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La provocation à la haine raciale sur Twitter peut également constituer une atteinte à la dignité humaine. Le délit suppose, pour être constitué, un appel ou une exhortation à la discrimination, la haine ou la violence, qui peuvent être implicites.
Le procureur de la République a fait citer un internaute devant le tribunal correctionnel, d’une part, du chef de provocation à la haine raciale pour avoir notamment mis en ligne, sur le réseau Twitter, des messages contenant les propos “trop de Noirs dans l’équipe de France. Trop de juifs à la télé !”, “si on les obligeait à porter l’étoile jaune, ce serait plus simple pour tout le monde. Lire notre Psycha du judaïsme”.
L’internaute avait également publié sur le réseau Facebook, le texte suivant : « le port d’une combinaison fluo et d’un gyrophare sur la tête, en plus de la crécelle à lépreux, afin que le plus naïf des goys puisse être prévenu bien à l’avance de la chose qui s’avance vers lui ».
L’internaute avait enfin mis en ligne, sur le réseau Twitter, une fausse publicité représentant un médecin exhibant une boîte de médicaments “Judéotril” accompagnée des termes suivants : “Un nouveau médicament pour guérir du judaïsme. #quenelle #antisémitisme Anxiété, fragilité émotionnelle, paranoïa, égocentrisme, mégalomanie, amnésie sélective, intolérance à la frustration, tendances à la fabulation et à la calomnie, etc. On peut enfin guérir du judaïsme. Prévient les dérives incestueuses“.
Les juges ont déclaré le prévu coupable des trois délits précités : i) exhortation du public, explicitement ou implicitement, à la discrimination envers des groupes de personnes visées en raison de leur appartenance raciale ou religieuse ; ii) injures raciales par propos outrageants envers les adeptes de la religion juive, présentés comme atteints de troubles et de maladies ; iii) atteinte à la dignité humaine des personnes. En la matière, le prévenu ne pouvait se prévaloir d’un quelconque caractère humoristique.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Cour de cassation
Chambre criminelle
15 octobre 2019
N° de pourvoi: 18-85365
Non publié au bulletin
Rejet
Me Laurent Goldman, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat(s)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. O… S…, contre l’arrêt n° 252 de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 4 juillet 2018, qui, pour injure publique, et provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence, ces deux infractions envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 3 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lavaud ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de Me Laurent GOLDMAN et de la société civile professionnelle RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, avocats en la Cour et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;
Vu le mémoire personnel et les mémoires en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, du manque de base légale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le procureur de la République a fait citer M. S… devant le tribunal correctionnel, d’une part, du chef de provocation à la haine raciale pour avoir notamment mis en ligne, sur le réseau Twitter, des messages contenant les propos “trop de Noirs dans l’équipe de France. Trop de juifs à la télé !”, “si on les obligeait à porter l’étoile jaune, ce serait plus simple pour tout le monde. Lire notre Psycha du judaïsme” et, sur le réseau Facebook, le texte “Le 4 mars 2011, en effet, dans un article publié dans l’hebdomadaire Rivarol, nous écrivions que nous préconisions : «le port d’une combinaison fluo et d’un gyrophare sur la tête, en plus de la crécelle à lépreux, afin que le plus naïf des goys puisse être prévenu bien à l’avance de la chose qui s’avance vers lui»”, d’autre part, du chef d’injures publiques raciales, pour avoir mis en ligne, sur le réseau Twitter, une fausse publicité représentant un médecin exhibant une boîte de médicaments “Judéotril” accompagnée des termes suivants : “Un nouveau médicament pour guérir du judaïsme. #quenelle #antisémitisme Anxiété, fragilité émotionnelle, paranoïa, égocentrisme, mégalomanie, amnésie sélective, intolérance à la frustration, tendances à la fabulation et à la calomnie, etc. On peut enfin guérir du judaïsme. Prévient les dérives incestueuses” ; que les juges du premier degré l’ont déclaré coupable des délits précités, en raison de ces propos et d’autres mis en ligne dans les mêmes conditions ; que le prévenu et, à titre incident, le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour confirmer le jugement du chef de provocation à la haine raciale, en raison des seuls trois passages précités, l’arrêt énonce que ce délit suppose, pour être constitué, un appel ou une exhortation à la discrimination, la haine ou la violence, qui peuvent être implicites ; que les juges ajoutent que deux des propos contiennent un appel explicite à la discrimination envers les Juifs par l’imposition du port d’un signe distinctif, et que le troisième, par lequel le prévenu, affirmant péremptoirement qu’il y a “trop de Noirs” et “trop de juifs”, laisse clairement entendre qu’il faut qu’il y en ait moins, renferme, de façon implicite, un tel appel, à la discrimination envers les groupes ainsi visés ;
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que les propos exhortaient le public, explicitement ou implicitement, à la discrimination envers des groupes de personnes visées en raison de leur appartenance raciale ou religieuse, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, pour confirmer le jugement du chef d’injures raciales, l’arrêt relève que les propos sont outrageants envers les adeptes de la religion juive, présentés comme atteints de troubles et de maladies qui ne s’appliquent qu’aux personnes, et qu’ils ne visent donc pas seulement les préceptes religieux du judaïsme ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel, qui a exactement apprécié que le message poursuivi était injurieux à l’égard d’un groupe de personnes définies par leur appartenance religieuse, a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;
D’où il suit que le grief ne peut qu’être écarté ;
Sur les moyens pris en leur seconde branche :
Attendu que la cour d’appel a à bon droit relevé que les propos incriminés portaient atteinte à la dignité humaine des personnes qu’ils visaient, de sorte que les prévenus ne pouvaient se prévaloir d’un quelconque caractère humoristique et ont excédé les limites admissibles de la liberté d’expression ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. O… S… devra payer à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. O… S… devra payer à l’Union des étudiants juifs de France, l’association J’accuse !…Action internationale pour la justice et l’association SOS Racisme-Touche pas à mon pote, au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze octobre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.