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ARRÊT DU
29 Mars 2023
JYS / NC
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N° RG 22/00056
N° Portalis DBVO-V-B7G -C6Y3
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[A] [T]
C/
[J] [Z] [P]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 141-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Madame [A] [T]
de nationalité française
Domiciliée : Chez M. [F] [T]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Céline PASCAL, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Nicolas MASSON, avocat plaidant au barreau de TARN-ET-GARONNE
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 14 décembre 2021, RG 20/00547
D’une part,
ET :
Madame [J] [Z] veuve [P]
née le 1ER mai 1966 à [Localité 7]
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Hélène GUILHOT, membre de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Charline BELIN de la SELARL LEXCAP, substituée par Me Sophie BEUCHER, avocate plaidante au barreau d’ANGERS
INTIMÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 11 janvier 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
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FAITS
Le cheval de concours ‘Alpha de Preuilly’ a été détenu dans un accord dit ‘tous frais tous gains’ avec Mme [A] [T] par le cavalier [Y] [P] pour l’entraîner et concourir entre début 2016, à l’âge de 6 ans, et août 2017, où [Y] [P] est décédé alors que le cheval a gagné des grands prix. La fiche d’information au service d’identification et de recherche des équidés (SIRE) de l’Institut français du cheval et l’équitation (IFCE) indique une copropriété entre Mme [A] [T] et Mme [J] [Z] veuve [P] dans la proportion de 80/20. Cette dernière a voulu revendre amiablement à Mme [A] [T] le cinquième de la valeur alléguée de 500 000 euros dudit cheval mais Mme [T] en a revendiqué l’entière propriété.
Suivant acte d’huissier délivré le 18 février 2020, Mme [R] [Z]-[P] a fait assigner Mme [R] [T] devant le tribunal judiciaire d’Agen pour ordonner sur le fondement des articles 815 et suivants du code civil, la sortie d’indivision par adjudication ‘d’Alpha de Preuilly’ et la liquidation des droits des parties sur la base de 20 % à elle-même.
Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal, ayant déclaré irrecevable la demande de Mme [J] [Z]-[P] tendant à obtenir la suppression des propos injurieux et insultants contenus dans les conclusions du 15 mars 2021 établies par Mme [A] [T], à :
– constaté que Madame [J] [Z]-[P] est propriétaire du cheval ‘Alpha de Preuilly’ à hauteur de 20 %,
avant dire droit :
– ordonné une expertise judiciaire,
– désigné pour y procéder M. [C] [U] à [Localité 5] (Lot) ayant pour mission de : se faire communiquer tous documents utiles à la résolution du litige, notamment relatifs audit cheval, examiner ledit cheval, le décrire, décrire ses performances passées, décrire ses perspectives de gains et déterminer sa valeur,
– réservé l’ensemble des autres demandes.
PROCÉDURE
Par déclaration au greffe, Mme [R] [T] a fait appel des chefs du dispositif déclarant que Mme [Z] [P] est propriétaire du cheval à hauteur de 20 %, ordonnant une expertise, réservant les demandes, le 19 janvier 2022 ; elle a intimé Mme [R] [Z]-[P].
Pour débouter Mme [T] de sa prétention à l’entière propriété, le tribunal a jugé que les pièces fournies par Mme [Z] : attestation des ex-Haras nationaux de copropriété et fiches identiques de la Fédération française d’équitation dans la proportion de 80/20 sont plus probantes que les témoignages en sa faveur qui ne relatent que l’usage général d’inscrire le nom du cavalier valorisant l’animal pour lui garantir une commission de 20 % de son prix lors de la revente, sans modifier les droits de propriété.
Selon conclusions visées au greffe le 1er mars 2022, Mme [R] [T] demande, en infirmant le jugement, de :
– déclarer qu’elle est seule propriétaire du cheval ‘Alpha de Preuilly’,
– débouter Mme [R] [Z]-[P] de toutes ses demandes,
– condamner Mme [R] [Z]-[P] à lui payer 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [R] [Z]-[P] aux entiers dépens de l’instance et pour ceux de première instance, y compris les frais d’expertise.
L’appelante expose qu’il était convenu de rémunérer [Y] [P] à hauteur de 20 % du prix de vente pour limiter son risque financier et d’inscrire son nom sur le certificat d’immatriculation du cheval seulement pour lui garantir cette commission par l’acquéreur. Elle fait valoir que les indications de l’Institut français du cheval et l’équitation ne valent qu’une présomption simple de propriété et qu’il manque à Mme [Z] la bonne foi dans la possession ; elle n’était que propriétaire de l’écurie avec son défunt mari, elle ne fournit aucune prestation de soins en nature ni en argent, elle a fait retirer ‘Alpha de Preuilly’ à [Y] [P] en menaçant d’ouvrir son box en août 2017, juste avant sa disparition, pour l’obliger à le reprendre.
Selon conclusions visées au greffe le 30 mai 2022, Mme [A] [Z] veuve [P] demande de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et notamment qu’elle est propriétaire du cheval à hauteur de 20 %,
– condamner Mme [R] [T] à verser 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure pénale,
– condamner Mme [R] [T] aux entiers dépens de l’instance.
L’intimée expose que son mari lui avait donné la valeur de sa part pour la protéger financièrement de la maigreur des gains des courses gagnées nets de la pension et l’entretien du cheval et qu’elle l’a fait inscrire au fichier du Service d’identification et de recherche des équidés de l’Institut français du cheval et de l’équitation ; feu [Y] [P] ayant quitté l’écurie à la suite d’une dépression, elle a fait recueillir ‘Alpha de Preuilly’ provisoirement en son absence. Elle fait valoir que Mme [T] l’a confié à un cavalier sans son accord et elle est donc de mauvaise foi, que sa propre inscription sur le certificat d’immatriculation vaut présomption légale de preuve de sa part de propriété et le principe ‘qu’en fait de meubles, possession vaut titre’ ne s’applique pas.
La clôture de l’instruction de la procédure a été ordonnée le 27 octobre 2022.
MOTIFS
1/ sur la propriété :
L’article L. 211-19 du code rural et de la pèche maritime sur l’obligation de déclaration par les propriétaires pour l’identification de leur équidé, dispose :
” Les propriétaires d’équidés et de camélidés sont tenus de les faire identifier selon un procédé agréé conformément aux dispositions réglementaires prévues à l’article L. 212-11. Tout changement de propriété d’un équidé ou d’un camélidé doit être déclaré à l’Institut français du cheval et de l’équitation par le nouveau propriétaire. Les détenteurs d’équidés et de camélidés sont tenus de se déclarer auprès de cet établissement dans des conditions définies par décret.
L’Institut français du cheval et de l’équitation s’assure du respect des règles d’identification et de déclaration prévues à l’alinéa précédent. Il est chargé de la tenue du fichier national des équidés et délivre aux propriétaires les documents d’identification obligatoires”.
La correspondance du 22 janvier 2020 du SIRE précise : “‘ les propriétaires enregistrés dans notre base de données à ce jour, sont Mme [T] à 80 % et Mme [Z] à 20 %. Néanmoins, cet équidé a pu être vendu sans que nous en soyons avisés…’. Quoique légale comme édictée en application du code ci-dessus, la présomption n’est donc pas absolue, elle ne dispense pas de prouver la possession quand la propriété est contestée et la preuve contraire à l’indication du fichier n’est pas irrecevable.
Mme [Z] ne communique pas le contrat ‘tous frais tous gains’ de feu [Y] [P] avec Mme [T] ni aucune trace d’un accord informel entre les trois parties, elle ne prouve pas une possession antérieure à 2017 par une participation au prorata du cinquième des charges des soins à ‘Alpha de Preuilly’ ni une participation aux prises de décisions concernant ses engagements et ses performances et elle n’exerce plus aucune possession depuis août 2017 dans les circonstances suivantes :
“Je certifie que suite à la crise de delirium de [Y] [P]
Son épouse nous a avisé de venir récupérer les chevaux
Elle refusait de s’en occuper
J’ai demandé son accord préalable à l’enlèvement
Et l’assurance qu’elle donnerait les livrets des chevaux
Ce qui a été fait
Peu de jours après M. [P] a mis fin à ses jours
C’est moi qui ai averti la famille [T] de la situation
‘
A [Localité 6] le 3 octobre 2020 [G] [E]”.
Le cavalier M. [K] [M], détenteur actuel de ‘Alpha de Preuilly’, atteste : “J’ai récupéré le cheval à la valorisation après que Mme [Z] ait demandé à Mme [T] de retirer Alpha de Preuilly des écuries de [Y] [P]. Je n’ai jamais eu affaire à Mme [Z] en sa prétendue qualité de propriétaire. Mme [Z] n’a jamais réglé un quelconque prorata de frais de pension ou de travail sur le cheval. En ma qualité de professionnel, valorisant des chevaux, le cheval m’a été confié par Mme [T] ‘tous frais tous gains’. Cela me permet de percevoir une commission plus importante lors de la revente du cheval mais aucunement la qualité de propriétaire du cheval”.
Mme [Z] ne démontre pas sa co-propriété par la seule allégation de la volonté de son défunt mari dans le cadre d’une coutume contestée au contrat de valorisation, en l’absence de toute trace écrite ni verbale à l’appui des certificats à l’Institut français du cheval et de l’équitation et à la Fédération française d’équitation qui sont insuffisants. La demande fondée sur la seule présomption de propriété audits certificats ne peut pas prospérer.
La demande n’est pas fondée et il en résulte que Mme [R] [T] est seule propriétaire de ‘Alpha de Preuilly’.
L’action en partage d’indivision sera rejetée.
Le jugement sera infirmé.
2/ sur les dépens :
Mme [R] [Z] qui succombe en appel, les supportera en application de l’article 696 du code de procédure civile, y compris les frais d’expertise en première instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Jugeant à nouveau,
Déboute Mme [J] [Z] de son action en partage d’indivision de la propriété du cheval ‘Alpha de Preuilly’,
Dit que Mme [A] [T] est seule propriétaire du cheval ‘Alpha de Preuilly’,
Condamne Mme [J] [Z] aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise,
Y ajoutant,
Condamne Mme [J] [Z] aux entiers dépens d’appel,
Condamne Mme [J] [Z] à payer à Mme [A] [T] 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,