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Une assignation en contrefaçon qui ne développe pas assez et qui est rédigée en des termes très généraux et allusifs, sans indication propre aux oeuvres supposées contrefaites, peut être frappée de nullité.
Une assignation en contrefaçon (de logiciel ou autres) doit décrire précisément les logiciels eux-mêmes et leurs spécificités, détaillant les fonctionnalités qui en font l’originalité (l’idée de rassembler dans un logiciel tous les processus de la gestion de flotte automobile est en soi insusceptible de protection).
Une présentation succincte des caractéristiques de logiciels ne permet pas aux défendeurs de connaître la reprise des fonctionnalités qui leur était reprochée, de sorte qu’ils ne sont pas en mesure de connaître l’objet précis de la demande présentée à leur encontre, ce qui constitue un vice de forme qui leur fait grief.
Toutefois, l’article 115 du code de procédure civile prévoit que la nullité de l’assignation est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
En conséquence, les conclusions au fond signifiées en 1ère instance devront détailler précisément les œuvres contrefaites et ce qui leur donne un caractère original.
En l’espèce, le demandeur a pu régulariser en présentant dans ses conclusions l’architecture de chacun des logiciels supposés contrefaits et une présentation de la modélisation de chacun des deux logiciels qui elle est bien susceptible de révéler les choix optionnels qui ont été alors opérés. Il en est de même des codes sources communiqués, lesquels peuvent être de nature à révéler les choix arbitraires effectués lors du développement des logiciels, et dont des extraits sont communiqués.
Si l’intégralité de ces codes sources n’est pas communiquée, les extraits versés sont néanmoins de nature à permettre aux défendeurs d’apprécier les options qui auraient été alors prises pour les extraits de code source produits, et l’originalité revendiquée.
Aussi les développements figurant dans les conclusions au fond sont suffisants pour permettre aux défendeurs de connaître le contour de l’originalité alléguée des logiciels dont la protection est recherchée et dont la reprise par eux serait contrefaisante.
Ces conclusions, notifiées devant le juge de 1ère instance avant que ne soit prononcée la nullité de l’assignation, sont de nature à régulariser la carence des assignations et à ne pas laisser subsister de grief dans la mesure où les défendeurs connaissent les éléments caractérisant l’originalité alléguée des logiciels, suffisamment décrits, ce qui leur permet de préparer leur défense.
En conséquence, l’ordonnance ayant prononcé la nullité de l’assignation a été infirmée.
Pour rappel, l’article 56 du code de procédure civile prévoit notamment que l’assignation contient, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit. La validité de l’assignation doit s’apprécier au regard de l’objet de l’action.
L’action en contrefaçon de droits d’auteur, d’interprétation stricte, ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés.
L’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que sont considérés comme des oeuvres de l’esprit les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire; les dispositions de ce code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit
Les logiciels sont protégés s’ils sont originaux, et si leur auteur a fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante, la matérialisation de cet effort résidant dans une structure individualisée.
Par application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à l’auteur d’identifier l’oeuvre sur laquelle il fonde ses droits et, plus spécialement, les caractéristiques qui constituent, selon lui, le siège de son originalité, l’identification de l’oeuvre étant le préalable indispensable à l’examen de son originalité.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE VERSAILLES Code nac : 39H 12e chambre ARRET DU 13 OCTOBRE 2022 N° RG 21- 07289 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U4B4 AFFAIRE : S.A.S.U. ERCG NOM COMMERCIAL TRAXALL FRANCE C- [V] [P] Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Novembre 2021 par le TJ de NANTERRE N° Chambre : 1 N° RG : 20- 00257 LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre : S.A.S. ERCG exerçant sous le nom commercial ‘TRAXALL FRANCE’ RCS Versailles : n° 424 440 550 [Adresse 1] [Localité 6] Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20200014 Représentant : Me Jean-Baptiste BELIN de la SELARL SQUADRA AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS APPELANTE **************** Monsieur [V] [P] de nationalité Française [Adresse 2] [Localité 7] Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2167694 Représentant : Me Virginie REYNES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS S.A.S. DRIVEIN RCS Orléans: n° 850 688 912 [Adresse 3] [Localité 5] Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2167694 Représentant : Me Frédéric GUENIN de la SARL QUALIENS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0061 S.A.R.L. DUALCORP RCS Pontoise : n° 803 801 901 [Adresse 4] [Localité 8] Représentant : Me Shirley GODEC-RICHARD, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 215 Représentant : Me François-Xavier LANGLAIS de l’AARPI Quantic Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J100 INTIMES **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Madame Véronique MULLER, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire, Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT, EXPOSE DU LITIGE La société ERCG, ayant pour nom commercial Traxall France, est spécialisée dans la gestion de flottes automobiles d’entreprise. Elle indique concevoir, développer, éditer et exploiter, dans le cadre de son activité, des logiciels de gestion de flottes automobiles, dont ‘TraX IT’ et ‘TraX UP’. La société Dualcorp a été fondée en 2014 par MM. [I] et [Z] et propose des prestations de développement et ingénierie informatique, ainsi que de conseils en système d’information. Elle indique avoir notamment participé au développement informatique d’un logiciel pour le compte de la société Drivein, spécialisée dans les services de gestion de flottes automobiles d’entreprise. En septembre 2013, M. [V] [P] a été recruté en tant que salarié par la société ERCG. Puis, à partir de juin 2019, il est devenu le directeur opérationnel de la société Drivein. Considérant que la société Drivein ainsi que M. [P] avaient commis des actes de concurrence déloyale, la société ERCG a obtenu le 13 novembre 2019 du tribunal de grande instance de Nanterre l’autorisation d’effectuer une saisie-contrefaçon chez M. [P] et la société Drivein, et les procès-verbaux de saisie contrefaçon ont été réalisés le 10 décembre 2019. Des saisies-contrefaçon ont également été réalisées le 18 décembre 2019 chez MM. [I] et [Z], dirigeants de la société Dualcorp. Par acte du 9 janvier 2020, la société ERCG a assigné M. [P] et la société Drivein devant le tribunal judiciaire de Nanterre en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale. Par acte du 17 janvier 2020, la société ERCG a assigné en intervention forcée la société Dualcorp. Les deux instances ont été jointes le 2 mars 2020. Par ordonnance du 8 avril 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a rejeté la demande d’expertise sollicitée par la société ERCG. Par ordonnance du 18 novembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a : — constaté que par décision rendue sur le siège le jour de l’audience au sens de l’article 793 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d’incident et au fond ainsi que les pièces visées à leurs bordereaux notifiées le 13 octobre 2021 par la société ERCG ainsi que les conclusions en réplique de la société Dualcorp notifiées le 14 octobre 2021 à raison de leur tardiveté et de la violation du principe de la contradiction ; — prononcé la nullité de l’assignation enrôlée sous le numéro RG 20- 00257 délivrée par la société ERCG le 9 janvier 2020 à l’encontre de M. [V] [P] et de la SAS Drivein et, par voie de conséquence, l’intervention forcée de la société Dualcorp du 17 janvier 2020 dont elle est le support nécessaire et qui est affectée du même vice non régularisé; — déclaré irrecevables pour défaut de pouvoir juridictionnel du juge de la mise en état les demandes relatives à la nullité de saisies-contrefaçon et à la restitution des éléments saisis en leur occasion présentées par M. [V] [P] et la société Dualcorp ; — condamné la société ERCG à payer à M. [V] [P], à la société Dualcorp et à la société Drivein la somme de 3.000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile; — condamné la société ERCG à supporter les entiers dépens de l’instance. Par déclaration du 8 décembre 2021, la société ERCG a interjeté appel de l’ordonnance. Par ordonnance du 17 décembre 2021, le président de la 12e chambre de la cour d’appel de Versailles a fixé la date des plaidoiries au 14 juin 2022 à 09h00. PRÉTENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions notifiées le 11 mars 2022, la société ERCG, ayant pour nom commercial Traxall France, demande à la cour de : — juger la société Traxall France recevable et bien fondé en son appel ; — juger irrecevables les exceptions de nullité déposées par la société Drivein et Monsieur [V] [P] à l’encontre de l’assignation enrôlée sous le numéro RG- 00257 délivrée par la société Traxall France le 9 janvier 2020 ; — juger irrecevable l’exception de nullité déposée par la société Dualcorp à l’encontre de l’assignation en intervention forcée initialement enrôlée sous le numéro RG 20- 00567 délivrée par la société Traxall France le 17 janvier 2020 ; — infirmer partiellement l’ordonnance rendue le 18 novembre 2021 par monsieur [F] [U], juge de la mise en état au tribunal judiciaire de Nanterre (première chambre) sous le numéro de minute 21- 434 (affaire RG 20- 00257), en ce qu’elle a jugé : « – Constaté que par décision rendue sur le siège le jour de l’audience au sens de l’article 793 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d’incident et au fond ainsi que les pièces visées à leurs bordereaux notifiées le 13 octobre 2021 par la société ERCG ainsi que les conclusions en réplique de la société Dualcorp notifiées le 14 octobre 2021 à raison de leur tardiveté et de la violation du principe de la contradiction ; — Prononcé la nullité de l’assignation enrôlée sous le numéro RG 20- 00257 délivrée par la société ERCG le 9 janvier 2020 à l’encontre de M. [V] [P] et de la SAS Drivein et, par voie de conséquence, l’intervention forcée de la société Dualcorp du 17 janvier 2020 dont elle est le support nécessaire et qui est affectée du même vice non régularisé; — Condamné la société ERCG à payer à M. [V] [P], à la société Dualcorp et à la société Drivein la somme de 3.000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile ; — Condamné la société ERCG à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par Me Virginie Reynès et Me François-Xavier Langlais, chacun pour la part lui revenant » ; Et statuant à nouveau, A titre principal, — juger que la société Traxall France identifie précisément les logiciels qui fondent ses demandes ainsi que les caractéristiques qui constituent le siège de leur originalité, ce qui caractérise suffisamment l’objet du litige ainsi que les moyens en fait et en droit au sens de l’article 56 alinéa 2 du code de procédure civile ; A titre subsidiaire, — juger que l’assignation enrôlée sous le numéro RG 20- 00257 délivrée par la société Traxall France le 9 janvier 2020 à l’encontre de Monsieur [P] et de la société Drivein, et par voie de conséquence, l’intervention forcée de la société Dualcorp du 17 janvier 2020 sont valides en raison des éléments soumis par la société Traxall France dans le cadre de cette instance au titre de régularisation ; En tout état de cause, — renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre ; — débouter la société Drivein, la société Dualcorp et M. [P] de toutes leurs demandes; — condamner solidairement la société Dualcorp, M. [P] et la société Drivein à payer à la société Traxall France la somme de 12.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; — condamner solidairement la société Dualcorp, M. [P] et la société Drivein aux dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par Me Oriane Dontot, JRF & associés. Par conclusions notifiées le 10 février 2022, M. [P] demande à la cour de : A titre principal, — confirmer l’ordonnance de mise en état rendue le 18 novembre 2021 par le juge de la mise en état de la première chambre du tribunal judiciaire de Nanterre en toutes ses dispositions ; En conséquence, — débouter la société ERCG de toutes ses demandes, fins et conclusions ; A titre subsidiaire, si l’ordonnance du 18 novembre 2021 était infirmée, — prononcer la nullité de l’assignation signifiée à M. [P] le 9 janvier 2020 pour défaut de motivation ; En conséquence, — débouter la société ERCG de toutes ses demandes, fins et conclusions ; A titre très subsidiaire, si par impossible l’ordonnance du 18 novembre 2021 était infirmée et l’assignation validée, — prononcer l’irrecevabilité de l’intégralité des demandes de la société ERCG pour défaut d’intérêt à agir ; En tout état de cause, Ajoutant aux dispositions de l’ordonnance du 18 novembre 2021, — condamner la société ERCG à verser à M. [V] [P] la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ; — condamner la société ERCG aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris – Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile. Par dernières conclusions notifiées le 25 mai 2022, la société Drivein demande à la cour de: A titre principal de, — confirmer l’ordonnance datée du 18 novembre 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu’elle a notamment : – constaté que par décision rendue sur le siège le jour de l’audience au sens de l’article 793 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d’incident et au fond ainsi que les pièces visées à leurs bordereaux notifiées le 13 octobre 2021 par la société ERCG ainsi que les conclusions en réplique de la société Dualcorp notifiées le 14 octobre 2021 à raison de leur tardiveté et de la violation du principe de la contradiction ; – prononcé la nullité de l’assignation enrôlée sous le numéro RG 20- 00257 délivrée par la SAS ERCG le 9 janvier 2020 à l’encontre de M. [V] [P] et de la SAS Drivein et, par voie de conséquence, l’intervention forcée de la société Dualcorp du 17 janvier 2020 dont elle est le support nécessaire et qui est affectée du même vice non régularisé ; – condamné la société ERCG à payer à M. [V] [P], à la société Dualcorp et à la société Drivein la somme de 3.000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile; – condamné la société ERCG à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par Maître Virginie Reynès et Maître François-Xavier Langlais, chacun pour la part lui revenant ; En conséquence, — débouter la société ERCG de toutes ses demandes, fins et conclusions ; A titre subsidiaire si l’ordonnance du 18 novembre 2021 était infirmée, de, — juger que les éléments fournis par la société ERCG, en cause d’appel, ne permettent pas d’identifier les oeuvres revendiquées au titre de cette action en contrefaçon et ne précise pas les caractéristiques originales qu’elle prétend avoir été reprises par la société Drivein; — juger que l’assignation délivrée par la société ERCG le 9 janvier 2020 est nulle pour défaut de motivation ; En conséquence, — débouter la société ERCG de toutes ses demandes, fins et conclusions ; A titre très subsidiaire si l’ordonnance du 18 novembre 2021 était infirmée et l’assignation validée, de, — déclarer la société ERCG irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ; En tout état de cause, de, — condamner la société ERCG à payer à la société Drivein la somme de 12.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; — Condamner la société ERCG aux entiers dépens. Par dernières conclusions notifiées le 6 juin 2022, la société Dualcorp demande à la cour de : — confirmer l’ordonnance rendue le 18 novembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre, en ce qu’elle a notamment : – constaté que par décision rendue sur le siège le jour de l’audience au sens de l’article 793 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d’incident et au fond ainsi que les pièces visées à leurs bordereaux notifiées le 13 octobre 2021 par la SAS ERCG ainsi que les conclusions en réplique de la SARL Dualcorp notifiées le 14 octobre 2021 à raison de leur tardiveté et de la violation du principe de la contradiction ; – prononcé la nullité de l’assignation enrôlée sous le numéro RG 20- 00257 délivrée par la SAS ERCG le 9 janvier 2020 à l’encontre de monsieur [V] [P] et de la SAS Drivein et, par voie de conséquence, l’intervention forcée de la SARL Dualcorp du 17 janvier 2020 dont elle est le support nécessaire et qui est affectée du même vice non régularisé ; – condamné la SAS ERCG à payer à monsieur [V] [P], à la SARL Dualcorp et à la SAS Drivein la somme de 3 000 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile; – condamné la SAS ERCG à supporter les entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par maître Virginie Reynès et maître François-Xavier Langlais, chacun pour la part lui revenant. — confirmer la nullité pour vice de forme de l’assignation délivrée par la société ERCG à l’encontre de la société DUALCORP, ce vice n’ayant en tout état de cause pas été régularisé tant par les conclusions produites en appel que par les conclusions d’incident et au fond ainsi que les pièces visées à leurs bordereaux notifiées le 13 octobre 2021 par la SAS ERCG devant le juge de la mise en état si tant est que ces dernières soient considérées comme recevables. — condamner la société ERCG à payer à la société DUALCORP la somme de 25.000€ conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. — condamner la société ERCG aux entiers dépens. Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile. MOTIVATION Sur la recevabilité des exceptions de nullité Sur la recevabilité des exceptions de nullité postérieures à des défenses au fond La société ERCG soutient que les exceptions n’ont pas été soulevées in limine litis, puisque la société Drivein avait présenté lors de la demande d’expertise des défenses au fond avant d’invoquer une nouvelle exception de nullité, qu’il en est de même pour la société Dualcorp qui aurait dû introduire son exception de nullité lors de l’incident d’expertise, et pour M. [P] qui s’en est alors rapporté à justice tout en sollicitant que soit modifiée la mission de l’expert. La société Drivein soutient n’avoir pas conclu au fond dans le cadre de l’ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une demande d’expertise, une telle demande ne constituant pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile. Elle ajoute que ses écritures ne contenaient alors aucune demande incidente. M. [P] avance qu’une défense à une demande d’expertise ne constitue pas une défense au fond, mais ne tend qu’au rejet de cette demande. Il ajoute que le juge de la mise en état ne tranche pas de question de fond, sauf fins de non-recevoir, et qu’il n’a pas présenté de défense au fond. La société Dualcorp soutient que les moyens de défense au fond sont à distinguer des demandes incidentes, et que l’article 789 du code de procédure civile exclut l’examen de toute question de fond dans le cadre d’une mesure d’instruction, de sorte que ses conclusions prises dans le cadre de l’incident aux fins d’expertise engagé par la société ERCG ne sont pas une défense au fond. ***** L’article 71 du code de procédure civile prévoit que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention d’un adversaire. L’article 789 du même code prévoit notamment que ‘lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : … 5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ; 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer’. En l’espèce, l’assignation porte sur une demande en contrefaçon de droits d’auteur et concurrence déloyale, et en violation des obligations contractuelles s’agissant de la société Dualcorp. L’article 4 du code de procédure civile prévoit notamment que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, et que ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. En l’espèce, ce n’est pas dans le cadre du premier incident engagé devant le juge de la mise en état par la société ERCG aux fins d’expertise que les intimés ont pu présenter une défense au fond. Ce d’autant qu’il ressort des dispositions précitées de l’article 789 du code de procédure civile que le juge de la mise en état ne peut être amené à traiter une question de fond que lorsqu’il a à statuer sur une fin de non-recevoir, mais une telle hypothèse n’est pas prévue lorsqu’il est saisi d’une demande de mesure d’instruction. Aussi, les défenses présentées par les parties intimées dans le cadre de l’incident soulevé devant le juge de la mise en état par la société ERCG aux fins de solliciter que soit ordonnée une mesure d’expertise ne peuvent s’analyser en des défenses au fond, qui leur interdirait postérieurement de soulever une exception de nullité de l’assignation introductive d’instance. De même le fait pour M. [P] de s’en rapporter à justice dans le cadre de cette demande d’expertise, ne constitue pas une défense au fond l’empêchant de solliciter la nullité de l’assignation. Sur la recevabilité de l’exception de nullité de l’assignation soulevée par la société Drivein La société ERCG soutient que la société Drivein ne s’étant pas opposée à la réalisation d’une expertise judiciaire, et ayant souhaité y ajouter une mission complémentaire, elle ne peut ensuite soulever une exception de nullité de l’assignation, en contradiction avec les moyens qu’elle a précédemment soutenus. Aussi la société Drivein serait irrecevable, au vu du principe de l’estoppel, à soulever ensuite l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance. La société Drivein avance que ses écritures ne contenaient lors de l’examen de la mesure d’expertise aucune prétention au fond, et que son absence d’opposition à cette mesure n’est pas contradictoire avec sa demande de nullité de l’assignation. Elle ajoute que la société ERCG n’établit pas en quoi ses intentions auraient été induites en erreur. ***** La fin de non-recevoir tirée du principe de l’estoppel peut être utilement invoquée si les positions contraires sont adoptées par une même partie au cours d’une même instance. En l’espèce, la société Drivein a, dans le cadre de l’incident initié par la société ERCG devant le juge de la mise en état aux fins d’expertise, indiqué dans ses conclusions que ‘dans la mesure où le litige repose sur une action en contrefaçon de droits d’auteur afférents à un logiciel, une comparaison des éléments constitutifs des logiciels en cause et, particulièrement, des codes sources semble en effet s’avérer indispensable’, avant d’indiquer (en gras) ‘en conséquence, DRIVEIN ne s’oppose pas à ce qu’une expertise judiciaire soit ordonnée’. Le dispositif des conclusions de la société Drivein demandait au juge de la mise en état de lui donner acte de ses protestations et réserves, et d’ordonner la mesure d’expertise sollicitée par la société ERCG, qu’elle souhaitait voir réduite à trois chefs de mission. Il s’en suit que la société Drivein a sans conteste fait état de son accord pour une mesure d’expertise devant le juge de la mise en état, sollicitant qu’elle soit ordonnée, de sorte qu’elle ne peut sans se contredire demander ensuite au cours de la même instance devant la même juridiction que soit prononcée l’annulation de l’assignation introductive d’instance. Une telle attitude procédurale, consistant au cours d’une même instance à adopter des positions contraires, est de nature à induire la société ERCG en erreur sur ses intentions. Par conséquent, il sera fait droit à la demande de la société ERCG, et la société Drivein sera déclarée irrecevable à soutenir l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance. La cour statuera toutefois sur cette même exception, également soulevée par M. [P] et la société Dualcorp, selon les moyens soulevés par ces derniers. Sur le pouvoir juridictionnel du juge de la mise en état pour statuer sur la nullité de l’assignation La société ERCG soutient que le juge de la mise en état a outrepassé ses pouvoirs juridictionnels qu’il tire de l’article 789, qui doit être interprété strictement, et ne lui donne pas le pouvoir de se prononcer sur la valeur des moyens et pièces, ou sur la caractérisation de l’originalité d’une oeuvre dans le cadre d’un incident en nullité de l’assignation. M. [P] relève que le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure, et qu’il lui revient de vérifier si dès le stade de l’assignation, les oeuvres sont identifiées et leurs caractéristiques précisées, afin que le principe du contradictoire soit respecté. Il soutient que ce juge est resté dans le périmètre de sa mission. ***** Il résulte de l’article 789 du code de procédure civile que le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure, et de l’article 73 que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. La demande tendant à voir prononcer la nullité de l’assignation étant une exception de procédure, le juge de la mise en état est compétent pour en connaître. L’article 56 du code de procédure civile prévoit notamment que l’assignation contient, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit. L’action en contrefaçon de droit d’auteur protégeant la forme originale sous laquelle des idées ou concepts sont exprimés, il revient à l’auteur d’identifier l’oeuvre dont il sollicite la protection et les caractéristiques qui révèlent son originalité, afin que les défendeurs à une telle action puissent connaître l’objet précis de la demande à leur encontre. Il ne revient pas au juge de la mise en état d’apprécier l’originalité de l’oeuvre dont la protection est sollicitée, débat qui relève du fond, mais de vérifier que l’oeuvre est suffisamment identifiée et décrite dans ses formes originales pour permettre aux défendeurs de connaître les spécificités originales revendiquées et qui leur sont opposées. Le juge de la mise en état ne peut exiger la démonstration de l’originalité du produit dont la protection est sollicitée, mais l’identification de l’oeuvre et des caractéristiques dans lesquelles se trouveraient selon le demandeur son originalité, est nécessaire afin que les défendeurs soient en mesure de se défendre. En conséquence, le juge de la mise en état n’a pas dépassé ses pouvoirs en contrôlant si les caractéristiques originales des oeuvres en débat étaient suffisamment explicitées dans l’assignation introductive d’instance. Sur la recevabilité des conclusions La société ERCG fait état des conditions nécessaires pour que soient rejetées des conclusions tardives, et avance que le rejet de ses écritures constitue une atteinte au principe du contradictoire, alors qu’aucun calendrier de procédure n’avait été mis en place. Elle ajoute que le renvoi à une audience ultérieure est de droit, que rien ne s’y opposait, et qu’il était demandé. Elle déclare que ses conclusions n’appelaient pas de réponse, que l’ordonnance n’a pas assez justifié le rejet de ses conclusions, et que cela lui a causé un préjudice en ce qu’elle n’a pas pu régulariser les assignations critiquées. M. [P] soutient que le renvoi sollicité par une partie n’est pas de droit, qu’un programme de procédure avait été arrêté qui n’a pas été respecté par la société ERCG, laquelle a conclu la veille en signifiant des conclusions volumineuses et un grand nombre de pièces, empêchant les autres parties de conclure dans les délais. Il ajoute qu’en refusant le renvoi que la société ERCG a cherché à lui imposer, le juge de la mise en état n’a pas violé le principe du contradictoire, lequel justifiait que ses conclusions soient écartées. Il relève que l’ordonnance est motivée, et conteste que le rejet des conclusions ne cause un grief aux parties. La société Dualcorp rappelle les dispositions du code de procédure civile applicables, qu’il revient au juge de la mise en état d’assurer le respect du principe du contradictoire, et qu’il peut dans ce cadre déclarer irrecevables des écritures tardives. Elle indique avoir soulevé la nullité de l’assignation par conclusions du 7 juin 2021, que la société ERCG avait jusqu’au 9 septembre 2021 pour conclure en réponse, et n’a signifié ses écritures que le 13 octobre 2021 la veille de l’audience. Elle relève que les conclusions au fond signifiées en même temps comportaient 15 pages supplémentaires destinées à régulariser le défaut de précision de l’assignation, et étaient étroitement liées aux conclusions d’incident du même jour. Elle conclut que ce faisant la société ERCG empêchait les défendeurs de prendre connaissance de ses arguments et n’a pas respecté le principe du contradictoire, de sorte que la mise à l’écart de ses conclusions doit être confirmée. ***** Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Le juge de la mise en état a mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité des échanges des conclusions et de la communication des pièces. En l’espèce, à la suite de conclusions de nullité de l’assignation signifiées par les sociétés Dualcorp et Drivein les 7 juin et juillet 2021, le juge de la mise en état a adressé aux parties le 9 juillet 2021 un bulletin de procédure les convoquant à l’audience du 14 octobre 2021 à 10 h pour plaidoiries de l’incident, avec un calendrier de procédure précisant que le 9 septembre 2021 la société ERCG et M. [P] devaient conclure en réplique. M. [P] a signifié ses conclusions d’incident le 9 septembre 2021, conformément au bulletin de procédure. La société ERCG a signifié ses conclusions d’incident le 13 octobre 2021, conclusions de 33 pages visant 49 pièces, soit la veille de l’audience de plaidoirie de l’incident. Elle a également signifié des conclusions au fond le même jour. Une telle signification de conclusions d’incident par la société ERCG, qui ne justifie pas avoir sollicité auparavant un délai supplémentaire pour conclure, est très tardive, en ce qu’elle est intervenue avec plus d’un mois de retard, et à quelques heures de l’audience de plaidoirie de l’incident. Cette signification rendait manifestement impossible la prise de connaissance de ces conclusions et pièces par toutes les autres parties au procès. Si le bulletin de procédure du 9 juillet 2021 ne visait pas l’article 781 du code de procédure civile, qui prévoit que le juge peut après avoir recueilli l’avis des avocats fixer un calendrier de mise en état, il revient au juge de veiller au déroulement loyal de la procédure, et spécialement à la ponctualité dans les échanges de conclusions et pièces. Le renvoi n’est pas de droit, et il ne pouvait s’expliquer que par la tardiveté de la signification des conclusions d’incident et pièces de la société ERCG, la veille de l’audience de plaidoiries, dont la date avait été fixée plus de trois mois avant. Par cette signification tardive, la société ERCG n’a pas fait connaître en temps utile aux autres parties les moyens invoqués et ses éléments de preuve, rendant impossible un débat loyal entre elles. Etant de sa mission de veiller au déroulement loyal de la procédure et au respect du principe de la contradiction, le juge de la mise en état n’a pas dépassé ses fonctions en écartant les conclusions d’incident signifiées la veille de l’audience de plaidoiries de l’incident. Il a motivé sa décision en rappelant que le bulletin de mise en état du 9 juillet 2021 donnait un délai pour conclure à la société ERCG et M. [P], que ce délai n’a pas fait l’objet d’une demande de prorogation ou de réserve, que la société ERCG ne l’a pas respecté sans faire état d’un motif légitime. S’agissant des conclusions au fond signifiées le 13 octobre 2021, que le juge de la mise en état a aussi écartées, il ressort de la lecture de l’ordonnance du 10 mai 2021 ayant rejeté la demande d’expertise qu’elle relevait dans sa motivation que la société ERCG devait identifier précisément les caractéristiques originales de chacune des oeuvres dont elle demandait la protection au titre du droit d’auteur. Pour autant, s’il s’est passé cinq mois avant que la société ERCG ne prenne des conclusions au fond susceptible d’apporter ces précisions, l’audience du 14 octobre 2021 était consacrée à la plaidoirie de l’incident, et il n’est pas établi que la société ERCG ait été invitée à conclure au fond, voire qu’elle ait eu une injonction de conclure au fond avant cette date. Dans ces conditions, le fait pour la société ERCG de signifier des conclusions au fond la veille de l’audience de plaidoirie d’incident ne peut être compris comme étant dans le seul but de régulariser les conclusions d’incident prises le même jour, et devant être sanctionné par une déclaration d’irrecevabilité de ces conclusions au fond. Il n’est pas justifié que la société ERCG avait été invitée à conclure au fond avant une date précise, ni qu’elle aurait reçu injonction pour le faire ; la date du 14 octobre 2021 était une date d’audience de plaidoirie d’incident, et non une date de clôture ou une date avant laquelle la société ERCG devait avoir signifié des conclusions au fond. En conséquence, l’ordonnance du 18 novembre 2021 sera confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les conclusions d’incident et les pièces signifiées le 13 octobre 2021 dans le cadre de l’incident. Elle sera infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les conclusions et pièces signifiées le 13 octobre 2021 dans le cadre de la procédure au fond. Sur la validité des assignations en cause La société ERCG avance que la démonstration de l’originalité ne peut être une condition de la validité de l’assignation, le défendeur devant comprendre les demandes formulées contre lui. Elle ajoute que le juge n’avait pas à exiger la démonstration de l’originalité de l’oeuvre, une telle appréciation relevant du débat au fond. Elle relève que l’assignation contenait bien un exposé de la demande, des moyens de fait et de droit et les textes applicables, les éléments factuels suffisants pour permettre une défense utile, que l’ordonnance va au-delà des exigences légales en exigeant que soient définies les caractéristiques originales de l’oeuvre. Elle fait état du contexte dans lequel les assignations ont été délivrées, soutient que l’absence d’un développement plus précis des oeuvres n’a pas nui aux intimés, alors qu’il s’agit d’une nullité de forme nécessitant qu’un grief soit démontré, ce qui n’est pas le cas, alors que le grief provient de la décision du juge de la mise en état de rejeter ses conclusions au fond. Elle relève que les assignations visaient aussi la concurrence déloyale et la responsabilité contractuelle, indépendantes de la protection des logiciels. M. [P] avance qu’il appartient à celui qui sollicite la protection de son droit d’auteur d’identifier l’oeuvre à protéger et les caractéristiques qui fondent son originalité, et ce dès l’assignation, et qu’en l’espèce l’assignation ne permet pas d’identifier les oeuvres et versions des logiciels dont la protection est sollicitée, ni n’en décrit les caractéristiques qui auraient été reprises. Ainsi la société ERCG n’indique pas, dans son assignation, en quoi son logiciel serait susceptible de bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, carence qu’elle n’a pas régularisé par des conclusions au fond. Il ajoute que la défaillance dans la détermination de l’objet du litige vaut aussi pour les demandes présentées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, qui induisent que soient préalablement définis les contours de l’objet protégé, ce que ne contient pas l’assignation. Ces manquements lui causent un grief en ce qu’il est dans l’impossibilité de préparer utilement sa défense. La société Dualcorp indique que l’assignation doit identifier l’oeuvre sur laquelle les droits sont fondés et ses caractéristiques, et que ce manquement constitue une nullité de forme qui affecte l’acte dans son ensemble. Elle relève que l’assignation n’identifie pas les oeuvres ni leurs caractéristiques fondant leur originalité, ni les spécificités du logiciel Drivein qui seraient contrefaisantes, ce qui ne lui permet pas de se défendre utilement. Elle en déduit que l’assignation est affectée d’un vice de forme qui lui cause grief, de sorte qu’elle encourt la nullité. ***** Il est rappelé que l’article 56 du code de procédure civile prévoit notamment que l’assignation contient, à peine de nullité… un exposé des moyens en fait et en droit. La validité de l’assignation doit s’apprécier au regard de l’objet de l’action. L’action en contrefaçon de droits d’auteur, d’interprétation stricte, ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils sont exprimés. Par application de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à l’auteur d’identifier l’oeuvre sur laquelle il fonde ses droits et, plus spécialement, les caractéristiques qui constituent, selon lui, le siège de son originalité, l’identification de l’oeuvre étant le préalable indispensable à l’examen de son originalité. C’est à raison que l’ordonnance a relevé, dans les assignations délivrées les 9 et 17 janvier 2020 par la société ERCG, qu’à part l’indication du regroupement en un seul logiciel (Trax IT) de l’ensemble des processus de la gestion de flotte automobile, les autres éléments avancés pour présentés les logiciels dont la protection était recherchée étaient très généraux et allusifs, sans indication propre à ces oeuvres logicielles. Ces assignations ne décrivent pas précisément les logiciels eux-mêmes et leurs spécificités, ne détaillent pas les fonctionnalités qui en font l’originalité, et l’idée de rassembler dans un logiciel tous les processus de la gestion de flotte automobile est en soi insusceptible de protection. Cette présentation des logiciels de la société ERCG, qui ne présentait pas les caractéristiques de logiciels qui en feraient l’originalité, ne permettait pas aux défendeurs de connaître la reprise des fonctionnalités qui leur était reprochée, de sorte qu’ils n’étaient pas en mesure de connaître l’objet précis de la demande présentée à leur encontre, ce qui constituait un vice de forme et leur faisait grief. ***** L’article 115 du code de procédure civile prévoit que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. En l’espèce, dans ses conclusions au fond signifiées le 13 octobre 2021, la société ERCG a fait une présentation plus complète de ses deux logiciels, en présentant — pour TraX IT : son architecture, le configurateur de véhicule, le chargement des données clients et fournisseurs, les choix fonctionnels, la typologie d’utilisateurs, la modélisation de ses objets principaux, l’orientation processus, le traitement de la taxe sur véhicules de société (TVS) qu’il effectue, — pour TraX UP : son architecture, les choix fonctionnels, la typologie d’utilisateurs, la modélisation de ses objets principaux, le traitement de la TVS. De même a-t-elle donné deux exemples d’import de fichiers avec les codes sources de TraX-IT et TraX-UP, et de copié-collé d’un fichier, et elle a communiqué les codes sources de ces deux logiciels, et les attestations de dépôt à l’APP (agence de protection des programmes). La cour observe qu’elle a inséré les mêmes développements dans ses conclusions devant la cour. La société Dualcorp soutient que ces développements ne permettent pas d’identifier les logiciels argués de contrefaçon, les trois attestations de dépôt à l’APP visant trois logiciels dont les noms sont différents et sont intervenus le 25 août 2021, plus d’un an et demi après les assignations. Elle ajoute que les codes sources sont aussi postérieurs à l’assignation, et que les conclusions ne permettent pas d’identifier précisément les caractéristiques fondant l’originalité des logiciels ni aux intimés de répondre utilement, seule une très petite partie du code source leur étant présentée comme étant originale. Après avoir relevé que seules des conclusions au fond devant le 1er juge peuvent couvrir la nullité de l’assignation, M. [P] indique que les explications de la société ERCG dans ses conclusions devant la cour (note de la cour : les mêmes que celles au fond, en 1ère instance, du 13 octobre 2021), ne permettent toujours pas d’identifier précisément les oeuvres et d’apprécier leurs éléments subjectifs, les codes sources communiqués ne permettant pas d’identifier les parties spécifiques bénéficiant d’une protection particulière. Il avance que les conclusions de la société ERCG contiennent de nombreuses considérations générales et non spécifiques, ne lui permettant pas de se défendre. Il relève aussi que les dépôts à l’APP sont postérieurs à l’assignation. ***** L’article L112-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que sont considérés comme des oeuvres de l’esprit les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire; les dispositions de ce code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit Les logiciels sont protégés s’ils sont originaux, et si leur auteur a fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en oeuvre d’une logique automatique et contraignante, la matérialisation de cet effort résidant dans une structure individualisée. En l’espèce, si les intimés relèvent que les dépôts auprès de l’APP sont postérieurs à la délivrance des assignations, il n’en demeure pas moins que dans ses conclusions au fond signifiées en 1ère instance le 13 octobre 2021, la société ERCG présente l’architecture de chacun des deux logiciels TraX IT et TraX UP, en relevant qu’elle ne se retrouve chez aucun de ses concurrents, et en indiquant les évolutions de l’architecture de TraX UP par rapport à TraX IT. De même présente-t-elle le configurateur de véhicule de TraX IT et les possibilités offertes, ainsi que le chargement des données clients et fournisseurs, révélant des choix de l’auteur (ex: importation des fichiers fournisseurs plutôt qu’interface avec les systèmes fournisseurs, logiciel en ligne plutôt qu”application Desktop’ pour le TraX IT). De même l’écran de paramétrage de TraX IT présente-t-il des choix fonctionnels, lesquels pour TraX UP sont revendiqués comme la communication entre les parties utilisateurs – administrateur ou le fait de privilégier certains choix (ainsi, carte carburant, autonomie de l’utilisateur dans la gestion de l’usage, intégration autonome de nouveaux clients). La présentation de la modélisation de chacun des deux logiciels est susceptible de révéler les choix optionnels qui ont été alors opérés. Il en est de même des codes sources communiqués, lesquels peuvent être de nature à révéler les choix arbitraires effectués lors du développement des logiciels, et dont des extraits sont communiqués. Si l’intégralité de ces codes sources n’est pas communiquée, les extraits versés sont néanmoins de nature à permettre aux défendeurs d’apprécier les options qui auraient été alors prises pour les extraits de code source produits, et l’originalité revendiquée. Aussi les développements figurant dans les conclusions au fond du 13 octobre 2021 sont suffisants pour permettre aux défendeurs de connaître le contour de l’originalité alléguée des logiciels dont la protection est recherchée par la société ERCG, et dont la reprise par eux serait contrefaisante. Ces conclusions, notifiées devant le juge de 1ère instance avant que ne soit prononcée la nullité de l’assignation, sont de nature à régulariser la carence des assignations et à ne pas laisser subsister de grief dans la mesure où les défendeurs connaissent les éléments caractérisant l’originalité alléguée des logiciels, suffisamment décrits, ce qui leur permet de préparer leur défense. En conséquence, l’ordonnance ayant prononcé la nullité de l’assignation sera infirmée. Sur l’irrecevabilité pour défaut de qualité à agir Au vu des développements précédents, il ne sera pas fait droit à la demande de M. [P] qui sollicitait que la société ERCG soit déclarée irrecevable à agir en ce qu’elle n’apportait pas d’éléments permettant de décrire les logiciels litigieux, n’explicitait pas leurs caractéristiques originales, ou les éléments constitutifs de concurrence déloyale. Sur les autres demandes Les condamnations prononcées en 1ère instance au titre des frais irrépétibles et dépens seront infirmées. Chaque partie supportera la charge de ses dépens, et il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l’appel, Déclare la société Drivein irrecevable en son exception de nullité de l’assignation introductive d’instance, Infirme l’ordonnance du 18 novembre 2021, sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevables les conclusions d’incident signifiées par la société ERCG le 13 octobre 2021, Déboute M. [P] et la société Dualcorp de leur exception de nullité de l’assignation, Renvoie l’affaire à la mise en état devant le tribunal judiciaire de Nanterre, Déboute les parties de leurs autres demandes, Laisse à chaque partie la charge de ses dépens. Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,Le président, | |