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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-2
ARRÊT AU FOND
DU 23 JANVIER 2024
N°2024/034
Rôle N° RG 21/11219 N° Portalis DBVB-V-B7F-BH3V7
[W] [Z] épouse [E]
[M] [E]
C/
PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Raski ZERROUKI
MINISTÈRE PUBLIC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de Marseille en date du 20 mai 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 19/10314
APPELANTS
Madame [W] [Z] épouse [E] agissant en qualité de représentant légal de la mineure [G] [E] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie)
(bénéficie d’une aide juridictionnelle partielle numéro 2021/008976 du 26/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le 02 août 1970 à [Localité 4] (ALGERIE)
de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Raski ZERROUKI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [M] [E] agissant en qualité de représentant légal de la mineure [G] [E] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie)
né le 25 mai 1966
de nationalité française,
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Raski ZERROUKI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIME
PROCUREUR GENERAL
comparant en la personne de Madame Valérie TAVERNIER, Avocat général
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2023, en chambre du conseil, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président Rapporteur, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président
Madame Michèle CUTAJAR, Conseiller
Madame Hélène PERRET, Conseiller
Greffier présent lors des débats : Madame Jessica FREITAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024,
Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Président et Madame Jessica FREITAS greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d’huissier de justice du 17 juin 2019, Madame [W] [Z] épouse [E] et Monsieur [M] [E], agissant en leur qualité de représentants légaux de [G] [E] qu’ils disent née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie) ont assigné 1e procureur de la République auprés du tribunal de grande instance de Marseille aux fins de faire dire ct juger que l’enfant est française.
Par décision du 19 mars 2014 du tribunal de Djelfa (Algérie), le Président de la section des affaires familiales a ordonné l’attribution aux époux [E] de la kafala de l’enfant mineure [Y] [G] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie).
Le 12 octobre 2018, Mme [W] [Z] épouse [E] et M. [M] [E], agissant tous deux en qualité de représentants légaux de l’enfant mineure [G] [E] ont souscrit auprès du tribunal d’instance de Marseille une déclaration acquisitive de la nationalité francaise en vertu de l’article 21-12 alinéa 3 du code civil.
Par décision en date du 1er avril 2019, le directeur de services de greffe judiciaires du tribunal d’instance de Marseille a opposé un refus de l’enregistrement de la déclaration souscrite.
Par jugement rendu le 11 mars 2021 le tribunal judiciaire de Marseille a débouté M. et Mme
[E] de leurs demandes et constaté l’extranéité de [G] [E].
Par déclaration du 31 juillet 2021, Mme [W] [Z] épouse [E] et M. [M]
[E], agissant tous deux en qualité de représentants légaux de l’enfant mineure, [G] [E] ont interjeté appel du jugement.
Vu les conclusions, notifiées en dernier lieu le 7 novembre 2023 par Mme [W] [Z] épouse [E] et M. [M] [E], qui demandent à la cour de:
– infirmer le jugement déféré,
– juger que les formalités de l’article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,
– déclarer recevable la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 12 octobre 2018 par Monsieur [E] [M] et Madame [Z] épouse [E] [W] représentant légaux de l’enfant mineure [E] [G] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie),
– juger que c’est à tort que le Directeur des Services de Greffe Judiciaires du Tribunal Judicaire de Marseille en a refusé l’enregistrement par décision du 1er avril 2019,
– juger que l’enfant [E] [G] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie) est française en application de l’article 21-12 du code civil,
– ordonner l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 12 octobre 2018,
– ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.
Vu les conclusions du ministère public, notifiées le 10 novembre 2023, qui demande à la cour de:
– dire que 1e récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
– débouter Madame [W] [Z], épouse [E] et Monsieur [M] [E] en leur qualité de représentants légaux de [G] [E] de leurs demandes,
– dire et juger que Mme [G] [E], se disant née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie), n’est pas de nationalité francaise,
– ordonner l’apposition de la mention prevue par l’article 28 du Code civil.
La clôture des débats a été prononcée par ordonnance du 13 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la régularité de la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’instance, dans toutes les instances où s’elève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l’assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre recépissé. En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce recépissé le 4 janvier 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. La procédure est donc régulière.
Sur l’action déclaratoire de nationalité française
Les appelants, en leur qualité de représentants légaux de l’enfant [G] [E] supportent la charge de la preuve de la réunion des conditions posées par l’article 21-12, 3ème alinéa, qui fonde leur action. Ils doivent ainsi démontrer aujour de la déclaration souscrite, le 12 octobre 2018, la réunion des éléments suivants:
– la minorité de [G] [E],
– le recueil fondé sur une décision de justice,
– l’éducation effective de l’enfant pendant au moins trois années antérieurement à la déclaration, soit en l’espèce entre le 12 octobre 2015 et le 12 octobre 2018,
– la nationalité française des recueillants pendant les trois années du recueil et à la date de la souscription.
S’ajoute en préalable la démonstration de la fiabilité et de la certitude de l’état civil de [G] [E], conformément aux dispositions de l’article 47 du code civil.
En l’occurrence, le ministère public ne s’oppose à la demande qu’à défaut pour les appelants d’avoir produit:
– un acte de naissance probant concemant [G] [E],
– une copie certifiée conforme de la decision rectificative n°364/17 du 25 juillet 2017,
– une copie certifiée conforme du procès-verbal d’abandon de la mineure par sa mère en date du 31 juillet 2013,
– des éléments de recueil entre octobre 2015 et octobre 2016, et un justificatif de domicile des recueillants pour la période 2015-2018, comme et des certificats de scolarité recevables pour 2016/2017 et 2017/2018.
Il est précisé par le ministère public que le recueil pourrait être justifié en l’espèce si ces pièces étaient produites.
1. S’agissant de l’état civil de [G] [E] est produite la copie traduite, délivrée le 7 juillet 2021, de l’acte de naissance n° [Numéro identifiant 2] dressé le 4 juillet 2013 par [F] [V], officier de l’état civi1, selon lequel le 3 juillet 2013 à 7h15 est née à [Localité 5] (Algérie), [G] [E], fille de [C] [S], sur la déclaration de l’hôpital d'[Localité 3] (pièce appelants n°16). Cette copie fait apparaître les mentions marginales qui précisent que, par ordonnance du tribunal judiciaire de Djelfa du 14 juillet 2017 (n° 2017/688) il a été statué sur la déchéance de la filiation de l’enfant, et que par ordonnance judiciaire rectificative du tribunal judiciaire de Djelfa du 20 septembre 2017 (n° 2017/3286), il a été attribué le nom de famille [E] à l’enfant.
Le ministère public estime que l’acte ne serait cependant pas probant, au motif que, contrairement aux exigences de l’article 30 de l’ordonnance n° 70-20 du 19 juillet 1970 gouvernant les actes de l’état civil algérien, les noms, prénoms et domicile du déclarant ne sont pas précisés.
Il est exact que l’acte en question est irrégulier sur ce point, puisqu’il ne comporte pour toute désignation du déclarant que la mention “l’hôpital d'[Localité 3]”.
Pour autant, aucune des décisions judiciaires produites et non contestées ne remettent en cause l’état civil de l’enfant tel qu’il figure à l’acte, et telles qu’elles sont enregistrées par l’état civil compétent. Le caractère probant de l’acte de naissance produit n’est pas sérieusement contestable.
2. [G] [E], née le 4 juillet 2013 était bien mineure au jour de la souscription de la déclaration de nationalité française faite le 12 octobre 2018 par ses représentants légaux.
3. La décision de kafala, ou décision de recueil, telle que définie par les articles 116 et suivants du code de la famille algérien, et 492 et suivants du code de procédure civile et administrative algérien, consiste en un recueil bénévole d’un enfant que le recueillant s’engage à élever “au même titre qu’un père le ferait pour un fils”. Il ne s’agit donc pas d’une adoption, notion inconnue en droit algérien, tandis que le recueilli conserve tous ses liens de filiation d’origine.
En l’espèce, le fait que la copie du procès-verbal d’abandon présenté pour la première fois en cause d’appel ne soit pas certifiée conforme est sans conséquence sur la validité de la kafala, qui est prononcée à la requête du recueillant. Par ailleurs, le procès-verbal d’audition de M. [Y] [X] [J] du 12 mars 2014, alors désigné comme père de l’enfant, et antérieurement à la décision de kafala prononcée le 19 mars 2014, confirme que l’intéressé déclarer renoncer à l’enfant.
Sont produits aux débats les originaux traduits de la décision judiciaire de placement de [G] [E] la confiant aux appelants (pièce 13) et la décision de kafala elle-même (pièce 12), toutes deux datées du 25 juillet 2017. Le ministère public reconnaît la validité de ces décisions judiciaires algériennes, qui doivent être admises sans légalisation, conformément aux dispositions de l’article 36 du protocole franco-algérien du 28 août 1962.
4. Il incombe encore aux appelants, es-qualités, de faire la preuve de l’éducation effective de l’enfant pendant au moins trois années antérieurement à la déclaration, soit en l’espèce entre le 12 octobre 2015 et le 12 octobre 2018.
A cet effet sont produits:
– les certificats de scolarité complets, datés et signés avec la désignation de leur auteur, qui établissent que [G] [E] a été scolarisée du mois de septembre 2016 à la fin de l’année scolaire 2021,
– un récépisé de recensement scolaire de l’enfant en date du 22 janvier 2016, alors qu’elle était donc âgée de deux ans, et donc non encore scolarisée,
– une attestation de la Caisse d’Allocations Familiales des Bouches-du-Rhône attestant que l’enfant est rattachée aux appelants depuis le 24 mai 2014,
– les avis d’imposition sur le revenu des appelants pour les années 2015 à 2018, portant mention du rattachement d’un seul enfant,
– la justification des domiciliations des appelants à [Localité 6] à deux adresses successives par des factures d’électicité d’août 2017, adresses correspondant aux certificats de scolarité.
La preuve est ainsi rapportée de ce que l’enfant réside effectivement chez Madame [W] [Z] épouse [E] et Monsieur [M] [E] sur la période de trois ans ayant précédé la souscription de la déclaration de nationalité.
5. Pour justifier de l’identité et de la nationalité française des recueillants lors de la souscription de la déclaration de nationalité française de [G] [E], les appelants produisent en cause d’appel :
– les cartes d’identité de M. [M] [E] et de Mme [Z] épouse [E],
– le certificat de nationalité française n° 1315/2012 délivré le 25 septembre 2012 à M. [M] [E] par le greffier en chef du tribunal d’instance de Marseille,
– la déclaration de nationalité française souscrite le 12 novembre 2012 par Mme [W] [Z] épouse [E] en application de l’article 21-2 du code civil.
La preuve de la nationalité française des recueillants au moment de la souscription est donc bien rapportée.
6. En conclusion, les conditions posées par l’article 21-12 du code civil et rappelées ci-dessus sont bien satisfaites, et le jugement frappé d’appel sera donc infirmée en toutes ses dispositions et la nationalité française de l’enfant [G] [E] reconnue.
Sur la mention prévue à l’article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l’acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l’acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintegration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité.
En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le Trésor Public supportera donc la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe :
DIT la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement frappé d’appel,
DECLARE recevable la déclaration acquisitive de nationalité française souscrite le 12 octobre 2018 par Monsieur [E] [M] et Madame [Z] épouse [E] [W] représentant légaux de l’enfant mineure [E] [G] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie)
DIT que l’enfant [E] [G] née le 3 juillet 2013 à [Localité 5] (Algérie) est française en application de l’article 21-12 du Code civil,
ORDONNE l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 12 octobre 2018,
ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil,
Laisse au Trésor Public la charge des dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT