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ARRÊT DU
05 Avril 2023
CV / NC
———————
N° RG 22/00169
N° Portalis DBVO-V-B7G -C7FR
———————
BANQUE POPULAIRE OCCITANE
C/
[O] [U]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 162-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
BANQUE POPULAIRE OCCITANE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS TOULOUSE 560 801 300
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Lynda TABART, membre de la SCP DIVONA LEX, avocate au barreau du LOT
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 04 février 2022, RG 20/00760
D’une part,
ET :
Monsieur [O] [U]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 4]
de nationalité française, gérant de société
domicilié : [Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Mustapha YASSFY, avocat postulant au barreau du LOT
et Me Nissa JAZOTTES, avocat plaidante au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 février 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
Faits et procédure :
La SCEA [U] exerce une activité viticole au [Adresse 5], situé sur le territoire de la commune de [Localité 6] (Lot).
Elle a souscrit plusieurs engagements auprès de la Banque Populaire Occitane (la BPO) dans les livres de laquelle elle a ouvert un compte courant sous le n°65421127329 :
– par acte du 11 janvier 2017, un prêt de 45 000 euros remboursable en 36 mensualités de 1 267,03 euros au taux annuel de 0,88%,
– par acte du 25 septembre 2017, un prêt d’un montant de 9 000 euros remboursable en 4 annuités de 2 335,23 euros au taux annuel de 0,85%,
– par acte du 10 novembre 2016, une autorisation de découvert sur un compte n°55487128217 Campagri d’un montant de 70 000 euros, venant a terme le 31 mars 2019.
Par acte du 11 janvier 2012, M. [U] s’est porté caution solidaire des engagements de la SCEA [U] à hauteur de 120 000 euros pour une durée de dix ans.
Par courrier recommandé du 14 mai 2019, la BPO a, en vain, mis la SCEA [U] en demeure de régler les sommes de 70 000 euros au titre de l’autorisation de découvert, et de 3 501 euros au titre du prêt de 45 000 euros.
La BPO a notifié à la SCEA [U] la déchéance du terme.
Par courriers recommandés des 30 juillet 2019, puis 19 août 2020, la BPO a mis en demeure la SCEA [U], mais également M. [U], en qualité de caution solidaire, de lui payer la somme totale de 93 007,94 euros.
Par acte du 15 octobre 2020, la BPO a assigné la SCEA [U] et M. [U] devant le tribunal judiciaire de Cahors afin d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes dues.
Des contestations ont été élevées sur la validité des contrats et le caractère disproportionné de l’engagement de la caution.
Par jugement du 4 février 2022, le tribunal judiciaire de Cahors a :
– déclaré nulles et de nul effet les clauses suivantes :
– l’article 11 « Exigibilité » du prêt n° 08761473 d’un montant de 9 000 € (pièce n°6),
– l’article 11 « Exigibilité » du prêt n°08741722 d’un montant de 4 000 € (pièce n°4),
– l’article 7 « Résiliation et exigibilité » du prêt Campagri n° 55487128217 (pièce n°17),
– débouté la SCEA [U] et M. [U] de leur demande de nullité de ces contrats, ces clauses n’ayant pas un caractère déterminant sur le consentement de la SCEA [U] au moment de la conclusion des contrats,
– jugé que la SCEA [U] n’apporte pas la preuve d’un manquement de la BPO à d’éventuelles obligations d’information, de conseil ou de mise en garde,
– débouté la SCEA [U] de l’intégralité de ses demandes visant à voir prononcer la nullité des contrats de prêts,
– jugé que la BPO n’a pas régulièrement prononcé la déchéance du terme des contrats,
– prononcé, au vu des manquements graves de la SCEA [U], la résiliation judiciaire des contrats de prêt aux torts de la SCEA [U],
– condamné la SCEA [U] à payer les sommes de :
– 151,04 euros au titre du compte courant professionnel n° 654211 27329, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
– 70 729,36 euros au titre du compte Campagri n°55487128217, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
– 15 017,74 euros au titre du prêt équipement agricole n°08741722 d’un montant de 45 000 €, outre les intérêts au taux conventionnel majoré de 3,88% à compter du 23 septembre 2020,
– 11 786,77 € au titre du prêt n° 08761473 d’un montant de 9 000 €, outre les intérêts au taux conventionnel 0,85 % à compter du 23 septembre 2020,
– ordonné le report du paiement des sommes dues par la SCEA [U] dans la limite de 2 années à compter du présent jugement,
– jugé que le cautionnement souscrit par M. [U] le 11 janvier 2012 est manifestement disproportionné,
– débouté la BPO de toutes ses demandes en paiement à l’égard de M. [U] au titre du contrat de cautionnement signé le 11 janvier 2012,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappelé que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit,
– condamné la SCEA [U] aux entiers dépens.
Le tribunal a écarté les moyens tendant à voir prononcé la nullité des prêts, faute pour les défendeurs d’invoquer un texte la prévoyant, mais a toutefois constaté que les clauses d’exigibilité des deux prêts de 9 000 euros et de 45 000 euros ne prévoyaient pas le formalisme habituel comportant l’envoi préalable d’une mise en demeure de régulariser les impayés, qui nécessite selon l’article 1344 du code civil l’existence d’une stipulation expresse et non équivoque, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, ces clauses ne permettant pas de déterminer si elles visaient une échéance impayée ou la déchéance du terme.
Concernant l’autorisation de découvert Campagri, la clause a également été jugée contraire au formalisme habituel faute de prévoir expressément l’exclusion d’une mise en demeure préalable.
Ces clauses ont donc été déclarées nulles et dépourvues d’effet.
Le caractère déterminant de l’engagement de la SCEA n’étant pas reconnu, le tribunal a écarté la demande d’annulation des contrats, dont les autres conditions de formation n’étaient pas contestées et dont l’exécution était reconnue.
Pour autant, le tribunal a considéré que la défaillance de l’emprunteur, non contestée, et durable malgré l’octroi de délais par la banque, démontrait l’existence de manquements suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire des contrats, conduisant à la condamnation de la SCEA [U] au paiement des sommes dues.
Le tribunal a rejeté les objections tenant à un manquement de la BPO à ses obligations d’information et de mise en garde, et en raison du caractère manifestement disproportionné de l’endettement.
Le tribunal a rappelé que la banque était tenue d’une obligation de mise en garde, à l’égard d’un emprunteur non averti, qui ne portait pas sur l’opportunité économique de l’opération, mais sur les risques d’endettement excessifs nés de l’octroi des prêts et de l’inadaptation aux capacités financières de l’emprunteur, et ne pouvait conduire à l’annulation du contrat, mais à l’indemnisation du préjudice subi prenant la forme d’une perte de chance. La demande d’annulation des contrats a donc été rejetée, et le tribunal a constaté l’absence de demande de dommages-intérêts.
Par ailleurs, le tribunal a retenu que le caractère professionnel des prêts en litige écartait l’application de l’ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016 relative aux contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, prévoyant une obligation d’information, de conseil et de mise en garde.
Le tribunal a également écarté le moyen tiré d’un manquement au devoir d’information précontractuelle d’origine prétorienne fondé sur l’article 1112-1 du code civil, retenant que la SCEA [U] ne démontrait ni manquement de la BPO à son devoir d’information, ni l’existence d’une erreur, d’un dol ou d’une violence ayant vicié son consentement sur un élément déterminant du contrat.
Le tribunal a considéré qu’étant emprunteur averti, la SCEA [U] ne pouvait invoquer l’obligation de mise en garde à laquelle le préteur n’était pas tenu.
S’agissant de la responsabilité de la banque au titre du risque d’endettement manifestement excessif, le tribunal a relevé que la banque n’était pas tenue de vérifier l’exactitude des informations fournies par l’emprunteur et la caution, que la valeur du domaine était estimée à 2,4 millions d’euros, les résultats, arrêtés au 13 avril 2017, bénéficiaires depuis deux exercices antérieurs aux contrats, le montant des capitaux permanents, en 2016 et 2017, supérieur au montant des engagements, que la SCEA [U] n’avait plus de dettes extérieures en 2017, et que ses difficultés sont survenues ultérieurement, en raison d’une augmentation des stocks et d’une baisse du chiffre d’affaires.
Les prêts n’étaient donc pas excessifs au regard de ces éléments, et la BPO qui n’était pas tenue de respecter une obligation de conseil, n’avait pas à s’immiscer dans la gestion des affaires de sa cliente.
Le tribunal a accepté de faire droit à la demande de délais et a ordonné un report du paiement dans la limite de deux ans à compter du jugement.
S’agissant de la caution, le tribunal a retenu que la BPO n’apportait pas la preuve d’avoir respecté son obligation de se renseigner sur la situation financière de la caution préalablement à son engagement, et qu’il était démontré que la valeur nette du patrimoine de M. [U] était de 1 818 000 euros, ses revenus et ceux de son épouse de 1 000 euros mensuels, de sorte que le caractère manifestement disproportionné de son engagement devait être retenu, d’autant que la banque ne pouvait ignorer, qu’en tant que dirigeant de la SCEA, en cas de difficultés dans l’exploitation viticole, il serait concerné, alors que la majorité de ses biens immobiliers était attachée à l’exploitation.
Le tribunal a ajouté que ce caractère disproportionné ne s’était pas résorbé avec le temps, en particulier du fait de la pénalisation résultant des mesures liées à la crise sanitaire, que les revenus du couple provenaient de l’activité de gîte, que M. [U] souffre de problèmes de santé depuis 2008, est en invalidité totale depuis le 1er janvier 2017, et qu’il cherche à vendre le domaine, qui aurait été évalué à 2,4 millions d’euros, depuis deux ans.
Le tribunal a donc rejeté l’argumentaire de la BPO évoquant un retour à une meilleure fortune, et considéré que M. [U] n’était pas en capacité de faire face à son engagement au moment ou il était appelé.
La BPO a formé appel le 28 février 2022, désignant M. [U] en qualité d’intimé, visant dans sa déclaration les seules dispositions du jugement qui ont dit que le cautionnement était manifestement disproportionné, débouté la BPO de toutes ses demandes à l’égard de M. [U], et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Prétentions :
Par dernières conclusions du 3 octobre 2022, et exception faite des « dire et juger, constater… », qui ne constituent pas des prétentions, la BPO demande à la Cour de :
– Débouter M. [U] de sa demande visant à voir déclarer disproportionné le cautionnement souscrit le 11 janvier 2012,
– Infirmer par conséquent le jugement du tribunal judiciaire de Cahors en date du 4 février 2022 en ce qu’il a :
– jugé que le cautionnement souscrit par M. [U] le 11 janvier 2012 est manifestement disproportionné,
– débouté la BPO de toutes ses demandes en paiement à l’égard de M. [U] au titre du contrat de cautionnement signé le 11 janvier 2012,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
– Débouter M. [U] de sa demande visant à voir déclarer disproportionné le cautionnement souscrit le 11 janvier 2012,
– En toute hypothèse, débouter M. [U] de l’intégralité de ses demandes,
– Condamner M. [U], en sa qualité de caution solidaire, à lui régler les sommes de :
– 151,04 euros au titre du compte courant professionnel n° 65421127329, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– 70 729,36 euros au titre du compte Campagri n° 55487128217, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– 15 017,74 euros au titre du prêt équipement agricole n° 08741722 d’un montant de 45 000 euros, outre les intérêts au taux conventionnel majoré de 3,88 % à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– 11 786,77 euros au titre du prêt n° 08761473 d’un montant de 9 000 €, outre les intérêts au taux conventionnel 0,85 % à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– Et dans l’hypothèse extraordinaire où Ia Cour viendrait à prononcer la déchéance du droit aux intérêts au profit de M. [U] en sa qualité de caution solidaire :
– Condamner M. [U], en sa qualité de caution solidaire, à lui régler les sommes de :
– 151,04 euros au titre du compte courant professionnel n° 65421127329, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– 70 729,36 euros au titre du compte Campagri n° 55487128217, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– 13 756,67 euros au titre du prêt équipement agricole n° 08741722 d’un montant de 45 000 euros, outre les intérêts au taux légal a compter du 19 août 2020 jusqu’au parfait paiement,
– 9 000 euros au titre du prêt n° 08761473 d’un montant de 9 000 euros, outre les intérêts au taux légal a compter du 19 août 2020 jusqu’au parfait paiement,
– Confirmer pour le surplus le Jugement du Tribunal Judiciaire de CAHORS en date du 4 février 2022,
– Condamner M. [U] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
La BPO présente l’argumentation suivante :
– le tribunal a opéré une confusion entre l’obligation de mise en garde nécessitant la réunion des deux conditions de caution non avertie et de risque d’endettement avéré, et la disproportion définie par l’article L.332-1 du code de la consommation reposant sur une comparaison entre le patrimoine de la caution et l’engagement, la supériorité du second
au premier ne suffisant pas à justifier l’application du texte nécessitant une disproportion manifeste, de sorte qu’il n’appartient pas à la banque d’examiner la solvabilité de la caution,
– la banque n’est pas tenue d’une obligation de conseil et n’a pas à s’immiscer dans la gestion des affaires de son client,
– il appartenait au tribunal de prendre en compte la valeur des biens et des revenus, et l’endettement de M. [U] en janvier 2012, date de son engagement, et non à une date postérieure,
– à supposer admise l’existence d’une disproportion manifeste, elle était néanmoins fondée à se prévaloir du cautionnement dès lors que le patrimoine de la caution, au moment où elle était appelée, était suffisant pour lui permettre de faire face à son obligation,
– M. [U], qui n’apporte pas la preuve de son patrimoine en 2012, et a déclaré posséder un patrimoine immobilier de 1 818 000 euros, composé d’une résidence principale, d’une résidence secondaire, de vignes et terres agricoles, ne démontre pas le caractère manifestement disproportionné de son engagement, limité à 120 000 euros,
– M. [U] ne saurait arguer de manquements de la banque, les valorisations de ses biens ressortant de ses déclarations et d’attestations postérieures à son engagement, et la banque n’ayant pas à vérifier ces valeurs,
– la caution n’est pas recevable à se prévaloir de l’impossibilité dans laquelle elle se trouve, au moment où elle est appelée, de faire face à son obligation, l’article L.332-1 du code de la consommation prévoyant que le retour à meilleure fortune n’a vocation qu’au créancier qui voit juger le cautionnement disproportionné au moment de sa signature, la situation de la caution à la date où elle est appelée étant sans incidence si le cautionnement n’était pas disproportionné, ce qui est le cas, et le patrimoine existant étant en l’espèce supérieur aux sommes dues,
– M. [U] n’est pas fondé à se prévaloir de la nullité du cautionnement :
– pour défaut de mentions non requises par les articles L.331-1 et L.331-2, anciennement L.341-2 et L341-3 du code de la consommation,
– sans invoquer de texte prévoyant la nullité invoquée,
– en arguant de l’illicéité de certaines clauses, sans démontrer leur caractère déterminant de son consentement et l’erreur excusable commise,
– en se prévalant d’un manquement à l’obligation annuelle d’information entraînant uniquement une déchéance du droit aux intérêts,
– la créance présente un caractère certain, liquide et exigible, le tribunal ayant prononcé la résiliation judiciaire des contrats et condamné la SCEA [U] au paiement des sommes dues, et M. [U], ayant renoncé au bénéfice de discussion, été mis en demeure en juillet 2019, en août 2020, et par l’assignation, sans avoir réglé aucune somme,
– elle démontre avoir respecté l’obligation d’information annuelle de la caution, sachant qu’il ne lui incombe pas d’établir que la caution a effectivement reçu l’information donnée,
– la demande de délai de paiement ne peut être accueillie en l’absence de tout élément permettant de déterminer comment il pourra être fait face au passif.
Par uniques conclusions du 16 août 2022, M. [U] demande à la Cour de :
– Dire et juger que le cautionnement souscrit par lui le 11 janvier 2012 est manifestement disproportionné,
– Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que le cautionnement souscrit par lui le 11 janvier 2012 est manifestement disproportionné et débouté la BPO de toutes ses demandes en paiement à son égard,
Par conséquent,
– Rejeter les demandes de la BPO à son encontre,
Et d’ajouter,
– Déclarer comme nul et non avenu le contrat de cautionnement tous engagements du 11 janvier 2012 au motif de clauses illicites,
– Déclarer irrecevable l’action de la BPO pour absence de déchéance du terme valide,
– Déclarer irrecevable l’action de la BPO pour non-respect de l’obligation d’information de la caution,
– Dire par conséquent que la BPO perd son droit aux intérêts,
– à titre subsidiaire,
– lui accorder un délai de suspension de deux ans en vertu de l’article 1343-5 du code civil,
– En tout état de cause,
– Condamner la BPO au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
M. [U] présente l’argumentation suivante :
– le jugement doit être confirmé sur le caractère manifestement disproportionné du cautionnement :
– il ne disposait pas de la capacité financière et patrimoniale nécessaire pour conclure un tel engagement, la banque aurait pu prévoir qu’en cas de difficultés de la SCEA [U], il serait le principal impacté, elle n’apporte pas la preuve qu’elle a procédé à une étude de la solvabilité de la caution, alors qu’elle avait l’obligation de se renseigner sur la situation financière de la caution,
– la dissociation de la disproportion et de l’obligation de mise en garde de la banque est artificielle car la banque ne pouvait ignorer que les biens mentionnés dans la déclaration de patrimoine étaient rattachés à l’exploitation, elle devait au contraire apporter une attention toute particulière du fait de la qualité de dirigeant de la caution,
– il a été confronté à des difficultés liées à la pandémie, et la banque le sollicite alors qu’il n’a plus de ressources et n’a pas connu de retour à une meilleure fortune,
– le cautionnement est nul :
– il contient des clauses illicites, l’article 3 prévoyant une déchéance du terme à l’encontre de la caution en cas d’impossibilité de la prononcer à l’encontre du débiteur principal, alors qu’il ne peut être réclamé plus à la caution qu’au débiteur principal, et l’article 5 qui ne peut, à défaut d’envoi de la lettre annuelle d’information de la caution, imposer à la caution la charge de la réclamer et s’exonérer de la charge de la preuve, qui lui incombe, du respect de son obligation ; cette clause se référant à une obligation essentielle du contrat, sa nullité emporte celle du cautionnement,
– il n’a jamais reçu les lettres d’information, et la banque, si elle n’est pas tenue de démontrer leur réception, doit démontrer leur expédition, ce qu’elle échoue à faire, de sorte qu’il ne peut être tenu aux accessoires de la dette,
– il n’est pas en capacité de régler la dette, et accomplit des efforts pour rechercher des solutions, afin de relancer l’activité ; le tribunal lui a accordé à juste titre un délai de paiement par application de l’article 1343-5 du code civil.
Motifs
Sur le caractère manifestement disproportionné du cautionnement
En vertu de l’article L.341-4 du code de la consommation en vigueur à la date de l’acte du 12 janvier 2012 par lequel M. [U] s’est porté caution solidaire des engagements de la SCEA [U] à hauteur de 120 000 euros, « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Il appartient à la caution, qui invoque le bénéfice de cette disposition, de démontrer que son engagement était, à la date de sa souscription, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La charge de la preuve n’incombe en aucun pas à la banque qui a consenti le prêt garanti par la caution, et la caution qui a remis à la banque une fiche patrimoniale qui ne présente pas d’anomalie apparente, n’est pas recevable à invoquer une situation différente de celle qu’elle a déclarée.
Si le caractère manifestement disproportionné du cautionnement à la date de sa souscription est démontré, la banque peut néanmoins exercer son recours contre la caution, si elle rapporte la preuve que la caution dispose d’un patrimoine qui lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée.
M. [U], auquel il appartient de démontrer que son engagement était disproportionné à ses biens et revenus à la date du 11 janvier 2012 à laquelle il s’est porté caution de la SCEA [U], ne verse aux débats aucune pièce permettant de déterminer la consistance active ou passive de son patrimoine à cette date ; il ne produit notamment aucun document permettant de déterminer s’il possède des biens immobiliers, aucun document bancaire permettant de savoir s’il possède une épargne, perçoit ou non des revenus, ni aucun document permettant de savoir s’il est débiteur à quelque titre que ce soit.
Il n’est donc pas fondé à opposer à la BPO le caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution.
Surabondamment, il sera observé que la BPO, à laquelle cette preuve n’incombe pas, verse aux débats la fiche patrimoniale renseignée par M. [U], datée du 4 janvier 2012, signée de sa main, sur laquelle figurent des mentions faisant état d’un revenu mensuel de 1 000 euros pour lui et de 1 000 euros pour Mme [V] avec laquelle il déclare vivre en union libre, tirés de leur profession de viticulteur, et de la possession, par lui-même, d’une résidence principale de 150 m² d’une valeur de 800 000 euros pour laquelle il ne supporte pas d’emprunt, d’un gîte de 180 m² d’une valeur de 250 000 euros grevé d’un emprunt de 100 000 euros souscrit en 2019 dont le capital restant dû est de 100 000 euros, soit une valeur nette de 150 000 euros, source de revenus éventuels de 12 000 euros, d’une résidence secondaire de 300 m² d’une valeur de 500 000 euros, pour laquelle il ne supporte pas d’emprunt, d’une vigne de 19 hectares d’une valeur de 380 000 euros pour laquelle il supporte un emprunt de 700 000 euros dont le capital restant dû est de 212 000 euros soit une valeur nette de 168 000 euros, et des terres agricoles de 100 hectares d’une valeur de 200 000 euros non grevées d’emprunt.
À la date de son engagement, son couple perçoit donc un revenu de 2 000 euros par mois, et il possède un patrimoine immobilier de :
800 000 + 150 000 + 500 000 + 168 000 + 200 000 = 1 818 000 euros.
Il est ainsi démontré que son engagement de caution ne présente pas un caractère manifestement proportionné à ses revenus et à ses biens.
M. [U] verse inutilement aux débats quelques éléments imprécis relatifs à la situation de la SCEA [U] au cours des années 2018 à 2020, dont le patrimoine est distinct du sien, et qui n’entrent pas en ligne de compte dans l’appréciation du caractère manifestement disproportionné de son engagement. Il n’indique d’ailleurs pas qui détient son capital social, alors qu’elle porte son nom.
M. [U] se prévaut ensuite, vainement, d’un défaut de renseignement, de conseil, ou de vérification, de la banque, qui ne sont pas susceptibles de pallier sa propre carence probatoire.
Il n’est, encore, pas recevable à invoquer sa situation financière actuelle, dont il ne justifie au demeurant pas, dès lors qu’il est démontré que son engagement de caution ne présente pas un caractère manifestement disproportionné.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a retenu que la banque ne pouvait se prévaloir de son engagement de caution en raison de son caractère manifestement disproportionné.
Sur la nullité du cautionnement :
M. [U] expose que l’article 3 du cautionnement, en ce qu’il prévoit une possibilité de déchéance du terme à l’encontre de la caution en l’absence de déchéance du terme à l’encontre du débiteur, enfreint le principe selon lequel il ne peut être demandé plus à la caution qu’au débiteur principal.
Toutefois, l’article 2290 du code civil, en vigueur à la date du cautionnement litigieux, devenu par la suite l’article 2292 du même code, selon lequel le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, prévoit que le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté dans des conditions plus onéreuses, n’est pas nul, mais seulement réductible à la mesure de l’obligation principale.
Il s’en déduit que la stipulation critiquée par M. [U] n’est pas nulle mais réductible à la mesure de l’obligation principale.
M. [U] soutient ensuite que l’article 5 du cautionnement, en ce qu’il lui impose de faire connaître à la banque avant le 20 mars de chaque année, l’absence de l’information annuelle, est nul car il opère un report de l’obligation pesant sur la banque sur la caution, qu’il oblige à l’informer de son propre manquement, alors qu’il appartient à la banque de démontrer qu’elle a régulièrement informé la caution.
La stipulation litigieuse ne prévoit pas de décharge de l’obligation d’information pesant sur la banque, ou de sanction de l’absence d’envoi par la caution d’un courrier signalant l’absence de l’information prévue par la loi, anciennement l’article L333-2 du code de la consommation et actuellement l’article 2302 du code civil. Elle tend donc uniquement à attirer l’attention de la banque sur une éventuelle absence d’information de la caution.
Cette stipulation ne peut donc être considérée comme nulle, ni de nature à entraîner la nullité du cautionnement dans son ensemble.
Le jugement n’ayant pas statué sur cette prétention subsidiaire, après avoir accueilli la prétention principale de M. [U], il y a lieu de la rejeter.
Sur l’obligation d’information de la caution :
Selon l’article L.333-2 du code de la consommation en vigueur à la date du cautionnement litigieux, « Le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l’engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. »
La BPO verse aux débats trois lettres d’information de M. [U] datées des 14 mars 2017, 12 février 2018, et 21 février 2019.
En l’absence de justification de l’envoi de ces courriers d’information pour la période antérieure, alors que le cautionnement avait été souscrit le 11 janvier 2012, la BPO encourt la déchéance du droit aux intérêts depuis l’origine et jusqu’au 31 décembre 2018.
Sur l’étendue de l’obligation de la caution :
Il résulte de ce qui précède que M. [U] est tenu au paiement des sommes de :
– 151,04 euros au titre du solde débiteur du compte professionnel n° 65421127329, le décompte produit ne comportant pas d’intérêts antérieurs au 31 décembre 2018,
– 70 729,36 euros au titre du compte Campagri n° 55487128217, soit 70 000 euros au titre du principal et 729,36 euros au titre des intérêts courus à partir du 10 juillet 2019,
– 13 756,67 euros au titre du prêt équipement agricole n° 08741722 d’un montant de 45 000 euros, après déduction des intérêts perçus,
– 9 000 euros au titre du prêt n° 08761473 d’un montant de 9 000 euros.
Sur la demande de délai :
Si l’article 1343-5 du code civil offre la possibilité au juge d’accorder un report des sommes dues compte tenu de la situation du débiteur, M. [U] ne produit aucun justificatif relatif à sa situation actuelle, et à sa capacité de faire face à son engagement à l’issue du délai qu’il sollicite.
Il n’y a donc pas lieu de faire droit à sa demande.
Le jugement sera infirmé.
Sur les autres demandes :
Les dépens d’appel seront supportés par M. [U], partie perdante.
M. [U] sera tenu de verser à la BPO 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour,
Statuant à nouveau sur les points infirmés,
– Déboute M. [O] [U] de sa demande visant à voir déclarer disproportionné, subsidiairement annulé, le cautionnement souscrit le 11 janvier 2012,
– Condamne M. [O] [U], solidairement avec la SCEA [U], à payer à la SA Banque Populaire Occitane les sommes de :
– 151,04 euros au titre du compte courant professionnel n° 65421127329, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
– 70 729,36 euros au titre du compte Campagri n° 55487128217, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2020,
– 15 017,74 euros au titre du prêt équipement agricole n° 08741722, avec intérêts au taux conventionnel majoré annuel de 3,88 % à compter du 23 septembre 2020,
– 11 786,77 euros au titre du prêt n° 08761473, avec intérêts au taux conventionnel annuel de 0,85 % à compter du 23 septembre 2020 jusqu’au parfait paiement,
– Rejette la demande de délai de paiement présentée par M. [O] [U],
– Condamne M. [O] [U] à payer à la SA Banque Populaire Occitane la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne M. [O] [U] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,