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ARRÊT DU
29 Mars 2023
DB / NC
———————
N° RG 21/01108
N° Portalis DBVO-V-B7F -C6RK
———————
SA AXA FRANCE IARD
C/
[U] [W]
[M] [R]
[H] [V]
[Z] [D]
——————
GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 146-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SA AXA FRANCE IARD agissant en la personne de son Directeur Général actuellement en exercice domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Fabrice DELAVOYE, SELARL DGD Avocats, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 16 novembre 2021, RG 21/00427
D’une part,
ET :
Madame [M] [R]
née le 13 octobre 1983 à [Localité 5] (47)
de nationalité française
domicilié : [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Olivier O’KELLY substitué à l’audience par Me Laure O’KELLY, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN
et Me Jean-Jacques ROORYCK, Cabinet AEQUO, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX
Madame [U] [W]
née le 17 janvier 1985 à [Localité 10]
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 12]
[Localité 5]
représentée par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau d’AGEN
Madame [H] [V]
née le 17 février 1974 à [Localité 5] (47)
de nationalité française
domiciliée : [Adresse 6]
[Localité 4]
Monsieur [Z] [D]
né le 26 octobre 1974 à [Localité 9] (15)
de nationalité française
domicilié : Chez [T] [X]
[Adresse 1]
[Localité 7]
tous deux représentés par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau d’AGEN
INTIMÉS
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 janvier 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Cyril VIDALIE, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
FAITS :
Selon contrat du 11 janvier 2011, [Z] [D] et [H] [V], propriétaires d’un ancien chai situé “[Localité 11]” à [Localité 5] (47), ont confié à [M] [R], architecte, une mission de maîtrise d’oeuvre de la transformation de ce chai en maison d’habitation avec extension en bois pour la création d’une partie ‘jour’, comprenant les éléments suivants :
– projet de conception générale,
– assistance pour la passation des contrats de travaux,
– direction de l’exécution des contrats de travaux, visas inclus,
– assistance aux opérations de réception.
M. [D] et Mme [V] se sont réservés l’avant-projet et l’élaboration du dossier de permis de construire.
La déclaration d’ouverture de chantier a été déposée le 23 mai 2011.
Les lots suivants ont été confiés aux entreprises suivantes :
– maçonnerie, gros-oeuvre, charpente, couverture, menuiseries, placoplâtre : société GT Construction 47, assurée auprès de la SA Axa France IARD en vertu d’un contrat BT Plus à effet du 16 mars 2010,
– aménagement de la salle de bain : [P] [B],
– assainissement : société Toméo TP,
– électricité : [C] [L].
Les travaux ont fait l’objet d’une réception tacite sans réserve.
Par acte authentique du 4 août 2017, M. [D] et Mme [V] ont vendu la maison à [U] [W] pour un prix de 120 000 Euros, ainsi décrite dans l’acte de vente : maison individuelle de plein pied comprenant séjour/cuisine, dégagement, deux chambres, salle de bain, wc, garage avec terrain autour.
Le 26 février 2018, Mme [W] a fait constater par Me [J], huissier de justice, qu’il existait une humidité anormale en pied de cloisons outre divers autres désordres.
Elle a fait procéder à des prélèvements et analyses par le laboratoire SEMHV qui a mis en évidence la présence du champignon mérule dans le bois, notamment dans les planchers.
Mme [W] a alors cessé d’occuper l’immeuble.
Le 1er juillet 2019, elle a fait constater par Me [K], huissier de justice, la présence d’importantes dégradations des bois.
Saisi par Mme [W], par ordonnance du 3 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance d’Agen a ordonné une expertise des désordres confiée à [A] [S], architecte.
Cette expertise s’est déroulée en présence des parties suivantes : [H] [V], [Z] [D], [M] [R], Axa France IARD.
M. [S] a déposé son rapport définitif le 7 décembre 2020.
Il a constaté la présence du champignon lignivore mérule dans la partie ancienne de l’immeuble provoquant la destruction des planchers en bois, ayant pour origine des fautes commises par les constructeurs lors de l’opération de réhabilitation.
Il a indiqué que la solidité des ouvrages était compromise et chiffré le coût des réfections à 57 250,42 Euros TTC.
Par acte délivré les 24 mars et 25 mars 2021, Mme [W] a fait assigner à jour fixe Mme [R] et la SA Axa France IARD devant le tribunal de grande instance d’Agen afin d’être indemnisée des désordres qui affectent l’immeuble qu’elle a acheté.
Par acte du 28 juillet 2021, Mme [R] a appelé en garantie [Z] [D] et [H] [V].
La SA Axa France IARD a opposé que la société GT Construction 47, aujourd’hui disparue, avait conclu un contrat de construction de maison individuelle faisant l’objet d’une clause d’exclusion de garantie.
Par jugement rendu le 16 novembre 2021, le tribunal judiciaire d’Agen a :
– rejetant les demandes plus amples ou contraires,
– ordonné la jonction des procédures n° 21/01033 et 21/00427 sous le n° 21/00427,
– déclaré [M] [R] et la société Axa France IARD entièrement responsables des préjudices subis par [U] [W],
– condamné in solidum [M] [R] et la société Axa France IARD à payer à [U] [W] :
* la somme de 57 250,42 Euros en réparation de son préjudice matériel en ce comprenant les travaux réparatoires,
* la somme de 18 600 Euros en réparation de son préjudice de jouissance,
* la somme de 2 000 Euros en réparation de son préjudice moral,
– rejeté la demande d’appel en garantie formulée par [M] [R] à l’encontre de la société Axa France IARD,
– rejeté la demande d’appel en garantie formulée par [M] [R] à l’encontre de [Z] [D] et [H] [V],
– condamné [M] [R] et la société Axa France IARD aux dépens de l’instance,
– condamné in solidum [M] [R] et la société Axa France IARD à payer à [U] [W] la somme de 2 500 Euros au titre des frais irrépétibles,
– condamné [M] [R] à payer à [H] [V] et [Z] [D] la somme de 1 000 Euros au titre des frais irrépétibles,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Le tribunal a fait application de la garantie décennale de l’article 1792 du code civil ; estimé que l’architecte est responsable des désordres sur le fondement de ce texte ; que le fait que maître de l’ouvrage s’est réservé l’avant-projet n’avait aucun caractère exonératoire pour Mme [R] ; que la société GT Construction 47 avait omis de dénoncer à l’architecte les travaux à effectuer pour traiter les pieds de murs contre les infiltrations ; que le contrat souscrit avec cette société n’était pas un contrat de construction de maison individuelle faute qu’il contienne les mentions prévues à l’article L. 232-1 du code de la construction et de l’habitation, mais un contrat de louage d’ouvrage couvert par la garantie de la SA Axa France IARD ; que le préjudice matériel devait être fixé conformément au chiffrage de l’expert ; qu’il existait un préjudice de jouissance, Mme [W] ayant dû exposer des frais pour se loger ailleurs ; et un préjudice moral constitué par un syndrome anxio-dépressif.
Par acte du 21 décembre 2021, la SA Axa France IARD a déclaré former appel du jugement en désignant [U] [W], [M] [R], [H] [V] et [Z] [D] en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont :
– déclaré [M] [R] et la société Axa France IARD entièrement responsables des préjudices subis par [U] [W],
– condamné in solidum [M] [R] et la société Axa France IARD à payer à [U] [W] :
* la somme de 57 250,42 Euros en réparation de son préjudice matériel en ce comprenant les travaux réparatoires,
* la somme de 18 600 Euros en réparation de son préjudice de jouissance,
* la somme de 2 000 Euros en réparation de son préjudice moral,
– condamné [M] [R] et la société Axa France IARD aux dépens de l’instance,
– condamné in solidum [M] [R] et la société Axa France IARD à payer à [U] [W] la somme de 2 500 Euros au titre des frais irrépétibles,
– rejeté les demandes qu’elle présentait,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
La clôture a été prononcée le 5 décembre 2022 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 9 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 9 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA Axa France IARD présente l’argumentation suivante :
– Le contrat conclu avec la société GT Construction 47 est un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans :
* il n’existe pas de contrat écrit entre M. [D], Mme [V] et la société GT Construction 47, mais seulement une facture établie par cette société.
* ce contrat non écrit répond à la définition de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation : il porte sur un seul immeuble d’habitation pour la réalisation des lots menuiseries, gros-oeuvre, charpente, couverture, placoplâtre, c’est à dire la mise hors d’eau et hors d’air.
* cette société a démoli la chape en béton existante, réalisé une ossature bois, enlevé la porte métallique et les menuiseries, déposé la toiture, mis le sol à niveau, réalisé l’ouverture de la porte, reposé la charpente, isolé les murs, les tuiles et mis en place des ‘Velux’ électriques avec stores.
* son assurée, la société GT Construction 47, n’a pas déclaré l’activité de constructeur de maison individuelle qui, par conséquent, n’entre pas dans le champ de la garantie.
– Subsidiairement, la responsabilité de la société GT Construction 47 est limitée :
* l’expert n’a pas pris en compte le drain situé le long des murs enterrés qui n’a pas été réalisé conformément aux règles de l’art qui imposent la mise en place d’une étanchéité avec nappe drainante.
* ce drain a été mis en place par une personne intervenant à la demande de Mme [W] qui doit en supporter les conséquences.
* il existe aussi un problème de contrepente du trottoir également réalisée par cette dernière, et une absence d’étanchéité des joints périphériques de la baignoire.
* les travaux préconisés par M. [S] contiennent des améliorations : construction de deux murettes, réfection complète du second oeuvre sur la partie nuit, alors que seuls les parquets doivent être remplacés.
* les travaux de réfection doivent être limités à 24 450,42 Euros.
* la demande d’indexation sur l’indice BT 01 est irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel.
* la valeur locative ne peut excéder mensuellement 400 Euros compte tenu des particularités de la maison, soit un total de 12 400 Euros, et il n’existe aucun préjudice moral.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– réformer le jugement sur les points de son appel,
– requalifier le contrat de la société GT Construction 47 en contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan,
– dire que la garantie décennale souscrite par cette société auprès d’elle n’est pas mobilisable,
– rejeter les demandes présentées à son encontre par Mme [W],
– subsidiairement :
– déclarer la demande d’indexation des condamnations sur l’indice du coût de la construction présentée par Mme [W] irrecevable,
– réduire ses demandes et rejeter la demande formée au titre du préjudice moral,
– en tout état de cause :
– condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 3 000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [U] [W] présente l’argumentation suivante :
– La garantie décennale lui est due de plein droit par l’architecte et l’entreprise de gros-oeuvre :
* Mme [R] a été chargée d’une mission de maîtrise d’oeuvre allant de la conception de l’ouvrage jusqu’à réception des travaux.
* l’immeuble est impropre à sa destination.
* le fait que les maîtres de l’ouvrage ont établi l’avant-projet sommaire n’a aucun lien de causalité avec les désordres et il n’existe aucune immixtion fautive de leur part.
– Le contrat conclu avec la société GT Construction 47 est un contrat de louage d’ouvrage :
* la SA Axa France IARD assure les travaux de gros-oeuvre, maçonnerie et charpente réalisés par cette société.
* ce constructeur a été chargé de travaux de rénovation et réhabilitation d’un bâtiment existant et les travaux n’étaient pas sous sa surveillance, mais sous celle de l’architecte.
* subsidiairement, en cas de requalification, la SA Axa France IARD aurait engagé sa responsabilité délictuelle pour méconnaissance de son devoir d’information et de renseignement envers son assuré.
– Elle est gravement préjudiciée :
* elle doit être indemnisée par des sommes incluant la TVA.
* il faut ajouter aux calculs de l’expert le remplacement des cloisons qui sont atteintes d’une pathologie destructrice, l’expert ayant d’ailleurs mis un “‘” sur ce point dans son rapport, soit un total de 64 011,42 Euros en y ajoutant la réfection électrique induite.
* elle est également en droit de solliciter l’indexation sur l’indice BT 01 qui ne constitue pas une demande nouvelle, mais une demande accessoire, qui tient compte du fait nouveau que constitue l’inflation.
* elle a été contrainte d’être hébergée chez des proches jusqu’à l’été 2020, période où elle a dû réintégrer la maison avec son fils âgé de 10 ans, alors que le logement peut difficilement être chauffé.
* l’indemnisation du préjudice de jouissance doit être fixée jusqu’à la date de l’arrêt augmentée d’un délai de 11 semaines.
* elle subit également un état de stress qui a affecté sa santé.
Au terme de ses conclusions, (abstraction faite des multiples ‘dire et juger, constater’ qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions) elle demande à la Cour de :
– débouter la SA Axa France IARD de son appel et Mme [R] de son appel incident,
– confirmer le jugement sauf à condamner in solidum Mme [R] et la SA Axa France IARD en qualité d’assureur décennal à lui payer les sommes suivantes :
* 64 011,42 Euros au titre du préjudice matériel avec indexation sur l’indice BT 01,
* 31 800 Euros arrêtée au 1er juin 2022 au titre du préjudice de jouissance arrêté à juin 2022 puis 600 Euros par mois pendant 11 semaines après le prononcé de l’arrêt à intervenir,
* 10 000 Euros en réparation du préjudice moral,
* 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– subsidiairement :
– lui allouer les mêmes sommes au titre de la responsabilité délictuelle de la SA Axa France IARD et de la responsabilité contractuelle de Mme [R].
– les condamner aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
*
* *
Par conclusions d’intimés notifiées le 14 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [H] [V] et [Z] [D] présentent l’argumentation suivante :
– Ils ne peuvent être attraits par Mme [R] en vertu de la garantie décennale qui ne profite qu’au maître de l’ouvrage.
– Ils n’ont commis aucune faute envers l’architecte.
– Ils ne sont pas des professionnels de la construction, mais enseignants et se sont limités à l’avant-projet sommaire et aux documents du permis de construire qui n’ont aucun lien de causalité avec les désordres.
Au terme de leurs conclusions, ils demandent à la Cour de :
– confirmer leur mise hors de cause,
– condamner tout succombant à leur payer une nouvelle somme de 1 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
*
* *
Par conclusions d’intimée notifiées le 14 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [M] [R] présente l’argumentation suivante :
– Il existe une cause étrangère qui l’exonère de toute responsabilité :
* M. [D] et Mme [V] sont réputés constructeurs de l’ouvrage en application de l’article 1792-1 du code civil.
* ceux-ci ont activement participé à la construction en décidant de faire l’économie de l’avant-projet et du dossier de permis de construire, participant ainsi dès l’origine à la construction par le choix du projet.
* ils ont également fait poser un drain le long du mur exposé en surplomb postérieurement à la construction, ce qui prouve leur connaissance des problèmes d’humidité et initialement fait le choix de conserver l’immeuble sans démolition, acceptant ainsi l’absence de fondations, mettant l’architecte devant le fait accompli sur ce point.
* Mme [W] a fait réaliser un trottoir avec une contrepente qui renvoie l’eau contre la porte de la chambre.
* à tout le moins, M. [D] et Mme [V] devraient la relever indemne de toute condamnation.
– La garantie de la SA Axa France IARD lui est due :
* les désordres relèvent majoritairement de défauts d’exécution imputables à la société GT Construction 47.
* l’assureur de ce constructeur doit la relever indemne de toute condamnation.
– Les préjudices doivent être limités aux propositions de l’expert judiciaire.
– Il n’existe pas de préjudice moral.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– rejeter les demandes présentées à son encontre par [U] [W],
– subsidiairement :
– condamner M. [D] et Mme [V] ainsi que la SA Axa France IARD à la relever indemne de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre au titre de la garantie décennale,
– réduire les demandes de Mme [W] en limitant le préjudice de jouissance à 18 600 Euros et en rejetant la demande formée au titre du préjudice moral.
– condamner tout succombant à leur payer une nouvelle somme de 1 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
1) Sur les travaux réalisés par la société GT Construction 47 :
a : qualification du contrat :
Vu les articles L. 231-1 et L. 232-1 du code de la construction et de l’habitation,
Les travaux en litige ont porté sur un très ancien chai, en moellons de pierre, réhabilité avec création d’une extension en bois, pour transformer l’ensemble en maison d’habitation.
Par conséquent, le contrat portant sur ces travaux, établi entre M. [D], Mme [V], maîtres de l’ouvrage, et la société GT Construction 47, entreprise générale du bâtiment, ne constitue pas un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan tel que prévu au second des textes ci-dessus cités.
En effet, les textes mentionnés ci-dessus font référence à la construction ex nihilo d’une maison d’habitation et non pas à la rénovation, même lourde, d’un bâtiment existant.
La SA Axa France IARD n’est donc pas fondée à se prévaloir de l’absence de déclaration, par son assurée, d’une activité de constructeur de maisons individuelles.
Le jugement qui a rejeté l’argumentation présentée par la SA Axa France IARD doit être confirmé.
b : responsabilité :
Aux termes de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
En l’espèce, l’expert judiciaire a constaté que l’ouvrage est affecté des désordres suivants, dans sa partie nuit, c’est à dire dans la partie ancienne, qui en compromettent la solidité :
– infiltrations d’eau de pluie,
– absence d’étanchéité des murs de soubassement partiellement enterrés,
– remontées capillaires dans les murs en pierre existants.
Il a également constaté que cette humidité a provoqué le développement du champignon mérule qui a détruit une grande partie du plancher en bois de l’espace nuit, ainsi que dans l’autre chambre située à l’Est et dans la salle de bain en partie centrale, dont le plancher, également en bois, est affecté de déformations générales.
Il s’agit de désordres qui affectent les travaux réalisés par la société GT Construction 47.
Par conséquent, le jugement qui a retenu la responsabilité décennale de cette société, et la garantie de la SA Axa France IARD, son assureur de responsabilité décennale pour de tels travaux, doit être confirmé, mais réformé dans sa formulation pour tenir compte que l’assureur ne peut être déclaré responsable des désordres.
2) Sur les préjudices subis :
En premier lieu, s’agissant du préjudice matériel, M. [S] a expliqué qu’il est nécessaire de procéder aux réfections suivantes :
– travaux extérieurs : traitement des pieds de murs enterrés, réalisation d’un complexe d’étanchéité, drain, puisard pour drain, reconstruction des trottoirs, chambre et ‘acco’, drains, déblais, mur de soutènement, maîtrise d’oeuvre,
– travaux extérieurs : traitement des champignons et moisissures, assèchement, démolition et évacuation des gravats, réalisation des travaux à l’identique, maîtrise d’oeuvre.
Il a chiffré ces travaux à 52 250,42 Euros TTC.
Contrairement à ce que plaide l’appelante, si l’expert a inclus le coût d’une murette dans la réfection des désordres, c’est que cet élément est indispensable pour empêcher les infiltrations d’eaux pluviales en provenance de la voie communale.
D’ailleurs, l’assureur n’a présenté aucun dire sur ce point à l’expert.
Ensuite, Mme [W] fait remarquer que l’expert judiciaire a indiqué que les cloisons en plâtre sont également atteintes et déclare que, selon M. [S], il n’était pas certain qu’elles puissent être conservées lors de la réalisation des travaux de réfection, par l’emploi du signe ”’ dans la conclusion de son rapport.
Mais il n’est pas justifié que ces cloisons doivent effectivement être remplacées.
En effet, Mme [W] se limite à déposer aux débats une lettre de la SARL MBA Construction, antérieure au dépôt du rapport d’expertise, qui n’affirme nullement avoir constaté la nécessité du remplacement des cloisons.
Par conséquent, c’est à juste titre que le tribunal a fixé le montant du préjudice matériel tel que calculé par l’expert judiciaire.
Toutefois, il y a lieu d’indexer cette somme sur l’indice BT 01 de la date du dépôt du rapport jusqu’à ce jour, étant précisé que cette demande qui ne vise qu’à actualiser la somme due pour tenir compte du temps écoulé ne constitue pas une demande nouvelle en appel prohibée par l’article 544 du code de procédure civile.
Le jugement sera réformé pour tenir compte de cette actualisation.
En deuxième lieu, du fait de l’humidité, Mme [W] a été contrainte de quitter sa maison en février 2018.
Pour des raisons financières, elle n’a pu faire autrement que de la réintégrer en septembre 2020, alors pourtant qu’elle est toujours inhabitable et atteinte dans sa solidité.
L’expert a noté que pour se loger de façon équivalente, il faut exposer un loyer mensuel de 600 Euros.
Il a précisé que les travaux dureront sur un total de 11 semaines.
Il y a donc lieu d’allouer à Mme [W], au titre du préjudice matériel :
– 600 Euros x 62 (nombre de mois de février 2018 à mars 2023) = 37 200 Euros,
– 600 Euros par mois à compter d’avril 2023 jusqu’au 11ème mois inclus qui suivra celui du versement intégral de la somme due au titre du préjudice matériel.
En troisième lieu, Mme [W] a dû quitter pour insalubrité une maison qu’elle avait achetée seulement quelques mois auparavant.
Elle a été contrainte de la réintégrer avec son jeune fils ce qui a généré de l’inquiétude sur l’éventuel impact de l’humidité sur leur état de santé, au point que, selon le certificat médical établi le 12 octobre 2020, elle a présenté un syndrome anxio-dépressif qui lui a causé des arrêts de travail.
Elle est donc bien fondée à réclamer indemnisation d’un préjudice moral qui sera fixée à la somme de 6 000 Euros.
Le jugement sera réformé sur ces points.
3) Sur la responsabilité de l’architecte :
Vu l’article 1792 du code civil,
Mme [R] est tenue par principe de la garantie décennale, ce qu’elle ne discute pas.
Elle ne peut prétendre s’exonérer de cette garantie motif pris de fautes commises par M. [D] et Mme [V].
En effet :
– s’ils se sont réservés l’avant-projet et le dépôt du permis de construire, il ne s’agit que d’éléments sommaires qui n’ont pas généré les désordres.
– l’établissement du projet de conception générale relevait de la mission de Mme [R].
– le projet des maîtres de l’ouvrage consistait à conserver et réhabiliter la partie ancienne, ce qu’a accepté Mme [R] en établissant le projet de conception générale.
– M. [D] et Mme [V] sont enseignants et n’ont pas la qualité de personnes notoirement compétentes en matières de travaux de construction.
Le jugement qui a condamné in solidum l’architecte et la SA Axa France IARD doit être confirmé.
4) Sur les actions récursoires de l’architecte et de l’assureur :
Les désordres sont liés aux infiltrations d’humidité dans la partie enterrée de la maison.
M. [S] en a identifié les causes dans les éléments suivants :
– le dallage intérieur en béton armé a été réalisé par la société GT Construction 47 à un niveau inférieur de 10 cm au niveau du terrain extérieur, contrairement au DTU 20.1 qui impose un niveau supérieur de 15 cm minimum.
– aucune arase étanche n’a été réalisée en pied des anciens murs en moellon de pierre situés en pignon qui n’ont pas de fondation.
– aucun complexe d’étanchéité à l’eau avec protection dure et drain n’a été mise en oeuvre pour empêcher les infiltrations d’eaux sur le mur en partie Nord.
Si le joint d’étanchéité à l’eau situé au-dessus de la baignoire est défectueux, ce qui peut être imputé à l’entreprise [P] [B], ce défaut n’est pas à l’origine des infiltrations d’eau dans la structure.
Répondant à un dire de la SA Axa France IARD qui a fait valoir qu’un drain, mis en place à l’initiative de Mme [W] par une de ses connaissances, avait participé aux infiltrations, l’expert a répondu qu’il n’en était rien et qu’il était seulement destiné, après constat de l’humidité, à ‘essayer d’endiguer les venues intempestives d’eaux dans les parties de murs partiellement enterrées’ de sorte que Mme [W] ne peut se voir imputer, même partiellement, l’origine des désordres.
Finalement, l’expert a expliqué :
‘Le problème des infiltrations d’eaux souterraines, au travers desdites parois, existe depuis la date d’origine de la construction et perdure depuis la fin des travaux de réhabilitation. A l’origine, l’usage ‘non noble’ de cette bâtisse autorisait de faibles venues d’eau à l’intérieur. Dans le cadre de l’usage de cette même construction en habitation, ce problème d’infiltrations d’eaux devait être résolu par la mise en place d’un complexe d’étanchéité à l’eau pour parois enterrées. Ces travaux sont aujourd’hui manquants.’.
Il a conclu : ‘l’entrepreneur et le maître d’oeuvre se partagent les responsabilités de conception et de réalisation des travaux de réhabilitation de cette partie bâtie.’
En effet, Mme [R] a omis, dans son projet de conception générale voire dans la direction des travaux, de prévoir ce complexe d’étanchéité et l’entreprise de gros-oeuvre se devait de dénoncer cette absence.
Il résulte de ces éléments que ni M. [D] et Mme [V], ni Mme [W], ni d’ailleurs aucun autre tiers, ne peuvent se voir imputer une faute ayant généré les désordres.
Seuls sont fautifs Mme [R] et l’entreprise de gros-oeuvre, ce qui justifie l’action récursoire de Mme [R] à l’encontre de la SA Axa France IARD pour un tiers des sommes mises à sa charge dans le cadre de la contribution à la dette eu égard à la gravité et la causalité des fautes commises.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Enfin, la garantie décennale ne pouvant être invoquée que par le maître de l’ouvrage ou l’acquéreur de l’ouvrage à l’encontre des constructeurs, et aucunement par un constructeur, Mme [R] ne peut exercer d’action en garantie à l’encontre de ses clients sur ce fondement.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Enfin, l’équité impose de condamner l’appelante et l’architecte à payer à Mme [W] la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 1 000 Euros à ce même titre à M. [D] et Mme [V].
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– CONFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :
– déclaré la société Axa France IARD entièrement responsables des préjudices subis par [U] [W],
– condamné in solidum [M] [R] et la société Axa France IARD à payer à [U] [W] :
* la somme de 57 250,42 Euros en réparation de son préjudice matériel en ce comprenant les travaux réparatoires,
* la somme de 18 600 Euros en réparation de son préjudice de jouissance,
* la somme de 2 000 Euros en réparation de son préjudice moral,
– rejeté la demande d’appel en garantie formulée par [M] [R] à l’encontre de la société Axa France IARD,
– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
– CONDAMNE in solidum [M] [R] et la SA Axa France IARD à payer à [U] [W] les sommes suivantes :
1) 57 250,42 Euros avec indexation sur l’indice BT 01 du 7 décembre 2020 jusqu’à ce jour en indemnisation du coût des travaux de réfection,
2) 37 200 Euros en indemnisation du trouble de jouissance arrêté à mars 2023 ainsi que la somme mensuelle de 600 Euros à compter d’avril 2023 jusqu’au 11ème mois inclus qui suivra celui du versement intégral de la somme due au titre des travaux de réfection,
3) 6 000 Euros en indemnisation du préjudice moral,
4) 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE la SA Axa France IARD à relever [M] [R] indemne à hauteur du tiers du paiement des sommes ci-dessus mentionnées ;
– Y ajoutant,
– CONDAMNE in solidum [M] [R] et la SA Axa France IARD à payer à [Z] [D] et [H] [V] la somme totale, en cause d’appel, de 1 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et CONDAMNE la SA Axa France IARD à relever [M] [R] indemne à hauteur du tiers du paiement de cette somme ;
– CONDAMNE la SA Axa France IARD aux dépens de l’appel.
– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
La Greffière, Le Président,