Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 29 mars 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00234

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 29 mars 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00234
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ARRÊT DU

29 Mars 2023

CV / NC

———————

N° RG 21/00234

N° Portalis DBVO-V-B7F -C3UZ

———————

[T] [O]

C/

[V] [M]

ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BERGERAC SARLAT

——————

GROSSES le

aux avocats

ARRÊT n° 131-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [T] [O]

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 7] (28)

de nationalité française

domicilié : [Adresse 8]

[Localité 4]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000986 du 07/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle d’AGEN)

représenté par Me Thomas BOUYSSONNIE, avocat au barreau d’AGEN

APPELANT d’un jugement du tribunal judiciaire d’AGEN en date du 18 février 2021, RG 20/02009

D’une part,

ET :

Maître [V] [M] en qualité de mandataire liquidateur de M. [T] [O]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LEX ALLIANCE, avocat au barreau d’AGEN

L’ORDRE DES AVOCATS DU BARREAU DE BERGERAC SARLAT représenté par son bâtonnier en exercice

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Louis VIVIER, avocat au barreau d’AGEN

INTIMÉS

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 janvier 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience

L’affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis par écrit

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

‘ ‘

Faits et procédure :

Le tribunal de grande instance d’Agen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire sur résolution d’un plan de continuation, à l’égard de M. [O], par jugement du 18 janvier 2018. Maître [M] a été désigné en qualité de liquidateur.

Le débiteur exerçant la profession d’avocat, en application de l’article R.641-36 du code de commerce, par ordonnance de référé du 2 mai 2018, le premier président de la cour d’appel d’Agen a désigné le bâtonnier de l’Ordre des avocat de Bergerac-Sarlat comme administrateur avec faculté de délégation ; Mme [R], avocate en retraite, a été désignée comme délégataire.

L’Ordre des avocats du barreau de Bergerac-Sarlat a présenté au juge-commissaire une demande tendant à être autorisé à procéder, sous le contrôle d’un huissier, à l’inventaire des archives entreposées dans les locaux de la SCI La Libossienne, ainsi qu’à l’ancien siège social de la dite SCI, situé au domicile de M. [O].

Il a été fait droit à la demande par ordonnance du 10 novembre 2020.

M. [O] a formé opposition le 19 novembre 2020.

Par jugement du 18 février 2021, le tribunal judiciaire d’Agen a :

– déclaré recevable en la forme l’opposition formée par M. [O],

– confirmé en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge-commissaire en date du 10 novembre 2020, à l’exception de l’autorisation de procéder en toute intervention au siège de la SCI La Libossienne,

– débouté les parties de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a considéré qu’il n’y avait pas lieu de procéder à la désignation d’un tiers alors que le bâtonnier avait été désigné pour exercer les actes de la profession d’avocat en lieu et place de M. [O] par ordonnance du premier président de la Cour d’appel d’Agen du 2 mai 2018.

Le tribunal a estimé que la demande d’appréhension des archives était justifiée, par application de l’article L.642-23 du code de commerce, Mme [R] ayant précisé que les autres locaux dans lesquels M. [O] exerçait avaient été vidés, et Maître [M] indiquant qu’elles se trouvaient dans les locaux de la SCI La Libossienne ; que M. [O] avait été vainement sollicité à plusieurs reprises pour que ses archives soient inventoriées et transportées dans les locaux de l’Ordre ; qu’il n’était toutefois pas démontré qu’il soit nécessaire de se rendre à l’ancien siège social de la SCI La Libossienne, situé au domicile de M. [O].

M. [O] a formé appel le 4 mars 2021, désignant en qualité d’intimés l’Ordre des avocats du barreau de Bergerac-Sarlat et Maître [M].

Prétentions :

Par uniques conclusions du 4 juin 2021, M. [O] demande à la Cour de :

– prononcer la nullité du jugement,

– réformer le jugement en toutes ses dispositions,

– ordonner le rapatriement immédiat des dossiers basés à l’origine dans les locaux de la SCI La Libossienne, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– condamner l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat à payer à Maître [M] es qualité, une somme de 5 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice économique subi,

– condamner l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [O] fait valoir que le jugement tient compte d’une cessation de fonctions de Mme [R] et de l’absence d’administrateur, alors qu’elle ‘continue d’agir sans droit ni titre depuis plus de trois ans, et au titre de l’exercice illégal de la profession d’avocat, et en massacrant l’activité professionnelle de l’avocat [T] [O]’.

Par dernières conclusions du 19 avril 2022, l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat demande à la Cour de :

– débouter M. [O] de son appel,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

– y ajoutant, dire que les frais d’exécution du jugement du 18 février 2021 font partie des frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire,

– débouter M. [O] de sa demande de désignation d’un administrateur,

– condamner M. [O] à payer à l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’Ordre des avocats fait valoir que :

– selon l’article L.642-23 du code de commerce, la destination des archives du débiteur soumis au secret professionnel est déterminée par le liquidateur en accord avec l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève,

– Maître [R] a été chargée à ce titre d’inventorier et de rapatrier dans les locaux de l’Ordre les dossiers de M. [O] se trouvant dans son ancien cabinet secondaire de [Localité 9], et s’est heurtée à l’inertie de M. [O],

– les archives sont entreposées dans un local appartenant à la SCI La Libossienne dont M. [O] était associé et gérant, à laquelle la liquidation a été étendue,

– dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement, M. [O] a ouvert à l’huissier les locaux, dont le grand désordre a été constaté, et remis quelques dossiers, mais n’a pas remis d’autres dossiers pourtant identifiés,

– M. [O] s’est engagé à remettre ses dossiers ayant moins de cinq ans d’ancienneté, dans lesquels sa responsabilité pouvait être mis en cause, mais ne l’a pas fait,

– M. [O] a été condamné par le juge-commissaire à remettre ses dossiers sous astreinte par une décision du 14 octobre 2021,

– M. [O] présente une argumentation rapprochant des faits dépourvus de lien entre eux, contient des affirmations non démontrées, et des accusations à l’encontre de tous les représentants de l’Ordre des avocats qui sont intervenus dans sa liquidation, qui seraient, selon lui, complices de stratagèmes, dissimulations, escroquerie à décision de justice en bande organisée ; aucun des arguments présentés ne justifie la réformation du jugement,

– Maître [M] a manifesté son accord, et l’opposition de M. [O] à la restitution de ses archives est démontrée, ce qui justifie la démarche de l’Ordre,

– le jugement a omis de statuer sur les frais engendrés par la résistance de M. [O]

– M. [O], n’ayant pas réitéré devant le tribunal sa demande de désignation d’un administrateur de son cabinet et un expert judiciaire, la Cour n’est pas saisie par l’effet dévolutif et n’a pas lieu de statuer sur ce point,

– l’article R.641-36 du code de commerce prévoit que l’intervenant désigné pour exercer les actes de la procédure est exclusivement le représentant de l’ordre professionnel dont le débiteur relève, et l’article L.621-10 invoqué par M. [O] ne peut recevoir application étant dépourvu de rapport avec l’accomplissement des actes de la profession.

Par uniques conclusions du 28 juillet 2021, Maître [M] demande à la Cour de :

– dire et juger qu’elle n’est pas saisie des exceptions de nullité opposées par M. [O],

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

– dire et juger que les frais passeront en frais privilégiés de la procédure collective.

Maître [M] fait valoir que :

– la cour n’est saisie d’aucune demande de nullité faute de mention dans l’acte d’appel de grief de nullité,

– Mme [R], dans le cadre de sa délégation prolongée jusqu’au 30 avril 2019, a rédigé de nombreux rapports exposant les difficultés rencontrées auprès de M. [O] pour exercer sa mission et obtenir les dossiers,

– à la suite de la demande de remise des archives par l’ordre des avocats de Bergerac, il a répondu qu’elles étaient à sa disposition, ayant été déménagées par Mme [R] en compagnie de M. [O] à [Localité 9], et qu’il ne pouvait pour sa part les déplacer, en raison du secret professionnel s’y attachant,

– il s’associe à la demande de l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat, motivée par la nécessité d’accomplir les actes de la profession d’avocat par le bâtonnier ou son délégataire en lieu et place de M. [O],

– les contestations de M. [O] sont difficilement compréhensibles.

Le dossier a été communiqué au ministère public qui a déclaré le 31 octobre 2022 s’en rapporter à la décision de la Cour.

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2022, et l’affaire a été fixée pour être examinée le 9 janvier 2023.

Motifs

Sur la désignation d’un administrateur

Le dispositif des conclusions de M. [O] ne contient pas de prétention tendant à la désignation d’un administrateur.

La cour n’est donc pas saisie d’une telle demande.

Sur l’inventaire des archives de M. [O]

Au-delà de la disposition générale de l’article L. 622-6 du code de commerce prévoyant l’établissement d’un inventaire des biens du débiteur faisant l’objet d’une procédure collective, le chapitre du code de commerce relatif à la réalisation de l’actif du débiteur en liquidation judiciaire contient une disposition particulière concernant les archives, spécialement celles soumises au secret professionnel.

L’article L.642-23 dispose, en effet, qu’avant toute vente ou destruction d’archives, le liquidateur informe l’autorité administrative compétente pour la conservation des archives, laquelle dispose d’un droit de préemption, et qu’en outre, la destination des archives du débiteur soumis au secret professionnel est déterminée par le liquidateur en accord avec l’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont il relève.

Tel est le cas de M. [O] qui est soumis au secret professionnel en tant qu’avocat.

Par ailleurs, l’ordonnance désignant le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat prononcée par le premier président de la présente Cour, le 2 mai 2018, répondait à la nécessité, déjà exprimée par l’Ordre, de déterminer les modalités de conservation de ses archives.

Il ressort des rapports de l’administrateur, Mme [R], régulièrement désignée en qualité de délégataire par décisions du bâtonnier visant le jugement d’ouverture de la procédure collective et l’ordonnance précitée du 2 mai 2018, qu”il y a des dossiers partout, dans toutes les pièces, sur les bureaux, sur le sol, dans les placards, y compris dans la douche et l’évier… j’avais commencé à relever le nom des dossiers mais je me suis vite rendue compte que je n’y arriverai pas rapidement, compte tenu de leur nombre’

L’Ordre verse aux débats trois photographies prises par l’administrateur illustrant son rapport, montrant l’importance du désordre d’une pièce dans laquelle sont présents des dossiers rangés dans des étagères, mais surtout empilés en désordre, au point de recouvrir tables, supports divers, et de joncher le sol.

M. [O] oppose un argumentaire mettant en cause la probité de l’administrateur, et de ses mandants, bâtonniers, vice-bâtonnier, et Ordre des avocats, mais ne produit aucune pièce permettant d’accréditer ses propos.

Il ne produit aucun élément concernant ses archives.

L’action de l’Ordre est donc fondée.

Le jugement sera confirmé.

Sur les autres demandes

M. [O] n’est pas fondé à obtenir la restitution d’archives, dont il doit être dépossédé, par application de la disposition fondant la présente procédure.

Les frais d’exécution du jugement du 18 février 2021 feront partie des frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.

Les dépens d’appel seront supportés par M. [O], dont le recours est mal-fondé.

M. [O] sera condamné à verser à l’Ordre des avocats du barreau de Bergerac 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

Confirme le jugement du 18 février 2021,

Y ajoutant,

Dit que les frais d’exécution du jugement du 18 février 2021 feront partie des frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire,

Condamne M. [O] aux dépens d’appel,

Condamne M. [O] à payer à l’Ordre des avocats de Bergerac-Sarlat 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


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