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ARRÊT DU
05 Avril 2023
DB / NC
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N° RG 22/00134
N° Portalis DBVO-V-B7G -C7CS
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SARL [Localité 4] COIFF’
C/
SA GAN ASSURANCES
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 170-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
Section commerciale
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SARL [Localité 4] COIFF’ pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS CAHORS 401 829 692
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Pascal TRILLAT, Cabinet TRILLAT & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE d’un jugement du tribunal de commerce de Cahors en date du 17 janvier 2022, RG 2021 000845
D’une part,
ET :
SA GAN ASSURANCES pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS PARIS 542 063 797
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Matthieu PATRIMONIO, SCP RAFFIN et ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 février 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Cyril VIDALIE, Conseiller
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
FAITS :
La SARL [Localité 4] Coiff’ appartient au groupe Provalliance qui exerce une activité de coiffure et activités accessoires, comme la parfumerie, les soins de beauté, manucure, pédicure.
Elle exploite un salon de coiffure sous l’enseigne Interview dans le centre commercial situé ‘[Adresse 6] (46), composé d’un hypermarché à l’enseigne ‘Leclerc’ et d’une galerie commerciale avec commerces.
A effet du 1er janvier 2015, elle a adhéré au contrat d’assurance de groupe ‘Omnipro’ souscrit par Provalliance auprès de la SA GAN Assurances.
Ce contrat d’assurance contient, dans ses dispositions particulières, une extension de garantie pour ‘pertes d’exploitation’ qui garantit l’assuré lorsque le centre commercial qui l’héberge fait l’objet d’une fermeture administrative.
Suite à l’apparition du Covid 19, par arrêtés des 14, 15 et 16 mars 2020 et décret du 23 mars 2020, l’accueil du public dans tout un ensemble d’établissements et de commerces, dont les salons de coiffure, a été interdit à compter du 17 mars 2020.
Cette mesure a été prolongée jusqu’au 19 mai 2020, date à laquelle elle a été levée avec certaines restrictions.
Un nouveau décret du 29 octobre 2020 a ordonné une interdiction d’accueil du public dans ces établissements du 30 octobre 2020 jusqu’au 19 mai 2021, date à laquelle elle a été levée avec certaines restrictions.
En vertu de ces décisions, le salon de coiffure exploité par la SARL [Localité 4] Coiff’ a dû fermer entre le 15 mars et le 11 mai 2020.
Le 25 mars 2020, une déclaration de sinistre a été effectuée auprès de la SA GAN Assurances pour le compte de la SARL [Localité 4] Coiff’ afin d’obtenir la mobilisation de la garantie pour pertes d’exploitation liées à la fermeture administrative.
Par courrier du 28 août 2020, la SA GAN Assurances a refusé cette demande au motif que les conditions contractuelles de la garantie n’étaient pas réunies.
Par acte délivré le 19 février 2021, la SARL [Localité 4] Coiff’ a fait assigner la SA GAN Assurances devant le tribunal de commerce de Cahors afin de voir dire que la garantie ‘pertes d’exploitation’ du contrat lui est acquise, d’obtenir le versement d’une provision de 21 053,75 Euros à valoir sur l’indemnité due et la désignation d’un expert chargé de calculer le préjudice subi du fait de sa fermeture pendant la crise du Covid 19.
Par jugement rendu le 17 janvier 2022, le tribunal de commerce de Cahors a :
– débouté la SARL [Localité 4] Coiff’ de sa demande et dit que ne sont pas remplies les conditions de couverture du risque requises par GAN Assurances au titre de la garantie ‘pertes d’exploitation suite à l’impossibilité d’accès à vos locaux’, en conséquence, l’a déboutée de toutes ses autres demandes,
– condamné la SARL [Localité 4] Coiff’ à payer à la société GAN Assurances la somme de 1 500 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la société GAN Assurances du surplus de sa demande à ce titre,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné la SARL [Localité 4] Coiff’ aux dépens.
Le tribunal a considéré qu’en l’absence de fermeture du centre commercial, objet d’une exception au principe de fermeture des commerces, la garantie sollicitée n’était pas acquise.
Par acte du 17 février 2022, la SARL [Localité 4] Coiff’ a déclaré former appel du jugement en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui l’ont déboutée de ses demandes, qu’elle reprend dans son acte d’appel.
La clôture a été prononcée le 14 décembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 1er février 2023, ensuite reportée au 6 février 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 10 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SARL [Localité 4] Coiff’ présente l’argumentation suivante :
– La garantie ‘pertes d’exploitation’ doit être mobilisée :
* il s’agit de garanties complémentaires au contrat de base, avec primes complémentaires, dont il serait paradoxal de restreindre la portée.
* le centre commercial hébergeant ses locaux a été frappé par les arrêtés de fermeture des 14 et 15 mars 2020 :
– le premier arrêté a posé le principe d’interdiction d’accueil du public pour la catégorie M, qui ne peut être confondue avec les restaurants et hôtels, et le conseil d’Etat a qualifié cette interdiction de fermeture ainsi que de nombreuses autres juridictions, de sorte que son établissement de coiffure a par principe été fermé, même si certains autres commerces de la galerie commerciale ont pu, par dérogation, rester ouverts. Le respect de cette fermeture a été assuré par les forces de l’ordre.
– il a été impossible d’accéder au salon de coiffure : cette impossibilité ne peut être réduite à son caractère matériel. Le centre commercial était ainsi dans une situation d’impossibilité légale d’ouvrir se répercutant sur le salon de coiffure.
– la fermeture administrative est en lien de causalité avec ses pertes : la garantie s’applique dès lors que le centre commercial est fermé, même si le salon de coiffure a dû également fermer et il n’existe aucune clause d’exclusion de garantie pour le cas où l’établissement de l’assuré serait également fermé.
– La police d’assurance doit être interprétée en faveur de l’assuré :
* le contrat en question est un contrat d’adhésion intégralement rédigé par l’assureur et non par l’assuré dont les services centralisés ne sont pas spécialisés en droit des assurances.
* de très nombreuses décisions de jurisprudence ont admis la mobilisation de la garantie, mais d’autres ont statué en sens inverse ce qui implique la nécessité d’interpréter le contrat et exclut toute clarté.
* l’exception (l’autorisation d’ouvrir) ne peut être la règle (l’interdiction d’accueil du public).
* l’extension de garantie en cas d’incendie existait dans le contrat initial.
– Le calcul des pertes d’exploitation :
* il doit être effectué sur la base du chiffre d’affaires réalisé sur les exercices précédents.
* le contrat prévoit un calcul correspondant ‘à la perte de marge brute (y compris la dépréciation des stocks consécutive) résultant, pendant la période d’indemnisation de la baisse de chiffre d’affaires générée par un événement garanti, de l’engagement avec notre accord des frais supplémentaires d’exploitation mis en oeuvre pour limiter cette baisse.’
* l’expert-comptable a chiffré le préjudice à la somme de 42 107,51 Euros.
* les facteurs internes et externes, comme par exemple l’épidémie, dont excipe l’assureur, ne sont pas définis par le contrat et ne peuvent aboutir à vider la garantie.
* les aides de l’Etat, comptabilisées comme subvention d’exploitation, n’entrent pas dans le calcul du chiffre d’affaires.
* si l’accès au salon a été empêché pendant 57 jours, son activité a été perturbée au-delà et le contrat prévoit une période d’indemnisation sur 18 mois, de sorte que l’indemnité doit être calculée sur toute la période pendant laquelle ses résultats ont été affectés, par une mesure à confier à un expert judiciaire.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– débouter la SA GAN Assurances de l’intégralité de ses demandes,
– dire que les conditions de la mobilisation de la garantie sont réunies,
– condamner la SA GAN Assurances à lui payer, à titre de provision, la somme de 21 053,75 Euros,
– désigner un expert qui aura pour mission de chiffrer ses dommages et pertes subies du fait de la période de fermeture,
– condamner la SA GAN Assurances à lui payer une provision ad litem d’un montant de 6 000 Euros à valoir sur les honoraires de l’expert judiciaire,
– en tout état de cause :
– condamner la SA GAN Assurances à lui payer la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.
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* *
Par dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA GAN Assurances présente l’argumentation suivante :
– L’extension de garantie ne s’applique pas :
* la clause garantissant les pertes d’exploitation a été négociée avec le groupe Provalliance pour répondre aux besoins des sociétés du groupe.
* elle ne couvre pas la fermeture du salon de coiffure mais les conséquences de la situation du centre commercial où il se trouve.
* l’assuré doit apporter la preuve de la réunion de trois conditions cumulatives : la fermeture du centre commercial, l’empêchement d’accès à l’établissement, la réduction de l’activité résultant de l’impossibilité matérielle d’accéder au centre commercial.
* aucune de ces conditions n’est réunie, comme l’ont déjà jugé de nombreuses juridictions :
– l’arrêté du 15 mars 2020 a prononcé une interdiction d’accueil du public des établissements de la catégorie M (magasins de vente et centres commerciaux), mais il existe une dérogation pour les supérettes, supermarchés, magasins multi-commerces, hypermarchés, de sorte que l’hypermarché Leclerc est resté ouvert, comme en témoigne son ‘fil facebook’ du 17 mars 2020, seuls les commerces ‘non essentiels’ de la galerie commerciale étant fermés, et la notion de fermeture ne pouvant être abordée de façon abstraite.
– il n’y avait pas d’impossibilité matérielle d’accès au salon de coiffure : les portes du centre commercial étaient nécessairement ouvertes, cette condition ne doit pas être confondue avec la situation juridique et la galerie commerciale était accessible (la pharmacie et le bureau de tabac restaient ouverts).
– il n’existe pas de lien entre la situation du centre commercial et les pertes invoquées : contractuellement la perte doit résulter de la fermeture du centre commercial, alors que les pertes invoquées trouvent leur cause dans la fermeture du salon de coiffure
* la résiliation du contrat à effet du 1er janvier 2021 ne vaut pas reconnaissance de garantie.
* les événements garantis sont ceux qui remplissent les conditions contractuelles à la différence d’un contrat qui garantit ‘tout sauf ..’.
– Subsidiairement, il existe des modalités spécifiques d’indemnisation :
* selon le contrat, la baisse de chiffre d’affaires doit être évaluée à partir du chiffre qui aurait été réalisé à dires d’experts pendant la période d’indemnisation en l’absence de sinistre, de sorte que du fait de la fermeture du salon de coiffure son chiffre d’affaires aurait été inexistant même si le centre commercial avait été fermé.
* en outre, tous les facteurs extérieurs au sinistre doivent être pris en compte.
– La clause contractuelle qu’elle oppose est claire et dépourvue d’ambiguïté :
* elle a été insérée au contrat en octobre 2014 à la demande du groupe Provalliance, qui n’est pas un consommateur, pour le seul bénéfice de ses 175 membres.
* toute éventuelle ambiguïté doit s’interpréter contre le créancier, c’est à dire l’assuré, conformément à l’article 1190 du code civil.
* la SARL [Localité 4] Coiff’ va désormais jusqu’à prétendre ne pas disposer d’un service juridique, alors que c’est ce service qui a procédé à la déclaration de sinistre pour tous les membres du réseau.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– condamner la SARL [Localité 4] Coiff’ à lui payer la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– subsidiairement,
– rejeter la demande de provision,
– dire que l’expert chiffrera les pertes d’exploitation pour la période du 15 mars au 20 mai 2020 par comparaison avec le chiffre d’affaires qu’aurait réalisé le salon de coiffure durant cette période si le centre commercial lui-même n’avait pas été fermé.
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MOTIFS :
Vu l’article 1134 (ancien) du code civil,
En premier lieu, le contrat d’assurance souscrit auprès de la SA GAN Assurances stipule :
‘EXTENSION PERTES D’EXPLOITATION SUITE A IMPOSSIBILITÉ D’ACCÈS A VOS LOCAUX :
Par dérogation aux dispositions générales du présent contrat, la garantie pertes d’exploitation est étendue à l’interruption ou à la réduction de votre activité professionnelle lorsqu’elle résulte d’une impossibilité ou de difficultés matérielles d’accès à votre établissement sans dommage à celui-ci à la suite de :
– ‘événements’ ‘incendie’ ‘explosion’ garantis au titre du contrat survenus dans le voisinage de vos locaux professionnels ou dans le centre commercial hébergeant vos locaux,
– effondrement de bâtiments ou de terrains survenus dans le voisinage de vos locaux professionnels ou dans le centre commercial hébergeant vos locaux,
– la fermeture administrative du centre commercial hébergeant vos locaux résultant d’une décision d’une autorité publique ou sanitaire compétente’.
En dehors des cas prévus aux deuxième et troisième alinéas, non concernés par le litige, cette clause, claire qui ne nécessite aucune interprétation, ne prévoit la prise en charge d’une perte d’exploitation que lorsque les trois conditions suivantes sont réalisées :
– 1ère condition : une fermeture du centre commercial hébergeant les locaux de l’assuré suite à une décision administrative.
– 2ème condition : que cette fermeture entraîne une impossibilité ou des difficultés matérielles d’accès à l’établissement de l’assuré.
– 3ème condition : que l’interruption ou la réduction de l’activité professionnelle de l’assuré résulte des deux conditions précédentes.
La garantie ne couvre donc pas la fermeture administrative du salon de coiffure en lui-même.
En second lieu, l’arrêté du 15 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid 19 a été pris en considérant, notamment :
‘L’observation des règles de distance étant particulièrement difficile au sein de certains établissements recevant du public, il y a lieu de fermer ceux qui ne sont pas indispensables à la vie de la Nation, tels que les cinémas, bars ou discothèques ; qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-services ou de distribution de la presse ; qu’il y a lieu de préciser la liste des établissements et activités concernés et le régime qui leur est applicable en fonction de leurs spécificités.’
L’article 2 I de cet arrêté disposait que ne pouvaient plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020, notamment :
‘Au titre de la catégorie M : magasins de vente et centres commerciaux, sauf pour leurs activités de livraison et de retrait de commande.’
Cependant, l’article 2 II précisait :
‘Les établissements relevant de la catégorie M peuvent toutefois continuer à recevoir du public pour les activités figurant en annexe du présent arrêté.’
L’annexe à l’arrêté mentionnait, notamment, les ‘supermarchés’, ‘magasins multi-commerces’ et les ‘hypermarchés’.
Les hypermarchés n’ont ainsi pas été soumis à l’obligation de fermeture de sorte que l’hypermarché Leclerc situé dans le centre commercial de [Localité 4] est resté ouvert et accessible à sa clientèle.
Le cabinet d’expertise Polyexpert, mandaté par la SA GAN Assurances, l’a constaté dans une note du 16 mars 2021, l’hypermarché ayant publié le 17 mars 2020 sur ‘Facebook’ une note indiquant : ‘Covid 19, dans toute la France, les centres Leclerc sont mobilisés, nos magasins et drive E. Leclerc restent ouverts.’
La condition de fermeture du centre commercial hébergeant les locaux de la SARL [Localité 4] Coiff’ n’est donc pas réalisée.
Sur cette seule constatation, la garantie pour pertes d’exploitation prévue au contrat ne peut trouver application.
Par conséquent, les demandes présentées par la SARL [Localité 4] Coiff’ doivent être rejetées et le jugement confirmé.
Enfin, l’équité permet d’allouer à l’appelante la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
– Y ajoutant,
– CONDAMNE la SARL [Localité 4] Coiff’ à payer à la SA GAN Assurances la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNE la SARL [Localité 4] Coiff’ aux dépens de l’appel.
– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
La Greffière, Le Président,