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ARRÊT DU
04 AVRIL 2023
NE/CO*
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N° RG 21/00948 –
N° Portalis DBVO-V-B7F-C6BK
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Société GROUPE [Localité 2] SA
C/
[W] [N]
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 58 /2023
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatre avril deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Danièle CAUSSE, greffier
La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire
ENTRE :
LA SOCIETE GROUPE [Localité 2] SA prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-François RENAUDIE, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Cyprien PIALOUX, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAHORS en date du 27 septembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 20/00073
d’une part,
ET :
[W] [N]
née le 22 février 1971 à [Localité 2]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie CLAIR, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
d’autre part,
A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 07 mars 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Dominique BENON, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [N] a été engagée par la société MAEC en qualité de secrétaire administrative en contrat à durée indéterminée, à compter du 2 septembre 1991.
A compter du 1er décembre 2004, son contrat de travail a été transféré à la société GROUPE [Localité 2] SA.
Elle a conclu une convention individuelle de forfait jours par avenant à son contrat de travail du 30 avril 2015.
En dernier lieu, Madame [N] occupait les fonctions d’Assistante de Direction, statut Technicien, Niveau 5, Echelon 1, coefficient 305 de la convention collective de la métallurgie.
Madame [N] a été convoquée le 5 février 2020 à un entretien préalable en vu d’un licenciement pour motif économique qui s’est tenu le 17 février 2020.
La convocation précisait qu’il avait été procédé à une recherche individualisée de reclassement dans les différentes sociétés françaises du groupe, auxquelles elle appartient mais qu’aucun reclassement n’avait pu cependant être trouvé.
Madame [N] s’est vue notifier son licenciement pour motif économique le 26 février 2020 avec proposition d’adhésion au congé de reclassement.
Madame [N] a adhéré au congé de reclassement par courrier du 5 mars 2020. Une convention d’adhésion au congé de reclassement, ainsi qu’un avenant à ce dernier ont été régularisés entre les parties.
Le 29 septembre 2020, Madame [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Cahors afin de contester son licenciement pour motif économique.
Par jugement du 27 septembre 2021, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties en première instance et des motifs énoncés par les premiers juges, le conseil de prud’hommes de Cahors a rendu a :
– jugé le licenciement de Mme [N] sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la SA GROUPE [Localité 2] à payer les sommes suivantes :
‘ 76.352,12 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘ 2.300 euros pour exécution fautive du contrat de travail ;
‘ 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné le remboursement par la SA GROUPE [Localité 2] à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié à concurrence de 6 mois ;
– dit qu’à cet effet, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi par le greffe ;
– ordonné l’exécution provisoire de droit sur la remise des documents sociaux ;
– fixé la moyenne des 3 derniers mois à 3.817 euros.
– ordonné à la SA GROUPE [Localité 2] de remettre à Madame [N] une attestation Pôle Emploi ainsi qu’un certificat de travail conforme à la décision sous astreinte de 100 € par document et par jour suivant le 15ème jour suivant la notification de la présente décision, le conseil se réservant l’éventuel contentieux de la liquidation d’astreinte ;
– ordonné l’exécution provisoire d’office de la totalité du jugement sur tout ce qui n’est pas de droit et ce qui excéderait la limite des 9 mois de salaires prévue par l’exécution de droit ;
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par la SA GROUPE [Localité 2] ;
– dit que Madame [N] abandonne sa demande sur le reliquat de l’indemnité de convention de licenciement ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– mis la totalité des dépens à la charge de la SA GROUPE [Localité 2].
Par déclaration au greffe du 12 octobre 2021, la société Groupe [Localité 2] a interjeté appel de ce jugement.
La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 19 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
I. Moyens et prétentions de la SA GROUPE [Localité 2], appelant principal
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 30 mai 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la SA GROUPE [Localité 2] demande à la cour :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cahors du 27 septembre 2021 en ce qu’il a :
– jugé le licenciement de Madame [N] sans cause réelle et sérieuse ;
– l’a condamnée prise en la personne de son représentant légal à payer à Madame [N] les sommes suivantes :
– 76.352,12 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 2.300 € au titre de l’exécution fautive du contrat de travail ;
– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné le remboursement par la SA GROUPE [Localité 2] à Pôle Emploi des
indemnités de chômage versées au salarié à concurrence de 6 mois ;
– dit qu’à cette fin, une copie certifiée conforme du jugement sera adressée à
Pôle Emploi par le greffe ;
– ordonné l’exécution provisoire de droit sur la remise des documents sociaux
en fixant la moyenne des 3 derniers mois à 3.817 € ;
– lui a ordonné de remettre à Madame [N] une attestation Pôle Emploi ainsi qu’un certificat de travail conforme à la présente décision sous astreinte de 100 € par document et par jour suivant le 15ème jour suivant la notification de la présente décision, le conseil se réservant l’éventuel contentieux de la liquidation d’astreinte ;
– ordonné l’exécution provisoire d’office de la totale du jugement sur tout ce qui n’est pas de droit et ce qui excéderait la limite des 9 mois de salaires prévue par l’exécution de droit ;
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par la SA GROUPE [Localité 2] ;
– l’a débouté de l’intégralité de ses demandes ;
– mis la totalité des dépens à sa charge.
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Cahors du 27 septembre 2021 en ce qu’il lui a implicitement donné acte de ce qu’elle propose de verser à Madame [N] la somme de 2409,67 € à titre de complément d’indemnité de licenciement.
En conséquence et statuant à nouveau :
– dire et juger que le licenciement de Madame [N] est parfaitement justifié
et fondé,
– débouter Madame [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– fixer le salaire de référence mensuel brut de Madame [N] à 3.792,43 €,
– condamner Madame [N] à lui la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
– condamner Madame [N] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
– la condamner aux dépens de la présente instance et de ses suites.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
– le licenciement pour motif économique de Madame [N] est parfaitement fondé
– contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes, les difficultés économiques rencontrées par la société GROUPE [Localité 2] SA et le groupe auquel elle appartient sont incontestables,
– GROUPE [Localité 2] SA est la société dite « holding » de l’ensemble du groupe, les autres entités du groupe en France sont toutes des filiales opérationnelles qui produisent des équipements électriques ou autres ou les commercialisent : le motif économique doit s’apprécier au niveau du seul secteur d’activité de la société GROUPE [Localité 2] SA, en tant que société holding du Groupe.
– l’activité de cette société est le soutien et l’animation des filiales opérationnelles du groupe, comme expressément rappelé dans la lettre de licenciement,
– son chiffre d’affaires est uniquement constitué par la facturation interne à ses filiales des prestations définies par des conventions internes, or son chiffre d’affaires est insuffisant à lui seul pour financer ses charges de sorte qu’elle doit aller chercher dans les remontées de dividendes de ses filiales le complément de trésorerie nécessaire pour équilibrer ses charges,
– au cours des dernières années, la plupart des filiales du Groupe ont rencontré d’importantes difficultés et ont donc été dans l’impossibilité de faire remonter des dividendes à la holding, il en résulte que les comptes de GROUPE [Localité 2] sont lourdement déficitaires depuis 2017, et en dégradation importante,
– GROUPE [Localité 2] SA a dû réduire ses coûts de structure en cherchant à se réorganiser et adapter son effectif de manière à diminuer le poids des coûts financiers de la holding sur les filiales opérationnelles et s’assurer un retour aux équilibres financiers de la société,
– elle produit notamment l’extrait du rapport des commissaires aux comptes sur les comptes consolidés de 2018 et le rapport de constats résultant de procédures convenues relatives au compte de résultat consolidé proforma pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019, qui attestent des graves difficultés économiques du groupe, (résultat net supérieur à – 6 millions d’euros),
– le conseil de prud’hommes a commis plusieurs erreurs manifestes en retenant notamment que ‘la menace sur la compétitivité au niveau du secteur d’activité de fabrication des équipements pour les réseaux de distribution Energie et Télécom n’est pas démontrée’ alors que le motif économique invoqué dans la lettre de licenciement est, non pas la menace sur la compétitivité, mais les ‘difficultés économiques’ qui sont incontestablement établies : le Groupe [Localité 2] a vu son excédent brut d’exploitation (EBE) diminuer considérablement entre 2016 et 2018, et a enregistré des pertes très importantes en 2015 (-1,880 millions d’euros), 2016 (- 4,909 millions d’euros), 2017 (-7,470 millions d’euros) et 2018 (-10,693 millions d’euros),
– les données chiffrées produites (liasses fiscales, comptes consolidés du Groupe) couvrent également l’exercice 2019, contrairement à ce que soutient Madame [N], en effet, au moment de son licenciement, en février 2020, les comptes 2019 n’étaient pas encore clôturés,
– en se basant sur la seule évolution du chiffre d’affaires, et sans regarder les autres indicateurs comptables, qui caractérisaient pourtant les difficultés économiques, le conseil de prud’hommes de Cahors a méconnu les dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail,
– le Groupe a mis en place un plan d’actions stratégiques pour assurer son redressement structuré autour de 7 axes dont l’axe 4 : réduire les charges fixes et rendre la structure plus efficiente,
– en application du 4eme axe, les travaux administratifs et d’assistanat se sont trouvés considérablement réduits et cette nouvelle organisation a conduit la société à supprimer deux postes d’assistante de direction sur les trois postes existants, les critères d’ordre ont notamment désigné Madame [N],
– la salariée soutient également que le motif économique ne serait pas caractérisé dans la mesure où son salaire aurait été refacturé aux filiales, or cette question est indifférente dès lors que le motif économique est caractérisé par des indicateurs économiques négatifs du groupe, et que les questions de refacturation relèvent des choix de gestion de l’employeur,
– ce licenciement intervient dans un projet global de réalisation d’économies au niveau du groupe. La suppression du poste d’assistante du fait notamment d’un recours à l’automatisation et à la digitalisation permet, parmi d’autres mesures, de réaliser des économies. Cela relève également du choix de gestion de l’employeur que le juge ne peut pas contrôler,
– Madame [N] explique que son poste aurait en réalité été pourvu par des stagiaires, cela est faux et elle n’en rapporte aucunement la preuve,
– notamment le poste offert en intérim, sept mois après son licenciement ne correspondait pas à celui de Madame [N] (formation RH et maîtrise de l’espagnol) et quant au stage d’assistant administratif, Madame [N] se contente de produire une annonce qui n’est pas datée alors que le registre du personnel versé au débat démontre l’absence d’embauche d’un stagiaire d’assistant administratif postérieurement au licenciement de Madame [N],
– elle a parfaitement respecté la procédure applicable
– elle a parfaitement respecté ses obligations en matière de reclassement
– elle a procédé à une recherche de reclassement loyale et sérieuse à l’égard de Madame [N],
– un courrier a été adressé le 27 janvier 2020 aux différentes entités du Groupe [Localité 2] mais aucun poste n’a pu être identifié,
– ces courriers ont très bien pu transiter par email ou être édités grâce à des signatures électroniques, cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit de faux et leur authenticité ne peut pas davantage être remise en cause du fait que certains interlocuteurs s’auto-consultent,
– le fait que la société LACAZE ENERGIES ait accusé réception le 28 janvier 2020 d’un courrier daté du 20 novembre 2019 est tout simplement une coquille,
– le poste d’assistante des ressources humaines mentionné par Madame [N] a été pourvu en septembre 2020, soit plus de sept mois après son licenciement, par conséquent, ce poste n’était pas disponible au moment de son licenciement et ne pouvait donc pas être proposé dans le cadre de la procédure de reclassement. Il n’a pas été proposé à Madame [N] au titre de la priorité de réembauchage puisqu’elle ne correspondait pas à son poste et l’intéressée n’a pas souhaité de cette priorité,
– l’employeur n’a aucune obligation de remettre à un salarié licencié pour motif économique les éléments justifiant des recherches de reclassement menées,
– les critères d’ordre, dont Madame [N] n’a jamais demandé communication, ont désigné Madame [N] et Madame [O], ils ont été parfaitement respectés,
– les demandes indemnitaires de Madame [N] sont exorbitantes et infondées
– le salaire de référence de Madame [N] est de 3.792,43 euros et non de 3.817,61 euros,
– Madame [N] ne démontre aucun préjudice et indique elle-même avoir retrouvé un emploi,
– les juges prud’homaux se sont contentés d’allouer une somme supérieure à celle prévue par le barème, sans motivation,
– Madame [N] n’a d’ailleurs jamais alerté sa hiérarchie sur un prétendu manque de travail, elle ne s’est pas « retrouvée seule et abandonnée », Monsieur [J] a quitté l’entreprise le 10 juin 2020 après son licenciement (Le fait qu’il ait été en arrêt maladie préalablement est indifférent) et Monsieur [D] a été remplacé par Monsieur [Y],
– au moment de la coupure de son accès à sa messagerie professionnelle, Madame [N] était en congé de reclassement. Elle ne travaillait donc plus étant dispensée d’activité et n’avait plus aucune raison de se connecter à sa messagerie professionnelle,
– les demandes relatives à ce qu’elle qualifie elle-même de « mise en ‘uvre de la rupture » de son contrat de travail ne se rapportent nécessairement pas à l’exécution de son contrat de travail et ne peuvent pas être indemnisées à ce titre, contrairement à ce qu’a retenu le conseil de prud’hommes,
– les demandes indemnitaires formulées par Madame [N] ne sont pas sérieuses et surtout ne sont soutenues par aucun élément de preuve.
II. Moyens et prétentions de Madame [N], intimée
Selon dernières écritures enregistrées au greffe de la cour le 11 janvier 2023, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, Madame [N] demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société SA GROUPE [Localité 2] à la somme de 76.352,12 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que la SA GROUPE [Localité 2] n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail,
Et sur appel incident,
– condamner la SA GROUPE [Localité 2] à la somme de 23.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat.
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a alloué une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Y ajoutant,
– condamner la SA GROUPE [Localité 2] à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris le remboursement d’émoluments et recouvrements résultant des dispositions de l’article A 444-32 du code du commerce que la requérante a été tenu d’engager et serait amenée à régler dans l’hypothèse d’un recours à l’exécution forcée de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :
– sur l’absence de cause réelle et sérieuse
– il n’est nullement justifié des difficultés économiques de la société GROUPE [Localité 2] SA de façon contemporaine à son licenciement,
– le rapport des commissaires aux comptes concernant la SA GROUPE [Localité 2] est relatif à l’exercice clos au 31 décembre 2018,
– une annexe à une convention de prestations de services datant du 25 mars 2005 entre la SA GROUPE [Localité 2] et la société MAEC, intitulée « refacturation 2005 effectif holding », démontre qu’en réalité son salaire était refacturé à l’ensemble des filiales à hauteur de 95 % et à partir de 2015 à hauteur de100%,
– la masse salariale du GROUPE [Localité 2] SA ne pèse donc pas sur SA GROUPE [Localité 2] contrairement à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement,
– la situation financière de la société s’est fortement améliorée au cours de l’exercice 2019, son chiffre d’affaires net a plus que doublé, passant ainsi de 6 028 437 € à fin 2019 à 12 860 916 € au 31 décembre 2019,
– alors que le résultat d’exploitation était négatif en 2018 (- 4 366 136 €), il passait en positif en 2019 : 470 171 € ; dans le même sens, le résultat courant avant impôts passait de ‘ 3 185 940 € en 2018 à + 896 312 € en 2019, et ce, alors que les charges sociales, salaires et traitements de la société ont stagné,
– la SA GROUPE [Localité 2] exerce une activité de holding, n’a pas de raison d’exister sans ses filiales industrielles opérationnelles,de production ou de prestations de services et ne peut donc pas être isolée du reste du groupe, sans lequel elle devient sans objet,
– si la SA le GROUPE [Localité 2] fait état des difficultés très importantes du groupe et d’une dégradation de ses performances, pour autant, aucun élément comptable concernant la réalité des chiffres avancés n’est produit,
– elle a été licenciée sans que le bilan du prétendu plan de retournement dont il est fait état dans la lettre de licenciement ne se soit fait attendre par la société,
– le simple objectif de gestion, consistant à réduire la masse salariale ou les frais fixes, ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement économique,
– il est difficilement compréhensible que la simple suppression de son seul poste ait permis de redresser la situation du groupe,
– l’employeur affirme que sur trois postes d’assistantes, la société en a supprimé deux, sans justifier de la suppression effective de l’emploi concerné,
– alors que la société justifiait la nécessité de supprimer son emploi d’assistante par un recours renforcé à l’automatisation, à la digitalisation et à la dématérialisation des tâches, dans le même temps elle publiait une offre d’emploi de stagiaire répondant au besoin suivant : « gestion agenda, préparation de dossiers, rédaction de documents, poste qui sera pourvu mi-mai 2020, comme en atteste le registre unique du personnel et renouvelé à partir de janvier 2021,
– la société renouvèlera la diffusion de plusieurs offres portant sur des postes d’assistantes, dont une parue le 12 septembre 2020 pour un contrat à durée détermimée au service Ressources Humaines (pourvu, comme en atteste le registre unique du personnel fourni et la DPAE du 30 septembre), ainsi qu’une autre parue le 26 février 2021, pour un stage de 6 mois dans des fonctions d’assistant administratif correspondant en tous points à sa formation, ses compétences et son expérience,
– après la vague de licenciements intervenus, le groupe a recruté deux assistantes commerciales bilingues en contrat à durée déterminée, alors qu’elle est elle même bilingue et maitrisait également l’espagnol, ce que son employeur ne pouvait ignorer puisqu’elle a suivi des formations financées par son employeur,
– à aucun moment, en amont de la procédure, elle n’a été approchée pour être interrogée à propos de sa mobilité géographique éventuelle, ses compétences professionnelles, le contenu de son poste, ou a minima pour fournir un curriculum vitae actualisé susceptible d’éclairer la société concernant les recherches de reclassement ; de même aucune formation ne lui a été proposée,
– elle maintient que les recherches n’ont pas eu lieu courant janvier 2020 comme indiqué : malgré ses sollicitations réitérées, relayées par l’inspecteur du travail, les pièces ont été produites le 31 mai 2021, Monsieur [S] [V], le directeur des ressources humaines de MAEC en poste depuis plus de 15 ans et en charge de ce type de consultation n’a jamais été sollicité, aucune aucune preuve d’envoi ou de remise des courriers n’est produite, certains de ces courriers sont émis, reçus et répondus par la même personne qui s’auto-consulte et on relève une grossière erreur de date (la société LACAZE accuse réception d’un courrier du 20 novembre 2019 alors que le courrier en question aurait été adressé le 27 janvier 2020 )
– il est indiqué péremptoirement que les critères de choix ont été respectés, alors même que la personne demeurée en poste sur un poste d’assistante de direction a une ancienneté remontant à 2008, alors qu’elle même a une ancienneté remontant à 2004, et la société ne justifie aucunement du licenciement de Madame [O] et de sa date, ni de la date à laquelle a été établi le prétendu tableau des critères d’ordre appliqués à une catégorie professionnelle comprenant trois salariées,
– aucun détail n’est délivré sur les fonctions de Madame [O] et Madame [B], sur leur formation professionnelle et qui justifierait qu’elles soient toutes les trois regroupées au sein d’une même catégorie,
– sur le dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– elle a été demandeur d’emploi jusqu’à mi-juillet 2021, et a retrouvé un emploi le 13 juillet 2021, en qualité d’assistante de direction auprès du SYDED du Lot avec un niveau de rémunération bien inférieur de 1870.30 euros brut, revalorisé à 1917.50 euros en janvier 2022,
– à compter du changement de gouvernance de la société au mois d’octobre 2019, s’est amorcé un déclin du climat social au sein de la société et une dégradation des conditions de travail ; elle a été contrainte de poursuivre ses fonctions dans un climat délétère,
– les membres du CSE de la société [Localité 2] INTERNATIONAL et de la société MAEC, constatant l’impact de cette situation sur la santé physique et morale des salariés, ont été contraints de faire valoir un droit d’alerte pour danger grave et imminent,
– les directeurs pour lesquels elle collaborait ont vu leur contrat de travail soit rompu, soit étaient remplacés,
– elle a vu son poste vidé de sa substance par la société GROUPE [Localité 2], sans la moindre information quant à l’avenir de ses fonctions, ni aménagement, ni accompagnement, ce qu’elle vivait particulièrement mal au regard de ses nombreuses années d’expérience et de son investissement au sein de la société,
– dès le 17 mars 2020 elle s’est vue interdire l’accès à sa boîte professionnelle, la privant ainsi de nombreux contacts et de données personnelles, de nature à compromettre son avenir professionnel, et ce alors qu’elle était toujours salariée de la société,
– son solde de tout compte et son certificat de travail, ou encore son attestation Pôle-
emploi comportaient de multiples erreurs,
– la société n’ayant pas adressé à la mutuelle son « bulletin d’adhésion » elle a été radiée de la mutuelle ce qui l’a mise en difficulté quant à la prise en charge de ses soins,
– unilatéralement, sans information ni délai de prévenance, la société a modifié le mode de transmission des bulletins de salaire, par voie électronique alors qu’elle n’avait plus l’accès à sa messagerie professionnelle.
MOTIVATION DE L’ARRÊT
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
A. Sur le motif économique du licenciement
À titre liminaire, sur le motif économique du licenciement, il convient de rappeler que :
– l’article L.1233-3 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 en vigueur au jour du licenciement, dispose que :
‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3°A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.’
– que pour apprécier les difficultés économiques invoquées par l’employeur, le juge doit se placer à la date de la rupture du contrat de travail mais il peut aussi tenir compte d’éléments postérieurs
Pour satisfaire aux exigences des articles L.1233-2, L.1232-6 et L.1233-15, L.1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit tout à la fois invoquer l’une des causes économiques prévues par la loi et mentionner l’incidence de cette cause économique sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié, à défaut de quoi, le licenciement se trouve ipso facto privé de cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement du 26 février 2020 est ainsi motivée :
« Madame,
A la suite de notre entretien du 17 février 2020, en présence de Monsieur [L] [G], conseiller du salarié, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique et ce, pour les raisons que nous vous rappelons ci-après.
1. Enoncé du motif économique
Vous avez été engagée par la Société MAEC en qualité de Secrétaire administrative en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 septembre 1991.
Votre contrat de travail a ensuite fait l’objet d’un transfert au sein de la Société GROUPE [Localité 2] SA à compter du 1er décembre 2004.
Au dernier état, vous occupez, au sein de la Société GROUPE [Localité 2] SA, le poste d’Assistante de Direction, statut Technicien, Niveau 5, Echelon 1, coefficient 305.
La Société GROUPE [Localité 2] SA est la société holding du Groupe [Localité 2] (le « groupe »). Elle a pour seule activité l’animation de l’ensemble des filiales du groupe.
Le siège social de la Société est situé à [Localité 2] (46) et comprend un établissement situé à [Localité 3] (31).
Le Groupe [Localité 2] a été fondé en 1910. Il conçoit et fabrique des équipements pour les réseaux de distribution Energie et Télécom.
L’organigramme juridique du groupe, par secteur d’activité, se présentait comme suit avant le 21 octobre 2019……
Le Groupe s’articule donc autour d’une Société holding, la société GROUPE [Localité 2] SA et de différentes filiales opérationnelles comprenant, en France, 2 sociétés opérationnelles principales, MAEC et TRANSFIX. Les filiales du Groupe se répartissent entre les 3 divisions suivantes :
– La division Basse Tension (BT) spécialisée dans les équipements électriques depuis les postes de distribution jusqu’aux points de livraisons. Elle produit des matériels de lotissement, de raccordement souterrain, d’isolement et de protection, des équipements d’habitat collectif, de distribution de l’image, des systèmes de télérelève, des tableaux basse tension et des équipements pour la distribution de l’eau et du gaz ;
– La division Moyenne Tension (MT) spécialisée dans les équipements électriques du poste de transformation d’électricité. Elle conçoit et fabrique des transformateurs, des postes préfabriqués, des matériels de réseaux, des cellules, ainsi que des produits électriques de contrôle de réseaux ; et
– La division « Autres » qui regroupe les sociétés dont les activités ne sont pas rattachables à l’une des activités des divisions BT ou MT et qui concerne notamment des solutions de conseils et de formation, ainsi que la production et le stockage d’eau chaude.
Le Groupe, dont le siège social se trouve à [Localité 2], est présent en France et à l’international avec 10 sites de production (France, Espagne, Maroc, Chine et Inde). Il emploie 1750 personnes, dont 1 100 en France.
Le Groupe a généré 236 M€ de chiffre d’affaires (« CA ») en 2018 pour un excédent brut d’exploitation (« EBE ») de 7,9M€ et un résultat net consolidé déficitaire de 10,7 M€.
Les performances du groupe sont constamment et régulièrement dégradées depuis de nombreuses années :
k€
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
CA
212012
206888
205558
202654
230714
224350
236200
EBE
13115
10134
12349
9273
14939
8202
7900
REX
6759
2939
4963
1099
3824
-1728
-4137
RN
1637
1132
689
-1880
-4909
-7470
-1693
L’exercice 2019 devrait aboutir à une performance économique similaire à 2018 à périmètre égal, soit 7,8M€ d’excédent brut d’exploitation et 10,7M € de résultat net déficitaire.
Le niveau insoutenable d’endettement du Groupe a contraint la direction à devoir mettre en ‘uvre un plan de restructuration pour sauver le Groupe.
Une restructuration en profondeur de la dette du groupe, ainsi qu’un adossement à un repreneur assorti d’une dilution à 5% du capital des actionnaires du groupe a dès lors été entreprise dans le contexte d’une procédure de conciliation récente, sous l’égide du Comité Interministériel de Restructuration Industrielle.
Le 22 juillet 2019, un protocole de conciliation formalisant l’ensemble des accords intervenus a été signé : le projet de reprise est administré par EPSYS HOLDING qui a apporté les titres d’EPSYS SAS à GROUPE [Localité 2] SA en contrepartie des titres de GROUPE [Localité 2] SA. A l’issue des opérations d’apports de titres, EPSYS HOLDING détient 94,9% des actions de GROUPE [Localité 2] SA, le solde, soit 5,1% étant détenue par FINANCIERE [Localité 2], entité regroupant les actionnaires historiques.
La clôture de la négociation et le changement de mains du groupe s’est opérée le 21 octobre 2019.
L’actionnariat de la société GROUPE [Localité 2] SA se présente dorénavant selon le schéma suivant …..
Un plan de retournement du groupe a été immédiatement initié par la nouvelle direction, pour redresser rapidement la situation économique et financière du groupe.
Au regard de son activité, la Société GROUPE [Localité 2] SA, n’a strictement aucun chiffre d’affaires externe. Son chiffre d’affaires est exclusivement constitué par la facturation interne à ses filiales de prestations définies par des conventions internes.
Ce chiffre d’affaires interne est insuffisant pour financier ses charges de sorte que GROUPE [Localité 2] SA cherche dans les remontées de dividendes des sociétés filiales le complément de trésorerie nécessaire pour équilibrer ses charges.
Or, dans les années récentes, beaucoup de ses filiales étaient en difficulté, et donc dans l’impossibilité de faire remonter lesdits dividendes.
Les comptes de GROUPE [Localité 2] SA sont lourdement déficitaires depuis 2017, en dégradation importante. La masse salariale de GROUPE [Localité 2] SA, représentant plus de 5,5M€ en 2018, est une charge très lourde dans les comptes consolidés du groupe [Localité 2].
GROUPE [Localité 2] SA
31/12/16
31/12/17
31/12/18
CA
5777.0
5198.2
6028.4
Masse salariale dir/ind/ass
-5446.5
-94.3%
-5318.1
-102.3%
-5513.4
-91.5%
autres charges
-4192.0
-72.6%
-4020.7
-77.3%
-4247.3
-70.5%
EBE
-3881.5
-66.8%
-4140.5
-79.7%
-3732.2
-61.9%
Résultat d’exploitation
-4664.1
-5264.0
-4366.2
Résultat courant
2514.9
1321.7
-3185.9
Résultat net
2229.8
-1242.5
-3154.8
Dans ce contexte et pour faire face aux difficultés économiques du Groupe et de la Société GROUPE CAHORD SA, celle-ci doit impérativement réduire ses coûts de structure, se réorganiser et adapter son effectif de manière à réduire le poids des coûts financiers de la holding, GROUPE [Localité 2] SA et de ses filiales déficitaires.
La structure de Direction Générale est simplifiée avec un recours aux services de Directeurs Généraux Délégués réduite à son strict minimum. La Direction et le management opérationnel sont décentralisés au sein de chaque filiale opérationnelle du Groupe.
D’une manière générale, les travaux administratifs et d’assistanat se trouvent donc considérablement réduits. Les cadres et directeurs prennent en charge directement tous leurs travaux de correspondance, de communication et de gestion de frais et déplacements.
Ceci peut être réalisé grâce à un recours renforcé à l’automatisation, à la digitalisation et à la dématérialisation.
Dans ce cadre, il est décidé la mise en place d’une gestion de la saisie et du traitement des notes de frais par le recours à un logiciel de gestion des frais « M2F ».
Les travaux de frappe de courriers et de rapports sont également pris en charge directement par les rédacteurs (Directeurs, managers personnel d’encadrement, RRH ‘), sans nécessité de recourir à une assistante. Ils sont également réduits par une volonté de limiter le nombre de réunions, de compte-rendu, de communications générales par voie de note de service.
Chaque responsable assure en direct ses propres communications par email. Les communications de nature RH sont assurées au sein de chaque filiale par les collaborateurs en charge de ces questions.
L’utilisation du téléphone portable limite le recours à la gestion des appels téléphoniques entrants et sortants par les assistantes de direction.
S’agissant de l’organisation et de la planification des déplacements, des voyages et des agendas, ils sont dorénavant gérés directement par le collaborateur ou le dirigeant en lien, le cas échéant, avec la cellule de voyage interne au groupe.
Cette nouvelle configuration et organisation du travail nous conduit donc à supprimer 2 postes d’Assistantes de Direction sur les 3 postes existants au sein de la Société.
Ce poste n’étant pas le seul au sein de sa catégorie professionnelle, la mise en ‘uvre des critères d’ordre des licenciements a été nécessaire.
En conséquence, en raison de la suppression de votre poste d’Assistante de Direction et par application des critères d’ordre des licenciements, nous sommes conduits à procéder à votre licenciement pour motif économique.
2. Recherche de reclassement
Afin d’éviter d’avoir à prononcer votre licenciement, nous avons examiné toutes les possibilités de reclassement qui auraient pu éventuellement se présenter au sein de la société et du groupe auquel elle appartient.
Aucune solution de reclassement n’a cependant pu être trouvée. C’est pourquoi, à défaut de solution de reclassement, nous sommes conduits à procéder à votre licenciement pour motif économique. (‘) »
La lettre de licenciement met donc en exergue des difficultés économiques et financières causées par des ‘performances du groupe constamment et régulièrement dégradées depuis de nombreuses années’, ‘des comptes de GROUPE [Localité 2] SA lourdement déficitaires depuis 2017, en dégradation importante’ et ayant pour conséquence la nécessité ‘de réduire ses coûts de structure, se réorganiser et adapter son effectif de manière à réduire le poids des coûts financiers de la holding, GROUPE [Localité 2] SA et de ses filiales déficitaires’ conduisant à la suppression de deux postes d’assistantes de direction dont celui de Mme [N].
Il résulte des pièces versées aux débats et des conclusions des parties que la société GROUPE [Localité 2] est une société holding qui a pour seul objet d’offrir à ses filiales des services transverses, de telle sorte que son existence dépend de l’activité de ses filiales de production les sociétés MAEC, EPSYS, POMMIER, TRANSFIX,LACAZE, [Localité 2] INTERNATIONAL, CRDE, IFGC.
Si la lettre de licenciement énonce les difficultés économiques du groupe, force est de constater qu’elle se limite à rapporter les chiffres d’affaires, excédents bruts d’exploitation, revenus d’exploitation et résultats nets pour les années 2012 à 2018.
La cour relève que Madame [N] a été licenciée le 26 février 2020, soit 14 mois après, et que les difficultés économiques invoquées par l’employeur doivent être établies à la date de la rupture du contrat de travail.
Dans la cadre des débats et pour justifier de la persistence des difficultés économiques invoquées, l’employeur produit le rapport de constats résultant de procédures convenues relatives au compte de résultat consolidé proforma pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019.
La cour observe que ce rapport fait état d’un résultat net du groupe de -5 613 551 euros mais que ce résultat inclut :
– un résultat financier à hauteur de -2 021 527 € qui correspond principalement aux charges d’intérêts relatifs à la dette financière de l’ancien groupe [Localité 2] et que le rapport précise que la majorité de cette dette a été remboursée à la fin de l’année 2019
– un résultat exceptionnel à hauteur de -3 690 227 € en raison principalement d’un produit net de 6,9 M€ lié à la cession d’actifs immobilisés qui a permis de financer le remboursement de la dette bancaire, des coûts de conseil non-récurrents relatifs à l’opération de rapprochement entre le groupe Epsys et le groupe [Localité 2] pour un montant de 4.2 M€, des coûts de restructuration liés à des départs de salariés ainsi que des coûts exceptionnels de mise enconformité de produits pour un montant de 5,5 M€, des pénalités de retard pour 0,7 M€.
La cour constate dès lors, que si le groupe a effectivement connu des difficultés économiques jusqu’à l’exercice 2018, pour autant le résultat déficitaire du groupe en 2019 s’explique non par la persistence de telles difficultés mais par des opérations exceptionnelles liées à la procédure d’adossement et antérieures au licenciement de Madame [N].
Au surplus, la compte de résultat de l’exercice 2019, produit par la salariée, fait état d’un résultat d’exploitation devenu positif ( 470 171).
L’employeur ne rapporte donc pas la preuve, que les difficultés du groupe persistaient à l’époque de son licenciement en février 2020.
En conséquence, la cour confirme le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a déclaré le licenciement de Madame [N] sans cause réelle et sérieuse.
B. Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
L’article L.1235-3 du code du travail énonce que « si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous. »
Madame [N] a été employée par le GROUPE [Localité 2] de septembre 1991 à juillet 2020 soit durant 28 années révolues.
Le barême établi par l’article L.1235-3 du code du travail fixe l’indeminté maximale à laquelle peut prétendre le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse à 19,5 mois de salaire. C’est donc à tort que les premiers juges ont évalué cette indemnité à 20 mois de salaire.
Comme le relève à juste titre l’employeur, l’article 23 de l’avenant mensuel de la Convention collective de la métallurgie pour la région Midi-Pyrénées prévoit que « l’indemnité de licenciement .’. est calculée sur la base de la moyenne mensuelle de la rémunération des douze derniers mois de présence de l’intéressé précédant la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement, compte tenu de la durée effective du travail au cours de cette période. »
Ainsi, sur la base des bulletins de salaire porduits par Madame [N], le salaire de référence à retenir est 3792,43 euros.
Lors de son licenciement, Madame [N] était âgée de 49 ans.
Elle justifie avoir recherché un emploi jusqu’au mois de juillet 2021 date à laquelle elle a été embauchée en qualité d’assistante de direction auprès du SYDED. Elle perçoit un salaire de 1917.50 euros brut.
Dès lors, au regard de ces éléments, il convient de fixer l’indemnité de licenciement à la somme de 56 886.45 euros.
C. Sur la demande de dommages et intérêts en raison de la dégradation des conditions de travail
En application des dispositions de l’article L.1222-1 du Code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et loyalement.
Madame [N] reproche à l’employeur une exécution déloyale du contrat de travail en raison d’une dégradation de ses conditions de travail suite au changement de gouvernance de la société en octobre 2019.
Plus précisément elle invoque avoir été contrainte de poursuivre ses fonctions dans un climat délétère avec une absence totale de vision et de réel projet d’avenir motivant, selon un mode dégradé sans communication franche ni précise, dans le cadre du départ des collaborateurs Groupe les uns après les autres, sans réelle justification, des décisions impactant le fonctionnement de la société prises au quotidien, engageant la responsabilité du directeur généraldélégué, sans que celui-ci n’en soit informé au préalable.
Force est de constater que Madame [N] ne produit aucun élément propre à justifier ses allégations.
Les droits d’alerte exercés par les membres des CSE de la MAEC et de [Localité 2] INTERNATIONAL ne sauraient être jugés pertinents s’agissant de sociétés distinctes de celle dans laquelle travaillait Madame [N], pas plus que l’attestation de paiement d’indemnités journalières à l’un des directeur de la société en arrêt maladie.
Les autres pièces produites sont toutes postérieures à son licenciement et ne sauraient pas plus rapporter la preuve de ses allégations.
Le jugement du conseil des prud’hommes sera infirmé en ce qu’il a condamné la SA GROUPE [Localité 2] au paiement d’une somme de 2.300 euros pour exécution fautive du contrat de travail.
D. Sur les frais non-répétibles et les dépens
La société GROUPE [Localité 2], dont la succombance est dominante, sera condamnée aux dépens et ne peut bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance seront en conséquence confirmées.
Toutefois, les dépens ne peuvent inclure des éléments autres que ceux limitativement énumérés à l’article 695 du code de procédure civile qui ne comprennent pas les émoluments et recouvrements résultant des dispositions de l’article A 444-32 du code du commerce.
En outre, il n’y a pas lieu de se prononcer actuellement sur les frais d’exécution forcée d’une décision dont l’exposé reste purement hypothétique et qui sont réglementés par l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution qui prévoit la possibilité qu’ils restent à la charge du créancier lorsqu’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, étant rappelé qu’en tout état de cause, le titre servant de fondement à des poursuites permet le recouvrement des frais d’exécution forcée.
Madame [N] a été contrainte d’exposer des frais non-répétibles pour faire valoir ses droits, dont il serait inéquitable qu’ils demeurent intégralement à sa charge. La société société GROUPE [Localité 2] sera condamnée à lui verser une indemnité de procédure de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :
– fixé la moyenne des 3 derniers mois à 3.817 euros
– condamné la SA GROUPE [Localité 2] à payer à Madame [N] la somme de 76.352,12 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la SA GROUPE [Localité 2] à payer à Madame [N] la somme de 2.300 euros pour exécution fautive du contrat de travail ;
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;
statuant à nouveau des chefs infirmés,
FIXE le salaire de référence mensuel brut de Madame [N] à 3.792,43 €,
CONDAMNE la SA GROUPE [Localité 2] à payer à Madame [N] une somme de 56 886,45 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
DÉBOUTE Madame [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,
et ajoutant au jugement,
CONDAMNE la société la SA GROUPE [Localité 2] à payer à Madame [N] la somme de 3000 euros à titre d’indemnité de procédure,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
DIT n’y avoir lieu de se prononcer actuellement sur les frais d’exécution,
CONDAMNE la SA GROUPE [Localité 2] aux entiers dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Danièle CAUSSE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT