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ARRÊT DU
04 AVRIL 2023
PF/CO*
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N° RG 21/00967 –
N° Portalis DBVO-V-B7F-C6CR
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SAS CROBAM
C/
[N] [L] [S]
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 61 /2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatre avril deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Danièle CAUSSE, greffier
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
LA SAS CROBAM prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Sandra VAZQUEZ, avocat postulant inscrit au barreau du GERS et par Me Christophe JOLLIVET, avocat plaidant inscrit au barreau de PERIGUEUX
APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAHORS en date du 27 septembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F21/00009
d’une part,
ET :
[N] [L] [S]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté par M. [E] [J], défenseur syndical suivant pouvoir
INTIMÉ
d’autre part,
A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 07 février 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [L] [S] a été embauché par la société Crobam qui exerçait son activité à [Localité 7] (47), par contrat à durée déterminée du 30 juin 2009, à effet au 6 juillet 2009, pour l’exécution du chantier de l’écluse de [Localité 6], en qualité d’aide maçon, niveau I, échelon I coefficient 100.
Le chantier s’est terminé en décembre 2009 et le salarié a continué à travailler pour la société sans contrat écrit.
Le 23 juin 2016, le salarié a reçu une mise à pied disciplinaire de trois jours à la suite d’insultes et des menaces envers son supérieur hiérarchique M. [W]. Cette sanction disciplinaire n’a pas été contestée.
Le 11 juin 2019, une mise à pied disciplinaire de cinq jours lui a été adressée pour abandon de poste qui n’a pas été contestée.
Le 25 septembre 2009, le salarié a reçu un avertissement pour insubordination, non contesté.
Le 2 décembre 2019, le salarié était placé en arrêt de travail « pour accident du travail » jusqu’au 5 décembre 2019.
Au cours d’une conversation téléphonique le 5 décembre 2009 entre M. [H] [D], président de la société Crobam et le salarié, au sujet de son arrêt de travail, les propos devenaient injurieux.
Le 19 décembre 2019, le salarié était convoqué à un entretien préalable à son licenciement fixé au 14 janvier 2020. Le salarié était assisté d’un délégué du personnel suppléant lors de cet entretien.
Par lettre du 11 février 2020, le salarié était licencié pour faute grave, qu’il contestait par courrier du 2 octobre 2020.
Le 19 janvier 2021, M. [L] [S] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Cahors afin de contester son licenciement.
Par jugement du 27 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Cahors, section industrie, a jugé que le licenciement de M. [L] [S] [N] ne reposait pas sur une faute grave et a :
– requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse
– condamné la société à lui payer les sommes suivantes :
– 4569,35 euros nets pour indemnité légale de licenciement
– 3370,10 euros bruts sur le préavis
– 337,01 euros bruts de congés payés sur préavis
– ordonné l’exécution provisoire de droit dans la limite de neuf mois et fixé la moyenne des trois derniers mois à 1 685,05 euros
– 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la société Crobam à remettre les documents sociaux de fin de contrat ainsi que le bulletin de salaire conforme à la présente décision
– dit ne pas faire droit à la demande de rappels de salaire pour 2017, 2018 et 2019,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes
– condamné la société Crobam aux dépens y compris s’il devait y avoir exécution du présent jugement par voie extrajudiciaire.
Par ordonnance du 2 février 2022, le Premier président près la cour d’appel d’Agen a rejeté la demande de suspension de l’exécution provisoire du jugement demandée par la société Crobam qui a exécuté le paiement des condamnations.
Par déclaration du 16 octobre 2021, la société Crobam a régulièrement déclaré former appel du jugement en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :
– dit que le licenciement de M. [L] [S] [N] ne reposait pas sur une faute grave
– requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse
– condamné la société à lui payer les sommes suivantes :
– 4569,35 euros nets pour indemnité légale de licenciement
– 3370,10 euros bruts sur le préavis
– 337,01 euros bruts de congés payés sur préavis
– ordonné l’exécution provisoire de droit dans la limite de neuf mois et fixé la moyenne des trois derniers mois à 1 685,05 euros
– 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– condamné la société Crobam à remettre les documents sociaux de fin de contrat ainsi que le bulletin de salaire conforme à la présente décision
– débouté la société Crobam du surplus de ses demandes
– condamné la société Crobam aux dépens y compris s’il devait y avoir exécution du présent jugement par voie extrajudiciaire
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 1er décembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
I. Moyens et prétentions de la société Crobam appelante principal et intimée sur appel incident
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Crobam sollicite, rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires, de :
– Déclarer M. [L] [S] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter
– Réformer la décision de première instance en ce qu’elle a :
– Requalifié le licenciement pour faute grave de M. [L] [S] en licenciement pour cause réelle et sérieuse
– Condamné la société Crobam à régler à M. [L] [S] l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents
– Statuant à nouveau, il est demandé à la cour de :
– Dire et juger le licenciement de M. [L] [S] fondé sur une faute grave ;
– Déclarer M. [L] [S] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l’en débouter ;
– Condamner M. [L] [S] à payer la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner M. [L] [S] aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société Crobam fait valoir que :
Sur le bien fondé du licenciement pour faute grave:
– il existe des antécédents :
– l’attestation de M. [W], conducteur de travaux : le 23 mai 2016, leur différend à la suite de violences et insultes a donné lieu à une mise à pied disciplinaire du salarié pendant trois jours, qu’il n’a pas été contestée
– une nouvelle sanction disciplinaire a été prononcée le 11 juin 2019 avec mise à pied de 5 jours pour abandon de poste, non contestée
– un avertissement lui a été infligé le 25 septembre 2019 pour insubordination
– l’arrêt de travail transmis pour la période du 2 au 5 décembre 2019 vise un arrêt de travail et non un arrêt maladie
– sur les faits du 2 décembre, il existe trois témoignages concordants :
– les responsables de chantier, M. [W], M. [G] et M. [K] à bord du véhicule, sont témoins des propos et en attestent
– le conseil de prud’hommes ne les a pas pris en compte
– le comportement du salarié est réitéré (faits du 23 mai)
– lors de la remise des documents de fin de contrat, alors que son contrat est rompu, le salarié s’est de nouveau montré violent avec M. [W] qui en atteste
– sur les pièces versées par le salarié :
– l’attestation de M. [I], délégué du personnel ayant assisté le salarié lors de son entretien préalable, produite en première instance, est sans rapport avec le litige
– la nouvelle attestation de M. [I] déclarant que le salarié lui a fait subir des pressions n’est plus produite en appel, ce qui témoigne de sa mauvaise foi
Sur le bien fondé du coefficient conventionnel du salarié
– le salarié demande l’application d’un coefficient 150 au lieu de 100
– le salarié ne l’a jamais contesté depuis plus de dix ans
– le coefficient 100 est prévu dans son contrat de travail du 30 juin 2009 qu’il a signé
– son contrat s’est poursuivi sous forme de contrat à durée indéterminée et les conditions ont perduré
– les bulletins de paie le mentionnent
– le coefficient 150 est simplement repris car elle concerne son ancien poste s’agissant d’une reprise pure et simple de son état civil lors de la nouvelle embauche par Crobam
– elle est soumise à la convention collective des travaux publics et non du bâtiment comme indiqué. Ce qui démontre que ce coefficient est inapplicable. Cette convention collective et ce coefficient étaient applicables à son ancien employeur
– le principe de continuité contractuelle qu’il invoque n’existe pas
– le principe ‘à travail égal, salaire égal’ ne s’applique pas davantage, pas plus que l’article L.1251-38 invoqué qui ne prévoit aucune reprise de salaire mais seulement d’ancienneté
– le taux horaire prévu en 2009 dans le contrat de mission qu’il produit était de 8,71 euros alors qu’il était de 9,31 euros dans la société Crobam,
– le salarié n’apporte aucun élément laissant présumer une discrimination en raison de sa signature dans une langue qu’il prétend ne pas comprendre
– le salarié n’a jamais formulé de demande de traduction de son contrat en 2009
II. Moyens et prétentions de M. [L] [S] intimé sur appel principal et appelant incident
Selon dernières conclusions reçues et enregistrées au greffe de la cour le 21 février 2022 expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimé, M. [L] [S] demande à la cour de :
– confirmer le licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave
– 4569,35 euros nets d’indemnité légale de licenciement
– 3370,10 euros bruts sur le préavis
– 337,01 euros bruts de congés payés sur préavis
– 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande en rappels de salaire et autres indemnités concernant la convention collective nationale du BTP niveau 1 position 1 coefficient 150 pour les années 2017, 2018 et 2019
Statuant à nouveau,
– Condamner la société Crobam à lui payer les sommes de :
– 2017 minima annuel brut : 23 454 euros -18964 euros = 4490 euros brut
– 2018 minima annuel brut : 23 923 euros -19 274 euros brut = 4649 euros brut
– 2018 minima annuel brut : 24 521 euros -19747 euros = 4774 euros brut
– Condamner la société Crobam au différentiel de salaire sur les heures supplémentaires conformément au taux horaire de CCN du BTP coef.150 sur la période 2017 à 2019
– 969,42 euros brut du taux horaire niveau 1 position 1 coefficient 150
– Condamner la société Crobam aux indemnités de congés payés sur les reliquats de salaire et heures supplémentaires base 1/10 pour les périodes 2017/2018/2019 :
(13 913 + 404,46 + 357 + 207,96)/10 = 1488,24 euros brut
– Condamner la société Crobam à lui payer la somme de 7 000 euros au titre du préjudice moral et financier
– Condamner la société Crobam à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Débouter la société Crobam de toutes ses demandes
A l’appui de ses prétentions, M. [L] [S] fait valoir que :
Sur le licenciement
– il a été victime d’un accident du travail le 2 décembre 2022 sur le chantier de [Localité 3] qui n’a pas été déclaré par l’employeur
– du fait du lien de subordination, les attestations produites par l’employeur ne sont pas probantes
– les attestants n’étaient pas présents lors des faits du 5 décembre
– l’employeur est à l’origine d’une provocation du salarié en le contactant pendant son arrêt de travail
– l’employeur n’a pas déposé plainte pour ces faits
Sur les rappels de salaire
– il a travaillé de façon continue de 2007 à 2009 pour la société Crobam
– la convention collective de la société utilisatrice du BTP s’applique niveau 1 position 1 coefficient 150 et l’article L.1251-21 du code du travail
– l’employeur lui a fait signer un contrat alors qu’il ne maîtrisait pas la langue et n’a pas compris son contenu alors qu’il travaillait depuis plusieurs années au coefficient 150, ce qui est constitutif d’un dol et d’une discrimination
– il effectuait les mêmes fonctions au sein de la société Crobam
– la convention collective ouvrier des travaux publics d’Aquitaine doit s’appliquer
MOTIFS :
A titre liminaire la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions, mais des rappels des moyens invoqués à l’appui des demandes, ne conférant pas – hormis les cas prévus par la loi – de droit à la partie qui les énonce.
I- Sur le licenciement
Par courrier du 11 février 2020, qui fixe les limites du litige, M. [L] [S] a été licencié pour faute grave.
Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Toutefois, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée limitée du délai-congé.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
‘ Lors de notre entretien préalable du 14 janvier 2020, nous vous avons indiqué les motifs qui motivaient notre décision de rompre votre contrat de travail pour faute grave et nous avons recueilli vos observations. Cet entretien s’est tenu en présence de M. [G] [R], représentant l’entreprise et de M. [I] [M] (délégué du personnel suppléant) qui vous assistait.
Après réflexion, nous avons le regret de vous confirmer votre licenciement pour faute grave au motif suivants :
Injures proférées devant témoins, à l’encontre du chef d’entreprise le 5 décembre 2019 et insubordination
Sans omettre vos antécédents disciplinaires, nous avons multiplié les tentatives de dialogue et d’apaisement ; mais ce nouveau dérapage rend la communication définitivement impossible et empêche de travailler dans un état d’esprit serein. Par conséquent, le maintien de votre poste dans l’entreprise est devenu impossible.
Votre licenciement interviendra à compter de la notification de cette lettre, cette date constituant le terme de votre contrat de travail. (‘)’
L’employeur lui reproche deux griefs : avoir proféré des injures à l’encontre du chef d’entreprise le 5 décembre 2019 devant témoins et des faits d’insubordination.
L’employeur verse à l’appui du premier grief les attestations des trois occupants de son véhicule lors des faits du 5 décembre 2019 :
– L’attestation de M. [Z] [W], conducteur de travaux, en date du 19 mars 2021 selon laquelle : ‘Présent dans le véhicule de M. [H] [D] sur le chantier de [Localité 2] (19), j’ai assisté via le kit main libre du véhicule, aux insultes (dont ‘saloperie de patron’) proférées par M. [S] envers le dirigeant de l’entreprise, lorsque ce dernier lui a précisé qu’il n’est pas possible légalement de transformer un arrêt de travail en accident de travail, sans qu’aucun encadrant ni collègue n’ait constaté de blessure sur le lieu de travail (‘)’
– L’attestation de M. [R] [G], conducteur de travaux, en date du 28 février 2021, selon laquelle : ‘Le 5/12/2019, en visite sur le chantier (‘) avec M. [O] [H] [D] ([F]) ensemble dans le même véhicule, j’ai pu assister grâce au blue tooth à une discussion qui semblait pourtant avoir démarré sereinement entre MM. [S] et [F]. Puis alors que M. [S] désirait faire passer un arrêt de travail en accident (‘), M. [F] a tenté calmement de lui signifier que cela ne se passait pas comme il l’entendait et qu’il y avait des règles légales et honnêtes à suivre, M. [S] a alors injurié M. [F] : ‘Ca me fait chier’, puis ‘saloperie de patron’, pour finir par des menaces de mort et lui raccrocher au nez’.
– L’attestation de M. [A] [K], technicien de chantier, datée du 8 mars 2021, selon laquelle : ‘Je certifie avoir été présent lors de la conversation téléphonique qui s’est déroulée le 5 décembre 2019 (‘) et en la présence de M. [H] [D], M. [W] [Z], et M. [G] [R]. Nous étions dans la voiture sur l’aire de parking du chantier et nous entendions la conversation à l’aide du kit main libre. Lorsque M. [H] [D] a entamé la discussion avec M. [S], ce dernier s’est très rapidement emporté et a rapidement raccroché après avoir insulté M. [H] [D].’
Les trois attestations produites sont concordantes, précises et circonstanciées et établissent que les paroles injurieuses ont bien été proférées par le salarié. Leur nature constitue de sa part une faute d’une telle gravité qu’elle empêche la poursuite du contrat et justifie à elle seule le licenciement pour faute grave sans qu’il soit utile d’examiner le second grief.
En conséquence, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré que le licenciement de M. [S] ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.
La cour déclare que le licenciement de M. [S] pour faute grave est fondé et déboute le salarié de ses demandes subséquentes en indemnité légale de licenciement, l’indemnité de préavis et congés payés sur préavis.
II- Sur le rappel de salaire en raison du coefficient
À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, il n’y a pas lieu de s’attacher aux mentions portées sur le contrat de travail ou les organigrammes, mais à la réalité des fonctions exercées par le salarié, à la nature de l’emploi effectivement occupé et à la qualification qu’il requiert. Par ailleurs, c’est à celui qui revendique une classification conventionnelle ou un coefficient différent de celui figurant sur son contrat de travail ou son bulletin de salaire de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il estime être la sienne.
M. [S], embauché le 30 juin 2009, à effet au 6 juillet 2009 en qualité d’aide maçon N1, P1, au coefficient 100, revendique sa classification au coefficient 150 de la grille annexée à la convention collective nationale du bâtiment. Il ne revendique pas ledit coefficient en fonction des tâches réalisées mais en raison de la mention du coefficient 150 apposée sur son contrat de travail alors qu’il a été rémunéré au coefficient 100.
Pour confirmer le jugement entrepris, la cour précise d’une part, que l’intimé n’a plus soutenu dans ses dernières conclusions les moyens tenant à un principe de « continuité contractuelle », du principe « à travail égal, travail égal » et les dispositions de l’article L.1251-38 du code du travail,
et d’autre part, constate que :
– la mention du coefficient 150 figurant sur son contrat de travail, outre celle du coefficient 100, alors qu’il percevait depuis son embauche la rémunération correspondant au classement N1, P1, coefficient 100, ne démontre aucune volonté claire et manifeste de la part de son employeur de le surclasser mais est due au simple rappel de son identification au titre de son ancien employeur lequel relevait de la convention collective du bâtiment et non de celle des travaux publics, seule applicable à la société Crobam
– en effet, le coefficient 150 correspond au niveau I position 1 prévu à l’article XII-3 de la convention collective du bâtiment du 7 mars 2018 (avenant du 7 mars 2018)
– la société Crobam est soumise, quant à elle, à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992 qui prévoit en son article 12.6 que les salariés au niveau 1 position 1 sont classés au coefficient 100
– après la fin du chantier pour lequel il avait été embauché à durée déterminée, le contrat de travail du salarié s’est poursuivi sous la forme d’un contrat à durée indéterminée à compter de décembre 2019 et ses bulletins de salaire démontrent l’application du coefficient 100 soit pendant plus de dix ans
– l’article L.1221-3 du code du travail prévoit qu’une traduction est rédigée à la demande du salarié dans la langue de ce dernier. Or, en l’espèce, depuis 2009, le salarié n’a jamais présenté une telle demande. La cour constate qu’il n’existe aucune discrimination ni aucun dol, qui au surplus n’est pas démontré et ne se présume pas.
La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [S] de sa demande en différentiel de rappel de salaire sur heures supplémentaires de 2017 à 2019 et congés payés afférents en raison de la confirmation du maintien du coefficient 100.
En conséquence, la cour déboute le salarié de sa demande en remise de documents conformes contenue dans la déclaration d’appel mais non reprise dans ses conclusions mais faisant l’objet d’appel incident.
III- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier
M. [L] [S] sollicite la condamnation de la société Crobam à lui payer la somme de 7 000 euros au titre du préjudice moral et financier qu’il aurait subi.
La cour constate que le salarié ne justifie pas du préjudice allégué.
En conséquence, la cour déboute M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier.
IV- Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Crobam à verser à M. [L] [S] la somme de 900 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
M. [S], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel et de première instance et à payer à la société Crobam la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Cahors du 27 septembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [L] [S] de sa demande en rappels de salaire en application du coefficient 150 de la convention collective du nationale du bâtiment et des travaux publics et congés payés afférents pour les années 2017, 2018 et 2019,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Cahors du 27 septembre 2021 en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [L] [S] ne reposait pas sur une faute grave,
– requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Crobam à lui payer les sommes suivantes :
– 4569,35 euros nets pour indemnité légale de licenciement,
– 3370,10 euros bruts sur le préavis,
– 337,01 euros bruts de congés payés sur préavis,
– ordonné l’exécution provisoire de droit dans la limite de neuf mois et fixe la moyenne des trois derniers mois à 1 685,05 euros
– 900 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Crobam aux dépens y compris s’il devait avoir exécution du présent jugement par voie extrajudiciaire,
– condamné la société Crobam à remettre les documents sociaux de fin de contrat ainsi que le bulletin de salaire conforme à la présente décision,
Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DÉCLARE fondé le licenciement de M. [L] [S] pour faute grave,
DÉBOUTE M. [L] [S] de ses demandes au titre de l’indemnité légale de licenciement, indemnité de préavis et congés payés y afférents,
DÉBOUTE M. [L] [S] de sa demande en rappels de salaire sur heures supplémentaires de 2017 à 2019 et en congés payés afférents,
DÉBOUTE M. [L] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,
DÉBOUTE M. [L] [S] de sa demande en remise du bulletin de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés,
CONDAMNE M. [L] [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel,
CONDAMNE M. [L] [S] à payer à la société Crobam la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [L] [S] de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Danièle CAUSSE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT