Art contemporain : incrimination pénale des œuvres choquantes

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Art contemporain : incrimination pénale des œuvres choquantes

Un FRAC poursuivi par une association catholique

Le Fonds régional d’art contemporain de Lorraine (FRAC) a été poursuivi par une association catholique pour avoir organisé une exposition « You are my mirror 1; L’infamille » où figurait notamment une oeuvre constituée de lettres calligraphiés et comportant des textes « choquants ». L’association, estimant que les faits étaient constitutifs de l’infraction pénale de diffusion de message violent ou pornographique perceptible par un mineur prévue à l’article 227-24 du code pénal, a signalé les faits au procureur de la République qui a avait decidé d’un classement sans suite.

Condamnation en 1ère instance

Saisi au civil, le TGI de Metz avait déclaré le FRAC seul et entièrement responsable en raison de l’exposition des oeuvres en cause (un euro symbolique à titre de dommages-intérêts). Pour statuer ainsi, le tribunal avait retenu que si la liberté d’expression est un principe fondamental de la société démocratique, il a toujours été admis qu’elle n’était pas sans limite et qu’il appartenait au législateur de fixer des règles de nature à concilier la poursuite de divers intérêts avec l’exercice de la liberté d’expression.

A ce titre, l’article 227-24 du code pénal pose une restriction à la liberté d’expression en raison de la diffusion de certains types de messages. Or, le FRAC n’avait pris aucune mesure de précaution utile pour filtrer l’accès de mineurs aux oeuvres en cause. En usant d’expressions et de termes répétés comportant des menaces de mort violente, se caractérisant par une grande brutalité dans le propos, de nature à créer un sentiment de peur chez le mineur susceptible de les lire soit pour sa sécurité physique soit pour sa sécurité psychique, ladite œuvre entrait dans les prévisions de l’article 227-24 du code pénal.

Art contemporain : la liberté d’expression prime

Saisie en appel, la Cour de Metz a « censuré cette censure ». Aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme consacre également le principe de libre expression et de communication des idées.

Il a été jugé que les faits imputés au FRAC relèvent de la liberté d’expression protégée par les textes fondateurs des libertés individuelles. En application de ces textes, la liberté d’expression ne peut être bornée que par des lois protectrices de libertés ou valeurs concurrentes et selon un principe d’interprétation stricte des restrictions ainsi apportées. La liberté d’opinion fait partie de la liberté d’expression et toutes les opinions peuvent être ainsi exprimées sous le régime de la liberté, sans qu’aucune des opinions divergentes ne puissent prévaloir d’un point de vue juridique.

Position de la Cour de cassation

A noter que par arrêt du 12 janvier 2016, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité sur la légalité de l’article 227-24 du code pénal. La question « ne présentant pas de caractère sérieux dès lors que les termes de la disposition critiquée, pour laquelle le législateur ne peut a priori énumérer tous les comportements incriminés, sont suffisamment clairs et précis pour exclure tout risque d’arbitraire’ et ‘que, par ailleurs, l’atteinte portée à la liberté d’expression et de communication ainsi qu’à la liberté d’entreprendre apparaît nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de protection des mineurs, sans qu’elle constitue une rupture d’égalité entre les usagers ; l’article 227-24 du code pénal n’apportent aucune restriction à la liberté de conscience et à la liberté religieuse ».

Les juridictions, aussi bien au niveau national qu’européen, se sont d’ailleurs prononcées dans le sens de l’exclusion des oeuvres d’art du champ d’application du code pénal (arrêt Karatas c/ Turquie de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 8 juillet 1999, (TGI Carpentras, 25 avril 2002, Bonnet et autres contre Flammarion et Houellebecq, Cour de cassation du 2 mars 2011, n°1082.250)

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