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Les personnes publiques peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
L’ancien joueur professionnel de rugby, est actuel entraineur de l’équipe de France de rugby a obtenu la condamnation de Prisma Media (Voici) au titre de la publication d’un reportage photo sur sa relation avec une comédienne et chanteuse belge.
Dans son édition n°1873 daté du 27 octobre au 2 novembre 2023, le magazine Voici, édité par la société défenderesse, consacre un article de trois pages illustré de sept photographies à propos du couple que forme le demandeur avec [C] [U].
L’article est annoncé en page de couverture sous le titre « [Y] [M] et [C] [U] SEXY, LEUR TROISIEME MI-TEMPS ! ». Un sous-titre précise « Pour oublier la défaite des Bleus, le sélectionneur du XV de France et l’actrice se sont offert une escapade très nature ! ».
L’annonce s’inscrit sur une photographie occupant les deux tiers de la page de couverture, probablement prise au téléobjectif, et représentant les intéressés souriants, de profil sur une plage, [Y] [M] étant debout et entièrement nu, cachant son sexe de la main droite et donnant sa main gauche à [C] [U], laquelle est assise, poitrine dénudée. Un macaron, mentionnant « PHOTOS EXCLU », est apposé sur la photographie.
Si les limites de la protection instaurée par l’article 9 du code civil, son périmètre, peuvent s’interpréter moins strictement au profit d’une personne que la fonction ou l’activité qu’elle a choisi d’exercer, expose à la notoriété et dès lors à une certaine curiosité du public, il n’en reste pas moins que celle-ci, quelle que soit sa notoriété, est en droit de préserver l’intimité de sa vie privée.
En l’espèce, l’article litigieux fait le récit images à l’appui de plusieurs journées de vacances passées le demandeur « en Normandie » pour « oublier la défaite des Bleus ». L’article indique que [Y] [M] a rejoint « la femme qui partage sa vie depuis près de deux ans, [C] [U] » alors qu’il n’est pas démontré par la défenderesse que cette relation était notoire et qu’au contraire, le demandeur produit un article montrant que l’article litigieux a été l’occasion de lever le mystère qui planait sur celle-ci (pièce n°4 en demande).
L’article détaille l’emploi du temps des intéressés (« elle l’a emmené dans les rues de son village, l’a conduit au bar, au restaurant et même à la plage ») et disgresse sur leurs sentiments (« [Y] restait marqué par la défaite », « la chanteuse […] a tout fait pour lui remonter le moral », « patiemment, tendrement, elle a rendu le sourire à [Y] »).
L’article rapporte ensuite que les intéressés « ont été pris d’une envie subite de se jeter à l’eau » bien que « n’ayant pas prévu de maillot de bain ». L’article précise qu’ils « ont poursuivi leur après-midi sur la plage » étant « heureux d’être ensemble » et conclut en indiquant qu’« après cinq jours […] en Normandie, ils ont dû rentrer à [Localité 6] ».
Ces éléments, qui ne relèvent assurément pas de la vie professionnelle du demandeur, appartiennent à sa vie privée, comme comme révélant la relation existant entre lui et [C] [U], dont la nature n’a pas été rendue publique par les intéressés et faisant la narration des activités qui l’occupent durant ses congés avec sa compagne, à un endroit et à une époque donnés.
S’il n’est pas spécialement contesté que les termes employés ne sont pas particulièrement malveillants vis-à-vis de [Y] [M], et que le reportage s’attache à un moment paisible de son existence, ce seul élément n’est en toute hypothèse pas de nature à leur retirer leur caractère attentatoire à la vie privée dans la mesure où l’article n’a d’autre objet que de satisfaire la curiosité des lecteurs à des fins mercantiles, au détriment du respect de la vie privée de ceux qui y sont mentionnés.
Par ailleurs, la publication de ces éléments n’est rendue nécessaire par aucun débat d’intérêt général et est sans rapport avec un évènement d’actualité.
Au vu de ces éléments, l’atteinte à la vie privée de [Y] [M] se trouve caractérisée avec l’évidence requise en référé.
Il résulte de l’article 835 du code de procédure civile que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.
Ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la même convention. Ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression, ladite publication étant appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s’inscrit.
Le droit à l’information du public s’agissant des personnes publiques, s’étend ainsi d’une part aux éléments relevant de la vie officielle, d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. A l’inverse, les personnes peuvent s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de leur vie professionnelle ou de leurs activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur leur vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Enfin, la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.