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ARRÊT DU
05 Avril 2023
CV / NC
———————
N° RG 21/00333
N° Portalis DBVO-V-B7 F-C37F
———————
SAS ÉLECTRICITÉ INDUSTRIELLE JP FAUCHE
C/
SAS GERS DISTRIBUTION
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 159-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SAS ÉLECTRICITÉ INDUSTRIELLE JP FAUCHE agissant en la personne de son Président actuellement en exercice domicilié en cette qualité audit siège social
RCS MONTAUBAN 308 250 570
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me [F] [S] [W], association CABINET [N],
avocat plaidant au barreau du TARN-ET-GARONNE
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’AUCH en date du 03 mars 2021, RG 20/00494
D’une part,
ET :
SAS GERS DISTRIBUTION pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS AUCH 408 970 408
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Mathieu GENY, SELARL PGTA, avocat au barreau du GERS
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 06 février 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
Faits et procédure
La SAS Gers Distribution, productrice et distributrice de volailles, a fait édifier un bâtiment à usage industriel et de bureaux au cours de l’année 2012.
Le lot électricité a été confié à la SAS Electricité Industrielle JP Fauche suivant marché du 1er juin 2012.
Le 11 février 2013, lors d’un orage, les chambres froides ont cessé de fonctionner, entraînant la décongélation et la perte de marchandises.
La SAS Gers Distribution, considérant que le sinistre était imputable à la SAS Electricité Industrielle JP Fauche qui avait, selon elle, omis de réaliser un raccordement du tableau de contrôle froid des chambres froides de marque Danfoss au transmetteur d’alarme, a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire d’Auch d’une demande d’expertise qui a été confiée, par ordonnance du 17 avril 2018 à M. [Z], qui a déposé son rapport le 30 janvier 2020.
Par acte du 16 mars 2020, la SAS Gers Distribution a assigné la SAS Electricité Industrielle JP Fauche devant le tribunal judiciaire d’Auch en responsabilité afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi.
Par jugement du 3 mars 2021, le tribunal judiciaire d’Auch a :
– condamné la SAS Electricité Industrielle JP Fauche à verser à la SAS Gers Distribution la somme de 102 400 euros,
– débouté la SAS Gers Distribution de sa demande de dommages et intérêts présentée à hauteur de 5 000 euros,
– condamné la SAS Electricité Industrielle JP Fauche à verser à la SAS Gers Distribution la somme de 3 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 14 février 2013,
– condamné la SAS Electricité Industrielle JP Fauche au paiement des entiers dépens, en ce compris les dépens de référé et le coût de l’expertise judiciaire et dit que ces derniers pourront être recouvrés directement par la Selarl PGTA, conseil de la SAS Gers Distribution pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Le tribunal a estimé que la SAS Electricité Industrielle JP Fauche était tenue de procéder au raccordement litigieux, qu’elle n’était pas confrontée à une impossibilité technique de l’effectuer, et que son absence de réalisation constituait une faute de nature à engager sa responsabilité.
Le tribunal a écarté les griefs adressé à la SAS Gers Distribution tenant à :
– l’absence de réalisation de contrôles réguliers de la chambre froide au regard de l’insistance avec laquelle elle avait demandé que le raccordement soit effectué,
– l’absence de signalement de l’absence de raccordement au regard de la connaissance qu’avait la SAS Electricité Industrielle JP Fauche du dépôt de marchandises à compter du 5 février 2013,
– l’absence d’installation d’un autre système d’alarme au regard de l’obligation de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche d’exécuter ses propres obligations.
Le tribunal a estimé que le préjudice n’était pas limité à une perte de chance, retenant qu’en cas de fonctionnement de l’alarme, la SAS Gers Distribution aurait été très rapidement informée du dysfonctionnement de la chambre froide et eu la possibilité de préserver les marchandises entreposées.
La SAS Electricité Industrielle JP Fauche a formé appel le 25 mars 2021, désignant en qualité d’intimée la SAS Gers Distribution, et visant dans sa déclaration la totalité des dispositions du jugement, à l’exception de celle rejetant la demande de dommages-intérêts présentée à hauteur de 5 000 euros.
Par ordonnance d’incident du 28 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté la SAS Electricité Industrielle JP Fauche de ses demandes, celle-ci l’ayant saisi afin de déclarer irrecevables les demandes de la SAS Gers Distribution faute pour cette dernière d’avoir demandé dans ses conclusions l’infirmation ou la réformation du jugement, seule la cour pouvant statuer sur ce point.
Prétentions :
Par dernières conclusions du 26 décembre 2022, la SAS Electricité Industrielle JP Fauche demande à la Cour de :
– déclarer irrecevables les demandes par lesquelles la SAS Gers Distribution demande à la cour de la condamner aux sommes suivantes : 105 654,97 euros, 5 000 euros à titre de dommage et intérêts et 8 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à celui du constat du 14 février 2013,
– déclarer son appel incident irrecevable comme tardif,
– débouter la SAS Gers Distribution de l’intégralité de ses prétentions en cause d’appel,
– réformer le jugement du tribunal judiciaire d’Auch en date du 3 mars 2021
en ce qu’il :
– l’a condamnée à payer à la SAS Gers Distribution la somme de 102 400 euros,
– l’a condamnée à verser à la SAS Gers Distribution la somme de 3 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 14 février 2013,
– l’a condamnée au paiement des dépens, en ce compris les dépens de référé et ceux d’expertise,
– statuant à nouveau,
– débouter la SAS Gers Distribution de l’intégralité de ses prétentions,
– condamner la SAS Gers Distribution à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, dont ceux de référé,
– à titre subsidiaire,
– limiter l’indemnisation du préjudice de la SAS Gers Distribution à 10% de la fraction des dommages et intérêts calculée sur la base de 99 134,91 euros,
– en ce cas, statuer sur les demandes formulées au titre des frais irrépétibles et dépens selon l’équité,
– y ajoutant,
– condamner la SAS Gers Distribution à lui payer la somme de 6 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens d’appel qui seront recouvrés par son conseil selon les modalités de l’article 699 du même code.
La SAS Electricité Industrielle JP Fauche présente l’argumentation suivante :
– l’appel incident de la SAS Gers Distribution est irrecevable, car ses conclusions du 1er septembre 2021 ne comportent ni aux motifs, ni au dispositif, de prétentions tendant à la réformation ou à l’infirmation du jugement, elle n’a pas présenté de demande en ce sens dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile, et la modification postérieure de ses demandes ne permet pas de régulariser la procédure,
– l’irrecevabilité qu’elle soulève est une fin de non-recevoir qui n’est pas soumise au principe de concentration des moyens applicable aux prétentions sur le fond, ainsi que l’a rappelé le conseiller de la mise en état dans son ordonnance du 28 septembre 2022,
– sa responsabilité ne peut pas être retenue :
– en l’absence de faute :
– la prestation litigieuse n’était pas prévue par le marché, et était irréalisable, la SAS entretient une confusion entre le contenu du marché et son exécution ; il s’agit en effet d’un marché à forfait, et l’article 3.2 du cahier des clauses administratives particulières prévoit que les travaux modificatifs doivent impérativement faire l’objet d’un accord écrit préalable du maître de l’ouvrage, et ne peuvent être exécutés que sur un ordre de service du maître de l’ouvrage contresigné par le maître d’oeuvre,
– le raccordement du tableau de contrôle froid sur le transmetteur d’alarme ne fait pas partie de la liste des travaux prévus,
– il ressort de la note technique produite à l’expert le 12 avril 2019 que ce raccordement était à la charge de l’exploitant, et l’expert, au questionnaire duquel la SAS Gers Distribution n’a pas répondu, a retenu qu’elle n’était pas mandatée pour exécuter une transmission à distance,
– le tableau de renvoi d’alarmes techniques qu’elle devait réaliser était implanté dans le local dédié à l’accueil et à l’espace télévente, qui était en cours de construction lors du sinistre, ce qui ressort du rapport de l’expert,
– par les demandes mentionnées sur les comptes rendus de chantier, la SAS Gers Distribution a demandé la réalisation de travaux modificatifs, ce qui exigeait un formalisme qui n’a pas été respecté,
– la prestation n’a été ni facturée ni payée,
– la prestation demandée au mois de janvier 2013 à la suite d’un mail du 4 janvier 2013 a été réalisée et porte sur d’autres travaux, ce message ne peut conduire à retenir la faute de l’entreprise,
– la faute qui lui est imputée n’est pas la cause adéquate du dommage, qui est la défaillance du système de froid, sur laquelle aucune investigation n’a été menée ; l’expert a mis en évidence que l’alarme n’était pas fonctionnelle sans qu’il soit possible de rechercher la responsabilité de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche ; les travaux permettant l’alarme à distance avaient été réalisés à la suite du mail du 4 janvier 2013,
– la cause du sinistre est l’impéritie de la SAS Gers Distribution, qui a débuté l’exploitation des chambres froides avant l’achèvement des travaux, en l’absence d’alarme technique et sans procéder à des contrôles périodiques,
– le dommage ne peut résulter que de la perte d’une chance ce qui a été admis par l’assureur de la SAS Gers Distribution, et justifie une indemnisation proportionnelle tenant compte de la probabilité de sa réalisation, du bénéfice attendu,
– la demande tendant à obtenir une somme de 5 000 euros est nouvelle et forfaitaire, ce qui exclut qu’il y soit fait droit.
Par dernières conclusions du 24 novembre 2022, la SAS Gers Distribution demande à la Cour de :
– débouter la SAS Electricité Industrielle Fauche de l’intégralité de ses demandes, fins, conclusions,
– condamner la SAS Electricité Industrielle Fauche à lui payer :
– à titre principal, la somme de 105 654,97 euros, par infirmation partielle du jugement,
– à défaut, de la somme de 102 400 euros par confirmation du jugement,
– à défaut encore, de la somme de 99 134,91 euros, par infirmation partielle du jugement,
– ajoutant au jugement déféré, condamner la SAS Electricité Industrielle Fauche au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la SAS Electricité Industrielle Fauche au paiement d’une indemnité de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le coût du procès-verbal de constat d’huissier du 14 février 2013,
– condamner la SAS Electricité Industrielle Fauche au paiement des entiers dépens, en ce compris ceux de l’instance de référé, comprenant les frais d’expertise judiciaire de M. [Z], dont distraction au profit de la Selarl PGTA, avocats aux offres de droit.
La SAS Gers Distribution présente l’argumentation suivante :
– SAS Electricité Industrielle Fauche a engagé sa responsabilité contractuelle :
– l’expertise a démontré qu’en cas de réalisation de l’intervention qui était demandée depuis plusieurs semaines, l’alerte de la disjonction des chambres froides aurait été constatée le 11 février 2013, jour du sinistre, ce qui aurait évité le dommage,
– SAS Electricité Industrielle Fauche ne peut utilement opposer que l’intervention ne lui avait pas été suffisamment demandée, ou que la prestation n’aurait pas relevé de son lot, l’ayant réalisée après le sinistre, en quelques minutes,
– le cahier des clauses administratives particulières prévoit que les prescriptions contenues dans les compte-rendus de chantier sont applicables en l’absence de contestation, et l’expert a retenu que la SAS Electricité Industrielle Fauche était informée des travaux à exécuter,
– le formalisme contractuel a été respecté,
– elle n’a elle-même commis aucune impéritie, ainsi que l’a retenu à bon droit le tribunal, ayant décalé la mise en production en raison du retard des travaux, obtenu l’agrément sanitaire le 25 janvier 2013, et entreposé les marchandises en connaissance de SAS Electricité Industrielle Fauche,
– le préjudice n’est pas constitué par une simple perte de chance mais par la perte de la marchandise perdue constitué essentiellement de foie gras, et le chiffrage établi par l’expert à 105 654,97 euros doit être pris en compte,
– le préjudice résulte en outre de la désorganisation, du préjudice moral, de la perte d’image subis, ce qui justifie une indemnité de 5 000 euros.
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 janvier 2023, et l’affaire a été fixée pour être examinée le 6 février 2023.
Motifs :
Sur la recevabilité de l’appel incident de la SAS Gers Distribution :
Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.
L’article 954 du même code dispose que la cour ne statue que sur les prétentions exposées au dispositif des conclusions.
Ainsi, faute pour la SAS Gers Distribution d’avoir mentionné dans le dispositif de ses conclusions qu’elles tendaient à la réformation ou à l’infirmation du jugement, elle n’a pas déféré à la cour celles de ses dispositions qui n’étaient pas critiquées par l’appelant, mais qu’elle entendait contester.
La cour ne peut que constater qu’elle n’est pas saisie de son appel incident.
Sur la faute de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche :
Selon l’article 1134, ancien, du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. L’article 1147, ancien, du même code, dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
La SAS Electricité Industrielle JP Fauche s’est engagée à réaliser les travaux constituant le lot n°14 ‘électricité/CFA – Sécurité Incendie’ suivant le marché de gré à gré contenant son acte d’engagement daté du 1er juin 2012, lequel définit le coût soit 253 216,03 euros TTC, ainsi que la date prévisionnelle de mise à disposition partielle de la zone de stockage fixée au 30 septembre 2012.
Ce marché prévoit, s’agissant des réunions de chantier, que l’entrepreneur est tenu d’y assister, et que les prescriptions contenues dans les comptes-rendus de chantier sont applicables sauf contestation écrite de la part de l’entrepreneur dans un délai de quatre jours calendaires à compter de leur réception, la transmission pouvait être réalisée par lettre, télécopie, courriel.
Il prévoit également que les travaux supplémentaires décidés en cours de chantier doivent faire l’objet d’un accord préalable écrit du maître de l’ouvrage.
La SAS Electricité Industrielle JP Fauche a établi un devis n°0183656/03 daté du 9 mai 2012 prévoyant divers raccordements, notamment :
– pour les installations d’éclairage, l’installations de détecteurs de présence et le raccordement de ‘tous les appareils d’éclairage y compris supports’,
– pour les installations prises de courant et force motrice, les FM : ‘alarme incendie’, ‘report d’alarme technique’, ‘report d’alarme incendie’, ‘report d’alarme intrusion’, ‘caméra’ et ‘enregistreur vidéo’, ainsi que les ‘raccordements électriques, y compris supports, chemins de câbles, boites de dérivation, conduits, etc…’ , un équipement d’alarme incendie de type 4, avec raccordements électriques, essais, mise en service, formation,
– pour le précâblage informatique téléphone, l’installation du répartiteur général, comprenant l’équipement de la baie de brassage, le raccordement à la terre générale et la liaison téléphonique vers l’autocom,
– pour les alarmes techniques, le tableau d’alarme ‘avec équipement complet’, avec tableau de synthèse et ‘raccordement électrique des alarmes’,
– pour l’alarme intrusion, l’installation d’une centrale d’alarme, d’avertisseurs intérieurs et extérieurs, un renvoi d’alarme avec transmetteur, les raccordements, des essais, la mise en service et la formation du personnel,
de sorte que l’équipement du bâtiment en alarmes diverses, notamment techniques, en ce compris les raccordements, la mise en service, les essais et la formation de l’utilisateur, relevait du lot 14 qui lui était attribué.
De plus, parmi les différents devis de travaux supplémentaires établis par elle, le devis n°0195349 du 20 décembre 2012, d’un montant de 19 734 euros, prévoit notamment pour le volet 04 – Prod, l’installation de l’alimentation du coffret d’alarme froid, et la SAS Gers Distribution justifie de la signature de l’avenant n°12 correspondant, intégrant cette prestation dans le champ contractuel, et de la signature de l’avenant n°26 du 3 juillet 2013 reprenant divers devis antérieurs dont le devis n°0195349.
Cette prestation a été facturée et intégrée dans la situation n°99 du 23 octobre 2013, validée par le visa de l’architecte.
Par ailleurs, la SAS Gers Distribution verse aux débats :
– un courriel adressé le 4 janvier 2013 par M. [R], préposé de la société SIST, coordonnateur OPC (ordonnancement, pilotage, et coordination), aux entreprises, notamment la SAS Electricité Industrielle JP Fauche, mentionnant notamment ‘finir alimentation de la centrale de télésurveillance froid + tirer liaison informatique. Impératif pour sem 02 – Fauche’,
– le compte-rendu de la réunion de chantier du 25 janvier 2013, à laquelle la SAS Electricité Industrielle JP. Fauche a participé, retenant :
– 14 – Fauche :
– …
– 14-32 alarme : raccorder le tableau de contrôle froid sur transmetteur d’alarme,
– le compte-rendu de la réunion de chantier du 1er février 2013, à laquelle la SAS Electricité Industrielle JP. Fauche a participé, retenant :
– 14 – Fauche :
– …
– 14-32 – alarme : raccorder le tableau de contrôle froid sur transmetteur d’alarme,
– le compte-rendu de la réunion de chantier du 8 février 2013, à laquelle la SAS Electricité Industrielle JP. Fauche a participé, retenant :
– 14 – Fauche :
– …
– 14-32 – alarme : raccorder le tableau de contrôle froid sur transmetteur d’alarme.
Aucune observation n’a été émise par la SAS Electricité Industrielle JP Fauche à la suite de ces comptes-rendus.
L’ensemble de ces éléments montre que la SAS Electricité Industrielle JP. Fauche était contractuellement tenue de réaliser ce raccordement.
Or elle ne démontre, ni n’allègue, l’avoir fait avant le sinistre du 11 février 2013.
Elle a donc manqué à son engagement contractuel.
Sur le rôle causal de la faute
L’expert [Z] relève dans son rapport :
– page 6, dans le chapitre 1 consacré à la 1ère réunion d’expertise, sous l’exposé de l’historique, qu’en janvier 2013, après l’expertise des services vétérinaires, la chambre froide a obtenu le numéro d’agrément autorisant le droit d’exploitation, que la société Gers Distribution a demandé avant de l’utiliser, que le système d’alarme soit connecté, que les 25 janvier 1er et 8 février 2013, lors des réunions de chantier, il a été noté à trois reprises que la société Electricité Industrielle JP Fauche devait connecter le système d’alarme de la chambre froide, (alarme vers les boîtiers techniques), que le lundi 11 février 2013 à 19h38, les protections électriques de la chambre froide on disjoncté, un orage s’abattant alors sur la ville ; que l’absence de fonctionnement de la chambre froide a été constaté le mercredi 13 février 2013, les marchandises étant alors détruites,
– page 10, dans le chapitre 1, sous l’exposé des conclusions, que la thèse d’un déclenchement provoqué par l’orage paraît la plus probable, et qu’au jour de l’expertise judiciaire, aucune constatation technique ne peut être faite, les installations incriminées n’existant plus, et que la question principale est que le branchement de l’alarme n’a pas été effectué,
– page 17, dans le chapitre 2 consacré à la 2e réunion d’expertise, qu’il n’est pas démontré qu’un orage soit survenu le jour du sinistre, mais que quel que soit le phénomène ayant déclenché les protections électriques, la cause du sinistre est directement liée à la non transmission des alarmes lorsque la température a dépassé les seuils de sécurité ; que l’évolution de la température le jour du sinistre n’a pu être connue par l’expert ; que la société Atlantic Téléphonie n’avait pas mission de connecter les alarmes ; que lors du sinistre, seul le boîtier Danfoss était connecté à la chambre froide, de sorte que l’alarme n’était visible que sur ce boîtier qui avait été installé dans un petit bureau proche de la chambre froide, peu utilisé ; que ce boîtier était équipé d’un contact sec non connecté le jour du sinistre ; que la SAS Electricité Industrielle JP Fauche est intervenue le 25 février 2013 pour installer provisoirement une alarme technique sur le boîtier sec, ce qui a permis un déport des deux boîtiers d’alarme technique sur deux sites géographiques différents, et la mise en oeuvre d’une alerte visuelle et sonore ; que le boîtier Danfoss étant connecté directement à la baie informatique, il est possible depuis cette baie de connecter le boîtier autocom, présent dans la baie, afin de diffuser une alarme sur des téléphones portables, mais que cette installation n’était pas à la charge de la société Fauche et n’était pas opérationnelle le jour du sinistre,
– page 22, à ce chapitre, partie conclusions, que si la demande de branchement a été faite, le non branchement des alarmes a provoqué le sinistre,
– page 27, au chapitre 3 résumant les missions des parties et les interventions antérieures au sinistre, qu’au 1er février 2013, l’ensemble des parties étaient au courant que :
– la chambre froide était en fonctionnement,
– la chambre froide devait être remplie avant le mardi 5 février 2013,
– le raccordement de l’alarme n’était pas réalisé,
– en cas de problème, personne ne serait prévenu,
– page 27, même chapitre, partie conclusions, qu’il est évident que la société Fauche :
– suite à la réunion du 4/01/13 à laquelle elle a participé et pour laquelle elle a été destinataire du compte-rendu, devait finir l’alimentation de la centrale télésurveillance froid + tirer liaison informatique pour la mise en service (HAUTE IMPORTANCE et impératif semaine 2),
– a été destinataire du mail de TPFS ‘il est de notre conseil de vous avertir que le raccordement de l’alarme froid n’est pas encore raccordé et que l’entreprise Gers Distribution commence à introduire de la marchandise mardi 5 février. En cas de problème froid personne ne sera prévenu’,
– n’a pas demandé de précisions techniques ni de report d’intervention sur les travaux demandés,
– n’a pas alerté les intervenants du danger potentiel de la non connexion des alarmes ou de la nécessité de contrôler régulièrement le boîtier du ‘petit bureau’,
– n’a fait aucune intervention technique sur les différentes actions à mener’.
– que, ‘de ces constats, il apparaît que la société Fauche était au courant des travaux à exécuter, de leurs délais d’exécution et de leur importance, et qu’elle n’a rien fait en retour, ne serait-ce que pour prévenir de l’impossibilité de terminer les travaux ou du retard que pourraient prendre ces travaux’,
– page 32, au chapitre 4 rendant compte de la 3e réunion d’expertise, que M. [C], président de la SAS Gers Distribution, indique que le boîtier 9 auquel devait être relié le contact sec était situé dans un bureau occupé par le directeur de l’usine et quatre salariés, qui était un lieu de passage occupé en permanence du matin au soir, et en dehors des heures de travail, notamment le 11 février 2013, l’équipe de nettoyage étant présente de 21 à 24h, de sorte que, le sinistre ayant eu lieu vers 19h, si le boîtier avait été connecté, l’alarme aurait obligatoirement été prise en compte,
– page 35, au chapitre 5 répondant aux dires des parties, que ‘si, comme il avait été demandé à la société Fauche, une alarme en provenance du boîtier Danfoss avait été installée dans ce bureau de direction, l’alerte de la disjonction des chambres froides aurait obligatoirement été constatée le 11 février 2013, jour du sinistre’, et que ‘les photos d’huissier transmises par Me [N] correspondent à des photos du chantier en cours, mais ne démontrent aucunement que le bureau de direction n’était pas en service’,
– page 37, au chapitre 6 énonçant les réponses aux questions de la mission, l’expert précise que ‘pour remédier aux désordres, il suffisait au minimum de relier le boîtier de contrôle au boîtier d’alarme située dans le bureau de direction’.
Ainsi, l’expertise a permis d’établir que le raccordement était dû contractuellement par la SAS Electricité Industrielle JP Fauche, et qu’il lui avait été réclamé lors d’un mail puis de trois réunions de chantier ayant précédé de peu le sinistre ; que son absence de réalisation a eu pour conséquence directe de cantonner l’alarme, lors de son déclenchement, à un affichage sur l’écran du boîtier situé dans un bureau quasiment inutilisé, et de faire durablement obstacle à la diffusion d’une alarme visuelle et sonore dans le bureau de direction, qui était, lui, occupé par plusieurs agents de la SAS Gers Distribution, était un lieu de passage, et ce jusqu’à une heure tardive, voire jusqu’à minuit, en particulier le jour du sinistre, de sorte que le personnel n’a constaté l’arrêt de la chambre froide, ni sur le champ, ni durant les deux jours qui ont suivi.
Le manquement fautif de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche est donc confirmé par l’expertise, et son rôle causal dans la survenance du dommage avéré, puisque l’expertise a également permis d’établir qu’avant le sinistre, la chambre froide avait fonctionné normalement, et qu’après, une fois remise en fonctionnement, elle n’a pas nécessité de réparation, ce qui montre qu’il suffisait de la remettre en fonctionnement pour éviter l’élévation de température qui a entraîné la décongélation et la perte des denrées entreposées. Aucun constat ne vient donc étayer l’hypothèse d’une défaillance du matériel.
La SAS Electricité Industrielle JP Fauche ne peut utilement invoquer l’impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée de réaliser la prestation à l’origine du sinistre, qu’elle ne démontre pas, s’agissant au surplus d’une intervention simple réalisable à titre provisoire en cours de chantier, qu’elle a réalisée sans rencontrer de difficulté au lendemain du sinistre.
Elle ne peut davantage opposer à la SAS Gers Distribution son impéritie pour avoir commencé à utiliser la chambre froide avant l’achèvement du chantier, et omis de surveiller la dite chambre, dès lors que, d’une part, elle était tenue à une obligation de résultat, de sorte que seul un cas de force majeure pourrait l’exonérer, et que, par ailleurs :
– elle avait reçu plusieurs injonctions de réaliser sa prestation,
– elle n’avait pas réalisé ses travaux dans le délai prévu,
– elle était informée de l’utilisation de la chambre froide et se devait, s’agissant d’une prestation dont la réalisation lui incombait, d’informer la SAS Gers Distribution des risques résultant de son retard d’exécution.
C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la responsabilité de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche devait être engagée.
Sur l’étendue du dommage
L’expert a retenu que le dommage était constitué par la valeur des marchandises perdues, constituées pour l’essentiel de foie gras de canard.
Il a pris pour référence, sans les critiquer, les évaluations des parties, soit la somme de 99 134,91 euros, retenue par le cabinet Azaïs, et celle de 105 654,97 euros retenue par le cabinet Polyexpert.
Le tribunal a retenu une valeur médiane.
Toutefois, aucun élément ne permet de priver de crédit l’évaluation du dommage à la somme de 105 654,97 euros et le dommage doit être intégralement réparé ce qui exclut la minoration sollicitée par l’appelante à titre subsidiaire.
Dès lors que la cour n’est pas saisie de l’appel incident formé par la SAS Gers Distribution, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la SAS Electricité Industrielle JP Fauche au paiement de la somme de 102 400 euros.
Sur les autres demandes
La cour n’étant pas saisie de l’appel incident de la SAS Gers Distribution, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté sa demande de condamnation de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche à une indemnité de 5 000 euros.
Les dépens de première instance, comprenant le coût des opérations d’expertise, ont été à juste titre mis à la charge de la SAS Electricité Industrielle JP Fauche, compte tenu du bien-fondé de l’action.
Les dépens d’appel seront, pour la même raison, supportés par elle.
La distraction des dépens toujours prévue par l’article 699 du code de procédure civile n’a plus d’objet du fait de la suppression de tout tarif pour l’avocat le 8 août 2015 en première instance et le 1er janvier 2012 devant la cour.
Le jugement sera réformé sur ce point et la demande présentée à ce titre en appel ne sera pas accueillie.
La SAS Electricité Industrielle JP Fauche sera condamnée à verser à la SAS Gers Distribution 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Constate qu’elle n’est pas saisie d’un appel incident visant les dispositions du jugement non critiquées par l’appel principal formé par la SAS Electricité Industrielle JP Fauche,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire d’Auch du 3 mars 2021, SAUF en ce qu’il a dit que les dépens pourront être recouvrés directement par la Selarl PGTA, conseil de la SAS Gers Distribution pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau sur le point réformé,
Dit n’y avoir lieu à distraction des dépens de première instance au bénéfice de la Selarl PGTA par application de l’article 699 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
Condamne la SAS Electricité Industrielle JP Fauche aux dépens d’appel.
Condamne la SAS Electricité Industrielle JP Fauche à verser à la SAS Gers Distribution 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,