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L’Autorité de la concurrence n’a pas fait droit aux demandes de mesures conservatoires présentées par une société d’Avocats contre le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Toulouse. La société d‘avocats développe un réseau de franchise (une quinzaine d’agences sur le territoire français) sur la base d’un modèle standardisé d’agence, l’objectif étant de rendre l’avocat plus accessible pour le client (système de franchise). La société reproche au barreau de Toulouse d’entraver son développement.
Le réseau de franchise est matérialisé par une convention de réseau qui prévoit d’apporter aux membres : une mutualisation des moyens d’exercice de la profession, une formation commune, un logo commun ou bien encore une publicité commune. Le réseau est financé par des cotisations annuelles et la facturation de certains services aux membres (par exemple en matière de formation).
La société d’avocats critique plusieurs décisions par lesquelles le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Toulouse a refusé son inscription au tableau de l’ordre, a formulé des injonctions d’opacification des vitrines et de retrait des pictogrammes et a lancé un incubateur organisant notamment des permanences juridiques gratuites à destination des entreprises. La société d’avocats reproche également à l’ordre des avocats de Toulouse d’avoir participé à une entente illicite avec plusieurs autres barreaux, et en particulier celui de Limoges, en vue de l’évincer du marché. Par ailleurs, dans sa saisine, la société soutient que la Commission des règles et usages du Conseil national des barreaux aurait favorisé le blocage de son modèle économique par les barreaux, à travers la rédaction et la diffusion d’avis interprétant les dispositions du règlement intérieur national dans un sens systématiquement restrictif.
Après examen des éléments du dossier, l’Autorité de la concurrence a considéré qu’aucune atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante n’était établie. L’Autorité a notamment relevé que le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Toulouse avait finalement procédé à l’inscription au barreau de la société d’avocats et que l’agence de Toulouse était désormais en mesure de fonctionner. Elle a constaté en outre que l’incubateur ne délivrait qu’un très faible nombre de consultations juridiques et que la société d’avocats avait la possibilité de participer aux permanences organisées par cet incubateur. La demande de mesures conservatoires a donc été rejetée. L’Autorité a toutefois décidé de poursuivre l’instruction de la saisine au fond sur l’entente alléguée entre plusieurs barreaux et la pratique d’éviction liée à la diffusion des avis défavorables du CNB.
La directive européenne n° 2006/123/CE du 12 décembre 2006, dite directive « services », impose la suppression des « interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées » (article 24 de la directive services). Les règles professionnelles, que les communications commerciales des professions réglementées sont tenues de respecter, « doivent être non discriminatoires, justifiées par une raison supérieure d’intérêt général et proportionnées » (article 24 de la directive services.). Concernant les avocats, cette disposition a notamment été transposée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dont l’article 13 autorise les avocats à faire de la publicité et de la sollicitation personnalisée. Cette communication commerciale doit procurer « une information sincère sur la nature des prestations de services proposées » et respecter « les principes essentiels de la profession » (article 15 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat).
À cet égard, l’article 10 du RIN encadre les conditions dans lesquelles la communication des avocats respecte les principes essentiels de la profession. Le RIN distingue « la publicité personnelle » de « l’information professionnelle » (article 10.1). Cette dernière comprend les dénominations (c’est-à-dire, selon l’article 10.6.3 du RIN, le nom commercial, l’enseigne, la marque, la dénomination ou raison sociale ou de tout autre terme par lequel un avocat ou une structure d’exercice sont identifiés ou reconnus), les plaques professionnelles, les cartes de visites ainsi que tous les documents destinés à la correspondance. L’information professionnelle est soumise à des règles (articles 10.6.1 à 10.6.3) plus strictes que celles applicables en matière de publicité (articles 10.3 et 10.5). En particulier, l’affichage des domaines de compétence sur une plaque professionnelle est interdit au profit des seules spécialisations régulièrement obtenues et qui n’ont pas été invalidées. Les certificats de spécialisation sont délivrés par le CNB après la réussite à un entretien professionnel devant un jury. Le RIN ne fait pas mention des règles applicables aux vitrines. Deux avis de la Commission des règles et usages du CNB, qui a été notamment chargée par le CNB de répondre aux demandes d’avis « sur l’interprétation du RIN, mais également sur toutes les questions déontologiques liées à l’exercice de la profession (…), formulées exclusivement par les bâtonniers ou membres des conseils de l’ordre en exercice » (avis déontologique n° 2016/010) – assimilent une vitrine à une plaque professionnelle (avis déontologiques n° 2015/002 du 16 mars 2015 et n° 2016/010 du 5 février 2016) et y interdisent, par voie de conséquence, l’affichage des domaines de compétence.