Article 257 bis du Code Général des Impôts : décision du 7 avril 2015 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/09733

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Article 257 bis du Code Général des Impôts : décision du 7 avril 2015 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 14/09733
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COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 07 AVRIL 2015

G.T

N° 2015/ 181

Rôle N° 14/09733

[P] [F]

SCP [O] [T] – [F] – [V]

C/

SA NORBAIL IMMOBILIER

SAS SOGETI

Grosse délivrée

le :

à :ME GUEDJ

ME DRUJON D’ASTROS

ME DESHORMIERE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/05086.

APPELANTS

Maître [P] [F]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

SCP BADET BLERIOT – EYROLLES – ANDRE-EYROLLES poursuites et diligences de son représentant légal en exerci ce y domicilié, [Adresse 3]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

INTIMEES

SA NORBAIL IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2]

représentée par Me François DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Anne-Gaelle LE MERLUS avocat au barreau de PARIS

SAS SOGETI, représentée par son Président en exercice, domicilié audit siège sis [Adresse 1]

représentée par Me Cécile DESHORMIERE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Eric QUENTIN, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Julien FAUCHER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 02 Mars 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, M.TORREGROSA, Président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Georges TORREGROSA, Président

Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2015,

Signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Les faits, la procédure et les prétentions:

Par acte sous-seing privé en date du 7 septembre 1998 , Norbail immobilier a consenti à une société Transiciel un crédit-bail pour une durée de 12 ans portant sur un immeuble situé à [Adresse 4] , à usage de bureaux . La société Transiciel a depuis pris la dénomination de Sogeti .

Par courrier en date du 21 juillet 2009 , Sogeti a notifié à norbail immobilier son intention de lever l’option , avec transfert de la propriété .

Maître [F] et la société civile professionnelle notariale Badet – Blériot – [F] à laquelle il appartient ont assisté [C] dans le cadre de l’acquisition du bien immobilier et ont rédigé l’acte de vente .

Par acte en date du 28 juillet 2011 , Norbail immobilier a assigné le notaire et la société notariale pour obtenir leur condamnation à lui payer une somme de 234’905 € à titre de dommages-intérêts, pour manquement au devoir de conseil et pour avoir outrepassé leur mandat.

Par acte en date du 13 septembre 2012 , les notaires ont appelé en garantie Sogeti et les deux procédures ont été jointes .

La société demanderesse expose que le 30 juillet 2009, elle a adressé à son notaire parisien un projet d’acte de vente annoté avec des modifications qu’elle entendait voir figurer à l’acte. Le même jour elle transmettait également à ce notaire une procuration , signé sous réserve des modifications, donnant à tout clerc de Maître [F] le mandat de vendre à Sogeti le bien immobilier. La vente intervenait le 27 août 2009 , et norbail immobilier découvrait alors que le notaire avait utilisé la procuration du 31 juillet 2009, mais modifié unilatéralement l’acte sans qu’elle ait donné son accord.

Ainsi, la clause concernant la régularisation de TVA sur immobilisation , qui devait incomber à Sogeti, était différente et le prix qui devait être payé comptant était stipulé payable dans un délai de 24 heures .

En réalité, l’acte querellé prévoyait une dispense de régularisation de la TVA alors que la revente immédiate du bien à un sous-acquéreur interdisait cette dispense, prévue par l’article 257 bis du code général des impôts ;

Norbail immobilier , qui régularisait le paiement de cette TVA hauteur de 187’961 €, outre une rectification de 46’943 € , réclamait donc ces sommes au notaire.

Par jugement contradictoire en date du 10 avril 2014, le tribunal de grande instant d’Aix-en- Provence a condamné solidairement les notaires à payer à norbail immobilier la somme de 187 961 € en principal , et ordonné la restitution par les notaires associés à Sogeti de cette somme déposée en leur étude, avec intérêts depuis le 25 février 2013 ;

les notaires ont été déboutés de leurs demandes à l’encontre de Sogeti .

Maître [F] et la société civile professionnelle notariale ont relevé appel le 14 mai 2014 de façon régulière et non contestée . Il sera fait application de l’article 455 du code de procédure civile.

Les appelants ont conclu le 1er décembre 2014 et demandent à la cour de réformer , aucune faute n’étant démontrée et le préjudice invoqué étant pas justifié ;

il n’existe aucun lien de causalité directe entre la faute le préjudice invoqué , et ce préjudice résulte uniquement du refus par norbail immobilier d’appliquer l’acte dressé, ainsi que de son refus injustifié de régulariser un acte rectificatif;

une somme de 5000 € est réclamée à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

subsidiairement, seule la société Sogeti peut être tenue au remboursement de la TVA et elle sera condamnée en tant que de besoin au remboursement de cette TVA ;

à titre infiniment subsidiaire, Sogeti devra relever garantir le notaire de toute condamnation prononcée à son encontre ;

Sogeti a conclu le 2 octobre 2014 à la confirmation , avec condamnation des appelants à payer une somme de 8000 € au titre des frais inéquitablement exposés .

Norbail immobilier a conclu le 30 septembre 2014 à la confirmation, sauf en ce que le préjudice est limité à la seule somme de 187’131 €;

en conséquence, le notaire et la société civile professionnelle notariale seront condamnés solidairement à payer à norbail immobilier une somme de 234’905 euros , avec intérêts au taux légal depuis juillet 2010, date de la mise en demeure, outre 3000 € au titre des frais inéquitablement exposés .

L’ordonnance de clôture est en date du 17 février 2015.

SUR CE :

Attendu que l’appelant soutient tout d’abord qu’il ne pouvait qu’appliquer la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis du code général des impôts ;

Attendu qu’il se livre ainsi à une étude fiscale complète , avec une lecture toute personnelle de la lettre de l’administration fiscale en date du 29 janvier 2009 , estimant que dans ce cas le refus d’application de la dispense était motivé par la qualité de société civile immobilière du crédit preneur, et non par la revente « rapide » du bien , alors que la cour estime au contraire que la lecture de ce document proscrit la dispense de TVA car « l’acquéreur de l’immeuble a revendu l’immeuble le jour même de son acquisition, et de ce fait, n’a pas poursuivi l’exploitation de l’universalité qui lui avait été transmise … En effet, s’il n’existe aucune obligation pour le cessionnaire de continuer d’exercer une activité strictement identique à celle du cédant, le bénéfice de la dispense implique que le cessionnaire, en tant qu’il continue la personne du cédant, exploite la partie d’entreprise transmise et non simplement procède immédiatement à sa liquidation… »;

Attendu que pareillement, la lecture de la note du Cridon en date du 24 mai 2007 , même ancienne par rapport au cas d’espèce , permet de pointer une application « beaucoup plus aléatoire » de l’article 257 bis, en cas de revente immédiatement consentie par l’ancien crédit preneur à un tiers, même si ce tiers poursuit l’activité de location en TVA, en précisant même que l’engagement de poursuivre « l’exploitation de l’universalité », c’est-à-dire la location de l’immeuble, ne serait en définitive pris que « pour un instant de raison et serait de fait purement artificiel » ;

Mais attendu qu’au-delà de ces lectures divergentes , la cour n’est pas en toute hypothèse saisie de l’ application décrite comme impérative de l’article 257 bis au cas d’espèce , mais de la faute du notaire ayant consisté à modifier les termes du projet initialement prévu , sans qu’au vu de son dossier ils ne démontre en aucune manière que l’une l’autre des parties ait été avertie ou ait donné son accord , sachant que chacune était représentée par un clerc de notaire disposant d’une procuration ;

Attendu que le projet initial de vente prévoyait bien une régularisation de déduction de TVA sur immobilisation (page cinq ), pour un montant de 187’961,81 euros , à reverser par le vendeur , l’acquéreur devant payer le solde du prix comptant de même que le reversement de TVA ci-dessus précisé ;

Attendu qu’il n’est pas sérieusement contesté que dans l’acte signé le 27 août 2009 , le notaire a modifié de son propre chef cette clause , en introduisant dans le champ contractuel la dispense de TVA prévue par l’article 257 bis , avec la précision essentielle qui constitue en réalité le n’ud gordien du litige , à savoir que l’acquéreur n’était plus tenu à rembourser le reversement de TVA , les 12 mots qui le prévoyaient dans le projet en page six étant barrés, avec mention de 12 mots nuls in fine de l’acte en page 18 ;

Attendu que le notaire , qui a passé l’acte de revente le même jour à un sous-acquéreur , ne pouvait donc ignorer que Sogeti ne poursuivrait par l’activité de location de biens immobiliers, qui n’est d’ailleurs pas la sienne , et a néanmoins indiqué dans l’acte que « l’acquéreur déclare que le bien vendu constituera pour lui une immobilisation et qu’en conséquence il s’engage à poursuivre l’exploitation dudit bien » ;

Attendu qu’il n’est pas inutile de remarquer par ailleurs que la nouvelle rédaction allait à l’évidence dans le sens des intérêts de Sogeti, puisque le projet initial prévoyait un paiement comptant tandis que l’acte finalement signé prévoyait un paiement à 24 heures , qu’il serait naïf de ne pas mettre en relation avec l’acte de revente immédiatement passé par Sogeti en sa qualité de nouveau propriétaire ;

Attendu qu’au plan strictement civil , et non pas uniquement fiscal , la faute du notaire a consisté à ne pas recueillir l’accord de norbail immobilier pour la dispense de TVA , ce qui a entraîné par voie de conséquence directe l’absence de toute obligation de Sogeti sur ce volet;

Qu’ainsi, et même à admettre par hypothèse le caractère obligatoire de cette dispense et à occulter les conclusions précises de la DG FP et du Cridon qui ne permettent nullement de tenir cette dispense pour acquise en l’espèce , l’on conviendra que la situation projetée (paiement de la TVA par norbail, mais reversement par Sogeti) était infiniment moins risquée que la situation créée par le notaire , à savoir dispense de TVA mais absence de toute obligation de Sogeti de ce chef envers le vendeur ;

Attendu qu’enfin, et sur le terrain de la faute, le mandat dont disposait le clerc de notaire pour représenter norbail immobilier lors de la vente ne dispensait nullement le notaire d’aviser les parties à l’acte des modifications qu’il estimait nécessaires , et de les informer soit de l’impossibilité selon lui de maintenir le projet initial , soit en toute hypothèse et surtout de l’impossibilité selon lui de maintenir l’engagement de Sogeti en matière de TVA , ce qu’il n’a pas fait ;

Attendu que l’éventuelle passation d’actes distincts faisant application dans des situations similaires de l’article 257 bis du code général des impôts, sans que cela pose problème, ne change rien cette analyse ;

Attendu que la faute étant établie , un lien direct existe entre cette faute et à tout le moins l’impossibilité d’actionner Sogeti , qui n’est plus liée légalement ou contractuellement , sur ce dernier point par la faute du notaire ;

Attendu qu’en effet , et si [U] ne peut soutenir à la fois que la TVA était due et que son paiement constituerait un préjudice indemnisable, il n’en demeure pas moins que la modification opérée par le notaire est à l’origine directe de l’impossibilité d’exiger de Sogeti qu’il reverse ce montant à Norbail , alors même que ce montant de TVA a été consigné entre les mains du notaire par Sogeti , ce qui n’est nullement contesté ;

Attendu qu’il ne saurait par ailleurs être reproché à Norbail immobilier d’avoir régularisé la TVA, lorsque l’on met en perspective l’acte litigieux , et l’acte de revente qui a immédiatement suivi et dont rien n’indique qu’il soit opposable à Norbail , le tout à la lumière du libellé de l’article 257 bis et de son analyse ci-dessus précisée par les finances publiques et le Cridon;

que la volonté de transparence et de régularisation par rapport à l’administration fiscale, celle de ne pas encourir un reproche de mauvaise foi avec pénalités à la clé , explique parfaitement la régularisation opérée , sachant que la tentative de rectification proposée tout de même par le notaire, qui par là-même n’était plus si certain de son analyse sur le 257 bis , n’offrait pas les garanties du projet initial par rapport à Sogeti , qui était faut-il le rappeler la société supportant au final le coût de la TVA, ce qui n’est plus le cas ;

Attendu qu’en toute hypothèse, l’initiative unilatérale du notaire consistant à introduire la dispense de TVA, et à supprimer l’obligation de reversement de Sogeti, a imposé à norbail une situation extrêmement délicate , par rapport à l’acte initialement prévu , puisqu’elle se trouvait en délicatesse avec l’administration fiscale pouvant jusqu’à l’écoulement du délai de prescription lui opposer un redressement sur une base que la cour estime parfaitement sérieuse , tout en n’ayant plus de recours contractuel contre Sogeti , étant précisé que la rectification proposée par le notaire ne levait pas cette absence de recours ;

Attendu qu’en définitive, Norbail immobilier se voyait ainsi imposer comme seule perspective l’écoulement du délai de prescription , la cour estimant que dans ce contexte , qui n’était que la conséquence de la faute du notaire , le paiement volontaire de la TVA est en lien direct avec la situation fiscale unilatéralement créée par le notaire, et donc avec la faute de ce dernier qui n’a pas informé les parties ni recueilli leur accord;

Attendu que le notaire ne dispose d’aucun élément concret permettant d’asseoir une faute de Sogeti de nature à fonder un appel en garantie ;

que pareillement, aucune disposition légale ne permet cet appel en garantie, l’entier litige n’étant que la conséquence d’une modification unilatérale de l’acte projeté , et l’initiative du notaire n’étant nullement opposable, au vu de son dossier , à [U] ou à Sogeti ;

Attendu qu’en revanche, l’appel incident de [U] ne saurait prospérer , car l’accord des parties figurant dans le projet d’acte de vente ne portait que sur un montant de 187’961 €, rien ne permettant d’opposer à Sogeti un montant supérieur , et donc d’intégrer dans le préjudice dont le notaire doit réparation le montant supplémentaire rectifié de 46’943 € ;

Attendu qu’enfin , aucun fondement , notamment de nature contractuelle , ne permet à la cour de décider , si elle jugeait que l’article 257 bis du code général des impôts est inapplicable à l’espèce, que seule la société Sogeti peut être tenue au remboursement de la TVA versée par Norbail , avec au besoin condamnation de Sogeti au remboursement de cette TVA;

Attendu qu’en définitive, et si le notaire avait recueilli l’accord des parties pour la dispense de TVA en les informant des conséquences possibles si l’article 257 bis ne se révélait pas applicable, [U] aurait soit maintenu le projet sans dispense de TVA mais avec reversement par Sogeti , soit en toute hypothèse exigé que dans le cadre du projet remanié , mais au cas où le fisc refuse d’appliquer la dispense , elle continue de disposer d’un recours contractuel à l’encontre de Sogeti;

Attendu que même si le notaire soutient que le caractère impératif de la loi l’obligeait à appliquer la dispense de TVA , la cour ne discerne pas le dommage qui aurait pu résulter pour l’une ou l’autre des parties du maintien du projet , puisque dans ce cas de figure que la cour évoque dans un souci d’exhaustivité, le trop payé de TVA ne plaçait pas Norbail dans une situation dommageable par rapport à l’administration fiscale ;

Attendu que le notaire devra logiquement restituer à Sogeti la somme de 187’961,81 euros, le jugement de premier ressort étant confirmé sur ce point tant en principal qu’en intérêts ;

Attendu que c’est donc une confirmation qui s’impose, l’appel principal étant infondé tout comme l’appel incident .

PAR CES MOTIFS , LA COUR statuant contradictoirement :

Déclare l’appel principal infondé ;

Rejette l’appel incident ;

Confirme l’intégralité des dispositions du jugement de premier ressort ;

Condamne les appelants aux entiers dépens , qui seront recouvrés au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile , outre le paiement à chacun des intimés d’une somme de 2000 € au titre des frais inéquitablement exposés en cause d’appel .

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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