Atteinte au droit à l’image de Stéphane Bak

·

·

,
Atteinte au droit à l’image de Stéphane Bak
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.

A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Enfin, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.

En l’espèce, la publication litigieuse (Voici) fait état de la soirée du 24 octobre 2023 passée par le demandeur en compagnie d’[O] [U] donnant des détails sur le déroulé (« Après avoir dîné au restaurant, ils ont partagé un verre de vin blanc sur un morceau de trottoir, ri aux éclats et se sont embrassés avec la fougue des premières fois jusqu’au bout de la nuit ») et faisant des supputations sur son état d’esprit (« cette toute nouvelle romance », « [Y], 27 ans, a les bons arguments pour transformer ce flirt d’un soir en une belle histoire. Reste à savoir si le couple tiendra la distance : elle vit à [Localité 5], lui est installé Rive gauche, à [Localité 6]. Mais peu importe la géographie, cette nuit-là, la french touch a fait son petit effet sur [O] »).

Ces éléments, qui ne relèvent pas de la vie professionnelle du demandeur, ressortent assurément de sa vie privée, et singulièrement de sa vie sentimentale.
Il sera relevé que la publication de ces éléments n’est rendue nécessaire par aucun débat d’intérêt général, est sans rapport avec un évènement d’actualité et ne relève ni de la vie professionnelle ni des activités officielles du demandeur.

Résumé de l’affaire

L’affaire oppose la société PRISMA MEDIA, éditrice du magazine Voici, à [Y] [Z] qui estime avoir été victime d’une atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image dans un numéro du magazine. [Y] [Z] demande une provision de 10.000 euros pour réparation du préjudice moral, 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens. La société PRISMA MEDIA conteste ces demandes et demande le rejet des demandes de [Y] [Z] ainsi que sa condamnation aux entiers dépens. La décision sera rendue le 27 mai 2024.

Les points essentiels

Sur la publication litigieuse

Le magazine Voici a consacré un article à la relation entre [O] [U] et [Y] [J], illustré de photographies les concernant. L’article détaille leur rencontre, leur soirée ensemble, et fait des suppositions sur l’évolution de leur relation.

Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image

Le demandeur conteste que l’article ait porté atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image, arguant que les informations divulguées étaient de nature privée et ne contribuaient pas à un débat d’intérêt général. La société défenderesse soutient que la vidéo préalable à l’article laisse planer un doute sur la prise de vue non consentie.

Sur les mesures sollicitées

Le demandeur demande une indemnité provisionnelle pour le préjudice subi, invoquant une baisse de sa carrière professionnelle depuis la publication de l’article. La société défenderesse conteste l’existence du préjudice et le lien de causalité avec l’article.

Sur les mesures sollicitées

Le demandeur obtient une indemnité provisionnelle de 2 000 euros pour les atteintes à sa vie privée et à son droit à l’image. La société défenderesse est condamnée aux dépens et à verser 1 500 euros au demandeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire: – Somme provisionnelle de 2 000 euros à [Y] [Z] pour dommages-intérêts
– Somme de 1 500 euros à [Y] [Z] en application de l’article 700 du code de procédure civile
– Frais de justice à la charge de la société PRISMA MEDIA

Réglementation applicable

– Article 9 du Code civil
– Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
– Article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
– Article 835 alinéa 2 du code de procédure civile
– Article 696 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile

Texte de l’Article 9 du Code civil:
“Chacun a droit au respect de sa vie privée.”

Texte de l’Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:
“Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.”

Texte de l’Article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales:
“1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.”

Texte de l’Article 835 alinéa 2 du code de procédure civile:
“Le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable.”

Texte de l’Article 696 du code de procédure civile:
“La partie succombante est condamnée aux dépens, sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’il n’en soit pas ainsi.”

Texte de l’Article 700 du code de procédure civile:
“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Romain FOURNIER de la SELAS BLEU SAMOURAI, avocats au barreau de PARIS
– Maître Olivier D’ANTIN de la SCP S.C.P d’ANTIN – BROSSOLLET – BAILLY, avocats au barreau de PARIS

Mots clefs associés & définitions

– Vie privée
– Droit à l’image
– Atteintes
– Article litigieux
– Photographies
– Préjudice
– Dommages et intérêts
– Référé
– Liberté d’expression
– Information du public
– Intimité
– Actualité
– Débat d’intérêt général
– Contexte
– Notoriété
– Médias
– Magazine Voici
– Causalité
– Préjudice moral
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Vie privée: droit pour une personne de contrôler les informations la concernant et de décider de les divulguer ou non
– Droit à l’image: droit pour une personne de contrôler l’utilisation de son image
– Atteintes: actions portant préjudice à un individu
– Article litigieux: article sujet à un litige ou à une contestation
– Photographies: images capturées par un appareil photo
– Préjudice: dommage subi par une personne
– Dommages et intérêts: compensation financière accordée à une personne ayant subi un préjudice
– Référé: procédure judiciaire d’urgence permettant d’obtenir une décision rapide
– Liberté d’expression: droit fondamental permettant à chacun de s’exprimer librement
– Information du public: diffusion d’informations auprès du grand public
– Intimité: sphère privée d’une personne
– Actualité: événements récents et en cours
– Débat d’intérêt général: discussion portant sur des sujets d’intérêt pour la société dans son ensemble
– Contexte: ensemble des circonstances entourant un événement
– Notoriété: renommée ou célébrité d’une personne
– Médias: moyens de communication de masse
– Magazine Voici: magazine français spécialisé dans la presse people
– Causalité: lien de cause à effet entre deux événements
– Préjudice moral: atteinte au bien-être psychologique d’une personne
– Dépens: frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: disposition légale permettant de demander le remboursement des frais de justice engagés dans une affaire.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

27 mai 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/52213
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/52213 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4MUE

N° : 1/MM

Assignation du :
20 Mars 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 27 mai 2024

par Jeanne DOUJON, Juge placée au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 2]

représenté par Maître Romain FOURNIER de la SELAS BLEU SAMOURAI, avocats au barreau de PARIS – #C1125

DEFENDERESSE

S.A.S. PRISMA MEDIA
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Olivier D’ANTIN de la SCP S.C.P d’ANTIN – BROSSOLLET – BAILLY, avocats au barreau de PARIS – #P0336

DÉBATS

A l’audience du 24 Avril 2024, tenue publiquement, présidée par Jeanne DOUJON, Juge, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Présidente,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation en référé délivrée par acte d’huissier le 20 mars 2024 à la société PRISMA MEDIA, éditrice du magazine Voici, à la requête de [Y] [Z], lequel, estimant qu’il avait été porté atteinte au respect dû à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro 1874 du magazine en date du 3 au 9 novembre 2023 demande, au visa des articles 9 du code civil, 834 et 835 du code de procédure civile :

– Condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts qui lui sont dus au titre de la réparation du préjudice moral ;
– Condamner la société PRISMA MEDIA à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société PRISMA MEDIA aux entiers dépens.
 
Vu les conclusions en défense de la société PRISMA MEDIA, déposées et soutenues à l’audience, qui demande, au visa des articles 9 du code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, de :
 
– Débouter [Y] [Z] de ses demandes mal-fondées et non justifiées ;
– En tout état de cause, condamner [Y] [Z] au paiement des entiers dépens.
 
À l’issue de l’audience du 24 avril 2024, au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 27 mai 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS
 
Sur la publication litigieuse
 
[Y] [Z], de son nom d’usage [J], exerce la profession d’acteur français (pièce n°3 en demande)
 
Dans son numéro 1874 en date du 3 au 9 novembre 2023, le magazine Voici consacre un article de deux pages à [O] [U] et [Y] [J], illustré de cinq photographies les concernant (extrait du magazine communiqué en pièce n°1 par le demandeur).
 
L’article est annoncé en page de couverture, dans un encart bleu en haut à droite, sous le titre « [O] [U] – Alors ça, c’est du french kiss ! », les deux derniers mots étant inscrits en bleu vif. Un sous-titre annonce « La Top a craqué pour [Y] [J], un jeune acteur français ». L’annonce s’inscrit sur une photographie des intéressés marchant dans la rue, [Y] [Z] entourant [O] [U] par les épaules. Une deuxième photographie, en médaillon, est superposée à la première, centrée sur leurs visages, les montrant en train de s’embrasser.
 
La publication querellée, développée en pages 18 à 19, reprend le titre de couverture en lettres capitales roses et noires avec les noms de [Y] [J] et [O] [U] inscrits en lettres blanches sur fond rose. Un sur-titre annonce en blanc sur fond rose vif : « Dîner au restaurant, roses rouges, l’acteur a sorti son meilleur jeu ».
 
En page 19, un chapeau introductif annonce : « De passage à [Localité 6], le mannequin a fait la connaissance du jeune comédien français au cours d’une soirée mémorable… ».  
 
Au sein de l’article, est mis en exergue, inscrite en rose vif, la phrase suivante : « Ils se sont embrassés avec la fougue des premières fois ».
 
L’article litigieux débute en faisant état de la vie sentimentale d’[O] [U] énonçant « Depuis son divorce, la vie amoureuse d’[O] [U] est intense, passionnée et, avec elle, les prétendants défilent toujours à vive allure ». L’article se poursuit par l’énoncé de sa rencontre avec [Y] [J] : « Le 24 octobre, c’est à [Localité 6] que la mannequin américaine de 32 ans a fait la rencontre du comédien français [Y] [J]. Et ce soir-là, sans trop se connaître, [O] et lui avaient visiblement beaucoup de choses à se dire ».
 
L’article donne ensuite des précisions sur leur rencontre « Après avoir dîné au restaurant, ils ont partagé un verre de vin blanc sur un morceau de trottoir, ri aux éclats et se sont embrassés avec la fougue des premières fois jusqu’au bout de la nuit » ainsi que sur les conséquences pour [Y] [J] : « Autant dire que cette toute nouvelle romance avec la top-modèle la plus scrutée de la planète a fait illico basculer le jeune homme dans une autre dimension ».
 
L’article s’achève en énonçant : « Mais avec sa gouaille, son côté showman et sa passion pour la mode (et il est, depuis 2022, le visage de la maison Loewe), [Y], 27 ans, a les bons arguments pour transformer ce flirt d’un soir en une belle histoire. Reste à savoir si le couple tiendra la distance : elle vit à [Localité 5], lui est installé Rive gauche, à [Localité 6]. Mais peu importe la géographie, cette nuit-là, la french touch a fait son petit effet sur [O] ».
 
Est présent en bas de la page 19 un encart sur le parcours professionnel de [Y] [J] accompagné d’une photographie identitaire.
 
L’article est illustré en pages intérieures par quatre photographies vraisemblablement prises au téléobjectif représentant [Y] [J] et [O] [U].
 
La photographie principale présentée en page de couverture (à la seule différence que le bouquet de fleur que tient [O] [U] est visible) est reprise en page 19 et légendée de la manière suivante : « Et soudain, [Y] réalise : grâce au vendeur de roses à la sauvette, il vient de pécho la plus belle fille de la planète ».
 
En page 18, sont présentes trois photographies les présentant en train de discuter et de s’embrasser pour deux d’entre elles (reprenant une des photographies présentes en médaillon en page de couverture). Les sous-titres suivants accompagnent les clichés : « Elle pige pas un mot de français, mais dans quelques secondes, elle va prendre ses cours de langue très au sérieux », « Fumer une clope, boire du vin blanc et rouler une pelle… C’est aussi ça, la french touch ! », « Il n’est donc pas cliché de dire qu’[O] in [Localité 6] est très « cul-cul » ».
 
C’est dans ces conditions qu’a été délivrée la présente assignation.
 
Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image
 
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
 
Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.
 
Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir. 
 
Enfin, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.
 
En l’espèce, le demandeur fait grief à l’article litigieux d’attenter à sa vie privée dès lors que les informations révélées rentrent pleinement dans le cadre de l’intimité de sa vie privée et ne contribuent aucunement à un débat d’intérêt général. Sont ainsi révélées des activités anodines se déroulant loin de tout événement public, l’article brodant également sur le sentiment supposé amoureux ainsi que sur l’intensité du baiser échangé avec [O] [U].
 
La société défenderesse soutient l’existence d’une contestation sérieuse quant à la caractérisation de l’atteinte à la vie privée. Elle fait état de la vidéo, circulant sur Internet avant la parution de l’article, à l’initiative du Daily Mail, dont sont extraites les photographies issues de l’article et en déduit que la scène a été organisée pour faire croire à une prise de vue non consentie. Le doute qui naît ainsi des circonstances dans lesquelles la vidéo a été réalisée est peu compatible avec une condamnation en référé.

 
En l’espèce, la publication litigieuse fait état de la soirée du 24 octobre 2023 passée par le demandeur en compagnie d’[O] [U] donnant des détails sur le déroulé (« Après avoir dîné au restaurant, ils ont partagé un verre de vin blanc sur un morceau de trottoir, ri aux éclats et se sont embrassés avec la fougue des premières fois jusqu’au bout de la nuit ») et faisant des supputations sur son état d’esprit (« cette toute nouvelle romance », « [Y], 27 ans, a les bons arguments pour transformer ce flirt d’un soir en une belle histoire. Reste à savoir si le couple tiendra la distance : elle vit à [Localité 5], lui est installé Rive gauche, à [Localité 6]. Mais peu importe la géographie, cette nuit-là, la french touch a fait son petit effet sur [O] »).

Ces éléments, qui ne relèvent pas de la vie professionnelle du demandeur, ressortent assurément de sa vie privée, et singulièrement de sa vie sentimentale.
Il sera relevé que la publication de ces éléments n’est rendue nécessaire par aucun débat d’intérêt général, est sans rapport avec un évènement d’actualité et ne relève ni de la vie professionnelle ni des activités officielles du demandeur.
 
Les informations données par l’article ne peuvent être considérées comme notoires, le demandeur n’ayant pas communiqué en ce sens. Ainsi, si les informations autour de la soirée passée avec [O] [U] avaient fait l’objet d’une diffusion dans les jours précédant l’article par d’autres médias, [Y] [Z] n’avait pas lui-même communiqué sur ce point.
 
L’atteinte à la vie privée du demandeur se trouve ainsi caractérisée avec l’évidence requise en référé. 

Ces atteintes sont prolongées par l’utilisation de photographies du demandeur, qui viennent accréditer les propos tenus dans l’article, en présentant [Y] [Z] au côté d’[O] [U] à la sortie d’un restaurant, marchant dans la rue et en train de s’embrasser. Contrairement à ce que soutient la société défenderesse, il ne peut se déduire des extraits de la vidéo diffusée par le Daily Mail (Pièce en défense n°1) dont sont issues les photographies de l’article, que [Y] [Z] avait connaissance d’être observé et filmé par un journaliste et qu’il avait ainsi consenti à la réalisation de ces clichés et à leur diffusion. Ni l’attitude du demandeur ou d’[O] [U] ne permettent de considérer qu’ils avaient conscience de la présence du journaliste.
 
Ainsi, ces photographies attentent également aux droits que le demandeur détient sur son image, sans que là non plus, cela ne soit rendu nécessaire par un débat d’intérêt général ou un rapport avec l’actualité.
 
Les atteintes alléguées sont ainsi constituées avec l’évidence requise en référé.

 
Sur les mesures sollicitées
 
Sur la demande d’indemnité provisionnelle
 
En application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable.
 
Si la seule constatation de l’atteinte au respect à la vie privée et au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, le préjudice étant inhérent à ces atteintes, il appartient toutefois au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué ; l’évaluation du préjudice est appréciée de manière concrète, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes, ainsi que des éléments invoqués et établis.
 
Par ailleurs, l’atteinte au respect dû à la vie privée et l’atteinte au droit à l’image constituent des sources de préjudice distinctes, pouvant ouvrir droit à des réparations différenciées, à condition qu’elles soient dissociables.
 
L’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, ni au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause. Cependant, la répétition des atteintes, comme l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat de ce magazine à fort tirage, sont de nature à accroître le préjudice.
 
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts provisionnels, [Y] [Z] fait valoir qu’il a toujours été particulièrement discret quant à sa vie privée et ne fait preuve d’aucune complaisance à l’égard de la presse. Il soutient également que l’article litigieux et les photographies publiées lui portent un préjudice professionnel indiquant qu’il se trouve désormais exclusivement associé à sa relation sentimentale avec une mannequin de renommée internationale comme en témoigne la recherche sur le moteur Google le concernant. Il souligne que sa carrière d’acteur a connu un ralentissement depuis cette révélation ainsi qu’en atteste son agent et que sa carrière de mannequin est susceptible d’être compromise. Il fait enfin état de la large diffusion de Voici qui annonce l’article en page de couverture avec une présentation voyante.
 
La société défenderesse, pour sa part, soutient l’existence d’une contestation sérieuse quant à l’existence du préjudice ainsi que le lien de causalité avec l’article litigieux. Elle conteste ainsi la réalité du préjudice professionnel invoqué en l’absence de pièces le démontrant, la seule attestation produite n’étant pas assez circonstanciée. Elle évoque également la large diffusion des photographies par les médias préalablement à l’article de la publication Voici, cette dernière ne pouvant être considérée comme seule responsable du préjudice qui en résulterait.
 
A titre préalable, il sera relevé que si le préjudice moral causé par la publication en cause est lié à une double atteinte, l’une à la vie privée, l’autre au droit à l’image, il doit être apprécié de manière globale dès lors que ces deux atteintes sont intrinsèquement liées.

En l’espèce, il sera rappelé que les atteintes au respect à la vie privée et au droit à l’image ayant été constatées, le préjudice ne peut faire l’objet d’une contestation sérieuse, contrairement à ce qu’invoque la société défenderesse, mais son étendue doit être évaluée au vu des éléments produits à l’instance.
 
Au cas présent, pour évaluer l’étendue du préjudice moral de [Y] [Z] consécutif à la publication litigieuse, il convient tout d’abord de prendre en compte le fait que l’article, ainsi que le nom de [Y] [Z], sont annoncés dès la page de couverture par des textes à la typographie criarde, propre à attirer l’attention d’un public plus large que celui des seuls acheteurs du magazine.
 
Il y a lieu également de retenir que l’intéressé est particulièrement discret sur sa vie privée et ne s’exprime pas dans les médias à ce propos, aucune complaisance ne pouvant être retenue à son égard.
 
Doit également être pris en compte, pour relativiser le préjudice invoqué, le ton de l’article qui reste bienveillant à l’égard de [Y] [Z] ainsi que l’absence de publication de photographies dégradantes le concernant.
 
Par ailleurs, il doit être pris en considération le fait que cette information quant à cette soirée ainsi que les photographies litigieuses ont fait l’objet d’une large diffusion antérieure par de nombreux médias comme le démontre la société défenderesse (pièces n°1, 4, 6, 7 et 8 en défense) conduisant à relativiser le lien de causalité avec le préjudice allégué.
 
S’agissant plus spécifiquement du préjudice professionnel invoqué, [Y] [Z] produit une attestation de son agent artistique, [B] [C] (pièce n°5 en demande), qui énonce « Ces publications l’ont depuis fortement desservi dans la profession et notamment avec certains réalisateurs qui ne sont désormais plus désireux de tourner avec lui à cause de l’image qu’il renvoie ». Si cette attestation doit être prise en compte, force est de constater qu’elle reste peu circonstanciée et que [Y] [Z] ne produit aucun autre élément pour venir étayer de manière concrète l’impact négatif de cette publication sur son activité professionnelle. Quant à sa carrière de mannequin, et en particulier sur son contrat avec la marque LOEWE, le demandeur ne justifie pas d’un préjudice certain, ne faisant qu’alléguer que cette collaboration pourrait être compromise.
 
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il conviendra d’allouer à [Y] [Z], à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral au stade du référé, la somme provisionnelle de 2 000 euros pour les atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image au sein du magazine Voici n°1874 en date du 3 au 9 novembre 2023.

 
Sur les autres demandes
 
L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il y a en conséquence lieu de condamner la société défenderesse, qui succombe, aux dépens.

 
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
 
Il serait inéquitable de laisser à la charge de [Y] [Z] les frais exposés par lui au titre de la présente procédure, il y a lieu en conséquence de condamner la société PRISMA MEDIA à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
 
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,
 
Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [Y] [Z] la somme provisionnelle de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image au sein du magazine Voici n°1874 en date du 3 au 9 novembre 2023 ;
 
Condamnons la société PRISMA MEDIA à payer à [Y] [Z] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
 
Condamnons la société PRISMA MEDIA aux dépens ;
 
Rappelons que le présent jugement est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

Fait à Paris le 27 mai 2024

Le Greffier,La Présidente,

Minas MAKRISJeanne DOUJON


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x