Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 29 mars 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00041

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 29 mars 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00041
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ARRÊT DU

29 Mars 2023

AB/CR

———————

N° RG 22/00041

N° Portalis

DBVO-V-B7G-C6WT

———————

S.A. BPCE IARD

C/

[K] [B],

S.A.S. MIDI AUTO 46

——————

GROSSES le

à

ARRÊT n° 134-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

Section commerciale

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

SA BPCE IARD

RCS de NIORT : 401 380 472

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Amélie TINTILLIER, avocat au barreau du LOT

APPELANTE d’un Jugement du Tribunal de Commerce de CAHORS en date du 15 Décembre 2021, RG 2020001770

D’une part,

ET :

Monsieur [K] [B]

né le 22 Juin 1987 à [Localité 6] (GUADELOUPE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Nezha FROMENTEZE, membre de la SERARL FROMENTEZE avocate au barreau du LOT

S.A.S. MIDI AUTO 46

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Céline BRANCO, avocate postulante inscrite au barreau du LOT et par Me Cédric PARILLAUD, avocat plaidant inscrit au barreau de BRIVE

INTIMÉS

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 Janvier 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

EXPOSÉ DU LITIGE.

Vu l’appel interjeté le 14 janvier 2022 par la SA BPCE IARD à l’encontre d’un jugement du tribunal de commerce de CAHORS en date du 15 décembre 2021.

Vu les conclusions de la SA BPCE IARD en date du 23 novembre 2022.

Vu les conclusions de Monsieur [K] [B] en date du 16 novembre 2022.

Vu les conclusions de la SAS MIDI AUTO 46 en date du 6 juillet 2022.

Vu l’ordonnance de clôture du 23 novembre 2022 pour l’audience de plaidoiries fixée au 9 janvier 2023.

——————————————

Monsieur [K] [B] est entrepreneur individuel et exerce une activité de nettoyage et d’entretien de véhicules automobiles sous l’enseigne So Fresh So Clean.

La société Midi Auto 46, qui est concessionnaire de la marque Citroën dans le Lot, a confié à M. [B] le nettoyage de son parc automobile.

Durant l’été 2017, La SAS MIDI AUTO 46 a constaté des désordres sur les carrosseries de six véhicules ayant fait l’objet de nettoyage par M. [B] et qui avait éte salis par du miellat provenant des platanes de l’avenue longeant la concession. Une expertise amiable a été diligentée. Elle indique que l’origine des désordres provient d’un défaut d’utilisation du produit de nettoyage ainsi que d’un défaut de rinçage. Monsieur [B] a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur BPCE IARD qui dans le cadre de sa garantie a réglé le sinistre.

En 2018, alors que la relation contractuelle entre M. [B] et la société Midi Auto 46 a perduré, de nouveaux désordres concernant 24 véhicules également touchés par du miellat de platane et nettoyés par M. [B] sont constatés. Midi Auto a mandate 1e cabinet Fontes en vue d’organiser une expertise technique amiable à laquelle M. [B] a assisté. Le rapport conclut que le produit utilisé par M. [B] est à l’origine des dommages et M. [B] ne conteste pas que le produit soit en cause.

Suite au dépôt de ce rapport, l’assureur de la SAS MIDI AUTO 46, Juridica, a mis en demeure en novembre et décembre 2019 M. [B] d’indemniser le dommage à hauteur de 59.600,74 euros.

Par lettre en date du 6 février 2020, la compagnie d’assurance BPCE IARD informait M. [B] que, si elle avait garanti le sinistre de 2017, elle ne garantissait pas le second sinistre des lors que M. [B] avait utilisé le même produit qui avait provoqué les mêmes dommages.

Dans un courrier en réponse du 20 avril 2020, M. [B] explicitait les différences de conditions de traitement entre les deux sinistres et en soulignait le caractère aléatoire.

Par acte d’huissier en date du 12 octobre 2020, la société MIDI AUTO 46 a assigné M. [K] [B] en paiement de la somme de 66.818,60 euros en réparation de son préjudice outre une somme de 2.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 12 janvier 2021 M. [K] [B] a appelé en cause son assureur la société BPCE LARD.

Par jugement en date du 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de CAHORS a notamment :

– dit que la responsabilité contractuelle de M. [B] (SO FRESH SO CLEAN) dans la survenance des dommages est engagée et l’a condamné à la réparation du préjudice subi par la société MIDI AUTO 46,

– fixé le montant du préjudice a la somme HT de 49 661,31 euros ;

– condamné la société BPCE IARD à relever indemne M. [B] (SO FRESH SO CLEAN) au titre de sa garantie d’assurance ;

– en conséquence, condamné la société BPCE IARD à payer à la société MIDI AUTO 46 la somme de 49 661,31 euros ;

– condamné la société BPCE IARD à verser, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 2.000,00 euros a la société MIDI AUTO 46 et la somme de 2 000 euros à M. [B]

– débouté la société MIDI AUTO 46 et M. [B] (SO FRESH SO CLEAN) du surplus de leur demande ;

– ordonné l’exécution provisoire du jugement ;

– condamné la société BPCE IARD aux entiers dépens.

Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel.

La BPCE IARD demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris,

-dire qu’en l’absence d’aléa la garantie de BPCE IARD n’est pas acquise.

– juger que M. [B] est responsable d’une faute dolosive.

– en conséquence, exclure la garantie de BPCE IARD dans le sinistre.

– débouter Monsieur [K] [B] de son recours en garantie contre BPCE IARD.

– le débouter de l’ensemble de ses demandes,

– débouter la SAS MIDI AUTO 46 de ses demandes dirigées contre BPCE IARD.

– condamner M. [B] au paiement de la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– le condamner aux entiers dépens.

La BPCE IARD fait valoir que :

– le contrat d’assurance est un contrat aléatoire. En employant dans les mêmes conditions à quelques mois d’intervalle un produit responsable d’un premier sinistre, le second sinistre était inévitable et l’aléa avait disparu, le contrat d’assurance était donc nul.

– l’assuré a commis une faut dolosive en ce que le nouvel emploi sciemment du produit litigieux a rendu inéluctable la réitération de la réalisation du dommage ; la faute dolosive est exclue de la garantie offerte par le contrat d’assurance

M. [B] demande à la cour de :

– à titre principal

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit que sa responsabilité contractuelle dans la survenance des dommages est engagée.

– condamné Monsieur [B] à la réparation du préjudice subi par la société MIDI AUTO 46

– juger à nouveau et

– débouter la société SAS MIDI AUTO 46 de l’intégralité de ses demandes ;

– débouter la SA BPCE IARD de l’intégralité de ses demandes

– à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– en tout Etat de cause condamner la SAS MIDI AUTO et la société BPCE IARD à lui payer chacune, la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il faut valoir que :

– il n’est pas tenu d’une obligation de résultat : il n’a commis aucune faute dans l’emploi du produit litigieux, il a utilisé un produit adapté au nettoyage des véhicules, et plus spécifiquement adapté aux taches de résine issues des platanes. Ce sont davantage les conditions d’utilisation, notamment celles de séchage et d’entreposage, qui sont susceptibles d’intensifier le pouvoir corrosif du détergent, en particulier sur les métaux.

– la société midi auto fait toujours appel à ses services pour le nettoyage des véhicules, elle est donc satisfaite de ses prestations exécutées avec le même produit.

– les dommages sont causés par la sève des platanes attaqués par le corythuca, sans l’intervention du produit incriminé, le nettoyage n’est pas la cause de la détérioration des véhicules.

– la société MIDI AUTO 46 surestime le montant de son préjudice, elle a procédé elle-même aux réparations

– le dommage à l’occasion du nettoyage n’était ni inéluctable ni systématique, l’aléa demeure et la garantie est acquise ; il conteste avoir commis une quelconque faute dolosive.

La SAS MIDI AUTO 46 demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner M. [B] à lui payer la somme de 66.818,60 euros en réparation de son préjudice

– statuer ce que de droit sur l’appel en cause de la Société BPCE IARD

– condamner M. [B] ou toute autre partie succombante au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Elle fait valoir que M. [B] était tenu d’une obligation de résultat, le lien de causalité entre le dommage et l’intervention de M. [B] est établi par le rapport d’expertise ; le préjudice a été évalué contradictoirement.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

1- Sur la responsabilité de M. [B] :

Aux termes de l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

Aux termes de l’article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce la SAS MIDI AUTO 46 a confié le nettoyage de ses véhicules à M. [B] qui était tenu d’une obligation de résultat.

Les véhicules ont été restitués avec une carrosserie endommagée. Elles présentent des auréoles et zones blanches sur les coulisses de vitres et les lèches vitres enjoliveurs de custodes enjoliveurs de portes.

Il ressort des rapports d’expertise que le préjudice résulte d’une mauvaise utilisation d’un produit de nettoyage par M. [B], le lien de causalité est établi

M. [B] ne rapporte par la preuve d’une cause de force majeure ayant empêché de réaliser le nettoyage des véhicules, et ces véhicules ayant été restitués dégradés à l’issue de l’intervention de M. [B], ce dernier est tenu de réparer le préjudice subi par la SAS MIDI AUTO 46.

Le préjudice subi a été évalué contradictoirement par l’expert amiable FONTES qui indique dans son rapport que M. [B] ne conteste pas que le produit qu’il a utilisé soit en cause et qu’il valide les frais de remise en état des véhicules expertisés.

M. [B] est donc condamné à payer à la SAS MIDI AUTO 46 la somme de 49.667,31 euros .

Le jugement est confirmé sur ce point.

2- Sur la garantie de la BPCE IARD :

– sur l’aléa :

M. [B] a souscrit auprès de la BPCE IARD une police d’assurance multirisque pro qui garantit sa responsabilité civile professionnelle en son article 7 rédigé dans les termes suivants : dans le cadre de vos activités professionnelles déclarées aux conditions particulières, lorsque votre responsabilité est engagée à l’occasion d’un sinistre, cette garantie permet de compenser financièrement les dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs subis par un tiers, tant pendant l’exécution d’une prestation, qu’après réception de vos travaux ou livraison de vos produits.

Le contrat stipule que sont exclues les réclamations fondées sur ou ayant pour origine une faute intentionnelle au sens de l’article L 113-1 du code des assurances ou une faute dolosive commise par l’assuré

En l’espèce, les véhicules de la société MIDI AUTO 46 exposés à l’extérieur sous des platanes ont reçu du miellat provenant de ces arbres attaqués par le corythuca en juin 2018. M. [B] dans son activité professionnelle déclarée au contrat d’assurance, a employé le produit TRIPLE ALIMENTAIRE dilué à l’eau. Apparaissent à la suite de ce nettoyage, des dommages sur les éléments de carrosserie et les enjoliveurs des véhicules.

Le produit employé est le détergent adéquat pour traiter les taches de miellat des platanes ainsi qu’il ressort des fiches techniques du produit TRIPLE ALIMENTAIRE de AUTOSMART produites aux débats.

La compagnie d’assurance dénie sa garantie au motif qu’en 2017 un sinistre de même nature était intervenu, qu’elle l’avait réparé, et que M. [B] a employé le même produit dans les mêmes conditions de sorte que l’aléa constitutif du contrat d’assurance a disparu ou que pour le moins il a commis une faute dolosive.

Aux termes de l’article 1964 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain et tel est le contrat d’assurance.

L’existence de l’aléa qui constitue l’essence même du contrat d’assurance, s’apprécie au jour de la conclusion du contrat.

En l’espèce, la compagnie fonde son déni de garantie sur l’absence d’aléa au jour du sinistre en raison de la survenance d’un précédent sinistre couvert par le même contrat d’assurance. Elle n’allègue pas l’absence d’aléa au jour de la conclusion du contrat.

En outre, il n’est pas établi que l’emploi du produit adéquat pour exécuter la prestation constituant l’activité normale de l’assuré supprime l’aléa.

BPCE IARD ne peut donc fonder un refus de garantie sur l’absence d’un aléa.

– sur la faute dolosive :

Aux termes de l’article L. 113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré.

Cette disposition est reprise dans les conditions générales de la police souscrite par M. [B].

Constitue une faute dolosive excluant la garantie de l’assureur le fait commis par l’assuré ayant pour effet rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire ainsi disparaître l’aléa.

En l’espèce M. [B] a utilisé un produit adapté – TRIPLE ALIMENTAIRE produit par AUTOSMART, hydroxyde de sodium, communément appelé soude caustique – pour exécuter sa prestation dans l’exercice régulier de son activité professionnelle.

Lors du premier sinistre il avait été estimé que le désordre résultait d’un défaut de rinçage combiné à une forte chaleur et à une exposition aux rayons du soleil.

Il est établi, au vu des déclarations des parties et d’une lettre de M. [B] du 20 avril 2020, qu’en 2018, tenant compte des faits de 2017, le nettoyage des véhicules s’est effectué tôt le matin et tard le soir pour éviter de les traiter en période d’exposition aux rayons du soleil.

M. [B] a donc modifié son procédé de nettoyage : tenant compte de l’expérience acquise en 2017, il a modifié les horaires de nettoyage pour ne pas soumettre les véhicules aux conditions ayant causé le sinistre de 2017.

Le nettoyage des véhicules dans de nouvelles conditions ne peut être qualifié de fait commis par l’assuré ayant pour effet rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire ainsi disparaître l’aléa.

Au vu de ces éléments, il apparaît qu’aucune faute dolosive au sens de l’article L 113-1 du code des assurances n’est établie de sorte que la garantie de la BPCE IARD est acquise à M. [B].

Le jugement est donc confirmé en toutes ses dispositions.

3- Sur les demandes accessoires :

La société BPCE IARD succombe, elle est condamnée aux dépens augmentés de la somme de 2.000,00 euros au bénéfice de M. [B] 1.500,00 euros au bénéfice de la SAS MIDI AUTO 46 en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Dans la limite de sa saisine

confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne la société BPCE IARD à payer à M. [B] la somme de 2.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société BPCE IARD à payer à la SAS MIDI AUTO 46 la somme de 1.500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la société BPCE IARD aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


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