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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8b
ARRÊT AU FOND
DU 23 JANVIER 2024
N°2024/
Rôle N° RG 22/04201 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJC4Y
URSSAF PACA
C/
S.A.S. POLYCLINIQUE [1]
Copie exécutoire délivrée
le : 23/01/2024
à :
– URSSAF PACA
– Me Stéphane EYDELY, avocat au barreau de BORDEAUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du Tribunal judiciaire de TOULON en date du 02 Juillet 2020,enregistré au répertoire général sous le n° 18/02089.
APPELANTE
URSSAF PACA, demeurant [Adresse 4]
représentée par Mme [Y] [H] en vertu d’un pouvoir spécial
INTIMEE
S.A.S. POLYCLINIQUE [1], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Stéphane EYDELY de la SELARL ETIC, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Laura PETITET, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD-DERIEUX, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Aurore COMBERTON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2024.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Janvier 2024
Signé par Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Aurore COMBERTON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société par actions simplifiée (SAS) Polyclinique [1] a fait l’objet d’un contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l’issue duquel, l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Provence-Alpes-Côte d’Azur (URSSAF PACA) lui a adressé une lettre d’observations datée du 11 octobre 2016, comportant une observation pour l’avenir et six chefs de redressement pour un rappel de cotisations et contributions total de 76.499 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 7 décembre 2016, l’URSSAF PACA a mis en demeure la société de lui payer la somme de 87.203 euros dont 76.503 euros de cotisations, et 10.700 euros de majorations de retard au titre du redressement notifié le 11 octobre 2016.
Par courrier du 23 décembre 2016, la polyclinique a formé un recours contre la mise en demeure devant la commission de recours amiable qui, par décision du 29 mars 2017, l’a rejeté.
Par lettre recommandée en date du 13 juillet 2017, la polyclinique a élevé son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale du Var.
Par jugement rendu le 2 juillet 2020, le tribunal, devenu pôle social du tribunal judiciaire de Toulon, a :
– déclaré la SAS polyclinique [1] recevable et bien-fondée en son recours contre la procédure de recouvrement mise en oeuvre par l’URSSAF PACA au titre de la mise en demeure du 7 décembre 2016,
– annulé la mise en demeure du 7 décembre 2016 adressée par l’URSSAF PACA à la SAS polyclinique [1] portant sur la somme de 76.503 euros de cotisations et 10.700 euros de majorations de retard, soit la somme de 87.203 euros,
– débouté l’URSSAF PACA de ses demandes reconventionnelles au titre de ce recouvrement,
– débouté les parties de leurs demandes en frais irrépétibles,
– condamné l’URSSAF PACA aux dépens.
Par courrier recommandé avec accusé de réception expédié le 6 août 2020, l’URSSAF PACA a interjeté appel du jugement.
A l’audience du 7 décembre 2023, l’appelante reprend les conclusions déposées et visées par le greffe le jour de l’audience. Elle demande à la cour de:
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– confirmer le bien-fondé du redressement et de la mise en demeure du 7 décembre 2016,
– constater que la polyclinique [1] a réglé l’intégralité des sommes dont elle était redevable au titre de la mise en demeure n°62559505,
– condamner la polyclinique [1] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de frais irrépétibles,
– condamner la polyclinique [1] au paiement des dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’URSSAF fait valoir que l’accusé de réception produit par la société pour démontrer l’envoi de ses observations à l’inspecteur du recouvrement à la suite de la lettre d’observations du 11 octobre 2016 est inexploitable, et ne permet pas de vérifier sa distribution. Elle ajoute que le courrier qu’elle a adressé à la polyclinique en date du 28 novembre 2016 pour qu’elle se mette en conformité avec la réglementation, permet de vérifier qu’à échéance acquise de la période contradictoire, aucune lettre de contestation n’a été adressée à l’URSSAF. Elle fait encore valoir que la lettre dont la société se prévaut ne permet pas de vérifier qu’il s’agit d’une contestation de la lettre d’observations adressée par l’inspecteur du recouvrement, puisqu’aucune référence n’y figure, aucun numéro Siren, une lettre d’observations datées du 20 octobre 2016 est visée, de sorte que rien ne permet de rattacher la contestation au contrôle litigeux. Elle ajoute qu’elle ne peut pas rapporter la preuve négative qu’elle n’a pas reçu le courrier.
Sur le chef de redressement relatif à la CSG/CRDS sur part patronale aux régimes de prévoyance complémentaire, elle explique que, lors du contrôle, la société n’a pas été en mesure de démontrer dans quelle proportion la part patronale de prévoyance incapacité finançait l’obligation de maintien du salaire, de sorte que l’intégralité de la part patronale de prévoyance a été réintégrée dans l’assiette des cotisations.
Sur le chef de redressement relatif au forfait social, elle explique que, lors du contrôle, l’inspecteur a constaté des écarts sur l’assiette du forfait social à 8% pour les années 2013, 2014 et 2015, suite à l’absence d’intégration de la part patronale de prévoyance complémentaire finançant l’incapacité et qu’en l’absence d’élément permettant de connaître la part relative à la garantie maintien de salaire dans la part incapacité, l’ensemble de la part patronale relative au risque incapacité a été soumis à la CSG/CRDS et donc au forfait social à 8%.
Sur le chef relatif à l’indemnité transactionnelle suite au licenciement pour faute grave, elle explique que dans le cadre d’une transaction faisant suite au licenciement pour faut grave de M. [E], celui-ci a bénéficié d’une indemnité non soumise à la CSG/CRDS et aux cotisations et contributions sociales de droit commun alors que son caractère purement indemnitaire n’est pas établi, de sorte qu’elle doit être intégrée dans l’assiette des cotisations.
Sur le chef de redressement relatif aux gratifications versées à une stagiaire, elle explique qu’il a été constaté, lors du contrôle, qu’une stagiaire préparant un Master 2 à l’université de [Localité 2] a perçu des rémunérations qui ont été réintégrées dans l’assiette des cotisations au motif que la stagiaire intervenant dans le cadre d’une formation professionnelle continue, la franchise de cotisations ne lui était pas applicable.
La SAS polyclinique [1] reprend oralement ses conclusions d’intimé et d’appel incident du 21 novembre 2023. Elle demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
– subsidiairement, d’annuler les chefs de redressements relatifs à la CSG/CRDS sur financement du maintien de salaire obligatoire (garantie incapacité), à l’indemnité transactionnelle des suites d’un licenciement pour faute grave, au forfait social portant sur les contributions patronales au financement de la garantie incapacité, et à la gratification versée à une stagiaire,
– en tout état de cause, condamner l’URSSAG PACA à lui payer la somme de 3.500 euros.
Au soutien de ses prétentions, la polyclinique produit la copie couleur des accusés d’envoi et de réception de son courrier du 18 novembre 2016, pour démontrer qu’alors qu’elle avait formulé des observations sur la lettre d’observations du 11 octobre 2016, dans le délai de 30 jours imparti, elle a été destinataire d’une lettre de mise en demeure sans que l’inspecteur du recouvrement ne lui ait préalablement répondu conformément aux dispositions de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale, de sorte que la procédure de recouvrement subséquente est irrégulière et doit être annulée. Elle précise que dès lors qu’elle a envoyé ses observations dans le délai de 30 jours, il importe peu à quelle date l’URSSAF a reçu le courrier. En outre, elle rappelle qu’aucun formalisme n’exige que certaines mentions figurent dans le courier d’observations et que le courrier de l’URSSAF daté du 28 novembre 2016 n’est pas une réponse à ses observations.
Subsidiairement, sur le chef de redressement relatif à la CSG/CRDS et cotisations prévoyance, elle se fonde sur l’attestation produite par l’organsime de prévoyance pour démontrer qu’elle est en mesure d’identifier la part des cotisations de prévoyance afférentes au financement de la garantie incapacité, de sorte que ces contributions n’avaient pas à être réintégrées dans l’assiette des cotisations. Subsidiairement, elle se fonde sur une attestation du teneur de la garantie de prévoyance incapacité mettant en évidence la quote part des contributions de prévoyance afférente à la part ‘loi de mensualisation’ de la garantie incapacité.
Sur le chef de redressement relatif au forfait social, elle fait valoir que si la part patronale dans le financement de la garantie de prévoyance complémentaire incapacité est exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale et de l’assiette de la CSG, alors elles ne peuvent pas être soumises au forfait social de 8%. Subsidiairement, elle considère que le redressemnt doit être limité à la seule part de contribution patronale finançant l’excédent du socle de garantie posé par la loi de mensualisation.
Sur le chef de redressement relatif à l’indemnité transactionnelle suite à licenciement pour faute grave, elle fait valoir qu’aux termes de l’accord transactionnel concernant M. [E], les parties s’accordaient pour maintenir le licenciement pour faute grave de sorte que l’indemnité perçue par l’intéressé ne peut être une indemnité compensatrice de préavis. Elle fait valoir que l’indemnité perçue étant destinée à réparer le préjudice né de la rupture du contrat de travail, elle revêt un caractère indemnitaire qui justifie qu’elle ne soit pas intégrée dans l’assiette des cotisations.
Sur le chef de redressement relatif aux gratifications versées à la stagiaire, elle fait valoir que cette dernière étant étrangère, elle n’était rémunée ni par l’Etat, ni par pôle emploi, ni par un organisme de formation, de sorte que l’indemnité de stage versée devait bénéficier de la franchise de cotisations.
Il convient de se reporter aux écritures oralement reprises par les parties à l’audience pour un plus ample exposé du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 11 juillet 2016 au 24 novembre 2016, applicable à la lettre d’observations litigieuse du 11 octobre 2016 :
‘III.-A l’issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant contrôlé une lettre d’observations datée et signée par eux mentionnant l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s’il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ces dernières sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l’indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l’indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés.
En cas de réitération d’une pratique ayant déjà fait l’objet d’une observation ou d’un redressement lors d’un précédent contrôle, la lettre d’observations précise les éléments caractérisant le constat d’absence de mise en conformité défini à l’article L. 243-7-6. Le constat d’absence de mise en conformité est contresigné par le directeur de l’organisme effectuant le recouvrement.
La lettre d’observations indique également à la personne contrôlée qu’elle dispose d’un délai de trente jours pour répondre à ces observations et qu’elle a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix.
Dans sa réponse, la personne contrôlée peut indiquer toute précision ou tout complément qu’elle juge nécessaire notamment en proposant des ajouts à la liste des documents consultés.
Lorsque la personne contrôlée répond avant la fin du délai imparti, l’agent chargé du contrôle est tenu de répondre. Chaque observation exprimée de manière circonstanciée par la personne contrôlée fait l’objet d’une réponse motivée. Cette réponse détaille, par motif de redressement, les montants qui, le cas échéant, ne sont pas retenus et les redressements qui demeurent envisagés.’
En l’espèce, il n’est pas discuté qu’à l’issue du contrôle de l’application des législations de sécurité sociale, d’assurance chômage et de garantie des salaires sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, la polyclinique a été destinataire d’une lettre d’observations en date du 11 octobre 2016 lui rappelant qu’elle avait un délai de trente jours pour faire part de ses remarques.
Il résulte de l’accusé de réception produit par l’URSSAF PACA que la lettre d’observations a été reçue par la polyclinique le 21 octobre 2016, de sorte qu’elle avait jusqu’au 21 novembre 2016 pour répliquer aux observations de l’inspecteur du recouvrement.
La polyclinique produit la copie d’un courrier adressé à l’URSSAF, daté du 18 novembre 2016, tendant à contester les chefs de redressement portant les numéros 2, 3, 5 et 6 de la lettre d’observations recue le 20 octobre 2016, ainsi qu’une copie couleur de la preuve du dépôt d’un recommandé avec accusé de réception par la polyclinique [1] à destination de l’URSSAF PACA daté du 18 novembre 2016 d’une part et de l’avis de réception de ce courrier par l’URSSAF portant la date du 21 novembre 2016.
Il résulte de ces documents, parfaitement lisibles, que la polyclinique [1] rapporte bien la preuve qu’elle a formulé des observations dans le délai de 30 jours imparti.
Contrairement à ce qu’invoque l’URSSAF dans ses conclusions, elle ne pouvait pas ignorer qu’il s’agissait de la contestation de la lettre d’observations litigieuse dès lors que le courrier de la polyclinique vise la lettre d’observations reçue le 20 octobre, correspondant à la date du tampon encreur apposé sur la lettre d’observations reçue par la société et produite aux débats, et vise précisément les chefs de redressement contestés, par leur intitulé et leur numéro dans l’ordre de la lettre d’observations.
Il s’en suit que l’inspecteur du recouvrement était tenu de répondre de façon motivée à ces contestations avant que l’URSSAF envoie une lettre de mise en demeure à la société.
A défaut de réponse, le principe de la contradiction n’a pas été respecté et c’est à bon droit que les premiers juges ont annulé la procédure subséquente de mise en recouvrement par lettre de mise en demeure du 7 décembre 2016.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
L’URSSAF PACA, succombant à l’instance, sera condamnée au paiement des dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera également condamnée à payer à la SAS polyclinique [1] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles et sera déboutée de sa demande de ce même chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne l’URSSAF PACA à payer à la SAS polyclinique [1] la somme de 3.000 euros à titre de frais irrépétibles,
Déboute l’URSSAF PACA de sa demande en frais irrépétibles,
Condamne l’URSSAF PACA au paiement des dépens de l’appel.
La greffière La présidente