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RG N° 12/03722
J-L.B
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
Me Alain COLLOMB-REY
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRET DU JEUDI 31 OCTOBRE 2013
Appel d’une décision (N° RG 2011J611)
rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE
en date du 16 juillet 2012
suivant déclaration d’appel du 03 Août 2012
APPELANTE :
SARL SELENE MATERIAUX pris en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par de Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE (postulant) et plaidée par Me BOREL, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Maître [D] [J] es qualité liquidateur de la société BIEVRE DECORS
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté et plaidée par Me Alain COLLOMB-REY, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Mme Dominique ROLIN, Président de Chambre,
Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller,
Mme Fabienne PAGES, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Abla AMARI, Greffier.
DEBATS :
A l’audience publique du 03 Octobre 2013
Monsieur [E] a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
——0——
Par acte notarié du 12 mai 2011 la SARL BIEVRE DECORS a cédé à la société SELENE MATERIAUX son fonds de commerce de négoce de matériaux de construction pour le prix de 275’000 EUR hors stock de marchandises.
Il a été stipulé que le stock sera acquis par le cessionnaire sur justification des factures d’achat aux dernier prix d’achat connus, hors prix spéciaux de chantier, à la date de l’acte d’après l’inventaire contradictoire dressé directement entre les parties, les marchandises devant être à cette époque de qualité saine, loyale et marchande.
Une somme de 200’000 EUR a été séquestrée à valoir sur le prix du stock de marchandises, dont le solde a été stipulé payable dans le délai de 30 jours .
Par jugement du 12 juillet 2011 le tribunal de Commerce de Grenoble a ouvert la liquidation judiciaire de la société BIEVRE DECORS et a désigné Me [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Un litige s’est élevé entre le liquidateur judiciaire et la société SELENE MATERIAUX quant à la fixation du solde du prix du stock de marchandises.
Me [J] a réclamé le paiement d’un solde de prix de 191’912,07 euros sur la base d’un inventaire réalisé en mai 2011 qui valorise le stock de marchandises à la somme de 391’912,05 euros.
Par jugement du 16 juillet 2012 le tribunal de Commerce de Grenoble a condamné la société SELENE MATERIAUX à payer à Me [J] , ès qualités, la somme réclamée de 191’912,07 euros avec intérêts au taux de trois fois le taux d’intérêt légal à compter du 12 juin 2011 après avoir refusé d’ordonner une expertise en vue de la valorisation du stock.
La SARL SELENE MATERIAUX a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 3 août 2012.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 13 septembre 2013 par la SARL SELENE MATERIAUX qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement, de débouter Me [J] , ès qualités, de l’intégralité de ses demandes, subsidiairement de dire et juger que la somme séquestrée de 200’000 EUR représente la valeur du stock, plus subsidiairement encore d’enjoindre à Me [J] , ès qualités, de produire l’intégralité
des factures d’achat des marchandises désignées dans l’inventaire communiqué en pièce numéro 7 et d’ordonner une expertise aux frais de l’intimé en vue de déterminer la valeur du stock cédé et en tout état de cause de condamner Me [J] , ès qualités, au paiement d’une indemnité de procédure de 10’000 EUR aux motifs’:
qu’aux termes des clauses et conditions de l’acte de cession elle s’est engagée à racheter à leur prix d’achat les seules marchandises qui parmi celles inventoriées dans le stock résiduel avaient une valeur saine, loyale et marchande,
que le fichier informatique établi unilatéralement par la société cédante, qui valorise le stock au prix de 391’912,07 euros, n’est pas celui sur lequel les parties se sont fondées pour évaluer le stock,
qu’il appartient donc à Me [J], en exécution de l’engagement pris par la société SELENE MATERIAUX, de verser au dossier les factures afférentes à chacune des références de produits listées dans le listing informatique, qui mentionne des prix fantaisistes non validés ni certifiés au vu des factures correspondantes, étant observé qu’à aucun moment avant la signature de l’acte ces factures ne lui ont été présentées,
que la preuve n’est pas davantage rapportée de ce que les marchandises étaient de qualité saine, loyale et marchande,
qu’en toute hypothèse, selon l’usage en la matière, les parties se sont accordées pour appliquer une décote sur les marchandises à faible valeur marchande en maison de leur mauvais état de conservation ou de leur rotation lente,
qu’en exécution de cet accord, dont la réalité est attestée par plusieurs témoins, les parties ont décidé d’appliquer une décote sur le prix des marchandises de mauvaise qualité et ont ainsi fixé à la somme de 200’000 EUR la valeur du stock, somme qui est cohérente avec la propre comptabilité de la société cédante,
que sur la base des factures d’achat, qui devront être produites aux débats, de l’inventaire et des documents comptables une expertise serait de nature à établir le prix réel des marchandises vendues, qui se trouvent toujours dans ses locaux,
qu’enfin conformément à l’accord des parties une dispense de TVA sur le fondement de l’article 257 bis du code général des impôts devra être appliqué au prix retenu.
Vu les conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 19 septembre 2013 par Me [J] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL BIEVRE DECORS ,qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de la société SELENE MATERIAUX à lui payer une nouvelle indemnité de 12’500 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile aux motifs’:
que l’inventaire qui lui a été remis le 7 septembre 2011 par le notaire de l’acquéreur, ainsi que le propre décompte récapitulatif de la société SELENE MATERIAUX et l’inventaire contradictoire de mai 2011 que celle-ci verse au dossier , démontrent que les parties étaient
d’accord pour valoriser le stock au jour de la cession à son prix d’achat hors-taxes de 391’912,07 euros,
qu’au demeurant la valeur des stocks figurant sur le listing informatique est nécessairement entrée en comptabilité sur la base des prix d’achat hors taxes,
qu’il ne détient pas les factures d’achat des marchandises qui sont restées en possession de l’acquéreur du fonds,
que la société SELENE MATERIAUX ne peut prétendre faire application d’une décote sur la base d’un accord, dont elle ne rapporte pas la preuve, qui n’est pas repris dans la méthode de valorisation stipulée à l’acte de vente,
qu’il appartient à la société SELENE MATERIAUX d’établir que les marchandises en stock,dont elle a pris possession au jour de la cession, n’étaient pas de bonne qualité, étant observé que les matériaux de construction convenablement stockés ne se déprécient pas avec le temps, que le constat d’huissier dont il est fait état est postérieur de six mois à la prise de possession et que les attestations irrégulières versées au dossier émanent de personnes en lien de subordination avec le défendeur,
qu’en toute hypothèse les éventuels défauts et non-conformités affectant les biens vendus ne pourraient donner lieu qu’à dommages et intérêts et à compensation, à la condition impérative toutefois d’avoir été déclarés au passif de la société BIEVRE DECORS ,
que malgré la clause de l’acte selon laquelle le prix du stock sera réglé sans intérêts, la pénalité prévue à l’article L. 441-6 du code de commerce est applicable,
que la demande de communication des factures est irrecevable, alors qu’il est de jurisprudence constante qu’est irrecevable une demande de communication de pièces faites au liquidateur, dont l’obligation de communication incombait à la société débitrice avant le jugement d’ouverture, étant observé que le défaut de communication incombant à cette dernière ne peut se résoudre qu’en dommages et intérêts à déclarer au passif,
qu’une expertise serait inutile plus d’une année après la prise de possession.
MOTIFS DE L’ARRET
Aux termes de l’acte de cession du 12 mai 2011 il a été stipulé que la vente séparée du stock de marchandises se ferait dans les conditions et selon les modalités suivantes :
«’Les marchandises garnissant le fonds cédé à ce jour, lesquelles feront l’objet, sous réserve de ce qui est stipulé ci-après, d’un paiement directement entre les parties au vu d’une facture établie par le CEDANT contenant les énonciations obligatoires, notamment celles relatives à la dispense de taxation de TVA, dans les conditions ci- après convenues (Article 257 du Code Général des Impôts).
Ce stock, d’un commun accord entre les parties et sur justification des factures d’achat, est acquis par le CESSIONNAIRE, aux derniers prix d’achat connus hors prix spéciaux de chantier, à la date de ce jour, en sus du prix ci-après indiqué d’après l’inventaire contradictoire qui a été dressé directement entre les parties, contradictoirement entre elles, les marchandises devant être à cette époque de qualité saine,
loyale et marchande. Cet inventaire a été certifié sincère et véritable par les Parties.
Les marchandises sont payées comptant ce jour, par la comptabilité de l’Offïce Notarial, par dérogation du compromis et d’un commun accord, à hauteur de la somme de DEUX CENT MILLE EUROS (200.000,00€) Hors taxes, directement et par la comptabilité du Notaire, rédacteur de l’acte de cession.
Cette somme est séquestrée en totalité ainsi qu’il sera indiqué ci-après.
Quant au solde résultant de l’inventaire contradictoire du stock à régulariser au cours des prochains jours suivant la présente cession, il est stipulé payable dans les 30 jours dudit acte, sans intérêt, en dehors de la comptabilité du Notaire, rédacteur des présentes.’»
Selon le mécanisme d’achat du stock en deux temps ainsi mis en place, la valeur théorique de vente a été fixée sur la base d’un inventaire contradictoire établi directement entre les parties à la date de l’acte retraçant le prix d’achat des marchandises , tandis qu’il a été prévu que la fraction du prix excédant les 200’000 € séquestrés serait payable dans le délai de 30 jours de l’établissement d’un inventaire physique contradictoire.
Le 7 septembre 2011 le notaire de l’acquéreur, rédacteur de l’acte, a transmis à Me [J], qui en avait fait la demande, le listing informatique constituant l’inventaire de cession.
Ce document, qui correspond en tous points à «’l’inventaire contradictoire de mai 2011’» que la société SELENE MATERIAUX produit elle-même aux débats en pièces 5 et 8, valorise le stock à la somme de 391’212,07 euros sur la base du prix d’achat des marchandises diminué des sorties au 11 mai 2011.
Il est donc certain que c’est sur la base de cet inventaire établi sous la forme d’un listing informatique, tiré de la comptabilité de la société BIEVRE DECORS à partir des factures d’achat, que les marchandises ont été valorisées contradictoirement à la date de la cession, en sorte que dans la commune intention des parties la somme de 391’212,07 euros représentait incontestablement la valeur de référence du stock, à parfaire sur la base d’un inventaire physique que les parties s’engageaient à dresser rapidement.
C’est d’ailleurs sur cette même base de 391’212,07 euros que la société cessionnaire a établi son décompte récapitulatif pour offrir un complément de prix de 10’721,70 euros après application de diverses décotes, confirmant en cela que cette somme correspondait bien à la valeur théorique de négociation.
La société SELENE MATERIAUX n’est dès lors pas fondée à exiger la production des factures d’achat, puisqu’elle a admis lors de la conclusion du contrat le bien-fondé de la valorisation comptable du stock, laquelle a nécessairement été réalisée d’après les factures d’achat, dont elle a eu connaissance ainsi que le rappelle expressément la clause susvisée par la mention « sur justification des factures d’achat ».
Elle ne peut pas plus soutenir, contrairement aux stipulations claires et non équivoques de l’acte, que les prix figurant dans l’inventaire informatique de cession seraient fantaisistes, non validés ni certifiés.
Quant à la preuve de l’existence d’un accord entre les parties pour l’application d’une décote prenant en compte l’état de conservation du stock et la rotation lente de certaines marchandises, elle ne saurait résulter des seuls courriels que la société SELENE MATERIAUX a adressés à la société BIEVRE DECORS dans le courant du mois d’avril 2011 en l’absence de tout écrit émanant de cette dernière.
Il sera observé au surplus sur ce point d’une part que ces correspondances sont antérieures à la régularisation de l’acte de cession, lequel ne fait aucunement état de l’application d’une quelconque décote , et d’autre part que les remarques formulées par le dirigeant de la société cessionnaire ont été prises en compte, puisqu’à la différence de l’acte définitif le compromis de vente du 7 janvier 2011 valorisait les marchandises en stock à la somme maximale de 600’000 € et prévoyait le versement immédiat d’une somme de 400’000 € .
En l’absence d’inventaire physique contradictoire, la société SELENE MATERIAUX, qui ne prétend pas que la société cédante y aurait fait obstacle, doit par conséquent démontrer que les marchandises vendues n’auraient pas été de qualité saine, loyale et marchande.
Une telle preuve ne saurait toutefois résulter des constatations de l’huissier [F] effectuées le 15 novembre 2011 six mois après la prise de possession et postérieurement à l’introduction de l’instance, dont rien ne permet d’affirmer qu’elles ont porté sur l’état des stocks à la date de la cession . L’huissier s’est en effet borné à décrire les matériaux qui lui ont été désignés par le dirigeant de la société SELENE MATERIAUX sans procéder à un rapprochement entre les marchandises décrites et l’inventaire informatique, a constaté la mauvaise qualité de certains emballages, mais n’a proposé aucun pourcentage de marchandises dépourvues de toute valeur marchande, et a repris les déclarations du requérant lorsqu’il a affirmé que divers matériaux avaient été «’sur- stockés’» ou étaient périmés.
En outre aucun élément n’est apporté sur les conditions dans lesquelles les marchandises vendues ont été stockées et conservées entre le 12 mai 2011 et le 15 novembre 2011, ce qui atténue sensiblement la portée des constatations effectuées à cette dernière date, étant observé qu’il appartenait à l’acquéreur, dès la prise de possession, d’entreposer les matériaux à l’abri des intempéries.
La preuve du caractère défectueux ou obsolète du stock ne peut davantage résulter des témoignages écrits versés au dossier, non conformes aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile pour certains, qui émanent soit de personnes ayant une communauté d’intérêts avec la société SELENE MATERIAUX (associés), soit de salariés en lien de subordination avec celle-ci, étant observé que le cessionnaire, également professionnel du négoce de matériaux de construction, a eu nécessairement connaissance avant de s’engager de la nature des marchandises et des conditions de stockage pour avoir visité les locaux de la société BIEVRE DECORS , ainsi qu’il est rappelé dans l’acte.
Enfin, en l’absence aux débats de tout document comptable justifiant de la réalité du chiffre d’affaires et du taux de marge réalisés au cours des cinq premiers mois de l’année 2011 (l’acte de cession dispense le cédant de justifier de son bénéfice commercial et de son chiffre d’affaires pour la période postérieure au 1er janvier 2011),la méthode de valorisation purement comptable proposée par l’appelante ne saurait être retenue, étant précisé que la différence entre la valeur du stock au 31 décembre 2010 ( 613’000 €) et sa valorisation sur les mêmes bases par l’inventaire de cession ( 391’912,07) est de nature à rendre compte du stock écoulé au cours des cinq premiers mois de l’année 2011.
Le jugement mérite par conséquent confirmation en ce qu’il a rejeté la demande subsidiaire d’expertise en l’état des éléments d’appréciation suffisants figurant au dossier et condamné la société SELENE MATERIAUX à payer à Me [J] , ès qualités, la somme de 191’912,07 euros (391’912,07 – 200’000 ) représentant le solde du prix hors taxes du stock tel que valorisé contradictoirement à la date de la cession.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a assorti la condamnation de la pénalité de trois fois le taux d’intérêt légal à compter de l’exigibilité du solde du prix en application de l’article L. 441-6 du code de commerce et ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions prévues par l’article 1154 du Code civil.
L’équité commande enfin de faire à nouveau application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Me [J], ès qualités.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne la SARL SELENE MATERIAUX à payer à Me [J] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL BIEVRE DECORS, une nouvelle indemnité de 2500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL SELENE MATERIAUX aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de Me COLLOMB- REY , avocat.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame LEICKNER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président