Seule l’absence de production d’élément de preuve pertinent sur la répercussion in concreto des publications litigieuses sur la victime d’une atteinte au droit à l’image est de nature à commander une appréciation plus modérée du préjudice subi.
La seule constatation de l’atteinte par voie de presse au respect dû à la vie privée et à l’image ouvre droit à la réparation d’un préjudice qui, comme l’affirme la Cour de cassation, existe par principe et dont l’étendue dépend de l’aptitude du titulaire des droits lésés à éprouver effectivement le dommage. La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient de l’article 9, alinéa 2, du code civil le pouvoir de prendre toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et en réparer les conséquences dommageables, l’évaluation du préjudice étant appréciée au jour où il statue. La demande de dommages et intérêts est fixée selon l’étendue du préjudice moral causé du fait de la publication et doit être appréciée en considération notamment de : – l’objet même des atteintes relevées, qui portent notamment sur sa vie sentimentale et ses sentiments, l’article révélant une rupture amoureuse, ainsi que les causes de celle-ci, informations particulièrement déplaisantes ; – l’ampleur donnée à leur exposition du fait de : – la présentation d’un cliché en gros plan en page de couverture, l’air éprouvé, dans le but de donner du crédit aux informations divulguées ; – la mention d’une “EXCLU” destinée à susciter la curiosité des lecteurs ; – la surface éditoriale consacrée aux atteintes constatées (en couverture et sur quatre pages intérieures) ; – l’importance de la diffusion du magazine litigieux, qui jouit d’une large visibilité et touche un public nombreux, étant précisé à ce titre que si l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause, l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat d’un magazine sont de nature à accroître le préjudice ; – l’accessibilité à la vente du magazine sur Internet ; – l’existence de plusieurs décisions de condamnation de la société fautive consécutivement à des atteintes de même nature, notamment au cours des dernières années, témoignant de sa volonté de faire de la vie sentimentale un véritable feuilleton, cet élément étant de nature à alimenter le sentiment d’impuissance dont il fait état à voir ses droits respectés ; – la captation de clichés photographiques d’illustration représentant l’intéressé dans un moment d’intimité, en lui-même générateur d’un trouble par l’intrusion qu’il opère dans un moment de vie privée, le caractère public du lieu de fixation ne pouvant être regardé comme propre à annihiler le préjudice en résultant. |
Résumé de l’affaire : La société Reworld Media Magazines, éditrice de l’hebdomadaire Closer, a publié dans son numéro 934 un article sur [Z] [F] et [J] [W], illustré par des photographies des deux personnes. [J] [W] a assigné la société en justice pour atteintes à ses droits de la personnalité, demandant des dommages et intérêts pour violation de sa vie privée et de son droit à l’image, ainsi que la publication d’un communiqué de condamnation dans le magazine. Il a soutenu que l’article portait atteinte à sa vie privée en relatant des détails intimes de sa relation avec [Z] [F] et en publiant des photos prises à son insu. La société Reworld Media Magazines a contesté les allégations, affirmant que l’article ne faisait que relater des informations déjà publiques et que la compagne de [J] [W] avait montré une complaisance envers les médias. Le tribunal a finalement condamné la société à verser des sommes réduites à [J] [W] pour préjudice moral, tout en déboutant une partie de ses demandes.
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Q/R juridiques soulevées :
Sommaire Quelles sont les atteintes aux droits de la personnalité invoquées par [J] [W] ?Les atteintes aux droits de la personnalité invoquées par [J] [W] se fondent sur l’article 9 du Code civil, qui stipule que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Dans ce cas, [J] [W] soutient que la publication d’un article dans le magazine Closer, qui traite de sa vie sentimentale et de sa rupture avec [Z] [F], constitue une atteinte à sa vie privée. Il fait également valoir que les photographies publiées, prises à son insu, portent atteinte à son droit à l’image, qui est également protégé par l’article 9 du Code civil. Ces atteintes sont aggravées par le fait que l’article a été largement diffusé, ce qui a amplifié le préjudice subi par [J] [W]. En effet, l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme garantit également le respect de la vie privée, et le juge doit rechercher un équilibre entre le droit à l’information et le respect de la vie privée. Ainsi, la combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public, notamment pour les personnes publiques, aux éléments relevant de leur vie officielle. Quels sont les fondements juridiques des demandes de dommages et intérêts de [J] [W] ?Les demandes de dommages et intérêts de [J] [W] reposent sur plusieurs fondements juridiques, notamment l’article 9 du Code civil et l’article 700 du Code de procédure civile. L’article 9 du Code civil, qui protège la vie privée, permet à une personne de demander réparation en cas d’atteinte à ses droits de la personnalité. En l’espèce, [J] [W] demande 40 000 euros pour la violation de sa vie privée et 20 000 euros pour la violation de son droit à l’image. La jurisprudence a établi que la seule constatation d’une atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation, le préjudice étant présumé. De plus, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’accorder une indemnité pour couvrir les frais de justice, ce qui est également demandé par [J] [W] à hauteur de 3 500 euros. Le juge appréciera l’étendue du préjudice en tenant compte de divers éléments, tels que la nature des atteintes, leur ampleur, et la réitération des atteintes par la société Reworld Media Magazines. Comment le tribunal évalue-t-il le préjudice moral subi par [J] [W] ?Le tribunal évalue le préjudice moral subi par [J] [W] en tenant compte de plusieurs critères, conformément à la jurisprudence et aux dispositions du Code civil. Il s’agit notamment de l’objet des atteintes, qui portent sur des aspects intimes de sa vie sentimentale, ainsi que de l’ampleur de la diffusion de l’article. Le tribunal considère également la présentation des clichés, qui ont été pris à son insu, et l’impact de la publication sur la réputation et la dignité de [J] [W]. L’article 9, alinéa 2, du Code civil confère au juge le pouvoir de prendre toutes mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte et réparer les conséquences dommageables. Dans ce cas, le tribunal a alloué 5 000 euros pour le préjudice moral lié à la vie privée et 1 000 euros pour le droit à l’image, en tenant compte de l’importance de la visibilité du magazine et de la réitération des atteintes. Il est important de noter que le préjudice est évalué au jour où le tribunal statue, et non au moment de la publication. Quelles sont les implications de la liberté d’expression dans ce litige ?La liberté d’expression, garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, joue un rôle crucial dans ce litige. Cependant, cette liberté n’est pas absolue et doit être mise en balance avec le respect des droits de la personnalité, tels que le droit à la vie privée et le droit à l’image, protégés par l’article 9 du Code civil. Le tribunal doit donc rechercher un équilibre entre le droit à l’information du public et le respect de la vie privée des individus. Dans ce cas, la société Reworld Media Magazines a soutenu que l’article relevait de la liberté d’expression et du style journalistique, mais le tribunal a jugé que les informations divulguées ne relevaient pas d’un débat d’intérêt général. Ainsi, la publication d’informations sur la vie privée de [J] [W] et [Z] [F] a été considérée comme une atteinte à leur vie privée, ce qui a conduit à la condamnation de la société. Le tribunal a également noté que la liberté d’expression ne peut justifier des atteintes disproportionnées aux droits de la personnalité, ce qui a conduit à la décision de condamner la société à verser des dommages et intérêts. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
1ère Chambre
JUGEMENT RENDU LE
11 Septembre 2024
N° RG 23/07149 – N° Portalis DB3R-W-B7H-YYKX
N° Minute :
AFFAIRE
[J] [W]
C/
S.A.S. REWORLD MEDIA MAGAZINES
Copies délivrées le :
DEMANDEUR
Monsieur [J] [W]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Angélique LAMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1671
DEFENDERESSE
S.A.S. REWORLD MEDIA MAGAZINES
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Delphine PANDO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R204
L’affaire a été débattue le 15 Mai 2024 en audience publique devant le tribunal composé de :
Sandrine GIL, 1ère Vice-présidente
Quentin SIEGRIST, Vice-président
Alix FLEURIET, Vice-présidente
qui en ont délibéré.
Greffier lors du prononcé : Henry SARIA, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné le 09 Septembre 2024.
La société Reworld Media Magazines est éditrice de l’hebdomadaire Closer.
Dans le cadre de cette activité, elle a dans le magazine Closer n° 934, paru du 5 au 11 mai 2023, consacré à [Z] [F] et [J] [W] un article illustré par plusieurs photographies les représentant.
[J] [W] a, par acte d’huissier de justice du 5 septembre 2023, fait assigner la société Reworld Media Magazines, devant le tribunal judiciaire de Nanterre, afin d’obtenir réparation d’atteintes aux droits de la personnalité qu’il estime avoir subies du fait de la publication de cet article.
Aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 2 avril 2024, [J] [W] demande au tribunal, au visa de l’article 9 du code civile et de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, de :
– condamner la société Reworld Media Magazines à lui payer la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la violation de sa vie privée,
– condamner la société Reworld Media Magazines à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la violation du droit dont elle dispose sur son image,
– ordonner la publication aux frais exclusifs de la société Reworld Media Magazines dans le plus prochain numéro de l’édition papier du magazine Closer qui suivra le prononcé du jugement à venir, sous astreinte provisoire de 15 000 euros par semaine de retard, du communiqué suivant dans un encadré de couleur noire sur fond blanc qui ne pourra être inférieur à 12 centimètre de hauteur :
« CLOSER CONDAMNÉ – Par ordonnance en date du (x), le Président du Tribunal Judiciaire de Nanterre a condamné la société REWOLRD MEDIA MAGAZINES, éditrice du magazine Closer, pour avoir porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit à l’image de [J] [W], dans un article annoncé en page de couverture, illustré de plusieurs clichés photographiques le représentant et, publié dans le numéro 934 de cet hebdomadaire daté du 5 au 11 mai 2023 ».
– dire qu’il sera procédé à cette publication, en dehors de toute mention ajoutée et sans cache couvrant tout ou partie du communiqué, en page de couverture du magazine Closer, dans un encadré de couleur noire de douze centimètres de hauteur sur fond blanc occupant, sur toute sa largeur, la moitié inférieure de la page, et d’une dimension permettant de contenir l’intégralité du communiqué, en caractères majuscules, gras et noirs, de 0.8 centimètre ou plus de hauteur, sous le titre, lui-même en caractères majuscules gras et noirs, de 1.5centimètre de hauteur : « CLOSER CONDAMNE A LA DEMANDE DE [Z] [F] »,
– ordonner à la société Reworld Media Magazines de ne pas publier sur quelque support que ce soit appartenant à la société d’édition les clichés publiés au soutien de la couverture du magazine litigieux, ainsi qu’en page n°12,
– condamner la société Reworld Media Magazines à lui payer une indemnité de procédure de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Reworld Media Magazines aux entiers dépens que Me Lamy pourra recouvrer.
[J] [W] soutient qu’en dissertant sur sa rencontre avec [Z] [F], leur histoire d’amour et les circonstances ayant prévalu à leur rupture, ainsi qu’en spéculant sur ses sentiments et en relatant le fait qu’il aurait prétendument organisé une rencontre entre son ancienne compagne et [B], l’article qui lui est consacré dans le magazine Closer n° 934 porte atteinte à sa vie privée ; que la publication de photographies prises à son insu, le représentant dans un moment relevant de son intimité, prolonge cette atteinte tout en portant atteinte au droit dont il dispose sur son image.
Il souligne en outre sa particulière discrétion, ainsi que celle de [Z] [F] et réfute le fait que la curiosité suscitée autour de leur relation, du fait de la prétendue complaisance de cette dernière, serait de nature à amoindrir le préjudice dont il souffre du fait de la publication de l’article litigieux.
Il fait également état de la réitération des atteintes portées à ses droits de la personnalité par le magazine Closer, ainsi que du sentiment d’impuissance qui l’accable face à cette réitération, et ce en dépit des condamnations déjà prononcées à l’encontre de la société Reworld Media Magazines. Et il rappelle que l’article est annoncé de manière tapageuse en page de couverture du magazine Closer, diffusé à grande échelle et accessible à l’achat en ligne.
Aux termes de ses écritures notifiées par la voie électronique le 8 janvier 2024, la société Reworld Media Magazines demande au tribunal de :
– évaluer a minima le prétendu préjudice allégué par le demandeur,
– le débouter du surplus de ses demandes,
– condamner [J] [W] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Delphine Pando, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Reworld Media Magazines soutient que l’article en cause ne fait que reprendre l’information selon laquelle [Z] [F] serait séparée de [J] [W], révélée au cours du mois de février 2023 par le magazine Public, et que l’existence même de cette relation avait été dévoilée dès le mois de mars 2020, par le magazine Voici. Elle ajoute que, pour le surplus, “tant l’article que le ton convenu de celui-ci relèvent de la liberté d’expression et du style journalistique de la rédaction du magazine et ne sauraient être considérés comme intrusifs et attentatoires à la vie privée de la demanderesse”.
Elle oppose en outre au demandeur la complaisance marquée de sa compagne à l’égard des médias et partant la curiosité évidente qu’elle suscite et souligne l’absence de production par ce dernier d’éléments permettant d’apprécier l’étendue du prétendu préjudice dont il se plaint.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour le plus complet exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 mai 2024.
Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l’article 467 du code de procédure civile.
La publication litigieuse
L’hebdomadaire Closer n° 934 du 5 au 11 mai 2023 consacre à [Z] [F] et à [J] [W] un article de quatre pages, annoncé en couverture sous le titre « [Z] [F] – Elle a décidé de quitter [J] ! » barrant une photographie occupant la quasi-totalité de la page, représentant [Z] [F] l’air fatigué et les yeux rougis, cliché frappé du macaron « Exclu Closer » et sur laquelle apparaît en surimpression une seconde photographie de plus petite taille figurant [J] [W] en train de téléphoner.
Développé en pages intérieures 12 à 15 sous le titre « [Z] [F] – Libérée depuis qu’elle a quitté [J] ! » et le chapô « Leur amour aura duré trois ans. [Z] [F] a rompu avec l’homme d’affaires et producteur marseillais [J] [W]. Entière, passionnée, prête à larguer les amarres, elle ne pouvait se contenter d’une amourette TGV. La voilà à nouveau prête à se réinventer », l’article est ainsi rédigé :
« Jamais ils n’habiteront cette villa surplombant la mer, dans le massif des Calanques, dont [Z] rêvait. Mais [J], rétif à l’engagement, n’a jamais cherché, vraiment, un toit pour deux. Refroidie par l’attitude de son compagnon, l’actrice a, selon nos informations, préféré mettre un terme à leur histoire. Fusionnelle, exclusive, [Z] n’en pouvait plus de ces allers-retours [Localité 8]-[Localité 6] en train, de cette logique à sens unique, de ce côté charmeur qui l’avait tant séduite et que [J], enjôleur, offrait désormais au monde entier. Fragilisée par des choix artistiques osés et l’échec de ses deux derniers films, [Z] a mis sa carrière sur pause. Lui, directeur de quatre salles de spectacles à [Localité 8] (…) a multiplié les projets. Elle, à l’écart du showbiz, était en demande d’attention. Lui, investi à 100 % dans son travail, s’est montré incapable de construire un nid douillet. C’est en larmes que [Z] a demandé une dernière fois à son amant, lors d’un dîner parisien, de s’engager. Le play-boy à l’accent chantant lui a opposé une fin de non-recevoir. Ce déséquilibre a eu raison de leur couple.
Selon nos sources, [Z] [F] vient d’annoncer la rupture à ses proches. Pourtant, [J] [W] (…) n’a pas toujours freiné des quatre fers. Lors de leur rencontre professionnelle, à l’automne 2019, ce natif de [Localité 6] lui propose d’enflammer ses planches. La belle brune s’embrase, charmée par la fougue et la force de caractère de ce dandy érudit. Les amoureux en herbe passent le confinement sur les hauteurs de la cité phocéenne, dans la magnifique maison de ce fan de foot et créateur du club [7]. Tendre, bienveillant, [J] soutient sa compagne dans les épreuves, notamment la mort de son père, [N], en octobre 2020. Epanoui avec ce gaillard féru de culture comme de nature, l’actrice, qui a toujours écouté son coeur, souhaite passer à la vitesse supérieure.
Cette Antigone veut tout, tout de suite, et ne conçoit le bonheur que s’il est ardent. Quand les sentiments tiédissent, elle arrête. (…) Dépendre du désir d’un autre paraît inconcevable à cette instinctive qui vibre intensément et se moque des critiques. (…) Resplendissante face au temps qui passe, elle dit avoir “l’énergie d’une teenager” et “aucune peur” ! La preuve : fraîchement séparée, [Z] n’a pas hésité à demander un service à son ex. Lors de la venue d’[B] à [Localité 8], le 25 avril, [J], qui organisait le show de la star de 83 ans à la [9], a aussi arrangé, au restaurant, une entrevue à l’actrice qui voulait se rapprocher de son idole, et pourquoi pas lui proposer ses services ! C’est maîtresse de son destin que [Z] a choisi d’être célibataire (…) ».
L’article est illustré par quatre photographies représentant [Z] [F] :
– la première représente [Z] [F] posant au Salon du livre de [Localité 8], où elle présentait [Localité 5], son recueil de poésies,
– la deuxième est identique au cliché figurant en page de couverture,
– la troisième la représente posant à côté de son fils, lors d’un événement public,
– la quatrième, issue de la même série que la deuxième, la figure l’air fatigué et songeur, les yeux rougis.
Quant à [J] [W], il apparaît sur une photographie identique à celle figurant en page de couverture, mais en plan inversé.
Les atteintes à la vie privée et au droit à l’image
Les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil garantissent à toute personne, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, le respect de sa vie privée et de son image. L’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit l’exercice du droit à l’information des organes de presse dans le respect du droit des tiers.
Les droit et liberté ainsi énoncés ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre eux et de privilégier, le cas échéant, la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.
La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général. Ainsi chacun peut s’opposer à la divulgation d’informations ou d’images ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.
Les informations ici diffusés entrent dans le champ de la protection de la vie privée instituée par les textes précités pour évoquer la rupture de la relation sentimentale qu’entretenaient [Z] [F] et [J] [W], ses causes, ainsi que les circonstances dans lesquelles elle est survenue, outre le contexte de leur rencontre et les sentiments éprouvés par chacun d’eux.
La société éditrice soutient, pour faire échec aux demandes de [J] [W], que la rupture évoquée dans l’article avait été antérieurement révélée par un article publié dans le magazine Public le 24 février 2023.
Or, ladite information ne saurait être considérée comme notoire, sa révélation par le magazine précité constituant selon l’intéressé une atteinte portée à sa vie privée, ce qui n’est pas remis en cause par la société défenderesse.
Il en va de même de l’article publié dans le magazine Voici daté du 13 mars 2020, révélant la relation sentimentale entre [Z] [F] et [J] [W], pour la publication duquel la société éditrice a été condamnée par ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Nanterre le 29 octobre 2020, pour avoir porté atteinte à la vie privée de la demanderesse.
Ainsi, il nullement démontré que les informations précitées, révélées par l’article litigieux, émaneraient de [Z] [F] ou de [J] [W], ni qu’elles relèvent d’un débat d’intérêt général ou d’un sujet d’actualité, de sorte que la société éditrice a porté atteinte au respect dû à leur vie privée.
En outre, l’illustration de l’article paru dans le magazine Closer par deux clichés volés, porte atteinte au droit dont il dispose sur son image, sans que cela soit rendu nécessaire là encore par un débat d’intérêt général ou l’évocation d’un fait d’actualité.
Le préjudice et les mesures de réparation
La seule constatation de l’atteinte par voie de presse au respect dû à la vie privée et à l’image ouvre droit à la réparation d’un préjudice qui, comme l’affirme la Cour de cassation, existe par principe et dont l’étendue dépend de l’aptitude du titulaire des droits lésés à éprouver effectivement le dommage.
La forme de la réparation est laissée à la libre appréciation du juge, qui tient de l’article 9, alinéa 2, du code civil le pouvoir de prendre toutes mesures propres à empêcher ou à faire cesser l’atteinte et en réparer les conséquences dommageables, l’évaluation du préjudice étant appréciée au jour où il statue.
La demande de dommages et intérêts
En l’espèce, l’étendue du préjudice moral causé à [J] [W] du fait de la publication dans le magazine Closer n° 934, doit être appréciée en considération notamment de :
– l’objet même des atteintes relevées, qui portent notamment sur sa vie sentimentale et ses sentiments, l’article révélant une rupture amoureuse, ainsi que les causes de celle-ci, informations particulièrement déplaisantes ;
– l’ampleur donnée à leur exposition du fait de :
* la présentation d’un cliché représentant [Z] [F] en gros plan en page de couverture, l’air éprouvé, dans le but de donner du crédit aux informations divulguées ;
* la mention d’une “EXCLU CLOSER” destinée à susciter la curiosité des lecteurs ;
*la surface éditoriale consacrée aux atteintes constatées (en couverture et sur quatre pages intérieures) ;
*l’importance de la diffusion du magazine litigieux, qui jouit d’une large visibilité et touche un public nombreux, étant précisé à ce titre que si l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas au chiffre d’affaires réalisé par l’éditeur de l’organe de presse en cause, l’étendue de la divulgation et l’importance du lectorat d’un magazine sont de nature à accroître le préjudice ;
* l’accessibilité à la vente du magazine sur le site Internet “ePresse.fr” ;
– l’existence de plusieurs décisions de condamnation de la société Reworld Media Magazines consécutivement à des atteintes de même nature portées à son égard par le magazine Closer, notamment au cours des dernières années, témoignant de sa volonté de faire de la vie sentimentale de [J] [W] et de [Z] [F] un véritable feuilleton, cet élément étant de nature à alimenter le sentiment d’impuissance dont il fait état à voir ses droits respectés ;
– la captation de clichés photographiques d’illustration représentant l’intéressé dans un moment d’intimité, en lui-même générateur d’un trouble par l’intrusion qu’il opère dans un moment de vie privée, le caractère public du lieu de fixation ne pouvant être regardé comme propre à annihiler le préjudice en résultant.
La société Reworld Media Magazines oppose à [J] [W] la notoriété et la complaisance caractérisée de [Z] [F] à l’égard des médias, soutenant qu’elle suscite une évidente curiosité du public.
Or, d’une part, s’il pouvait légitimement s’attendre, compte de la célébrité de [Z] [F], à attirer l’attention du public, il n’en résulte aucunement que la souffrance qu’il éprouve à voir des atteintes portées à ses droits de la personnalité serait de plus faible intensité.
D’autre part, la complaisance de [Z] [F] à l’égard des médias, à la supposer établie, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ne démontre pas davantage une moindre aptitude du demandeur à éprouver le dommage causé par l’atteinte à ses droits de la personnalité, lequel doit être apprécié en sa personne, la société défenderesse ne démontrant, ici, aucune complaisance de sa part.
Par ailleurs, s’il est exact que l’annonce de la rupture entre [Z] [F] et [J] [W] avait déjà été dévoilée par le magazine Public n° 1024 paru en février 2023, force est de constater que la présente publication apporte des détails sur les causes et les circonstances de cette séparation, qui d’une part, n’avaient pas été relatées dans l’article publié dans le magazine Public n° 1024, et d’autre part, donnent une coloration plus désagréable à la présente publication (“C’est en larmes que [Z] a demandé une dernière fois à son amant, lors d’un dîner parisien, de s’engager”, “le play-boy (…) lui a opposé une fin de non-recevoir”). Cette circonstance n’est donc pas de nature à minorer le préjudice subi par le demandeur.
Ainsi, seule l’absence de production d’élément de preuve pertinent sur la répercussion in concreto des publications litigieuses sur l’intéressé est de nature à commander une appréciation plus modérée du préjudice subi.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient d’allouer à [J] [W] les sommes de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi à la suite de l’atteinte portée à sa vie privée et 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi à la suite de l’atteinte portée à son droit à l’image, en raison de la publication de l’article dans l’hebdomadaire Closer n° 934 du 5 au 11 mai 2023.
La demande d’interdiction de toute nouvelle diffusion des photographies publiées dans le magazine Closer n° 934
Il convient de rappeler que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que constituent les réparations civiles que dans les cas où celles-ci, prévues par la loi et poursuivant un but légitime dans une société démocratique, constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de cette liberté.
En l’espèce, [J] [W] sollicite des dommages et intérêts pour réparer l’atteinte faite à sa vie privée et à son droit à l’image, sur lesquelles il a été statué, de sorte que la mesure sollicitée constitue une réparation complémentaire du préjudice subi.
Or et d’une part, l’illiceité de la reproduction de clichés, même pris à l’insu de la personne y figurant, dépend intrinsèquement du contexte de leur publication, et s’il a été retenu que la reproduction des clichés en cause dans l’article litigieux constitue une atteinte aux droits de la partie demanderesse, il ne peut être préjugé, en droit, du fait que ceux-ci ne pourront pas être utilisés afin d’illustrer, licitement, un article à paraître, dans les conditions préalablement énoncées, notamment en présence d’un fait d’actualité ou d’un débat d’intérêt général.
D’autre part, la seule limite absolue et intangible à cette possibilité réside dans la protection de la dignité humaine, à laquelle le cliché en cause ne porte pas atteinte.
Ainsi, cette demande d’interdiction de toute nouvelle diffusion des photographies litigieuses apparaît disproportionnée, étant toutefois observé que la société défenderesse s’expose à de possibles nouvelles condamnations en cas d’atteintes réitérées aux droits de la personnalité de la partie demanderesse.
La demande de publication judiciaire
Il convient de rappeler que la liberté d’expression ne peut être soumise à des ingérences que constituent les réparations civiles que dans les cas où celles-ci, prévues par la loi et poursuivant un but légitime dans une société démocratique, constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de cette liberté.
En l’espèce, [J] [W] sollicite des dommages et intérêts pour réparer l’atteinte faite à sa vie privée et à son droit à l’image, sur lesquelles il a été statué, de sorte que la mesure sollicitée constitue une réparation complémentaire du préjudice subi.
Dès lors, et sans qu’il y ait lieu de procéder à l’analyse du caractère proportionné d’une telle mesure, il y a lieu de juger en l’espèce que le préjudice non sérieusement contestable est suffisamment réparé par les sommes octroyées et qu’en conséquence cette demande ne sera pas ordonnée, n’étant pas nécessaire.
Les demandes accessoires
La société Reworld Media Magazines, partie perdante, est condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à [J] [W] la somme 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit, conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile.
Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Condamne la société Reworld Media Magazines à payer à M. [J] [W] la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée du fait de la publication d’un article dans le magazine Closer n° 934, paru du 5 au 11 mai 2023,
Condamne la société Reworld Media Magazines à payer à M. [J] [W] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à son droit à l’image du fait de la publication de photographies le représentant dans le magazine Closer n° 934, paru du 5 au 11 mai 2023,
Déboute M. [J] [W] du surplus de ses demandes en réparation de son préjudice,
Condamne la société Reworld Media Magazines à payer à M. [J] [W] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Reworld Media Magazines aux dépens, dont distraction au profit de Me Lamy en application de l’article 699 du code de procédure civile,
Rappelle que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Jugement signé par Sandrine GIL, 1ère Vice-présidente et par Henry SARIA, Greffier présent lors du prononcé .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT