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ARRÊT DU
29 Mars 2023
AB/CR
———————
N° RG 22/00113
N° Portalis
DBVO-V-B7G-C7AQ
———————
S.C.I. BPROJEC
C/
S.C.I. [W]
S.N.C. SERCO
S.A.R.L.
OFFICE NATIONAL
DES BARS TABAC PRESSE
——————
GROSSES le
à
ARRÊT n° 144-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
S.C.I. BPROJEC
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me David LLAMAS, avocat au barreau d’AGEN
APPELANTE d’un Jugement du tribunal judiciaire de Cahors en date du 07 Janvier 2022, RG 19/00928
D’une part,
ET :
S.C.I. [W]
RCS de Cahors n°832 469 837
[Adresse 5]
[Localité 4]
S.N.C. SERCO
RCS de Cahors n°832 554 281
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentées par Me Hélène KOKOLEWSKI, avocate au barreau du LOT
S.A.R.L. OFFICE NATIONAL DES BARS TABAC PRESSE
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Sophie CARNUS, avocate au barreau du LOT
INTIMÉES
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 Janvier 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffières : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON, greffière
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l’appel interjeté le 11 février 2022 par la SCI BPROJEC à l’encontre d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 7 janvier 2022.
Vu les conclusions de la SCI BPROJEC en date du 17 novembre 2022
Vu les conclusions de la SCI [W] et la SNC SERCO en date du 22 novembre 2022.
Vu la constitution de la SARL OFFICE NATIONAL DES BARS TABAC PRESSE (ONBTP) en date du 17 mars 2022, qui n’a pas conclu.
Vu l’ordonnance de clôture du 23 novembre 2022 pour l’audience de plaidoiries fixée au 11 janvier 2023.
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Après signature le 01 août 2017 d’un compris de vente, la SCI BPROJEC a, selon acte authentique du 14 novembre 2017 vendu à la SCI [W] un immeuble cadastré section A n° [Cadastre 3] lieu-dit [Adresse 8]), comportant une partie à usage d’habitation et une partie à usage commercial, pour un montant de 250.000,00 euros. Simultanément un contrat de bail commercial a été conclu le 14 novembre 2017 concernant ledit immeuble, entre la SCI [W], représentée par M. [D] [F] et la SNC SERCO, représentée Mme [U] [M] gérante et ayant pour associé M. [F], 1’activité principale étant l’exploitation d’un bar-tabac-presse.
Au début du mois de janvier 2018, suite à de fortes pluies, de l’eau s’est infiltrée par la toiture et a pénétré dans les différents étages de l’immeuble, jusqu’à la réserve du café au rez-de-chaussée exploité par la SNC SERCO. Les consorts [F] [M] ont découvert, après avoir enlevé deux plaques de polystyrène, que la couverture et la charpente étaient en très mauvais état.
Le 10 janvier 2018, un huissier de justice, mandate par la SCI [W] a dressé un procès-verbal de constat faisant apparaître que la toiture était en très mauvais état, que de la mousse jaunie est visible entre les tuiles à plusieurs endroits ; que des seaux ont été disposés sur le sol ; qu’un pan de mur était noirci et que certaines poutres de la charpente comportaient des marques sombres.
La SCI [W] a mandaté la SARL LESTRADE afin de procéder à des mesures conservatoires et cette dernière à établi un devis de reprise de la charpente et de réfection de la couverture en tuiles plates pour un montant de 27.449,72 euros TTC.
La SCI [W] a déclaré le sinistre à son assurance dégâts des eaux, qui a diligenté une expertise confiée an cabinet CUNNINGHAM LINDSEY. L’expert, M. [K], a déposé un rapport le 13 mars 2018 selon lequel plusieurs éléments de la charpente sont pourris ; au niveau de la couverture en tuiles sont visibles de nombreux petits amas de mousse expansive ; l’expert précise qu’il est très urgent d’intervenir sur cette couverture et sur cette charpente, tant pour stopper les infiltrations d’eau que pour sécuriser la charpente qui présente des points de faiblesse relevant d’éléments cassés et détériorés.
Par lettre en date du 13 avril 2018, la SCI [W] a mis en demeure la SCI BPROJEC de lui faire part de sa position, compte tenu de ces éléments alléguant un vice caché. Par lettre en date du 30 avril 2018, la SCI BPROJEC a démenti formellement avoir occulté un quelconque élément lors de la vente, et a précisé que la toiture était très ancienne et d’une configuration très apparente depuis l’extérieur de l’immeuble et qu’elle n’avait jamais occasionné le moindre sinistre pendant les 6 années d’occupation précédant la vente.
La SCI [W], considérant que les vendeurs parfaitement informés de cette
situation ne pouvaient valablement invoquer la clause d’exclusion de vices cachés mentionnée dans l’acte authentique de vente du 14 novembre 2017, a, avec la SNC SERCO, locataire de l’immeuble, sollicité, selon acte du 21 juin 2018 l’organisation d’une expertise afin de déterminer si l’immeuble présentait des défauts pouvant être qualifiés de vices cachés au sens des articles 1641 et suivants du code civil et, dans l’affirmative, de déterminer les moyens pour y remédier et de chiffrer le coût des travaux de réfection.
Par actes d’huissier des 19 et 20 juillet 2018, la SCI BPROJEC a assigné en intervention la SARL Office National des Bars Tabac Presse (ONBTP) agent immobilier et d’affaires en sa qualité d’intermédiaire dans les opérations de vente de l’immeuble ainsi que M. [A] [O], artisan maçon intervenu sur la charpente avant la vente.
Au cours de l’audience de référé, M. [O] a reconnu être intervenu en sa qualité d’artisan maçon pour réaliser une réparation “limitée” sur la toiture litigieuse.
Le 19 septembre 2018, une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge des référés et M. [J] [Z] a été désigné en qualité d’expert judiciaire. Il a déposé son rapport définitif le 12 juin 2019,
Par acte d’huissier du 5 décembre 2019, la SCI [W] a assigné la SCI BPROJEC – qui a assigné le notaire rédacteur par acte du 26 novembre 2020 – et la SARL ONBTP en paiement sur le fondement du dol, du manquement au devoir d’information et des vices la somme de 29.077,32 euros correspondant à la reprise des désordres affectant la couverture, outre dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance de la SNC.
Par jugement en date du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de CAHORS a :
– jugé qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats l’attestation de Mme [X] [P] et celle d M. [A] [O],
– jugé que l’immeuble vendu par la SCI BPROJEC à la SCI [W] est affecté d’un vice caché préexistant à la vente, dont la SCI BPROJEC avait nécessairement connaissance,
-jugé que la SARL ONBTP a manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard de la SCI [W] entraînant pour la SCI [W] une perte de chance,
– condamné la SARL ONBTP à payer à la SCI [W]. la somme de 2.000,00 euros au titre de l’indemnisation de cette perte de chance,
– condamné la SCI BPROJEC à payer à la SCI [W] au titre des travaux de remise en état la somme de 29.077, 32 euros TTC avec intérêts au taux légal depuis le 05 décembre 2019, date de l’assignation, soit :
* les travaux des mesures conservatoires selon facture de la SARL LESTRADE du 19 juin 2018 d’un montant de 1.782 euros TTC,
* les travaux de reprise de la charpente et de réfection de la couverture selon factures de la SARL LESTRADE du 28 février 2020 d’un montant de 27.295,32 euros
– condamné la SCI BPROJEC à régler à la SNC SERCO la somme dc 3.000,00 euros en réparation de son préjudice dc jouissance,
– débouté la SCI BPROJEC de sa demande d’être relevée et garantie par la SARL ONBTP,
– débouté la SARL ONBTP de sa demande d’être relevée et garantie par la SCI BPROJEC
– débouté la SCI BPROJEC de ses demandes dirigées contre Maître [V] et M. [A] [O],
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
– condamné in solidum la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP à payer à la SCI
[W] et à la SNC SERCO la somme de 2.000,00 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCI BPROJEC à payer à Maître [V] la somme de 1.500,00 euros an titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP aux entiers dépens y compris aux dépens de référé et aux frais de l’expertise judiciaire.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel.
La SCI BPROJEC demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
– écarter des débats l’attestation prétendument de madame [X] [G]
Lallement et celle de monsieur [A] [O] ;
– débouter la S.C.I. [W] et la S.N.C. SERCO de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la S.C.I. BPROJEC ;
– condamner in solidum la S.C.I. [W] et la S.N.C. SERCO à payer à la S.C.I. BPROJEC la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum la S.C.I. [W] et la S.N.C. SERCO aux entiers dépens ;
– subsidiairement, réduire le quantum de l’indemnité de la S.C.I. [W] à de plus justes proportions ;
– condamner la S.A.R.L. Office National des Bars Tabac à relever indemne la S.C.I. BPROJEC de toute condamnation éventuelle prononcée à l’encontre de celle-ci ;
– à tout le moins condamner la SARL Office National des Bars Tabac à payer à la SCI BPROJEC, à titre de dommages-intérêts, une indemnité égale au montant
total des sommes qui seraient mises à la charge de la concluante ;
– condamner la S.A.R.L. Office National des Bars Tabac à payer à la S.C.I. BPROJEC la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la S.A.R.L. Office National des Bars Tabac Presse aux entiers dépens.
La SCI [W] et la SNC SERCO demandent à la cour, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a
*jugé qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats l’attestation de [X] [E] et celle de [A] [O],
*jugé que l’immeuble vendu par la SCI BPROJEC à la SCI [W] est affecté d’un vice caché préexistant à la vente, dont la SCI BPROJEC avait nécessairement connaissance,
* jugé que la SARL ONBTP a manqué à son obligation d’information et de conseil à l’égard de la SCI [W]
*condamné la SCI BPROJEC à payer à la SCI [W] au titre des travaux de remise la somme de 29.077,32 euros TTC avec intérêts au taux légal depuis le 05 décembre 2019, date de l’assignation, soit : les travaux de mesures conservatoires selon facture de la SARL LESTRADE du 19 juin 2018 d’un montant de 1.782 euros TTC et les travaux de reprise de la charpente et de réfection de la couverture selon factures de la SARL LESTRADE du 28 février 2020 d’un montant de 27.295,32 euros,
*condamné la SCI BPROJEC à régler à la SNC SERCO la somme de 3.000,00 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
* condamné in solidum la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP à payer à la SCI [W] et à la SNC SERCO la somme de 2.000,00 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
*condamné la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP aux entiers dépens y compris aux dépens de référé et aux frais de l’expertise judiciaire.
– infirmer le jugement dont appel, si la cour rejetait la responsabilité de la SCI BPROJEC pour vices cachés, réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté les parties du surplus de leur demande et statuant à nouveau :
* à titre principal : dire que la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP ont manqué à leur obligation d’information vis-à-vis de la SCI [W] ; constater que le défaut d’information et de conseil est en lien direct et certain avec les vices constatés,
* à titre subsidiaire : dire que la SCI BPROJEC a commis un dol au préjudice de la SCI [W],
* en tout état de cause :
-condamner la SCI BPROJEC à payer à la SCI [W] au titre des travaux de remise la somme de 29.077,32 euros TTC avec intérêts au taux légal depuis le 05 décembre 2019, date de l’assignation, soit : Les travaux de mesures conservatoires selon facture de la SARL LESTRADE du 19 juin 2018 d’un montant de 1.782 euros TTC ; Les travaux de reprise de la charpente et de réfection de la couverture selon factures de la SARL LESTRADE du 28 février 2020 d’un montant de 27.295,32 euros,
– condamner la SCI BPROJEC à régler à la SNC SERCO la somme de 3 000,00 euros en réparation de son préjudice de jouissance,
– condamner in solidum la SCI BPROJEC à payer à la SCI [W] et à la SNC SERCO la somme de 2.000,00 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
– condamner la SCI BPROJEC aux entiers dépens y compris aux dépens de référé et aux frais de l’expertise judiciaire.
– infirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a condamné la SARL ONBTP à payer à la SCI [W] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’indemnisation de cette perte de chance et statuant à nouveau :
– condamner in solidum la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP à payer à la SCI [W] au titre des travaux de remise la somme de 29.077,32 € TTC avec intérêts au taux légal depuis le 05/12/2019, date de l’assignation, soit : Les travaux de mesures conservatoires selon facture de la SARL LESTRADE du 19/06/2018 d’un montant de 1.782 € TTC ; Les travaux de reprise de la charpente et de réfection de la couverture selon factures de la SARL LESTRADE du 28/02/2020 d’un montant de 27.295,32 €
– condamner in solidum la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP à payer à la SCI [W] et à la SNC SERCO la somme de 2.000 € chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
– condamner la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP aux entiers dépens y compris aux dépens de référé et aux frais de l’expertise judiciaire.
– en tout état de cause, en appel :
– condamner en cause d’appel la SCI BPROJEC et la SARL ONBTP à régler à la SCI [W] la somme de 3.000,00 euros et à la SNC SERCO la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCI BPROJEC et la SARL OBNTP aux entiers dépens d’appel.
La SARL ONBT a constitué avocat et n’a pas conclu.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
1- Sur les attestations de Mme [S] et de M. [O] :
La SCI BPROJEC sollicite le rejet des attestations de Mme [S] et de M. [O]. Elle soutient que l’attestation de Mme [S] n’est pas de sa main, qu’elle a fait une faute dans la retranscription du nom de son employeur, sur sa propre date de naissance, et relate des faits qu’elle n’a pas déclarés à sa compagnie d’assurance.
Cependant la SCI BPROJEC a porté plainte contre Mme [S] qui a été entendue par les gendarmes. Les sociétés intimées produisent la procédure pénale, après autorisation du procureur de la République. Mme [S] réitère ses déclarations devant les gendarmes après avoir exposé clairement les relations qu’elle entretenait avec les vendeurs et la mairie son employeur principal. Elle a réitéré qu’elle était l’auteur de l’attestation et l’exactitude de son attestation en justifiant auprès des gendarmes et sur leur demande qu’elle était bien employée par la venderesse. Mme [S] a établi une attestation complémentaire développant sa première attestation et ses déclarations devant la gendarmerie et les circonstances dans lesquelles son témoignage lui a été demandé.
Les éléments complémentaires portés à la connaissance de la cour permettent de confirmer le jugement en ce qu’il a refusé de rejeter l’attestation de Mme [S], les erreurs sur la date de naissance et le nom de l’employeur sont sans emport, de même que l’absence d’une trace comptable d’un salarié non déclaré, dès lors que les faits relatés sont confirmés au cours de la procédure pénale.
Il est reproché à M. [O] d’avoir établi une attestation alors qu’il était partie au procès. Poursuivi par la venderesse, il a écrit au président du tribunal pour voir retirer son attestation, mais interrogé par le président à l’audience de référés à laquelle a avait comparu en personne et sans être assisté, il a confirmé qu’il était intervenu à une à une reprise pour réaliser des opérations de réfection sur la toiture.
Ses déclarations orales devant le président du tribunal juge des référés permettent de retenir que les faits déclarés dans son attestation sont établis en ce qu’ils sont confirmés par lesdites déclarations.
2- Sur le vice caché pour l’acquéreur :
Aux termes de l’article 1641 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même (1642). Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie (1643). Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix (1644). Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur (1645). Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix, et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente (1646).
L’expert d’assurance relève dans son rapport du 13 mars 2018 que lors de sa visite des combles, il constate qu’un élément de la charpente assemblée est cassé, que plusieurs éléments de cette charpente sont dégradés (pourris) ; au niveau de la couverture en tuiles la présence de petits amas de mousse expansive et sur le sol la présence de deux bombes de mousse expansive ; il précise que pour l’instant les infiltrations d’eau n’ont occasionné aucun dommage mais qu’il est urgent d’intervenir sur la couverture et la charpente tant pour stopper les infiltrations d’eau que pour sécuriser la charpente qui présente des points de faiblesse.
Ces faits sont confirmés par l’expert judiciaire qui relève la vétusté de la toiture de tuiles plates avec des défauts de planéité très importants. Il précise que la charpente de cet immeuble peut être conservée après reprise des éléments défectueux, par contre, la couverture dans son état nécessite une réfection complète ainsi que les ouvrages en zinc. Il confirme la présence de la mousse expansive et des bombes dont il ne peut tirer aucun renseignement utile. La charpente n’est pas plane et des affaissements sont visibles et datent de plusieurs années.
Les désordres relevés constituent des vices de la chose vendue. Elles portent sur la toiture et la charpente qui assurent le clôt et le couvert de l’immeuble vendu qui n’est plus assuré dès lors que la toiture est fuyarde et la charpente pour partie pourrie. Ces vices qui causent des infiltrations d’eau importantes, rendent la chose vendue à courte vue impropre à sa destination, l’exploitation d’un commerce.
La gravité des vices est confirmée tant par les experts que par les artisans intervenus pour conforter le bâtiment (exemple : assemblages tenons mortaises désassemblés ayant entraîné un affaissement de la toiture).
Le défaut de planéité de la toiture, visible de l’extérieur ne laisse pas présager de l’état de la charpente et du caractère fuyard de la couverture, qui ne peuvent être vérifiés que par une visite des combles.
Ces vices de la charpente n’ont été découverts qu’à l’occasion de la visite des combles perdus de l’immeuble. Lors de leur visite du bien avant la vente les acquéreurs n’ont eu accès qu’à la parties aménagée des combles de l’immeuble, tout comme le diagnostiqueur, qui a sollicité en vain une autorisation de la venderesse d’accéder aux combles perdus.
Il ressort du constat d’huissier et des rapports d’expertise qu’il n’existait pas d’accès aux combles perdus au jour de la vente, et que l’accès aux dits combles n’a été possible qu’après démontage des plaques d’isolation des combles aménagés. En outre ces combles perdus n’étaient éclairés par aucun vasistas.
Ainsi dès lors que le vice n’a pu être révélé qu’après l’intervention d’un technicien et ne pouvait se révéler à l’occasion de vérifications immédiates et d’investigations normales par un simple particulier, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que le vice affectant l’immeuble était caché pour l’acquéreur.
3- Sur la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés :
L’acte de vente comporte une clause d’exclusion de la garantie des vices cachés : l’acquéreur prend le bien dans l’état où il se trouve au jour de l’entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents, des vices cachés. La clause précise que s’agissant des vices cachés, cette exonération de garantie ne s’applique pas s’il est prouvé par l’acquéreur dans les délais légaux que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.
Il est établi par les attestations de Mme [S] et de M. [O] dont la force probante a été examinée plus haut, que la venderesse connaissait dès avant la vente, le caractère fuyard de la toiture, en raison d’une au moins précédente inondation, suffisamment importante pour que l’eau pénètre jusqu’à l’escalier de la maison ; et de l’envoi d’un maçon sur la toiture pour une réparation locale et provisoire de la toiture, avec la pose selon l’expert d’une plaque de zinc inadaptée.
Il apparaît en outre que la venderesse n’a pas autorisé le diagnostiqueur à visiter les combles perdus, siège des désordres. Enfin l’absence de déclaration de sinistre par la venderesse à sa compagnie d’assurance à l’occasion d’inondations ne démontre pas l’absence d’infiltrations d’eau.
Il en résulte que la venderesse connaissait, dès avant la vente, le vice caché au sens de l’article 1641 du code civil, dont était affecté l’immeuble qu’elle vendait.
Au vu de ces éléments, c’est à bon droit que le premier juge a retenu que la venderesse connaissant l’existence du vice affectant l’immeuble ne pouvait se prévaloir de la clause contractuelle de non garantie des vices cachés.
Il en résulte qu’il est établi que l’immeuble acquis par la SCI [W] était affecté de vices cachés dont la SCI BPROJEC avait connaissance et qui diminuaient tellement l’usage de l’immeuble que la SCI [W] ne l’aurait pas acheté ou en aurait donné un moindre prix si elle les avait connus.
C’est donc à bon droit que le premier juge en application de l’article 1644 du code civil a condamné la SCI BPROJEC à payer les travaux de remise en état de la toiture et de la couverture.
L’expert chiffre le montant de la reprise de la charpente et de la couverture à la somme de 25.933,71 euros TTC dans son rapport du 12 juin 2019. La SARL LESTRADE a facturé une reprise des désordres pour un montant de 27.295,32 euros. La SCI [W] réclame en outre la prise en charge des mesures conservatoires pour une somme de 1.782,00 euros. La comparaison entre l’évaluation figurant au rapport d’expertise et la facture de la SARL LESTRADE établit que la différence de chiffrage est justifiée par des travaux qui apparaissent nécessaires à la réfection des désordres au moment où ils sont entrepris.
Au vu de ces éléments, le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la SCI BPROJEC à payer à la SCI [W] la somme de 29.077,32 euros TTC.
Le jugement est confirmé sur ce point.
4- Sur le préjudice de jouissance de la SNC SERCO :
La SNC SERCO exploit le commerce de bar tabac sis dans l’immeuble affecté d’un vice caché qui provoque une inondation de son fonds en cas de fortes pluies et pour la réparation duquel il a été nécessaire de poser un grand filet vert afin de prévenir la chute des tuiles du toit.
Les infiltrations d’eau en cas de fortes pluies causent un préjudice à l’exploitant du fonds de commerce installé dans l’immeuble litigieux. La pose de ce filet sur la toiture était nécessaire l’expert ayant relevé que les tuiles commençaient à tomber en raison du mauvais état des liteaux qui cèdent et cassent. Elle cause un préjudice commercial à la SNC SERCO dont la clientèle peut être dissuader de fréquenter l’établissement en raison du risque de chute des tuiles ainsi mis en évidence.
Au vu de ces éléments c’est à bon droit que le premier juge a condamné la SCI BPROJEC à indemniser la SNC SERCO à concurrence de 3.000,00 euros.
Le jugement est confirmé sur ce point.
5- Sur la faute de la SARL ONBTP :
La SARL ONBTP est intervenue pour la vente de l’immeuble litigieux à la SCI BPROJEC en 2011 et intervient à nouveau pour la vente de ce même bien en 2017 par la SCI BPROJEC à la SCI [W] et à la SNC SERCO.
La SCI [W] sollicite la condamnation in solidum de la SARL ONBTP et de la SCI BPROJEC en paiement des travaux de remise en état, et la SCI BPROJEC demande à être relevée et garantie des condamnations prononcées contre elle en se prévalant d’une faute de l’agent immobilier dans son obligation de conseil vis à vis du vendeur comme de l’acquéreur.
L’expert relève que l’agent immobilier bien que non professionnel de la construction ne pouvait rester indifférent à l’état visible de la toiture qui présentait une grande vétusté et des affaissements importants et se devant de solliciter de son mandant vendeur l’intervention d’un homme de l’art sur la nature des travaux à envisager.
Il apparaît que la SCI BPROJEC a commis une faute personnelle en ne permettant pas aux intervenants à l’opération de pénétrer dans les combles perdus pour un examen de la charpente siège du vice caché. Ainsi le diagnostiqueur n’a pu examiner lesdits combles, et ce, alors qu’au cours de sa période de possession de l’immeuble ladite SCI avait subi des inondations imputables aux infiltrations affectant la couverture et qu’elle avait fait procéder à une réparation de fortune par M. [O].
La SCI BPROJEC ne peut donc reprocher à la SARL ONBTP agent immobilier ayant procédé aux précédentes ventes de l’immeuble et du fonds de commerce un manquement à son obligation de conseil de nature à engager sa responsabilité à hauteur de la réparation du vice caché retenu ci dessus.
La demande de la SCI BPROJEC de ce chef est donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Vis à vis de la SCI [W], l’agent immobilier a un devoir de conseil, l’obligeant à s’assurer de la réalisation effective de l’opération qui s’apprécie in concreto.
La toiture présentait une grande vétusté et des affaissements importants qui devaient retenir l’attention du mandataire. Cependant, il a été vu plus haut que le vice affectant cette toiture, consistant en un défaut d’étanchéité distinct de la vétusté et des affaissements, a été qualifié de vice caché. Il n’était donc pas apparent pour l’agent immobilier. En outre, ce vice était connu du vendeur qui a ainsi commis une fraude vis à vis de l’agent comme de l’acquéreur, en dissimulant un élément déterminant pour les acquéreurs, et occulté au mandataire.
Ainsi le manquement de l’agent immobilier à son devoir de conseil consiste à ne pas avoir attiré l’attention de l’acquéreur, au vu de l’état de la toiture, sur l’absence d’accès aux combles perdus, et sur le refus du vendeur de permettre au diagnostiqueur d’y accéder ainsi que cela ressortait du diagnostic nécessairement porté à sa connaissance,
Ce manquement ne peut conduire à imputer à l’agent immobilier la réparation d’un vice caché qu’il ne connaissait pas, mais constitue pour la SCI une perte de chance de faire réaliser les investigations complémentaires nécessaires, ou de faire baisser le prix pour tenir compte des travaux à réaliser comme l’a justement analysé le premier juge.
Le jugement est confirmé sur ce point et le juge a justement réparé le préjudice résultant de ce manquement par l’allocation d’une somme de 2.000,00 euros à titre de dommages intérêts.
3- Sur les demandes accessoires :
La SCI BPROJEC succombe, elle supporte les dépens d’appel, augmentés d’une somme de 3.000,00 euros au bénéfice des SCI [W] et SNC SERCO prises en leur ensemble, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS.
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Dans la limite de sa saisine
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Condamne la SCI BPROJEC à payer aux SCI [W] et SNC SERCO prises en leur ensemble la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SCI BPROJEC aux entiers dépens d’appel .
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,