Arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 23 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 24/00115

·

·

Arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 23 janvier 2024 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 24/00115
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Rétention Administrative

CHAMBRE 1-11 RA

ORDONNANCE

DU 23 JANVIER 2024

N° 2024/00115

N° RG 24/00115 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMOMK

Copie conforme

délivrée le 23 Janvier 2024 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Signature,

le greffier

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 22 Janvier 2024 à 11h49.

APPELANT

[M] se disant Monsieur [L] [C]

né le 16 Juillet 1991 à [Localité 4] (BIELORUSSIE)

de nationalité Biélorusse, demeurant actuellement au CRA de [Localité 7] –

Comparant en personne, assisté de Me Thomas BITOUN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, avocat commis d’office, et de Mme [E] [F], interprète en langue russe, inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence;

INTIME

Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes

Représenté par Madame [P] [V];

MINISTÈRE PUBLIC :

Avisé et non représenté;

DEBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 23 Janvier 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d’appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Madame Ida FARKLI, Greffier,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2024 à 13 heures 50,

Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et Madame Ida FARKLI, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 23 novembre 2023 par le préfet des Alpes-Maritimes, notifié à [M] se disant Monsieur [L] [C] le même jour à 10h40;

Vu la décision de placement en rétention prise le 23 novembre 2023 par le préfet des Alpes-Maritimes notifiée à [M] se disant Monsieur [L] [C] le même jour à 10h40;

Vu l’ordonnance en date du 28 novembre 2023 émanant du magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Nice en date du 26 novembre 2023, décidant le maintien de [M] se disant Monsieur [L] [C] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours ;

Vu l’ordonnance en date du 25 décembre 2023 émanant du magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Nice en date du 23 décembre 2023, décidant le maintien de [M] se disant Monsieur [L] [C] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours ;

Vu l’ordonnance du 22 Janvier 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de NICE décidant le maintien de [M] se disant Monsieur [L] [C] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de 15 jours ;

Vu l’appel interjeté le 22 janvier 2024 à 16h23 par [M] se disant Monsieur [L] [C] ;

[M] se disant Monsieur [L] [C] a comparu, avant de refuser de décliner son identité et de répondre aux questions. Il a ensuite été conduit hors de la salle d’audience par les escortes à la demande du Président, après avoir commencé à commenter à voix haute depuis la salle d’audience les éléments du rapport fait par le Président.

Son avocat a été régulièrement entendu et a indiqué s’en remettre à la déclaration d’appel, aux termes de laquelle le retenu sollicite l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté. L’appelant soutient que les conditions de l’article L742-5 du CESEDA ne sont pas remplies et qu’il n’existe aucune perspective raisonnable d’éloignement, l’espace aérien entre la Biélorussie et l’Union Européenne étant fermé. Il ajoute que les relations diplomatiques entre la France et la Russie sont rompues et que l’espace aérien entre cet Etat et l’Union Européenne est également fermé.

La représentante de la préfecture sollicite la confirmation de l’ordonnance entreprise, soulignant que le retenu fait obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement par son comportement. Elle ajoute que le retour de [M] se disant Monsieur [L] [C] peut se faire en transitant par d’autres Etats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la recevabilité de l’appel

Aux termes des dispositions de l’article R743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), ‘L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l’étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l’étranger n’assiste pas à l’audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu’il ne sollicite pas la suspension provisoire.’

Selon les dispositions de l’article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, ‘A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel qui l’enregistre avec mention de la date et de l’heure.’

L’ordonnance querellée a été rendue le 22 janvier 2024 à 11 heures 49 et notifié à [M] se disant Monsieur [L] [C] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le jour même à 16 heures 23 en adressant au greffe de la cour une déclaration d’appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.

2) Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L742-5 du CESEDA

Aux termes des dispositions de l’article L742-5 du CESEDA, ‘A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9° de l’article L. 611-3 ou du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application du huitième alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.’

Selon les dispositions de l’article L741-3 du CESEDA, ‘Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.’

En l’espèce, [M] se disant Monsieur [L] [C], a refusé de décliner son identité lors de sa comparution devant le premier juge le 22 janvier 2024, comportement qu’il a réitéré ce jour devant la cour. Ce positionnement, consistant à contester l’identité sous laquelle il a d’abord été écroué à la maison d’arrêt de [Localité 7] durant près d’une année puis celle sous laquelle il a été placé en rétention , constitue une obstruction volontaire à l’exécution de la mesure d’éloignement au sens de l’article L742-5 du CESEDA, intervenue dans les quinze derniers jours de la dernière période de rétention.

Le moyen soulevé sera donc rejeté.

3) Sur le moyen tiré de l’absence de perspectives d’éloignement

L’article 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 rappelle:

‘1. À moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsque:

a)

il existe un risque de fuite, ou

b)

le ressortissant concerné d’un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

Toute rétention est aussi brève que possible et n’est maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

(…)

4. Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Selon les dispositions de l’article L741-3 du CESEDA, ‘Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.’

Vu l’article L742-5 du CESEDA;

Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement, au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours.

En l’espèce, le représentant de l’Etat justifie de la saisine par mail des autorités consulaires russes le 21 novembre 2023 à 16 heures 28, des autorités moldaves par mail du 27 novembre 2023 à 13 heures 49 et des autorités biélorusses par mail du 13 décembre 2023 à 15 heures 58, ces dernières autorités ayant été relancées par mail du 18 janvier 2024 à 10 heures 21. Si l’espace aérien entre l’Union Européenne et la Russie mais également la Biélorussie est à ce jour fermé, il ressort du document de consultation du site du ministère français des affaires étrangères à la date du 22 janvier 2024, soumis au débat par l’appelant, que la Biélorussie reste accessible via un point de passage sur la frontière terrestre de la Pologne et huit points de passage sur la frontière terrestre lituanienne. Compte tenu de ces possibilités de se rendre en Biélorussie, de l’absence actuelle de réponse à la demande d’identification adressée aux autorités de ce pays et du temps de rétention encore légalement possible, il ne saurait être considéré qu’il n’existe pas à ce jour de perspectives raisonnables d’éloignement.

Le moyen sera donc rejeté.

Aussi, l’ordonnance entreprise sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l’appel formé par [M] se disant Monsieur [L] [C],

Confirmons l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention de NICE en date du 22 Janvier 2024.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier, Le président,

Reçu et pris connaissance le :

[M] se disant Monsieur [L] [C]

né le 16 Juillet 1991 à [Localité 4] (BIELORUSSIE)

de nationalité Biélorusse, demeurant Actuellement au CRA de [Localité 7] –

assisté de , interprète en langue russe.

Interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Service des Rétentions Administratives

[Adresse 5]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX01]

[XXXXXXXX03]

[Courriel 6]

Aix-en-Provence, le 23 Janvier 2024

– Monsieur le préfet des Alpes-Maritimes

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le directeur du Centre

de Rétention Administrative de [Localité 7]

– Maître Thomas BITOUN, avocat

– Monsieur le greffier du

Juge des libertés et de la détention de NICE

OBJET : Notification d’une ordonnance.

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 23 Janvier 2024, suite à l’appel interjeté par :

[M] se disant Monsieur [L] [C]

né le 16 Juillet 1991 à [Localité 4] (BIELORUSSIE)

de nationalité Biélorusse

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

Le greffier,

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x