Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 4 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00028

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 4 avril 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00028
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ARRÊT DU

04 AVRIL 2023

PF/CO

———————–

N° RG 22/00028 –

N° Portalis DBVO-V-B7G-C6VJ

———————–

[Z] [X]

C/

SARL CGA

———————–

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 66 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatre avril deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président assistée de Danièle CAUSSE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[Z] [X]

né le 21 février 1986 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Claire-Marie CASTELA-COCKENPOT, avocat inscrit au barreau d’AGEN

APPELANT d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AGEN en date du 09 décembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00165

d’une part,

ET :

LA SARL CGA prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Franck DUPOUY, avocat inscrit au barreau d’AGEN

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 21 février 2023 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assistée de Chloé ORRIERE, greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Maryse LE MEN REGNIER, présidente de chambre et Valérie SCHMIDT, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [Z] [X] a été embauché par la société CGA Cloisons Sèches, dont le gérant est  M. [V] [R] et dont le siège social est situé à [Localité 3] (47), à compter du 6 octobre 2008 en contrat à durée déterminée, en qualité de plâtrier plaquiste.

Son contrat de travail a fait l’objet d’un avenant transformant la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 06 janvier 2009.

Le salarié a été placé en arrêt de travail du 13 juin 2019 jusqu’au 12 juillet 2019 prolongé jusqu’au 30 novembre 2019.

La société CGA Cloisons Sèches adressait au salarié une première lettre recommandée avec avis de réception le 4 décembre 2019 afin de lui demander de justifier son absence, puis une seconde le 13 décembre 2019 réitérant sa demande, en vain.

C’est dans ces conditions que la société CGA Cloisons Sèches convoquait le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement par lettre recommandée en date du 19 décembre 2019 avec mise à pied conservatoire.

La société CGA Cloisons Sèches notifiait son licenciement le 9 janvier 2020 pour faute grave.

Par requête du 15 juin 2020, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Agen aux fins de contester son licenciement et de condamner la société CGA Cloisons Sèches au paiement de diverses indemnités.

Par jugement en date du 9 décembre 2021, le conseil des prud’hommes d’Agen a :

– Dit que le licenciement de Monsieur [X] n’était pas justifié par une faute grave mais reposait sur une cause réelle et sérieuse

– Condamné la SARL CGA Cloisons Sèches au paiement des sommes suivantes :

‘ 5.006,08 euros au titre de l’indemnité de préavis

‘ 500,60 euros au titre des congés payés y afférents

‘ 7.307 euros net au titre de l’indemnité de licenciement

‘ 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– Ordonné à la société CGA Cloisons Sèches la remise des documents rectifiés (attestation pôle emploi, bulletin de salaire, solde de tout compte)

– Dit que cette remise ne donnait pas lieu à la fixation d’une astreinte

– Débouté les parties du surplus de leurs demandes

– Condamné la société CGA Cloisons Sèches aux dépens

Monsieur [X] a interjeté un appel limité du jugement du 9 décembre 2021 suivant déclaration enregistrée au greffe le 11 janvier 2022, en ce que le conseil de prud’hommes l’a débouté de ses demandes à titre principal tendant à juger que le licenciement de Monsieur [X] [Z] était sans cause réelle et sérieuse et, en conséquence, a condamné la société CGA Cloison Sèches à lui verser les sommes de :

‘ 5.006,08 au titre de l’indemnité de préavis

‘ 500,60 € au titre des congés payés y afférents

‘ 7.307 € net au titre de l’indemnité de licenciement

‘ 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

‘ 25.030 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Et en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à voir condamner la société CGA Cloisons Sèches à verser à Monsieur [X] [Z] les sommes suivantes :

‘ 3.229,72 € à titre de rappel de salaire

‘ 322,97 € au titre des congés payés sur rappel de salaire

En ce qu’il l’a débouté de sa demande d’astreinte et a réduit la somme demandée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1.000 € et non de 2.000 € comme demandé ».

L’ordonnance de clôture est en date du 1er décembre 2022.

Par conclusions du 1er décembre 2022, la société Cloisons Sèches a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture suite à la communication d’une pièce le même jour après l’heure de la clôture. M. [X] a conclu au rejet de l’incident.

Par ordonnance du 19 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande et dit que les dépens d’incident suivraient ceux du fond.

L’affaire a été appelée à l’audience du 21 février 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

I- Moyens et prétentions de M. [Z] [X] appelant à titre principal

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 6 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, M. [X] demande à la cour de :

– Ordonner la jonction des appels interjetés sous les numéros 22/00017 et 22/00028.

– Juger recevable et bien fondé son appel interjeté contre le jugement du conseil de prud’hommes du 9 décembre 2021.

– Juger recevable mais mal fondé l’appel interjeté par la société CGA Cloisons Séches contre le jugement du conseil de prud’hommes du 9 décembre 2021.

A titre principal,

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 9 décembre 2021 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes à titre principal tendant à juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et à en tirer les conséquences financières (dommages et intérêts), et en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à voir condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser la somme de 2.503,04 euros au titre de l’article 1382 du code civil et les sommes de 3.229,72 euros à titre de rappel de salaire et 322,97 euros d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire, et en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’astreinte et a réduit la somme demandée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1 000 euros.

En conséquence, statuant à nouveau,

– Juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse

– Condamner ainsi la société CGA Cloisons Sèches à lui verser les sommes de :

– 5.006,08 € à titre d’indemnité de préavis et 500,60 € d’indemnité de congés payés sur préavis

– 7.307,00 € au titre de l’indemnité de licenciement

– 25.030,00 € à titre de dommage et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser les sommes de 3.229,72€ à titre de rappel de salaire (du 1er décembre 2019 au 9 janvier 2020) et 322,97 € d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire.

– Condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser la somme de 2.503,04€ au titre de l’article 1382 du code civil.

– Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter du 8 ème jour de la décision à intervenir.

– Condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser la somme de 2.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens.

– Débouter la société CGA Cloisons Sèches de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

– Juger que le licenciement pour faute grave n’est pas justifié et confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 9 décembre 2021 sur ce point.

En conséquence, condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser les sommes de :

– 5.006,08 euros à titre d’indemnité de préavis et 500,60 euros d’indemnité de congés payés sur préavis

– 7.307,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 9 décembre 2021 en ce qu’il a rejeté sa demande de rappel de salaire et sa demande d’astreinte et minoré sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et, statuant à nouveau,

Condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser les sommes de 3.229,72€ à titre de rappel de salaire (du 1er décembre 2019 au 09 janvier 2020) et 322,97 € d’indemnité de congés payés sur rappel de salaire, la somme de 2.000,00€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et aux dépens,

– Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de cent euros par jour de retard à compter du 8 ème jour de la décision à intervenir,

– Débouter la société CGA Cloisons Sèches de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

– Condamner la société CGA Cloisons Sèches à lui verser la somme de 3.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétible d’appel.

– La condamner aux entiers dépens de l’appel.

– Débouter la société CGA Cloisons Sèches de ses demandes, fins et conclusions.

A l’appui de ses prétentions, M. [Z] [X] fait valoir que :

– Le conseil de prud’hommes n’a pas pris en compte le comportement de l’employeur envers lui

– sa compagne, et mère de ses deux enfants, l’a quitté pour son employeur

– l’employeur l’a humilié sur son lieu de travail en lui disant « je vais t’exploser » « je vais te défoncer » et il produit l’attestation de son collègue présent sur les lieux, M. [S]

– lorsque son arrêt de travail a pris fin, il n’a pas repris son poste par crainte de son employeur à la suite de cette altercation

– s’il n’est pas revenu, c’est en raison du comportement de son employeur

– son employeur et son ancienne compagne ont acheté un bien immobilier au mois de juillet 2019 et se sont mariés en septembre 2020

– la photo dont fait état l’employeur sur son Facebook a été prise en décembre 2019

– ils contestent les attestations de MM. [U] et [T] qui n’étaient pas à proximité lors de l’altercation

– les témoins ainsi que Mme [O] ont des intérêts vis-à-vis de la société et ne sont pas neutres

– l’employeur ne l’a pas convoqué à une visite de reprise ce qui démontre qu’il ne voulait plus le voir

– l’employeur ne justifie pas d’une perturbation de l’entreprise. Ce n’est donc pas une faute grave. Il était absent depuis près de 6 mois et l’employeur avait pallié son absence. La pièce produite par l’employeur pour justifier la perte du client SAUR n’est qu’une relance du client devant le silence de la société

– l’employeur ne démontre pas son préjudice en versant sa propre attestation alors que « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même »

– il conteste être à l’origine du départ des deux autres salariés

– il n’est pas l’origine de l’annulation des chantiers et l’employeur ne le démontre pas

– il demande une indemnité compensatrice de préavis qui est de deux mois soit 5 006,08 euros outre 500,68 euros de congés payés afférents ainsi que l’indemnité légale de licenciement,

– il a été employé plus de 11 ans dans la société, il s’est retrouvé sans emploi et dans une situation financière précaire. Il demande la somme de 25 030 euros correspondant à 10 mois de salaire

– le licenciement est intervenu dans un contexte vexatoire. Il est fondé à demander la somme de 2503,04 euros à titre de dommages et intérêts

– il demande un rappel de salaire depuis sa mise à pied soit 3 229,72 euros et 322,97 euros

– à titre subsidiaire, il demande 5 006,08 euros et 500,68 euros car il a été licencié sans préavis et il a été licencié à tort sans indemnité de licenciement soit 7 307 euros

II- Moyens et prétentions de la société CGA Cloisons Sèches, intimée sur appel principal

Selon dernières conclusions enregistrées au greffe le 6 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, la société CGA Cloisons Séches demande à la cour de :

-Ordonner la jonction des appels interjetés à l’encontre du jugement rendu entre les parties par le conseil de prud’hommes d’Agen le 9 décembre 2021 enrôlés sous les numéros 22/00017 et 22/00028 sous le numéro de rôle unique 22/00017 ;

– Juger recevable et bien fondé l’appel limité interjeté par la société CGA Cloisons Sèches contre ledit jugement ;

– Juger recevable mais mal fondé l’appel limité interjeté par Monsieur [Z] [X] à l’encontre du même jugement ;

En conséquence :

Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– jugé que le licenciement de Monsieur [X] était bien fondé sur une cause réelle et sérieuse

– rejeté la demande du salarié tendant à la voir condamner à lui verser les sommes de 3.229,72 € à titre de rappel de salaire et de 322,97 € au titre des congés payés sur rappel de salaire

– débouté Monsieur [X] de sa demande d’astreinte

Réformer le jugement déféré en ce qu’il n’a pas retenu de faute grave de la part de

Monsieur [Z] [X] à l’origine de son licenciement et en ce qu’il l’a condamnée au paiement de diverses sommes ;

Statuant à nouveau,

– Juger que Monsieur [X] a commis une faute grave en abandonnant son poste de travail sans en justifier et en désorganisant l’entreprise, lui faisant perdre un chiffre d’affaires important et plusieurs marchés ;

En conséquence :

– Débouter Monsieur [X] de l’intégralité de ses prétentions, fins et conclusions ;

– Condamner Monsieur [X] au paiement de justes dommages et intérêts à hauteur de 5.000 € en réparation du préjudice économique qu’elle a subi

– Condamner Monsieur [X] au paiement de la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles tant d’appel que de première instance

– Condamner Monsieur [Z] [X] aux entiers dépens de première instance comme d’appel.

A l’appui de ses prétentions, la société CGA Cloisons Séches fait valoir que :

Le salarié ne soutient plus les irrégularités de forme de son licenciement dans le cadre de l’appel

A/ sur le fondement du licenciement

1) Licenciement causé :

– le salarié a abandonné son poste pour travailler dans une autre société avec deux autres salariés sans être déclarés et non pour un motif concernant sa vie privée

– le salarié a bénéficié d’un arrêt de travail à compter du 13 juin 2019 suivi d’un brutal abandon de poste

– le salarié travaillait depuis plus de 11 ans dans la société

– le salarié a tenté de justifier son arrêt de travail par un différend d’ordre privé

– les captures d’écran de son profil Facebook le montre radieux avec sa nouvelle compagne le 4 juin 2019

– il produit les attestations de M. [U], travailleur indépendant, témoignant d’un échange courtois sur le parking avec M. [R] sans aucune agressivité comme le confirme M. [T], ancien associé de la DGLP holding

– l’abandon de poste du salarié résulte d’un acte volontaire comme en atteste Mme [O], comptable

– il existe une cause réelle et sérieuse du licenciement

2) sur la faute grave :

– le conseil a jugé à tort que l’absence de contestation de l’employeur de l’arrêt maladie auprès de la CPAM ne pouvait plus remettre en doute l’intégrité de son arrêt

– or, la contre-visite médicale permet de contester un arrêt de travail

– la CPAM a suspendu ses indemnités journalières en raison du caractère fictif de son arrêt de travail

– deux autres salariés l’ont suivi mettant la société en difficulté et en quittant la société de la même manière courant 2019

– la société a été obligée d’annuler plusieurs marchés et en justifie comme en atteste Mme [O], comptable, soit la perte de 17 chantiers pour 103 000 euros HT auprès du client la SAUR

– Mme [P], cliente, atteste avoir dû annuler le chantier pour 50 000 euros

– il a fait sommation au salarié de produire la lettre explicative adressé par la CPAM en vain et le conseil de prud’hommes n’en a tiré aucune conséquence

– il demande 5 000 euros au titre du préjudice économique subi

MOTIVATION

A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas – hormis les cas prévus par la loi – de droit à la partie qui les énonce.

En second lieu, la cour rejette la demande de jonction des procédures.

I- Sur le licenciement :

Par courrier du 9 janvier 2020, qui fixe les limites du litige, M. [X] a été licencié pour faute grave.

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du Code du Travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Toutefois, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ,même pour la durée limitée du délai-congé.

Ainsi, tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu de éléments soumis par les parties, étant ajouté que le doute profite au salarié.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

‘ Faisant suite à notre entretien préalable du 6 janvier 2020, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave compte tenu des éléments suivants : abandon de poste depuis le lundi 2 décembre 2019 qui a eu pour conséquence sur le fonctionnement de l’entreprise : l’organisation des chantiers, les plannings des équipes, certains chantiers ont dû être décalés.

Par ce manquement de production, notre entreprise a subi des préjudices financiers.

Lors de notre entretien, vos explications recueillies ne sont pas de nature à modifier notre décision.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible y compris durant la durée de votre préavis.

Votre licenciement intervient donc à la date de notification de cette lettre, aucune indemnité de préavis et de licenciement ne vous seront versées.

Votre solde de tout compte et vos documents sociaux seront tenus à votre disposition.’

Il ressort de la lettre de licenciement du 9 janvier 2020 deux griefs, à savoir un abandon de poste le 2 décembre 2019 et une désorganisation de la société qui a entraîné des répercussions financières.

-Sur le premier grief d’abndon de poste :

L’employeur verse à l’appui de ce grief la mise en demeure du 4 décembre 2019 aux fins de reprendre le travail à l’issue de l’arrêt maladie le 2 décembre 2019 et la lettre recommandée du 13 décembre 2019.

Le salarié invoque une altercation avec M. [R] en octobre, pendant son arrêt de travail à l’origine de son absence de retour dans la société au terme de son arrêt maladie et produit l’attestation d’un collègue, M. [N] [S].

En premier lieu, la cour constate que :

– M. [X] n’a pas démissionné après les faits qu’il dénonce ni n’a pas pris acte de la rupture de la relation de travail aux torts de l’employeur ni n’a déposé de plainte à son encontre.

– A l’issue de son arrêt de travail du 13 juin au 30 novembre 2019, le salarié n’a pas repris ses fonctions le 2 décembre sans justifier d’une prolongation de son arrêt de travail ni des raisons de son absence prolongée, malgré les mises en demeure réitérées de son employeur les 4 et 13 décembre 2019.

Le premier grief est, à lui seul, fondé.

Au surplus, l’attestation produite par le salarié concernant l’altercation invoquée n’est corroborée par aucune autre pièce et se trouve contredite par les deux attestations de l’employeur. Par conséquent, aucune faute de l’employeur n’est pas établie.

– Sur le second grief : une désorganisation de la société entraînant des répercussions financières

L’employeur produit une attestation rédigée par ses soins intitulée « attestation de perte de CA HT 2ème trimestre et 3ème trimestre 2019 » de 40,62 % et indique qu’il a été contraint d’annuler des marchés. Pour le démontrer, il produit les plannings de la société et l’attestation de la comptable, Mme [O] outre celle d’une cliente, Mme [P].

Le principe selon lequel « nul ne peut se constituer de preuve à soi même » ne s’applique pas en matière de faits juridiques et la cour doit examiner la pièce ainsi produite émanant de M. [R]. D’une part, cette attestation n’est corroborée par aucun document comptable permettant d’étayer la perte de chiffre d’affaires alléguée.

D’autre part, les plannings produits de mai à juillet 2019 ainsi que les attestations de Mme [O] et Mme [P] établissent des annulations de chantiers pendant l’arrêt de travail du salarié qui ne sont donc pas imputables à son absence non justifiée.

Le second grief n’est pas fondé.

L’absence non justifiée du salarié est de nature à rendre impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis et constitue une faute grave.

En conséquence, la cour confirme le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a rejeté la demande d’astreinte.

La cour l’infirme en ce qu’il a condamné la société CGA Cloisons Sèches à lui payer les sommes de 5 006,08 euros au titre de l’indemnité de préavis, 500,60 euros au titre des congés payés y afférents et 7 307 euros net au titre de l’indemnité de licenciement et a ordonné à la société CGA Cloisons Sèches la remise des documents rectifiés (attestation Pôle emploi, bulletin de salaire, solde de tout compte’).

II- Sur les dommages et intérêts pour procédure vexatoire

Pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande, il suffira d’ajouter que le salarié a été convoqué par lettre du 19 décembre 2019 à un entretien préalable fixé au 6 janvier 2020 auquel il ne s’est pas présenté et qu’il ne démontre aucune circonstance vexatoire entourant son licenciement.

III- Sur le rappel de salaires et congés payés afférents durant la mise à pied à titre conservatoire

Seule la faute grave peut justifier le non-paiement du salaire pendant la mise à pied.

En conséquence du licenciement prononcé pour faute grave (ci-dessus I), la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de cette demande.

IV- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice économique

Le préjudice économique n’étant corroboré par aucune autre pièce comptable autre que l’attestation du gérant et la cour considérant que la désorganisation de la société n’est pas imputable au salarié, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande.

V- Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

M. [X], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il apparaît équitable en l’espèce d’allouer à la société CGA Cloisons Séches la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles de procédure en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DIT n’y avoir lieu à jonction,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

– débouté le salarié de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté le salarié de sa demande en dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

– débouté le salarié de sa demande d’astreinte,

– débouté le salarié de sa demande en rappel de salaires et congés payés afférents durant la mise à pied à titre conservatoire,

– débouté la société CGA Cloisons Sèches de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice économique,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

– condamné la société CGA Cloisons Sèches à lui payer les sommes de 5 006,08 euros au titre de l’indemnité de préavis, 500,60 euros au titre des congés payés y afférents et 7 307 euros net au titre de l’indemnité de licenciement,

– ordonné à société CGA Cloisons Sèches la remise des documents rectifiés (attestation Pôle emploi, bulletin de salaire, solde de tout compte’),

– condamné la société CGA Cloisons Sèches aux dépens,

– condamné la société CGA Cloisons Séches à payer à M. [Z] [X] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE fondé le licenciement de M. [Z] [X] pour faute grave,

DÉBOUTE M. [Z] [X] de sa demande en remise des documents rectifiés (attestation Pôle emploi, bulletin de salaire, solde de tout compte’) par la société CGA Cloisons Sèches,

CONDAMNE M. [Z] [X] à payer à la société CGA Cloisons Sèches la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles de procédure en première instance et en cause d’appel,

DÉBOUTE M. [Z] [X] de sa demande au titre des frais irrépétibles de procédure,

CONDAMNE M. [Z] [X] aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président et Danièle CAUSSE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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