Atteinte au droit à l’image : les honoraires de l’avocat

Atteinte au droit à l’image : les honoraires de l’avocat

La cliente d’un avocat spécialisé en droit à l’image a contesté les honoraires de celui-ci. Celle-ci demandait de limiter à 500 € les honoraires dus en considérant que seule devrait être soumise à paiement la lettre rédigée par le cabinet à l’attention de la société DISNEYLAND PARIS. Elle expliquait qu’elle s’était adressée au cabinet pour défendre les droits de son fils mineur et mannequin dont l’image aurait été utilisée, sans son consentement, pour une campagne publicitaire de DISNEYLAND PARIS.  Aucune convention n’a été signée et elle n’avait reçu aucune information quant aux modalités de fixation des honoraires.

Selon l’article 10 de la loi n°71-1139 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. L’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

L’absence de convention est permise selon le même article en cas d’urgence, de force majeure ou d’attribution de l’aide juridictionnelle. En l’espèce, il est constant qu’aucune de ces exceptions n’est constituée et que non seulement aucune convention d’honoraires n’a été signée mais qu’aussi, aucun échange produit n’établit qu’il y a eu un accord ni sur le contenu précis de la prestation hormis la formule « analyse de ses possibles recours » ni sur le prix de la prestation.

Par ailleurs, ce défaut d’accord initial sur la chose et son prix a entraîné une confusion dans l’esprit de la cliente qui, dans son recours et son argumentation confond l’action d’un cabinet d’avocat spécialisé avec celui d’un rédacteur dont la qualité se mesurerait au nombre de mots produits par minute excluant le travail intellectuel de recherche sur le fond du droit, les preuves et la stratégie à définir pour parvenir au résultat recherché soit la protection du droit à l’image de son fils, inscrit dans deux agences de mannequin.

Toutefois, le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Prenant en compte cette analyse et le fait que la cliente n’ait appris qu’au jour de la délivrance de la première facture une première estimation du coût de la prestation, la juridiction a réduit le coût des diligences de l’avocat de 30 %.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 9

(Anciennement Pôle 2 – Chambre 6)

ORDONNANCE DU 8 AVRIL 2021

Contestations d’Honoraires d’Avocat

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00348

N° Portalis 35L7-V-B7C-B5SVR

NOUS, Véronique MARMORAT, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et de Mme Eléa DESPRETZ, greffière lors de la mise à disposition de l’ordonnance.

Vu le recours formé par :

Madame Z X

[…]

[…]

Non comparante, non représentée,

Demanderesse au recours,

contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :

Maître Denis Y A

[…]

[…]

Comparant en personne

Défendeur au recours,

Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu le défendeur au recours à notre audience du 14 janvier 2021 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,

L’affaire a été mise en délibéré au 11 mars 2021, ce délibéré a ensuite été prorogé au 08 avril 2021 en raison de la crise sanitaire :

Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;

EXPOSÉ DU LITIGE

Par décision du 23 mars 2018, le Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS saisi par Madame X avec laquelle aucune convention d’honoraires n’a été établie, d’une demande de contestation d’honoraires de Maître Y A

• a fixé à la somme de 1 200 € H T le montant total des honoraires dus à Maître Y A

• a dit que Madame X devra verser à Maître Y A la somme de 1 200 € avec intérêt à taux légal à compter du 21 novembre 2017 outre la TVA de 20 %.

Le 3 mai 2018, Madame X a régulièrement interjeté appel de cette décision, notifiée le 4 avril 2018. Maître Y A formera dans ses écritures un appel incident.

Dans son recours, Madame X demande à la présente juridiction de limiter à 500 € les honoraires dus en considérant que seule devrait être soumise à paiement la lettre rédigée par le cabinet Maître Y A à l’attention de la société DISNEYLAND PARIS. Elle explique qu’elle s’est adressée sur les conseils d’amis au cabinet de Maître Y A spécialisé dans le droit à l’image et le droit de la propriété intellectuelle pour défendre les droits de son fils mineur et mannequin dont l’image aurait été utilisée, sans son consentement, pour une campagne publicitaire de DISNEYLAND PARIS. Elle relève le fait qu’aucune convention n’a été signée et qu’elle n’a reçu aucune information quant aux modalités de fixation des honoraires. Elle expose que des surfacturations ont été commises et qu’élevant un enfant seule et ne touchant que le RSA, elle n’aurait jamais accepté les conditions tarifaires qui lui ont été imposées. Elle estime enfin que cette situation lui a causé un stress, que les objectifs poursuivis par son avocat étaient différents des siens et que celui-ci a multiplié des démarches et actes sans son accord et d’un coût hors de proportion avec ses moyens.

Par conclusions reçues le 13 janvier 2021 et soutenues à l’audience du 14 janvier 2021, Maître Y A demande à la présente juridiction à titre liminaire, constatant que les pièces transmises à la juridiction par Madame X ne lui ont jamais été communiquées malgré ses trois relances que la décision soit prise sans prendre en considération ces pièces et de rejeter son recours.

Maître Y A demande de fixer les honoraires à 2 580 € HT avec intérêt à taux légal à compter du 21 novembre 2017 outre la TVA de 20 % et expose que les diligences accomplies, précisées dans un tableau dressant la liste des échanges effectuées avec la cliente et des intervenants extérieurs, représentent plus de 19 heures de travail, qui ont été facturées bien au deçà des horaires habituels pratiqués par le cabinet pour tenir compte de la situation personnelle de la cliente. Il fait valoir que le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat de percevoir des honoraires pour ses diligences dès lors que celles-ci sont établies et ne peut justifier de réduire de plus de la moitié le total des honoraires facturées soit en 2 580 € HT. Il soutient que le caractère technique et évolutif du droit de propriété intellectuelle et du droit à l’image nécessite un travail de recherche et d’analyse quel que soit le type de dossier traité. Enfin, il souligne que la mission générale d’assistance et de conseil sur ses possibles recours que Madame X a confié à son cabinet ne pouvait se limiter à la seule rédaction d’une lettre et que la cliente ne peut estimer de manière subjective les actes ayant été ou non productifs.

Bien que régulièrement convoquée, Madame X n’était ni présente ni représentée à l’audience.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande formée par Maître Y A à l’égard des pièces versées aux débats par Madame X

Selon l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Il résulte du principe du contradictoire que le juge ne peut fonder sa décision sur des pièces qui n’ont pas été communiquées à la partie adverse ce qui est le cas en l’espèce. En conséquence, il convient de déclarer irrecevables les écritures et pièces reçues de Madame X postérieurement au recours.

Sur la contestation des honoraires

Selon l’article 10 de la loi n°71-1139 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015, les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. L’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés. Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

L’absence de convention est permise selon le même article en cas d’urgence, de force majeure ou d’attribution de l’aide juridictionnelle. En l’espèce, il est constant qu’aucune de ces exceptions n’est constituée et que non seulement aucune convention d’honoraires n’a été signée entre Maître Y A et Madame X mais qu’aussi, aucun échange produit n’établit qu’il y a eu un accord ni sur le contenu précis de la prestation hormis la formule « analyse de ses possibles recours » ni sur le prix de la prestation. Enfin, Maître Y A prétend avoir minoré le coût de celle-ci en fonction de la situation personnelle de la cliente sans présenter au juge de l’honoraire la grille des taux horaires de référence de son cabinet.

Par ailleurs, ce défaut d’accord initial sur la chose et son prix a entraîné une confusion dans l’esprit de la cliente qui, dans son recours et son argumentation annexée à celui-ci, confond l’action d’un cabinet d’avocat spécialisé avec celui d’un rédacteur dont la qualité se mesurerait au nombre de mots produits par minute excluant le travail intellectuel de recherche sur le fond du droit, les preuves et la stratégie à définir pour parvenir au résultat recherché soit la protection du droit à l’image de son fils, inscrit dans deux agences de mannequin.

Toutefois, le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

Prenant en compte cette analyse et le fait que la cliente n’ait appris qu’au jour de la délivrance de la première facture soit le 28 juin 2017 une première estimation du coût de la prestation alors que la relation avec Maître Y A avait été initiée le 6 mai 2017, il convient de réduire le coût des diligences de 30 % soit de fixer les honoraires dus à la somme de 1 806 € HT.

Concernant les critiques sur l’estimation du temps passé pour les diligences critiquée par le bâtonnier, et plus précisément sur le temps passé sur la recherche de doctrine et la relecture d’une lettre, il n’apparaît pas que ce temps ait été mesuré de manière excessive compte tenu du caractère évolutif du droit à l’image, de la particularité de l’affaire mettant en relation une agence de mannequin la société SUCESS KIDS, une agence de publicité, la société BETC et son client la société EURO DISNEY ASSOCIES SCA et des réticences de la cliente pour accepter les conseils juridiques donnés et les mettre en oeuvre.

En conséquence, il convient de fixer à la somme de 1 806 € HT le montant total des honoraires dus à Maître Y A par Madame X.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire,

Déclarons irrecevables les écritures et pièces reçues de Madame X postérieurement au recours

Infirmons la décision déférée

Statuant à nouveau,

Fixons à la somme de 1 806 € HT le montant total des honoraires dus à Maître Y A par Madame X.

Disons que Madame X devra payer à Maître Y A la somme de 1 806€ HT, avec intérêt à taux légal à compter du 21 novembre 2017 outre la TVA de 20 %

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes.

Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Laissons à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour le ONZE MARS DEUX MILLE VINGT-ET-UN par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, qui en a signé la minute avec Eléa DESPRETZ, Greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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