Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 4 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00045

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 4 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00045
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ARRÊT DU

04 AVRIL 2023

PF/CO

———————–

N° RG 22/00045 –

N° Portalis DBVO-V-B7G-C6W6

———————–

[R] [F]

C/

ASSOCIATION [5]

———————–

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 67 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatre avril deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président assistée de Danièle CAUSSE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[R] [F]

née le 12 octobre 1977 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Hélène GUILHOT, avocat inscrit au barreau d’AGEN

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AGEN en date du 17 décembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/175

d’une part,

ET :

L’ASSOCIATION [5] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Philippe BELLANDI, avocat inscrit au barreau d’AGEN

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 21 février 2023 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assistée de Chloé ORRIERE, greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Maryse LE MEN REGNIER, présidente de chambre et Valérie SCHMIDT, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [R] [F] a été engagée du 1er octobre 2016 au 31 mars 2017, en contrat de travail à durée déterminée, par l’association [5], en qualité d’infirmière coordonnatrice, puis à compter du 1er avril 2017, en tant que coordinatrice de soins à temps partiel, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminé.

Par avenant à son contrat de travail du 1er octobre 2017, elle était promue coordinatrice de soins, statut cadre, à temps complet, puis, par avenant n°2 du 22 juin 2018, elle était confirmée dans son statut assumant à titre complémentaire les fonctions de directrice adjointe.

La convention collective nationale applicable est celle n°51 du 31 octobre 1951 des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif. Les relations sont régies par les dispositions en vigueur et celles de la recommandation patronale de la FEHAP du 4 février 2014.

A compter du mois de mai 2019, la salariée a été placée en arrêt de travail puis, elle a repris son poste en fin d’année dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.

Le 6 décembre 2019, elle était de nouveau placée en arrêt de maladie.

Par avis du 16 mars 2020, le médecin du travail la déclarait inapte à son poste de travail.

Le 4 mai 2020, son employeur lui notifiait son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête du 2 juillet 2020, Mme [R] [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Agen aux fins d’obtenir différentes indemnités.

Par jugement du 17 décembre 2021, le conseil de prud’hommes a :

– condamné l’association [5] à payer à Mme [R] [F] la somme de 192,83 euros au titre de rappels sur heures supplémentaires,

– jugé et dit que le licenciement de Mme [R] [F] n’était pas d’origine professionnelle

– débouté Mme [R] [F] de toutes ses demandes à ce titre

– dit qu’il n’y avait pas lieu à condamner les parties à régler une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné néanmoins les parties par moitié au paiement des entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 17 janvier 2022, Mme [R] [F] a interjeté appel du jugement en indiquant l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :

– jugé et dit que le licenciement de Mme [R] [F] n’était pas d’origine professionnelle

– débouté Mme [R] [F] de toutes ses demandes à ce titre

– dit qu’il n’y avait pas lieu à condamner les parties à régler une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné Mme [R] [F] à la moitié du paiement des entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture de la mise en état a été prononcée le 1er décembre 2022 et l’affaire a été fixée pour être plaidée au 21 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de Mme [R] [F], appelante principale et intimée sur appel incident

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 30 septembre 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, Mme [R] [F] demande à la Cour de :

– Réformer le jugement dont appel rendu le 17 décembre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Agen en ce qu’il a :

– Jugé et dit que l’inaptitude prononcée par le médecin du travail n’était pas d’origine professionnelle

– L’a déboutée en conséquence de toutes ses demandes à ce titre et de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– N’a pas fait droit non plus à ses demandes tendant à la condamnation de l’association [5] à lui payer un complément à l’indemnité légale de licenciement, un complément de rémunération au titre des astreintes 2018 et 2019, des dommages et intérêts au titre du versement décalé des éléments de salaire, une somme sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ainsi qu’à la condamnation de l’association à rédiger et à lui fournir les documents de fin de contrat rectifiés mentionnant notamment la date réelle d’entrée de celle-ci qui est celle du 1er octobre 2016

– L’a, au contraire, condamnée au paiement de la moitié des dépens

Statuant à nouveau,

– Juger que l’ancienneté à prendre en compte pour évaluer le montant de l’indemnité de licenciement est de 8 ans et 6 mois.

– Juger que son indemnité de licenciement aurait dû s’évaluer à la somme de 7 739.97 euros et que lui reste donc due la somme de 4 614.56 euros à ce titre.

– Condamner l’association [5] à lui verser la somme de 4 614.56 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement

– Juger que son licenciement repose sur une inaptitude professionnelle

En conséquence,

– Condamner l’association [5] à lui verser l’indemnité spécifique de licenciement à savoir :

– A titre principal : 7 739.97 euros si la cour retenait une ancienneté de 8 ans et 6 mois

– A titre subsidiaire : 3 125.41 euros si la cour retenait une ancienneté de 3 ans et 6 mois

– Condamner l’association [5] à lui verser la somme de 15 672.68 euros au titre de l’indemnité spécifique égale à celle de l’indemnité compensatrice de préavis

– Juger que son inaptitude est imputable à l’employeur et qu’en conséquence le licenciement de l’appelante est dénué de cause réelle et sérieuse

– Débouter l’association [5] de sa demande d’irrecevabilité afférente

– Condamner l’association [5] à lui verser :

– A titre principal : 31 345.36 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse si la Cour retenait une ancienneté de 8 ans et 6 mois

– A titre subsidiaire : 15 672.68 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse si la Cour retenait une ancienneté de 3 ans et 6 mois

– Condamner l’association [5] à lui verser la somme de 4 151.99 euros brut à titre de rappel de salaire afférent aux astreintes organisationnelles

– Condamner l’association [5] à lui verser la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts eu égard au retard survenu dans le paiement des salaires des mois de mars et avril 2020

– Condamner l’association [5] à lui remettre l’ensemble de ses bulletins de salaires, de même que l’ensemble de ses documents de fin de contrat rectifiés et tels que faisant mention d’une date d’entrée dans l’association au 1er octobre 2016 (non au 03 avril 2017)

– Condamner l’association [5] à lui remettre l’ensemble de ses documents de fin de contrat rectifiés en suite de l’arrêt à intervenir.

– Débouter l’association [5] en son appel incident

En conséquence,

– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné l’association [5] à lui payer la somme de 192.83 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

– Condamner l’association [5] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens

Au soutien de ses prétentions, Mme [R] [F] fait valoir que :

I- Sur le montant de l’indemnité légale de licenciement versée :

– En application de l’article 15.02.3 de la convention collective nationale, cette indemnité doit être calculée conformément aux dispositions légales

– l’employeur a commis une erreur : l’indemnité versée de 3125,41 euros a été calculée sur la base d’une ancienneté de 3 ans et 6 mois alors que sur son dernier bulletin de salaire était mentionnée une ancienneté de 8 ans et 6 mois

– l’article 8 de son contrat de travail prévoyait la reprise de son ancienneté de 5 ans

– sur la base d’une ancienneté de 8 ans et 6 mois, aurait dû lui être versée la somme de 7 739,97 euros soit la somme restant due de 4 614,56 euros.

– le contrat de travail ne limite pas la reprise de l’ancienneté au calcul de la seule prime d’ancienneté comme l’a jugé le conseil de prud’hommes. Elle produit un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-provence.

II- Sur l’origine professionnelle de son inaptitude liée aux manquements de l’employeur à son obligation de sécurité :

– la dégradation de son état de santé avec syndrome anxiodépressif présente un lien de causalité avec ses conditions de travail et elle le démontre

– en raison de l’arrêt de travail de la directrice, Mme [L], elle s’est trouvée en situation où, en plus de ses fonctions courantes, elle devait assumer celles de la directrice alors qu’elle n’était que directrice à titre complémentaire et non adjointe

– elle a subi une pression et une surcharge de travail qui l’ont contrainte à annuler ses congés pour remplacer des aides-soignantes

– elle a été placée en arrêt de travail le 29 avril 2019 pour réaction anxiodépressive, compatible selon le docteur [U], son médecin traitant, avec une origine professionnelle comme il l’indique dans son avis du 2 juin 2020 remis à sa demande

– celui-ci l’orientait vers le médecin du travail, le docteur [P]

– dans le cadre de son suivi,le docteur [P] préconisait un mi-temps thérapeutique et elle reprenait son activité à temps partiel le 2 septembre 2019

– mais en raison de la charge de travail, elle était contrainte de travailler depuis son domicile les après midis

– c’est pourquoi, le 6 décembre 2019, elle était de nouveau placée en arrêt de travail

– le 16 mars 2020, le médecin du travail rendait un avis d’inaptitude « l’état de santé de la salariée ne lui permettant plus de travailler dans l’association ».

1- Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude :

Elle l’établit par la production des pièces suivantes :

– le certificat du docteur [U] du 29 avril 2019 dont l’employeur avait été destinataire

– l’attestation de la psychologue, Mme [N], du 16 mai 2020

– le certificat du psychiatre le docteur [J] du 10 mars 2020

– les attestations de salariés de l’association : Mme [O], aide soignante ; M. [H] [T], infirmier ; Mme [X] [B], infirmière ; Mme [Z] [I], aide soignante

– le certificat du médecin du travail à l’employeur et son étude de poste mettent en lumière une rupture de communication avec sa hiérarchie

2- Sur les manquements de l’employeur :

– elle n’a cessé de se plaindre de ses conditions de travail oppressantes, l’employeur n’a pas donc rempli son obligation de sécurité

– M. [T], délégué syndical FO, a alerté l’employeur du climat délétère de travail et de la souffrance au travail des équipes. Elle produit son courrier du 28 juillet 2020 adressé à l’agence régionale de santé 47, à la DIRRECTE, au CIST 47 et aux organisations syndicales

3- Sur l’irrecevabilité soulevée pour demandes nouvelles :

La demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse ne constitue pas une demande nouvelle comme le soutient l’employeur. Elle est induite par ses prétentions initiales au sens de l’article 566 du code procédure civile et se trouve être l’accessoire d’un licenciement pour inaptitude professionnelle produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle est donc recevable

III- Sur le rappel de salaire au titre des astreintes organisationnelles :

– En application de l’accord collectif du 22 avril 2005, article 3, ses astreintes d’une semaine complète en qualité de cadre devaient être valorisées à hauteur de 367,61 euros (3.57 (montant MG 2018) x 103) au lieu de 222,35

– elle produit son calcul pour 8 semaines d’astreinte en 2018 et 14 semaines en 2019

IV- Sur les dommages et intérêts pour le retard dans le paiement des salaires :

– le retard de paiement des salaires du mois de mars et du mois d’avril ont été versés le 5 mai 2020 lui causant un préjudice pour faire face aux charges courantes. Elle demande 1 000 euros à ce titre

V- Sur la remise des documents de fin de contrat rectifiés :

La date d’entrée de sa première embauche est le 1er octobre 2016 et non le 3 avril 2017

VI- Sur l’appel incident :

Le non paiement des heures supplémentaires n’est pas contesté et l’employeur ne rapporte pas la preuve de leur récupération. Elle demande la confirmation de la condamnation prononcée en première instance, soit 192,83 euros

II. Moyens et prétentions de l’association [5], intimée sur appel principal et appelante sur appel incident

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe de la cour le 5 juillet 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, l’association [5] demande à la cour de :

– Déclarer irrecevables les demandes de Madame [F] inhérentes aux demandes d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au fond,

– Réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée l’association à la somme de 192.83 € brut au titre des heures supplémentaires.

– Débouter Madame [F] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– La condamner à lui payer la somme de 1.200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens

A l’appui de ses prétentions, l’association [5] fait valoir que :

– la salariée avait bénéficié d’une promotion en acceptant le poste de directrice adjointe par avenant n°2 à son contrat de travail en date du 22 juin 2018 en raison de ses diplômes et de ses compétences

– du fait des arrêts de travail de Mme [L] et de Mme [F], l’association s’est trouvée sans cadre dirigeant entre le mois de juillet et le mois août 2019

– elle a géré les risques psychos sociaux et en justifie par le courrier adressé à la DIRECCTE le 4 janvier 2020. Elle a fait appel à un psychologue du travail en partenariat avec le CIST et la DIRECCTE

– dans son compte rendu de contrôle, l’inspectrice du travail fait uniquement état de la souffrance des équipes en l’absence des deux cadres dirigeants

– les arrêts de travail de la salariée sont sans lien avec une maladie professionnelle mais sont le résultat d’une volonté de ne plus s’investir dans ses fonctions, par loyauté envers l’ancienne directrice.

– Sur les demandes de la salariée

– l’indemnité légale/conventionnelle de licenciement

L’article 08.03.2.1 de la CCN concerne le calcul du pourcentage de la prime d’ancienneté et non le calcul de l’ancienneté

– à l’appui, il verse le document du travail de la FEHAP article 4

– son ancienneté a déjà été prise en compte pour le calcul de son indemnité légale de licenciement à compter du mois d’octobre 2016, conformément à son contrat de travail

– les astreintes organisationnelles

– ce sont des astreintes effectuées à domicile, réalisées par l’encadrement, téléphoniques et sans déplacement

– les astreintes réalisées par la salariée ne sont pas complètes car jamais la nuit

– son CDI à temps partiel du 1er avril 2017 le prévoit en son article 6 : son temps d’astreinte est fixé de 7h30 à 9h et de 17h à 20h du lundi au dimanche

– par l’application du système de points, elle a perçu une rémunération supérieure pour les périodes d’astreintes à celle de la convention

– sur les heures supplémentaires

– il est mentionné sur ses bulletins de salaire qu’elles ont été récupérées et à sa demande

– sur le versement décalé des salaires

– la salariée se plaint d’une absence de salaire entre le 16 mars 2020 et le 9 avril 2020 avec maintien du salaire de 291,57 euros sur le mois de mars et 2295,72 euros sur le mois d’avril

– il s’agissait d’une période exceptionnelle de crise sanitaire ce qui compliquait la gestion de la société

– le préjudice n’est pas justifié

– Sur l’origine professionnelle de l’inaptitude et le licenciement non causé

– le lien de causalité entre l’inaptitude et la maladie revendiquée à savoir la dépression n’est pas démontré et le syndrome anxiodépressif n’est pas inscrit dans la liste des maladies professionnelles

– l’arrêt maladie initial ne fait aucune référence à une maladie professionnelle

– les avis médicaux ou professionnels ont tous été rédigés d’après les propos de la salariée : Dr [U], Mme [N], et dr [J], psychiatre

– elle reconnaît que le problème de gouvernance était réel et lié à leurs absences répétées

– elle a mis en place des actions de prévention des risques psychosociaux

– il ne lui a été adressé aucun reproche pendant sa période d’intérim

– le médecin ne remarque aucun lien de causalité entre la situation et la pathologie revendiquée

– des courriels échangés en septembre 2019 avec la nouvelle directrice, il ne ressort aucun climat négatif ni de mauvaises relations, la salriée ne sollicite pas d’aménagements alors qu’elle est en mi temps thérapeutique

– ces courriels sont en contradiction complète avec les attestations qu’elle produit sauf celle de Mme [O]

– elles sont générales et imprécises

– elles émanent de salariés élus, affiliés à un syndicat qui étaient présents pour se prononcer sur son inaptitude le 7 avril 2020 et qui n’ont émis aucune remarque sur cet avis

– la salariée n’a jamais dénoncé ses difficultés auprès de sa hiérarchie

– la salariée a intégré d’IFSI d'[Localité 3] alors qu’elle se dit en dépression

– elle n’a commis aucune faute à l’origine de l’inaptitude non professionnelle de la salariée

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Il n’est pas contestable que le salarié n’avait présenté en première instance aucune demande de dommages et intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’intimé soulève l’irrecevabilité de cette prétention :

en application des dispositions des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile des demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d’appel

Aux termes des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

Aux termes des dispositions de l’article 565 du code de procédure civile, « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent »

et aux termes de l’article 566 du même code, « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Mme [F] fonde sa demande de condamnation sur le licenciement pour inaptitude qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il en constitue en effet la conséquence.

En conséquence, la cour déclare la demande recevable.

Sur l’origine du licenciement et l’obligation de sécurité de l’employeur

1) Sur l’origine de l’inaptitude

Il est constant que les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement. Il est constant que les règles protectrices prévues par les articles L.1226-6 à L.1226-22 du code du travail concernent des salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

S’il n’est pas nécessaire que le salarié ait régulièrement accompli les formalités de déclaration de cet accident du travail ou de cette maladie professionnelle à la caisse primaire d’assurance-maladie, encore convient-il que les éléments de la cause et les pièces produites démontrent l’existence d’un tel événement.

Aux termes de l’article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail pour inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit pour le salarié qui ne peut exécuter son préavis à une indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité prévue par l’article L.1234-5 du code du travail ainsi qu’à une indemnité spécifique de licenciement, qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement.

Le salarié ne peut prétendre à l’indemnité conventionnelle du préavis mais seulement à l’indemnité légale de préavis, qui, ayant un caractère indemnitaire, n’ouvre pas droit dans cette hypothèse à des congés payés afférents.

En l’espèce, Mme [F] soutient que l’absence de Mme [L] courant mars 2019 à laquelle a dû pallier en tant qu’adjointe de direction à titre complémentaire, et non comme directrice adjointe, est à l’origine de sa surcharge de travail car elle devait effectuer, en sus de ses propres taches, celle de diriger l’association. Elle fait valoir également qu’elle subissait la pression du conseil d’administration.

Selon elle, sa surcharge de travail a entraîné un état anxiodépressif ayant donné lieu à un arrêt de travail le 29 avril 2019 puis à un suivi psychologique et psychiatrique et enfin à l’avis d’inaptitude définitif au sein de l’association.

L’obligation de sécurité impose à l’employeur de prendre des mesures pour protéger la santé et la sécurité des salariés et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris de telles mesures s’il n’avait pas été informé des faits susceptibles de mettre en danger la santé ou la sécurité de Mme [F].

Mme [F] a été placée en position d’arrêt de travail le 29 avril 2019 mais la cour constate que ce certificat initial n’est pas produit. Cet arrêt de travail a été prolongé.

Le 20 août 2019, le médecin du travail a préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique sur des demi journées plutôt en matinée.

Sa reprise d’activité à temps partiel à compter du 2 septembre 2019 a été suivie d’un nouvel arrêt de prolongation le 6 décembre 2019 jusqu’au 15 avril 2020.

Le 16 mars 2020, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude selon lequel « l’état de santé de la salariée ne lui permet plus de travailler dans l’association. Cependant, tout projet de formation reste possible »

En l’espèce, il n’est pas contestable que :

– les arrêts de travail préalables à l’avis d’inaptitude du 6 décembre 2019 au 15 avril 2020 font état pour trois d’entre eux, 8 janvier 2020,13 février 2020 et 18 mars 2020, d’un « syndrome » ou « épisode anxiodépressif »

– les avis du médecin du travail du 17 octobre 2019 et 16 mars 2020 ne font pas état du caractère professionnel de l’inaptitude

– depuis sa reprise de travail à temps partiel, le 2 septembre 2019, elle a assuré un poste d’infirmier encadrant sur le secteur de [Localité 4] tel qu’il ressort de l’étude de poste du 3 mars 2020

– aucune demande de reconnaissance de maladie professionnelle n’a été formulée par Mme [F],

– le 7 avril 2020, le CSE a validé la procédure de licenciement pour inaptitude de Mme [F] sans formuler d’observations

– si les salariés de l’association, Mme [X] [B], infirmière, Mme [V] [O], aide soignante et Mme [Z] [I], aide soignante, attestent avoir été témoins de crises de ‘pleurs de Mme [F] suite à des ordres de la direction ou de la gouvernance’ ‘lui ordonnant de faire travailler les salariés pendant les fêtes de fin d’année et supprimer les congés’ ‘suite à un entretien avec la direction au sujet des jours fériés imposés dans le roulement de travail des salariés’ et M. [H] [T], infirmier, l’avoir vue ‘en perte d’éthique et de repères professionnels’, pour autant elle n’indique pas voir informé l’employeur de ses difficultés

– il ne résulte d’aucune pièce que le médecin du travail a avisé la directrice d’une origine professionnelle de l’inaptitude à venir à l’issue du premier arrêt maladie et au contraire, a précisé dans la fiche de pré reprise du 20 août 2019 « relève actuellement de la maladie »

La cour constate en préliminaire que l’absence de Mme [L] a débuté courant mars 2019 et que le premier arrêt de travail de Mme [F] est du 29 avril 2019. Un peu plus d’un mois s’est donc écoulé pendant lequel elle a dû gérer l’absence de Mme [L].

Le contrôle de la DIRRECTE du 20 juin 2019 fait état de souffrance au travail des salariés suite aux absences de la directrice et de la coordinatrice de soins : les salariés se trouvant sans responsables hiérarchiques d’avril 2019 à juillet 2019. Le compte rendu du contrôle ne s’attache pas au cas particulier d’un salarié ni à celui de Mme [F] spécifiquement.

L’étude de poste du 3 mars 2020 en présence de la directrice Mme [A] et de M. [Y], président de l’association, fait état d’une situation compliquée depuis le licenciement de l’ancienne directrice fin 2018, de la rupture de dialogue entre la salariée, la direction et la présidence et du fait que l’aménagement de ses fonctions ne lui a pas permis de reprendre son activité sereinement ce qui a conduit à envisager une rupture du contrat de travail. Il n’est pas mentionné que la surcharge de travail est à l’origine d’une dégradation de son état de santé.

Mme [X] [B], élue syndicale FO, présente lors de la réunion du CSE le 7 avril 2020, et qui avait attesté en sa faveur, n’a fait connaître aucune observation. M. [H] [T] délégué syndical FO, également présent le 7 avril 2020, n’a pas soulevé de remarque au sujet de la salariée alors qu’il a attesté pour elle. Il a écrit à la DIRRECTE le 28 juillet 2020, soit postérieurement au licenciement, pour faire état des difficultés rencontrées par le personnel en raison de l’absence de direction.

Les échanges par courriels entre Mme [F] et Mme [A] à compter de septembre 2019 ne font état d’aucune difficulté professionnelle personnelle liée à une surcharge de travail.

En conséquence, la salariée ne rapporte pas la preuve que l’employeur avait connaissance du caractère professionnel de son inaptitude lorsqu’il a procédé à son licenciement et la cour constate que la salariée ne rapporte pas la preuve d’avoir informé son employeur de la surcharge de travail qu’elle invoque, ni a fortiori d’un lien de causalité entre une éventuelle surcharge et la dégradation de son état de santé.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ses dispositions rejetant cette prétention et les demandes subséquentes en indemnité spécifique de licenciement, indemnité spécifique égale à celle de l’indemnité compensatrice de préavis.

En raison de la confirmation du jugement, la cour déboute la salariée de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le calcul de l’indemnité de licenciement :

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en rappelle qu’en application de l’article 08.03.02.1 de la convention collective nationale applicable, la reprise de l’ancienneté est uniquement rattachée au calcul de la prime d’ancienneté pour en déterminer le pourcentage. Le calcul de l’indemnité conventionnelle a ainsi été régulièrement effectué sur la base d’une ancienneté de 3 ans et 6 mois, date de son embauche.

Sur le rappel de salaires relatif aux astreintes organisationnelles :

La cour constate que le conseil a motivé le rejet de la demande mais ne l’a pas fait figurer au dispositif du jugement. Est seulement indiqué : « Déboute en conséquence Mme [F] de ses toutes demandes à ce titre ». Or, il ne s ‘agit pas d’une demande consécutive à un licenciement pour inaptitude.

La cour rappelle que la salariée n’effectuait pas d’astreintes complètes, c’est-à-dire nuits comprises et qu’en conséquence, le forfait de 103 minimum garanti ne s’applique pas. Les astreintes sont rémunérées en valorisation horaire et le système de points adopté par l’employeur lui a permis de bénéficier d’une rémunération à son avantage.

En conséquence, la cour déboute Mme [F] de sa demande.

Sur les rappels des heures supplémentaires :

Pour confirmer le jugement entrepris, la cour ajoute que l’employeur ne rapporte pas davantage en cause d’appel la preuve de leur récupération.

Sur le versement décalé du salaire :

La cour constate que le conseil a motivé le rejet de la demande mais ne l’a pas fait figurer au dispositif du jugement. Est seulement indiqué : « Déboute en conséquence Mme [F] de ses toutes demandes à ce titre ». Or, il ne s ‘agit pas d’une demande consécutive à un licenciement pour inaptitude.

Il résulte des bulletins de salaire et du récapitulatif des pièces versées à la salariée que le paiement des salaires des mois de mars et d’avril 2020 lui ont été payés avec retard 5 mai 2020. La crise sanitaire n’est pas de nature à justifier le non paiement des salaires à la date prévue qui créé, de facto, un préjudice au salarié.

En conséquence, la cour condamne l’employeur à payer à la salariée la somme de 500 euros.

Sur la rectification des bulletins de paie et documents de fin de contrat :

Il y a lieu à rectification de la date d’embauche à savoir le 1er octobre 2016 (et non le 3 avril 2017), date de son embauche dans l’association.

Sur les demandes accessoires :

Mme [F] qui succombe supportera les dépens d’appel et la cour confirme le jugement entrepris de ce chef.

Mme [F] sera condamnée à payer à l’association [5] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et confirme le jugement entrepris de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du 17 décembre 2021 en ce qu’il a :

– jugé et dit que le licenciement de Mme [R] [F] n’était pas d’origine professionnelle

– débouté Mme [R] [F] de sa demande au titre de l’indemnité spécifique de licenciement, de l’indemnité spécifique de licenciement égale au montant de l’indemnité compensatrice de préavis et du rappel de l’indemnité de licenciement,

– condamné l’association [5] à payer à Mme [R] [F] la somme de 192,83 euros au titre de rappels sur heures supplémentaires,

– dit qu’il n’y avait pas lieu à condamner les parties à régler une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné néanmoins les parties par moitié au paiement des entiers dépens de l’instance

Y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Mme [R] [F] de sa demande en dommages et intérêts, à titre principal et subsidiaire, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Mme [R] [F] de sa demande en rappel de salaires relatif aux astreintes organisationnelles,

CONDAMNE l’association [5] à payer à Mme [R] [F] la somme de 500 euros au titre du versement décalé des salaires,

ORDONNE à l’association [5] de remettre à Mme [R] [F] ses bulletins de paie et ses documents de fin de contrat rectifiés portant la date d’embauche du 1er octobre 2016 (et non du 3 avril 2017),

CONDAMNE Mme [R] [F] à payer les dépens d’appel,

CONDAMNE Mme [R] [F] à payer à l’association [5] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [R] [F] de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président et Danièle CAUSSE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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