CPM United Kingdom Ltd, C-252/07, point 35).
Au cas présent, les circonstances dans lesquelles les marques opposées et la marque litigieuse sont utilisées par leurs titulaires sont inopérantes.
La marque semi-figurative française “Au XV du déménagement” n° 4062226 vise à son enregistrement, en classe 39, les services d’emballage et entreposage de marchandises, distribution de journaux, distribution des eaux, d’électricité ou d’énergie, distribution (livraison de produits), remorquage, location de garages ou de places de stationnement.
La marque semi-figurative française “Au XV du déménagement” n° 4230587 vise à son enregistrement, en classe 39, les services de transport, emballage et entreposage de marchandises, informations en matière de transport, services de logistique en matière de transport, distribution (livraison de produits), remorquage, location de garages ou de places de stationnement, location de véhicules, entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement.
La marque semi-figurative française “XV Transfert” n° 4680957 vise à son enregistrement, en classe 39, les services de transport, emballage et entreposage de marchandises, services de logistique en matière de transport.
Il s’en déduit que le public pertinent est le consommateur de services de transport, incluant le déménagement, ou de distribution de produits. Il en résulte, également, que le public pertinent pour les services visés par la marque n° 4062226 n’est pas identique à celui de la marque n° 4230587 et de la marque litigieuse n° 4680957, lesquelles, en revanche, visent rigoureusement les mêmes services et, de ce fait, les mêmes consommateurs, qu’ils soient particuliers ou professionnels.
La marque n° 4062226 visant à son enregistrement la distribution, incluant la livraison de produits, les services de déménagement proposés par la société Quinze transfert sont, à tout le moins, similaires à ceux-ci.
S’agissant de l’appréciation de la similitude des signes, les marques “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587 se caractérisent par l’élément dominant “XV” en raison de son positionnement en attaque du signe et de sa stylisation en chiffres romains dans un élément figuratif, un ballon de rugby porté par deux joueurs ou déménageurs. Cet élément dominant confère aux marques leur distinctivité, les éléments verbaux “du déménagement” étant descriptifs des services visés à leur enregistrement.
La marque litigieuse “XV Transfert” n° 4680957 se caractérise par le même élément dominant “XV” en chiffres romains en position d’attaque entouré d’un ovale doublant la référence au monde du rugby, l’élément verbal “transfert” étant descriptif.
Du point de vue visuel, les marques “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587 présentent une graphie plus longue que la marque “XV Transfert” n° 4680957, outre que cette dernière est entièrement stylisée. Néanmoins, compte tenu de la mise en exergue du même élément dominant “XV” en chiffres romains dans les trois marques, leur similitude visuelle est forte.
Du point de vue phonétique, la diction des marques “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587 est plus longue que celle de la marque “XV Transfert” n° 4680957. Toutefois, le positionnement de l’élément verbal “quinze” en attaque du signe dans les trois marques génère une similitude phonétique forte.
Du point de vue conceptuel, les trois marques se réfèrent au monde du rugby tant par leurs éléments verbaux que figuratifs. Leur similitude est, de ce fait, forte à cet égard.
Ainsi, tant du point de vue visuel, que phonétique et conceptuel, les marques “XV Transfert” n° 4062226 et n° 4680957 présente de fortes similitudes avec la marque “Au XV du déménagement” n° 4230587.
Compte tenu de l’idendité ou de la similitude des services visés à l’enregistrement des marques “Au XV du déménagement” n° 4230587 et “XV Transfert” n° 4680957, malgré la faible similitude des services visés à l’enregistrement de la marque “Au XV du déménagement” n° 4062226 avec ceux visés à l’enregistrement de la marque “XV Transfert” et de la forte similitude des signes en présence, le risque de confusion dans l’esprit du public pertinent entre les marques invoquées en demande et la marque litigieuse est établi.
La marque semi-figurative française “XV Transfert” n° 4680957 sera, en conséquence annulée pour l’ensemble des services visés à son enregistrement.

III – Sur la demande en contrefaçon de marques

Moyens des parties

La société Au XV du déménagement considère qu’en déposant et en faisant usage de la marque “XV Transfert” n° 4680957 similaire à ses marques antérieures “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587, la défenderesse a commis des actes de contrefaçon et engagé sa responsabilité à son égard. Elle avance que l’impact de la contrefaçon sur son activité et la confusion entretenue dans l’esprit de sa clientèle professionnelle justifie les mesures réparatrices demandées.
La société Quinze transfert objecte que la demanderesse ne se livre à la démonstration d’aucun préjudice.
Réponse du tribunal

L’article L.713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.
Selon l’article L.713-2 du même code, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

Ces dispositions sont équivalentes à celles de la directive 2015/2436 CE du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, dont elles réalisent la transposition et dont il résulte qu’en matière de contrefaçon par imitation, il y a lieu de rechercher si, au regard d’une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen concerné. Ce risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, cette appréciation doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants (principe constant établi par la CJCE 11 novembre 1997, affaire C-251/95, arrêt Sabel Puma).
L’article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

L’emploi de l’adverbe “distinctement” et non “cumulativement”, commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative.
Par ailleurs, un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 28 juin 2012, n° 11-19.265 ; également, chambre commerciale, 12 février 2020, n° 17-31.614).
En l’occurrence, l’usage du signe litigieux “XV Transfert” par la société Quinze transfert dans la vie des affaires est établi par le constat de commissaire de justice du 6 juillet 2021 versé aux débats par la société Au XV du déménagement, duquel il ressort avec suffisamment de clarté (sa pièce n° 9).
Les motifs précédemment développés au soutien de l’annulation de la marque “XV Transfert” n° 4680957 conduisent à établir un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent entre le signe litigieux et les marques antérieures “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587.
En conséquence, l’usage par la société Quinze transfert du signe “XV Transfert” constitue une contrefaçon des marques semi-figuratives françaises “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587 engageant sa responsabilité civile à l’égard de la société Au XV du déménagement.
Au soutien de ses demandes en réparation au titre de la contrefaçon, la société Au XV du déménagement verse aux débats une attestation du 26 juillet 2022 de son expert-comptable mentionnant qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 elle a réalisé 481 097 euros hors taxes de chiffre d’affaires avec des clients professionnels (sa pièce n° 13).
Cette seule pièce est, cependant, insuffisante à établir une quelconque conséquence économique négative de la contrefaçon, que ce soit un manque à gagner ou une perte subis, non plus, a fortiori, qu’un quelconque bénéfice réalisé par la défenderesse du fait de la contrefaçon.
La société Au XV du déménagement a, néanmoins, subi un préjudice moral constitué par l’avilissement de ses marques semi-figuratives françaises “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587, qui sera réparé par l’allocation de 5000 euros de dommages et intérêts.
Le préjudice subi par la société Au XV du déménagement étant suffisamment réparé par les dommages et intérêts alloués et l’annulation de la marque semi-figurative française “XV Transfert” n° 4680957 rendant inutile la demande d’interdiction d’usage de cette marque, le surplus des demandes à ce titre sera rejeté.IV – Sur la demande en concurrence déloyale et en parasitisme

Moyens des parties

La société Au XV du déménagement soutient que l’usage du signe “XV Transfert” par la demanderesse a porté atteinte à son nom commercial et à son enseigne, cet usage étant de nature à créer une confusion dans l’esprit des consommateurs de ses services, ainsi qu’il ressort, selon elle des recherches sur internet qu’elle produit aux débats. Elle ajoute que la défenderesse a également tiré indûment profit de sa notoriété ou de son savoir-faire et des efforts humains et financiers consentis pour son fonds de commerce en opérant une croissance externe par le rachat d’une société concurrente publiée le 20 février 2020, l’ensemble justifiant l’indemnisation qu’elle demande compte tenu de la perte de clientèle et de l’entrave à sa croissance que ces faits constituent, outre le préjudice moral qui en résulte.

La société Quinze transfert répond qu’aucune similitude entre leurs noms commerciaux ou enseignes n’est établi, outre leurs activités distinctes, les pièces produites par la demanderesse à ce titre étant illisibles et se heurtant à la réalité de l’algorithme utilisé par le moteur de recherche sur internet employé. Elle estime qu’au contraire de ce que prétend la demanderesse, c’est cette dernière qui s’est inspirée de son site internet pour faire figurer à outrance le terme “transfert” afin de se placer dans son sillage. Elle conclut que la demanderesse invoque de façon incantatoire un préjudice qu’elle n’étaye d’aucune pièce.
Réponse du tribunal

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1241 du même code dispose que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
IV.1 – S’agissant de la demande en concurrence déloyale

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n° 16-23.694).
Au cas présent, au soutien de sa demande au titre de la concurrence déloyale, la société Au XV du déménagement verse aux débats trois constats de commissaire de justice opérés sur internet le 5 juillet 2021 (ses pièces n° 10 à 12) desquels il résulte que :- les constats ont été opérés après que la mémoire cache a été vidée, que la synchronisation de l’horloge à GMT+1 a été vérifiée, qu’aucun proxy n’a été utilisé
– la recherche opérée sur le moteur de recherche Google à cette date avec les mots clés “au XV du déménagement transfert d’entreprise” et celle opérée avec les mots clés “XV transfert déménagement” font apparaître en premier résultat le site , exploité par la société Quinze transfert
– la recherche opérée sur le moteur de recherche Google à cette date avec les mots clés “XV déménagement” fait apparaître le site de la société Quinze transfert en huitième position de la première page des résultats de recherche.

Il en résulte que le moyen selon lequel ces constats sont illisibles est inopérant, de même que celui selon lequel les recherches effectuées ont apporté un résultat biaisé par les données présentes sur l’ordinateur du commissaire de justice instrumentaire.
Par ailleurs, la société Au XV du déménagement démontre également que l’enregistrement de sa raison sociale qu’elle utilise à titre de nom commercial a été effectué le 29 novembre 2011, tandis que celui de la société Quinze transfert a eu lieu le 20 février 2020 (ses pièces n° 1 et 4), cette dernière faisant usage de sa raison sociale sous le signe “XV Transfert” à titre d’enseigne, à tout le moins le 6 juillet 2021 sur internet (sa pièce n° 9).
L’usage du signe “XV Transfert” par la défenderesse est susceptible de créer, dans l’esprit du consommateur, un risque de confusion avec le nom commercial et l’enseigne de la société Au XV du déménagement, compte tenu de la reproduction du signe litigieux “XV” en chiffres romains.
La société Quinze transfert a, en conséquence, engagé sa responsabilité à l’égard de la société Au XV du déménagement pour concurrence déloyale.
IV.2 – S’agissant de la demande en parasitisme

Le parasitisme, qui n’exige pas de risque de confusion, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n°16-23.694).
En l’occurrence, aucune des pièces versées par la société Au XV du déménagement ne démontre, ni sa notoriété, ni ses efforts ou son savoir-faire, non plus que les investissements consentis permettant de caractériser le parasitisme qu’elle invoque.
Sa demande à ce titre sera, en conséquence rejetée.
IV.3 – S’agissant des mesures réparatrices au titre de la concurrence déloyale

Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, n° 18-24.373).
En revanche, un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 28 juin 2012, n° 11-19.265 ; également, chambre commerciale, 12 février 2020, n° 17-31.614).
En l’espèce, au soutien de ses demandes en réparation au titre de la concurrence déloyale, la société Au XV du déménagement verse aux débats une attestation du 26 juillet 2022 de son expert-comptable mentionnant qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 elle a réalisé 481 097 euros hors taxes de chiffre d’affaires avec des clients professionnels (sa pièce n° 13).
Cette seule pièce est, cependant, insuffisante à établir une quelconque conséquence économique négative résultant de la concurrence déloyale commise par la société Quinze transfert.
La société Au XV du déménagement a, néanmoins, subi un préjudice moral résultant du trouble commercial qui sera réparé par l’octroi de 5000 euros à titre de dommages et intérêts que la société Quinze transfert sera condamnée à payer.
V – Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

Moyens des parties

La société Quinze transfert demande l’indemnisation du préjudice tiré de l’atteinte à son image et celui tiré de l’atteinte à son développement commercial qu’elle a subis du fait de son attraction dans une procédure judiciaire. Elle tient, de plus, l’action initiée par la demanderesse pour abusive compte tenu de son absence de fondement et de l’intention de celle-ci d’entraver de mauvaise foi son développement.
La société Au XV du déménagement assure avoir exercé son droit d’agir en justice sur le fondement de griefs sérieux, tandis que la défenderesse ne démontre aucun des préjudices qu’elle allègue.
Réponse du tribunal

L’article 1240 du code civil prévoit que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Le droit d’agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il dégénère en abus constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil lorsqu’il est exercé en connaissance de l’absence totale de mérite de l’action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant l’autre partie à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d’obtenir ce que l’on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, n° 11-15.473).
En l’espèce, les demandes de la société Au XV du déménagement ayant été, au moins partiellement, accueillies, la société Quinze transfert ne démontre aucune faute qui lui serait imputable dans l’exercice de son droit d’agir en justice.
Les demandes à ce titre de la société Quinze transfert seront, en conséquence, rejetées.
VI – Sur les demandes accessoires

VI.1 – S’agissant des dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
La société Quinze transfert, partie perdante à l’instance, sera condamnée aux dépens.
VI.2 – S’agissant de l’article 700 du code de procédure civile

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
La société Quinze transfert, partie tenue aux dépens, sera condamnée à payer 5000 euros à la société Au XV du déménagement à ce titre.
VI. 3 – Sur l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute la société Quinze transfert de sa demande de rejet des débats des pièces n°10, 11 et 12 produites par la société Au XV du déménagement ;

Annule la marque semi-figurative française “XV Transfert” n° 4680957 pour l’ensemble des services visés à son enregistrement ;

Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l’Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d’inscription au registre national des marques ;

Condamne la société Quinze transfert à payer 5000 euros à la société Au XV du déménagement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon des marques semi-figuratives françaises “Au XV du déménagement” n° 4062226 et n° 4230587 ;

Déboute la société Au XV du déménagement de sa demande d’interdiction de commercialisation de services ;

Condamne la société Quinze transfert à payer 5000 euros à la société Au XV du déménagement à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale ;

Déboute la société Au XV du déménagement de sa demande en parasitisme ;

Déboute la société Quinze transfert de ses demandes en procédure abusive ;

Condamne la société Quinze transfert aux dépens ;

Condamne la société Quinze transfert à payer 5000 euros à la société Au XV du déménagement en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 29 mai 2024

La greffièreLe président
Lorine Mille Jean-Christophe Gayet


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