Atteinte à la présomption d’innocence : le conditionnel ne suffit pas

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Atteinte à la présomption d’innocence : le conditionnel ne suffit pas
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Dans le cadre du traitement des plaintes pénales pour harcèlement sexuel des personnalités publiques,
l’utilisation du conditionnel ne suffit pas à écarter l’atteinte à la présomption d’innocence.

L’atteinte à la présomption d’innocence peut être retenue en raison du jeu des tournures de phrases, de l’intensité donnée aux propos, et du manque de nuance d’un article de presse.

En la cause, si l’auteure a recours au conditionnel, et qu’il est mentionné que l’intéressé demeure “présumé innocent”, au terme de l’article litigieux de février 2024, ces éléments ne permettent pas de rétablir l’équilibre entre présomption d’innocence et journalisme judiciaire.

Dès lors, il apparaît clairement que l’intéressé est d’ores et déjà présenté comme coupable des faits qui lui sont reprochés (harcèlement sexuel), et que la deuxième condition est caractérisée.

En l’espèce, il résulte de l’article 9-1 du code civil, que pour être fondée, la réunion de trois conditions visant la personne incriminée est nécessaire :

– avant toute condamnation ;
– présentée publiquement comme étant coupable de faits ;
– faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire.

Il est constant que l’atteinte à la présomption d’innocence est définie comme celle qui contient « des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité »

En outre, l’existence d’une procédure pénale doit être notoire ou, si elle ne l’est pas, résulter de la publication dont le demandeur prétend qu’elle porte atteinte à la présomption de son innocence.

Selon l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

Aux termes de l’article 9-1 du Code civil, « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.

Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »

Aux termes de l’article 835 du Code de procédure civile, « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Concernant la balance des intérêts et le principe de proportionnalité, selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Cet article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

Il est constant que « le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

Cette mise en balance doit être effectuée en considération, notamment, de la teneur de l’expression litigieuse, sa contribution à un débat d’intérêt général, l’influence qu’elle peut avoir sur la conduite de la procédure pénale et la proportionnalité de la mesure demandée »

Monsieur [S] [B] a été chef de service en neurochirurgie au CHU de [Localité 4] de novembre 2011 à janvier 2023, puis chef du service de neurosciences de juillet 2019 à octobre 2023. Le 12 octobre 2023, une plainte pour harcèlement moral a été déposée contre lui par l’Intersyndicale nationale des internes. Deux articles publiés par le journal PARIS MATCH, rédigés par Madame [X] [W], en janvier et février 2024, ont conduit Monsieur [B] à porter plainte pour diffamation le 8 mars 2024. Il a également cité la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] pour atteinte à sa présomption d’innocence, demandant des réparations financières et la publication d’un communiqué judiciaire. Le 14 juin 2024, le juge des référés a renvoyé l’affaire à une audience prévue le 17 juillet 2024, où Monsieur [B] a maintenu ses demandes. En réponse, LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] ont contesté l’assignation et demandé le rejet des demandes de Monsieur [B], tout en sollicitant des dommages pour procédure abusive. L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 30 août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 août 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n°
24/00256
RE F E R E

Du 30 Août 2024

N° RG 24/00256 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K3M6
14E

c par le RPVA
le
à

Me Christophe BIGOT, Me Pascal ROBIN, Me Jérôme STEPHAN

– copie dossier

Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Jérôme STEPHAN

Expédition délivrée le:
à

Me Pascal ROBIN,

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEUR AU REFERE:

Monsieur [S] [B], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jérôme STEPHAN, avocat au barreau de RENNES

DEFENDEURS AU REFERE:

S.A.S.U. LAGARDERE MEDIA NEWS pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Pascal ROBIN, avocat au barreau de RENNES, Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS

Madame [X] [W], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pascal ROBIN, avocat au barreau de RENNES, Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS

LE PRESIDENT: Béatrice RIVAIL, Présidente du tribunal judiciaire

LE GREFFIER: Graciane GILET, greffier, lors des débats et Claire LAMENDOUR, greffier, lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DEBATS: à l’audience publique du 17 Juillet 2024,

ORDONNANCE: contradictoire, prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 30 Août 2024, date indiquée à l’issue des débats

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

EXPOSE DU LITIGE
 
Monsieur [S] [B] a exercé les fonctions de chef de service au sein du service de neurochirurgie du CHU de [Localité 4] entre le 02 novembre 2011 et le 1er janvier 2023.

Il a également été le chef du service de neurosciences du mois de juillet 2019 au mois d’octobre 2023.
 
Une plainte a été déposée par l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) le 12 octobre 2023 à l’encontre de Monsieur [B] pour des faits de harcèlement moral au travail (pièce n°11.3 – demandeur).
 
Dans l’édition du 04 au 10 janvier 2024, le journal PARIS MATCH, édité par la société LAGARDERE MEDIA NEWS publiait en son numéro 3896 un article intitulé « Requiem au CHU de [Localité 4] », rédigé par Madame [X] [W],
 
Dans l’édition du 1er au 07 février 2024, le même journal en son numéro 3900 publiait un second article intitulé « CHU de [Localité 4], l’onde de choc », rédigé par Madame [W].
 
Monsieur [B] déposait plainte avec constitution de partie civile le 08 mars 2024 à l’encontre de la société LAGARDERE MEDIA NEWS et de Madame [W] du chef de diffamation publique envers un particulier à la suite de la publication de ces deux articles.
 
Par actes de commissaire de justice séparés en date du 18 mars 2024, Monsieur [S] [B] a fait citer la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] sur le fondement des articles 835 du Code de procédure civile et 9-1 du Code civil aux fins de :
– constater que Madame [W] et le journal PARIS MATCH, par la rédaction et la publication de deux articles respectivement intitulés « Requiem au CHU de [Localité 4] » paru dans le numéro 3896, édition du 04 au 10 janvier 2024, et « CHU de [Localité 4], l’onde de choc », paru dans le numéro 39000, édition du 1er au 07 février 2024, ont porté atteinte à la présomption d’innocence de Monsieur [B] ;
– ordonner la diffusion d’un communiqué judicaire reprenant le dispositif de l’ordonnance à intervenir au sein du prochain numéro à paraitre du magazine Paris Match, aux frais de Madame [W] et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS, éditeur du journal ;
-condamner Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS à verser solidairement à Monsieur [B] la somme de 10.000 euros à titre de provision à faire valoir sur son entier préjudice ;
-condamner Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS à verser solidairement à Monsieur [B] la somme de 2 500 euros chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile.
 
Par décision en date du 14 juin 2024, le Juge des référés du Tribunal judiciaire de Rennes, a rendu une ordonnance de renvoi à l’audience du 17 juillet 2024.

Par conclusions déposées par RPVA le 16 juillet 2024, et soutenues oralement à l’audience utile du 17 juillet 2024, Monsieur [S] [B], représenté par son conseil, a maintenu ses demandes, et sollicité le rejet de toutes les demandes de Madame [W] et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS, formulées à titre reconventionnel.
 
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience utile du 17 juillet 2024, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W], représentées par leur conseil, ont demandé au juge des référés de bien vouloir :
– in limine litis, déclarer nulle ou à tout le moins irrecevable l’assignation introductive d’instance notifiée le 18 mars 2024 ;
– à titre principal, dire n’y avoir lieu à référé et en conséquence, débouter Monsieur [B] de l’intégralité de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, juger que le préjudice éventuellement subi ne saurait être évalué à une somme supérieure à l’euro symbolique ;
– en toutes hypothèses :
– rejeter la demande de publication d’un communiqué judicaire dans le prochain numéro à paraitre du journal Paris Match ;
– condamner Monsieur [B] à verser à Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS, la somme de 5 000 euros à titre de provision pour procédure abusive sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ;
– condamner Monsieur [B] au paiement d’une somme de 3 000 euros chacune à Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
Conformément aux articles 446-1 et 455 du Code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits et de la procédure, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et développées oralement à l’audience utile précitée.
 
Par suite, l’affaire a été mise en délibéré au 30 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION
 
Sur l’exception de nullité :
 
Sur la validité de l’exception de nullité
           
Aux termes de l’article 112 du code de procédure civile, « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »
 
Aux termes de l’article 113 du code de procédure civile, « Tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été. »
 
Aux termes de l’article 446-1 du code de procédure civile, « Les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien ».
 
Il est constant qu’en matière de procédure orale, les exceptions de procédure doivent être soulevées dès l’ouverture des débats, étant précisé toutefois que la notification par RPVA de conclusions au fond avant l’audience des plaidoiries ne rend pas irrecevable les exceptions de procédure soulevées pour la première fois le jour de l’audience.

En l’espèce, Monsieur [B] relève que l’exception de nullité n’a pas été soulevée avant toute défense au fond, et dès lors, ne saurait prospérer.

La société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] ne concluent pas sur ce point.
 
Or, il résulte de l’examen de la note d’audience tenue par Madame la greffière que la nullité de l’assignation tirée du non-respect des dispositions de l’article 53 de la loi sur la liberté de la presse a été soulevée dès l’ouverture des débats à l’audience des référés. La transmission des conclusions au fond par RPVA avant l’audience est sans incidence, puisqu’il s’agit d’une procédure orale.

Dès lors, l’exception de nullité soulevée par la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] a bien été invoquée avant toute défense au fond.
 
Sur le non-respect des dispositions de l’article 53 de la loi sur la liberté de la presse
 
Aux termes de l’article 53 de la loi de la presse : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.
Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.
Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite. »
 
Toutefois, les règles de forme de l’article 53 de la loi de la presse ne s’appliquent pas à l’assignation visant une atteinte à la présomption d’innocence sur le fondement de l’article 9-1 du Code civil.
 
En l’espèce, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] soulèvent la nullité de l’acte introductif d’instance délivré le 18 mars 2024 au motif qu’il ne comporte pas les mentions obligatoires prévues par l’article 53 de la loi de la presse.
 
Monsieur [B] ne conclut pas sur ce point.
 
L’action entreprise par Monsieur [B] est explicitement fondée sur les dispositions de l’article 9-1 du Code civil, de sorte qu’il n’était pas tenu, dans son assignation, de préciser et qualifier le fait incriminé, ni d’indiquer le texte de loi applicable à la poursuite en application de l’article 53 précité.
 
Par conséquent, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] seront déboutées de leur demande en nullité de l’acte introductif d’instance.
 
Sur les fins de non-recevoir alléguées par les défenderesses :
 
Selon l’article 122 du Code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
 
Aux termes de l’article 9-1 du Code civil, « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.
Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
 
Aux termes de l’article 29 de la loi sur la liberté de la presse, « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
 
Il est constant que « l’auteur de l’action civile qui est fondée sur le délit de diffamation et est exercée devant le juge pénal ne peut plus agir en réparation devant le juge civil en raison des mêmes faits sur le fondement de l’article 9-1 du code civil »; toutefois,  ce ne saurait être le cas en matière de référé lorsque le demandeur « n’agit pas en réparation mais se borne à solliciter des mesures en vue de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence ».

Il en résulte que si le demandeur est autorisé à poursuivre en diffamation, puis à introduire ensuite un référé fondé sur l’article 9-1 du Code civil pour les mêmes faits aux fins de cessation de l’atteinte à la présomption d’innocence, il ne peut plus agir en réparation devant le juge civil, en raison des mêmes faits.
 
En l’espèce, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W], sans fonder leur demande en droit, soulèvent l’irrecevabilité de l’action de Monsieur [B], au motif que ce dernier aurait engagé deux procédures visant les mêmes faits, l’une en diffamation devant le juge pénal, l’autre devant le juge des référés en vertu de l’article 9-1 du Code civil.
 
Monsieur [B] précise que les allégations visées dans la présente procédure diffèrent de celles objet de la plainte avec constitution de partie civile déposée devant le juge d’instruction du Tribunal judiciaire de Rennes, reçue au greffe le 08 mars 2024 (pièce n°20).
 
Cependant, il sera observé que Monsieur [B] a entendu d’une part solliciter la diffusion d’un communiqué pour faire cesser l’atteinte à sa présomption d’innocence, et d’autre part obtenir la condamnation solidaire des défenderesses à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de la provision à valoir sur la réparation de son préjudice.
 
Par suite, l’action de Monsieur [B], tendant à solliciter la diffusion d’un communiqué destiné à faire cesser l’atteinte à sa présomption d’innocence, sera déclarée recevable.

En revanche, monsieur [B] sera déclaré irrecevable en sa demande de condamnation au versement de dommages et intérêts à valoir sur la réparation du préjudice subi, puisqu’il a déposé une plainte avec constitution civile fondée sur les mêmes faits devant le juge d’instruction de Rennes. (Pièce n°20).

 Sur l’atteinte à la présomption d’innocence alléguée par monsieur [B] :
 
Sur l’atteinte alléguée à la présomption d’innocence
 
Selon l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »
 
Aux termes de l’article 9-1 du Code civil, « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.
Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »

 Aux termes de l’article 835 du Code de procédure civile, « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

En l’espèce, Monsieur [B] expose que la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] ont porté publiquement atteinte à son droit à la présomption d’innocence par les propos tenus dans l’article « Requiem au CHU de [Localité 4]», et dans l’article « CHU de [Localité 4], l’onde de choc », rédigés par Madame [W]. Il soutient que ces deux articles le présentent comme coupable des faits pour lesquels une enquête est en cours.

Il justifie qu’une enquête préliminaire est en cours à son encontre pour des faits de harcèlement moral, une plainte ayant été déposée par l’Isni le 12 octobre 2023, et qu’il a été convoqué à une audition libre le 10 juillet 2024 (pièces n°11-1 à 13). Il relève que la journaliste fait mention de cette procédure pénale dans les articles litigieux.

En outre, il soutient que les défenderesses ont présenté sa culpabilité comme acquise sans aucune prudence et précaution, en désignant l’une des plaignantes comme « victime de harcèlement sexuel » ou encore en parlant du « harcèlement sexuel de cette dernière », ou enfin en indiquant que « les soignants ne sont pas les seuls victimes », ce qui le positionne de facto en figure de coupable. Aussi, il souligne que l’emploi de l’indicatif dans la description des agissements qui lui sont reprochés sont de nature à présenter les faits comme établis : « Brimades, humiliations, surmenage, violences verbales, harcèlement moral et sexuel, ces professionnels subissent l’enfer depuis vingt ans », « Maltraités par leur hiérarchie, ces soignants du service de neurochirurgie ont dû, pour la plupart, quitter leur hôpital », « Après la proposition à connotation sexuelle du Pr [B] à l’encontre d’[Y] [A]-[Z], le directeur général du CHU de [Localité 4] avait adressé cette lettre à l’infirmière, le 4 mars 2015 », « Le personnel féminin a lui aussi fait les frais de la conduite inappropriée du professeur », « Pendant sept ans, le Dr [T] a été l’un des souffres douleurs du Pr [B] ».
 
Monsieur [B] affirme également que l’atteinte à sa présomption d’innocence est manifeste eu égard à l’absence totale de nuance dans les propos tenus dans les articles litigieux, atteinte manifeste qui perdure, les articles étant toujours disponibles en ligne.
 
La société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] font valoir que les conditions de l’article 9-1 du Code civil ne sont pas réunies puisque, qu’il n’est pas établi qu’une procédure pénale était en cours à la date de publication au sujet des actes faisant l’objet des propos litigieux, et que les articles litigieux ne présentent pas le demandeur comme coupable.

Elles relèvent ainsi qu’il appartenait à Monsieur [B], demandeur à l’instance, d’apporter la preuve qu’à la date de la publication litigieuse, les faits évoqués faisaient déjà l’objet d’une procédure judiciaire. Or, les pièces versées aux débats par Monsieur [B] ne permettraient pas de l’établir avec certitude. La société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] soulignent ainsi que seule la plainte de l’Isni est antérieure aux publications (pièce n°11.3) et que les convocations pour une audition pénale libre sont postérieures aux publications litigieuses (pièces n°12-13). A ce titre, les défenderesses arguent de ce que la plainte de l’Isni vise l’infraction de harcèlement moral et se fonde sur le témoignage de 14 professionnels de santé, qui ne sont pas les mêmes que les 9 professionnels de santé entendus par Madame [W] pour des faits de harcèlement sexuel et moral.

Ensuite, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] estiment que les articles litigieux ne présentent pas le demandeur comme coupable mais font seulement état de l’avancement de la procédure pénale et du témoignage des personnes qui s’en présentent victimes.

Enfin, les défenderesses insistent sur la possibilité qu’elles ont offertes à Monsieur [B] de répondre à leurs questions, sans sucès, et persistent sur le ton nuancé adopté dans la rédaction des articles. A ce titre, elles relèvent notamment que les choix rédactionnels permettent d’écarter l’hypothèse de conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité, l’auteure ayant recours à des formules générales et édulcorées telles que « hiérarchie », « maltraitée », « conduite inappropriée », « les faits qui pourraient être reprochés », et ne faisant que la restitution des témoignages qu’elle a obtenus, sans les reprendre à son compte.
 
En dernier lieu, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] font valoir que le juge des référés n’est juge que de l’évidence, et que ce litige ne relève pas de son pouvoir. Elles avancent que ni l’urgence, ni le trouble manifestement illicite, ni l’absence de contestation sérieuse ne sont caractérisés.

En l’espèce, il résulte de l’article 9-1 du code civil, que pour être fondée, la réunion de trois conditions visant la personne incriminée est nécessaire :
– avant toute condamnation ;
– présentée publiquement comme étant coupable de faits ;
– faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire.
 
Il est constant que l’atteinte à la présomption d’innocence est définie comme celle qui contient « des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité »
En outre, l’existence d’une procédure pénale doit être notoire ou, si elle ne l’est pas, résulter de la publication dont le demandeur prétend qu’elle porte atteinte à la présomption de son innocence.

S’agissant de la première condition de fond nécessaire à l’action fondée sur l’article 9-1 du code civil, il résulte en l’espèce de l’examen des pièces versées aux débats qu’une plainte a été déposée auprès du procureur près le Tribunal judiciaire de Rennes par l’Isni le 12 octobre 2023 à l’encontre de Monsieur [B] pour des faits de harcèlement moral au travail (pièce n°11.3 – demandeur),

En outre, les articles litigieux font expressément référence à la procédure pénale en cours en citant Monsieur [B] comme « mis en cause », et en indiquant qu’ « en mars 2023, la direction du CHU saisissait le procureur de la république pour harcèlement moral et sexuel sur six internes, entraînant l’ouverture d’une enquête préliminaire […] en octobre, l’Isni déposait, toujours, à l’encontre des deux mêmes professeurs une plainte […] depuis les auditions se multiplient ».

Dès lors, il est établi qu’à la date de publication des articles, en janvier et février 2024, aucune condamnation n’était encore intervenue à l’encontr e de Monsieur [B].
 
S’agissant de la condition liée à présentation publique du requérant comme coupable, des faits, il ressort des pièces versées aux débats et notamment du premier article en date de janvier 2024 que les propos tenus par madame [W] laissaient peu de place au doute, dès lors que les termes suivants étaient employés dans cet article « Brimades, humiliations, surmenage, violences verbales, harcèlement moral et sexuel : ces professionnels de santé subissent l’enfer depuis vingt ans. La direction du Pr [B] a disloqué un service réputé pour son excellence » (pièce n°1).

Par ailleurs, il résulte de la lecture des deux articles litigieux que si l’utilisation des guillemets par l’auteure pour rapporter les propos des professionnelles de santé qu’elle a interrogés est quasiment systématique, les témoignages reçus se succèdent tout au long des deux articles, sans faire l’objet d’aucune nuance, discussion, et sont présentés comme des vérités, ce qui a conduit l’auteure de ces articles à qualifier le “comportement de monsieur [B]” en ces termes, peu élogieux : « maltraitance institutionnelle connue de la hiérarchie depuis des années », « oubliées les raisons du départ du neurochirurgien le Dr [T], suicidaire à force d’être rudoyé en 2004, oublié le harcèlement sexuel de l’infirmière [Y] [Z] » (pièce n°2), « elle aussi maltraitée », « un arrêt de deux mois pour harcèlement moral », « le personnel féminin a lui aussi fait les frais de la conduite inappropriée du professeur » (pièce n°1).

Au surplus, au sujet des articles litigieux et de Paris Match, Madame [W] a écrit « quand la vérité dérange, taper sur l’émetteur » (pièce n°2), illustrant une nouvelle fois le crédit donné aux faits reprochés à Monsieur [B] dont la culpabilité ne semble plus faire aucun doute, puisqu’elle qualifie de « victime » l’une des infirmières interrogées (pièce n°1).

Si l’auteure a recours au conditionnel, et qu’il est mentionné que Monsieur [B] demeure “présumé innocent”, au terme de l’article litigieux de février 2024, ces éléments ne permettent pas de rétablir l’équilibre entre présomption d’innocence et journalisme judiciaire (pièce n°2), eu égard aux faits dénoncés par madame [W] dans ces deux articles.

Dès lors, il apparaît clairement que Monsieur [B] est d’ores et déjà présenté comme coupable des faits qui lui sont reprochés, et que la deuxième condition est caractérisée.
 
Sur l’existence d’une enquête ou bien d’une instruction judiciaire, il a déjà été établi qu’à la publication des articles une enquête était en cours à l’encontre de Monsieur [B] pour des faits de harcèlement moral suite au dépôt de plainte de l’Isni. A la lecture de la plainte, il apparaît que plusieurs plaignants sont également cités dans les articles de Madame [W], notamment Monsieur [T], Monsieur [U], Monsieur [V], dont les propos sont rapportés dans les faits objet de la plainte, de sorte qu’il n’est pas permis de douter de l’adéquation entre les faits relayés par Madame [W] et ceux dénoncés au procureur de la République. La troisième condition est ainsi caractérisée.
 
Par conséquent, l’atteinte à la présomption d’innocence de Monsieur [B] par Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS est établie, et eu égard à la nature des propos tenus dans deux articles portant sur le même sujet, de l’influence d’un journal tel que Paris Match notamment en termes de lecteurs, et en raison d’une large diffusion des articles, y compris en ligne.

Par suite, l’atteinte à la présomption d’innocence de Monsieur [B] constitue un trouble manifestement illicite, dont il convient de déterminer s’il peut être retenu, au regard de la nécessaire protection du principe de la liberté d’expression.

Sur la balance des intérêts et le principe de proportionnalité
 
Selon l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »
 
Il est constant que « le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté d’expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Cette mise en balance doit être effectuée en considération, notamment, de la teneur de l’expression litigieuse, sa contribution à un débat d’intérêt général, l’influence qu’elle peut avoir sur la conduite de la procédure pénale et la proportionnalité de la mesure demandée »

 
En l’espèce, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] font valoir sur ce point que le statut de fonctionnaire public du demandeur et le droit du public à connaitre la vérité, prédominent sur le principe de la présomption d’innocence. En outre, les défenderesses font valoir que la libération de la parole des professionnels ayant travaillé au sein du service neurologie du CHU de [Localité 4] relève d’un sujet d’intérêt général dont il est légitime de faire état, s’appuyant sur le contexte local s’agissant de la crise du CHU de [Localité 4], mais aussi du contexte général de libération de la parole des praticiens hospitaliers.

Par ailleurs, elles arguent que l’atteinte visée à l’article 9-1 du code civil n’est pas constituée et qu’une condamnation heurterait le principe de proportionnalité, alléguant d’éléments objectifs recueillis par le journal ainsi que des réactions postérieures qui renforceraient les résultats de l’enquête litigieuse. Enfin, elles soulignent l’absence d’influence des deux articles sur la procédure en cours.
 
Monsieur [B] soutient de son côté que la jurisprudence citée par les défenderesses en date du 06 janvier 2021 n’est pas transposable en ces motifs en affirmant que la présente espèce ne porte pas sur un sujet aussi grave et prégnant que la pédophilie au sein de l’Eglise et que ses demandes ne sont pas comparables dès lors qu’elles ne consistent pas en une demande de suspension mais en l’insertion d’un communiqué judiciaire. En outre, il fait valoir que ses reproches n’ont jamais porté sur le fait que les articles litigieux aient traité ce sujet mais sur l’absence de prudence et de nuance au sujet de faits faisant l’objet d’une enquête en cours. Enfin, il soutient que l’exception de bonne foi dont semble arguer les défenderesses ne peut être opposée dans une action relative à la présomption d’innocence.
 
Il convient de relever en l’espèce que les articles de Madame [W] interviennent dans un contexte de mouvement promouvant la libération de la parole des praticiens hospitaliers, sujet d’intérêt général s’inscrivant dans un contexte plus large de libération de la parole des victimes de violences sexistes, sexuelles et sexualisées qu’il convient de mettre en balance avec le droit à la présomption d’innocence du demandeur. En effet, les articles viennent faire état de poursuites pénales mettant en cause un fonctionnaire public, objet d’une grande considération au sein de ses pairs et patients, de nature à intéresser l’opinion publique.

Toutefois, cet intérêt pour le débat public est à mettre en balance avec la teneur de l’expression. En effet, comme précédemment relevé, le crédit donné aux faits reprochés à Monsieur [B], par le jeu des tournures de phrases, de l’intensité donnée aux propos, et du manque de nuance, ne permettent plus de douter de la conviction de l’auteure sur la culpabilité de Monsieur [B]. Or, il aurait été possible pour la journaliste de contribuer dans la même mesure au débat public, en des termes plus prudents et réservés, rappelant régulièrement le statut de monsieur [B] de “présumé innocent,” de manière à ne pas contrevenir à la présomption d’innocence dont jouit Monsieur [B].

La présomption d’innocence est un droit consacré qui ne saurait être sacrifié sur l’autel de la presse sensationnaliste.
 
De plus, il est constant que, s’agissant de l’influence sur la conduite de la procédure pénale, celle-ci reste incertaine. En effet, l’enquête préliminaire ayant débuté récemment, les articles litigieux pourraient avoir une influence sur la procédure en cours.

Il ressort de ces éléments que le droit à l’information, et surtout l’usage qu’en fait Madame [W] s’incline devant la nécessité de protéger la présomption d’innocence de Monsieur [B].
 
Il convient, dans ces conditions, de retenir l’atteinte à la présomption d’innocence de Monsieur [B].
 

Sur les mesures sollicitées en référé
 
Aux termes de l’article 9-1 du Code civil, « Chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.
Lorsqu’une personne est, avant toute condamnation, présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l’insertion d’une rectification ou la diffusion d’un communiqué, aux fins de faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence, et ce aux frais de la personne, physique ou morale, responsable de cette atteinte. »
 
Aux termes de l’article 835 du Code de procédure civile, « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

En l’espèce, Monsieur [B] sollicite que soit ordonnée la diffusion d’un communiqué judiciaire reprenant le dispositif de l’ordonnance à intervenir au sein du prochain numéro à paraître du journal Paris Match, et ce aux frais de Madame [W], auteure des articles litigieux, et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS, éditeur du journal. Il fait ainsi valoir que l’atteinte à sa présomption d’innocence perdure, notamment du fait de l’accessibilité des articles sur internet.
 
La société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] estiment les demandes formées par Monsieur [B] disproportionnées au regard de la liberté d’expression, le préjudice de Monsieur [B] demeurant purement théorique, mais aussi en considération du doute que cela pourrait jeter sur la véracité des témoignages.
 
En l’espèce, il résulte des faits litigieux que la diffusion d’un communiqué judiciaire est la mesure la plus adaptée destinée à faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence de Monsieur [B].
 
Dès lors, il sera fait droit à la demande de Monsieur [B] et il y aura lieu d’ordonner la diffusion d’un communiqué judicaire reprenant le dispositif de l’ordonnance à intervenir au sein du prochain numéro à paraitre du magazine Paris Match, aux frais communs de Madame [X] [W] et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS.
 
Sur la demande reconventionnelle de provision pour procédure abusive des défenderesses :
 
Selon l’article 1240 du Code civil, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
 
Il est constant que « l’exercice d’un droit ne peut constituer une faute que lorsque le titulaire de ce droit en fait, à dessein de nuire, un usage préjudiciable à autrui ».

Il sera rappelé que la liberté de l’action en justice est un principe, qui ne saurait dégénérer en abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif.
 
En l’espèce, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] font valoir que la procédure est manifestement destinée à exercer une pression sur un journaliste et un média et sollicitent donc de condamner le demandeur au paiement d’une provision d’un montant de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, sans apporter d’élément au soutien de leur prétention.
 
Au surplus, les défenderesses succombent dans leur demande. Il convient par conséquent de rejeter cette demande.

 Sur les demandes accessoires

En vertu des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la société LAGARDERE MEDIA NEWS et Madame [W] seront condamnées, in solidum, aux entiers dépens.
 
Monsieur [B] sollicite la condamnation de Madame [W] et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS au paiement de la somme de 2 500 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En raison des frais irrépétibles qu’il a du engager pour assurer sa défense, il sera fait droit à sa demande. Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS seront condamnés in solidum au paiement de la somme de 1 500 euros à Monsieur [B], au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [W] et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS seront déboutées de leur demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS
 
Statuant en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, rendue par mise à disposition au greffe :
 
Rejetons l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance soulevée par Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS ;

Déclarons recevable l’action diligentée par monsieur [S] [B], sur le fondement de l’article 9-1 du code civil, aux fins de diffusion d’un communiqué judiciaire;

Déclarons la demande de monsieur [S] [B] de provision, en réparation d’un préjudice subi, irrecevable, dans le cadre de l’action en référé,

Constatons que Madame [W] et le journal Paris Match, par la rédaction et la publication de deux articles respectivement intitulés « Requiem au CHU de [Localité 4] », paru dans le numéro 3896, édition du 4 au 10 janvier 2024 et « CHU de [Localité 4], l’onde de choc », paru dans le numéro 39000, édition du 1er au 7 février 2024, ont porté atteinte à la présomption d’innocence de Monsieur [S] [B] ;
 
Ordonnons par conséquent la diffusion d’un communiqué judiciaire reprenant ce dispositif dans le prochain numéro à paraitre du Journal Paris Match, et ce aux frais communs de Madame [W], auteure des articles, et de la société LAGARDERE MEDIA NEWS, éditeur du journal;
 
Déboutons Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS de leur demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ;
 
Condamnons Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS, in solidum, aux entiers dépens ;
 
Condamnons Madame [W] et la société LAGARDERE MEDIA NEWS in solidum au versement de la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à Monsieur [S] [B] au titre des frais irrépétibles ;
 
Rejetons toute autre demande, plus ample ou contraire des parties ;
 
Ainsi rendu, au nom du peuple français, les jour, mois et an susdits.
 
 
La greffière                                                                                    La juge des référés


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