Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 15 mars 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00324

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Arrêt de la Cour d’Appel d’Agen du 15 mars 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00324
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ARRÊT DU

15 Mars 2023

———————

N° RG 22/00324

N° Portalis

DBVO-V-B7G-C7UY

———————

[T] [D]

S.N.C. [D] FILS

C/

[U] [O]

——————

GROSSES le

à

ARRÊT n° 108-23

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Civile

Section commerciale

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,

ENTRE :

Monsieur [T] [D]

né le 15 Septembre 1973 à [Localité 3] (47)

de nationalité Française

Buraliste

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.N.C. [D] FILS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Alexis AHLSELL DE TOULZA, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE

APPELANTS d’un Jugement du Tribunal de Commerce d’Agen en date du 23 Mars 2022, RG 2021005223

D’une part,

ET :

Maître [U] [O] es qualité de mandataire liquidateur de la SNC BAR DU XIV JUILLLET

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Erwan VIMONT, avocat inscrit au barreau d’AGEN

INTIME

D’autre part,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 08 Février 2023 devant la cour composée de :

Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l’audience

Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller

Jean-Yves SEGONNES, Conseiller

Greffière : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

‘ ‘

Faits et procédure :

Vu l’appel interjeté le 21 avril 2022 par M. [T] [D] et la SNC [D] FILS à l’encontre d’un jugement du tribunal de commerce d’AGEN en date du 23 mars 2022.

Vu les conclusions de M. [T] [D] et la SNC [D] FILS en date du 8 juillet 2022.

Vu les conclusions de Me [O] en qualité de liquidateur de la SNC BAR DU XIV JUILLET en date du 6 octobre 2022.

Vu l’ordonnance de clôture du 14 décembre 2022 pour l’audience de plaidoiries fixée au 8 février 2023.

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Suivant jugement du tribunal de commerce d’AGEN en date du 10 octobre 2018, la SNC BAR DU XIV JUILLET, Bar Tabac Jeux, sise [Adresse 5] (47) a été placée en redressement judiciaire, ce même jugement désignant Me [U] [O] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 12 décembre 2018, le tribunal de commerce d’AGEN a prononcé la liquidation judiciaire de la SNC BAR DU XIV JUILLET, Me [U] [O] ayant été désigné en qualité de liquidateur.

Par courriers, en date du 2 janvier 2019 puis du 1er février 2019, Monsieur [T] [D] a formulé une offre de reprise du fonds de commerce de la SNC BAR DU XIV JUILLET pour un montant de 52.000,00 euros, un dépôt de garantie d’un montant de 25.000,00 euros a été versé par M. [D] à Me [O].

Cette offre de reprise couvrait les éléments incorporels du fonds (à l’exception du bail commercial), le stock ainsi que les éléments corporels dépendant de 1’actif de la procédure tels qu’inventoriés le 22 octobre 2018 par la SELARL VIGUIER TACCONI.

En date du 13 février 2019, une ordonnance rendue par le juge-commissaire a autorisé la cession du dit fonds de commerce au profit de M. [D] avec faculté de substitution, ce, à l’exception du droit au bail commercial, pour le local sis 59 cours du 14 juillet a [Localité 3] (47), ladite ordonnance ayant fixé le prix de cession, net vendeur, à la somme de 52.000,00 euros.

Concomitamment, Me [O], en sa qualité de liquidateur, a procédé, par courrier en date du 25 février 2019, à la résiliation du dit bail commercial.

C’est pourquoi, par courriers en date des 4 juin 2019 et 11 juillet 2019, Me [O] a mis en demeure M. [D] de récupérer les matériels et le stock acquis au titre de la cession et de libérer les locaux afin de pouvoir les restituer au propriétaire.

L’acte de cession du fonds de commerce a été dressé, en date du 26 décembre 2019, par Me [L], notaire a [Localité 7] (47) et c’est ainsi que la SNC [D] FILS s’est substituée à M. [D] et que le solde du prix a été versé entre les mains du notaire.

La cession de fonds de commerce comportait une double condition suspensive :

– d’une part, le cessionnaire doit être agréé par la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects en qualité de gérant du débit de tabac

– d’autre part, le cessionnaire doit être agréé par la FRANÇAISE DES JEUX en tant que détaillant de jeux de tirage ‘La Française des jeux’

L’acte de cession indiquait en outre la mention suivante : ‘ Le cessionnaire souhaitant dans un second temps transférer l’activité dans un nouveau local, l’agrément de la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects susvisé ne concerne pas le transfert de l’activité en lui-même’ et que les agréments précités devaient intervenir au plus tard le 30 juin 2020.

En date du 9 octobre 2020, M. [D] a signifié par e-mail à Me [L], notaire en charge de la régularisation de l’acte de cession, son désistement au motif que le transfert de 1’activité avait été refusé.

D’un autre côté, le 10 décembre 2020, Me [O] était mis en demeure par le bailleur de libérer les locaux.

Face au refus réitéré de M. [D] de procéder à l’enlèvement du mobilier, Me [O] a été contraint de mandater l’entreprise SOUYRI aux fins de procéder à son déménagement. Une facture d’un montant de 1.200,00 euros a alors été émise à l’ordre de la procédure collective.

Me [O] a donc mis en demeure M. [D] et la SNC [D] de procéder au versement du solde du prix de vente, ainsi qu’au paiement d’une indemnité d’occupation et des frais de déménagement.

Par courrier en date du 29 avril 2021, le conseil de M. [D] a rétorqué que les conditions suspensives n’ayant pu être levées sans faute de M. [D], ce dernier ne pouvait être tenu de procéder à l’exécution de l’acte authentique.

Me [O] a alors précisé par courrier en date du 26 juillet 2021 que M. [D] avait fait son affaire de l’agrément des Douanes relatif au transfert d’activité et ce, en toute connaissance de cause, alors que par courriel en date du 4 décembre 2019 les services des Douanes avaient déjà informé M. [D] ‘que l’implantation géographique devait être préalable à l’agrément en qualité de gérant d’un débit de tabac’.

Devant la carence de M. [D], Me [O] a alors saisi le tribunal du fait que l’inexécution des obligations contractuelles de M. [D] et de la SNC [D], cause un préjudice à la procédure collective.

Par acte d’huissier en date du 23 septembre 2021, Me [O] a assigné M. [T] [D] et a la SNC [D] FILS aux fins de voir avec exécution provisoire  :

– constater l’accomplissement des conditions suspensives de la cession du fonds de commerce

– dire que M. [D] et la SNC [D] FILS ont engagé leur responsabilité contractuelle

– condamner in solidum M. [D] et la SNC [D] FILS au paiement de la somme de 52.000,00 euros sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 1.200,00 euros sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil, au titre des frais de déménagement

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 17.232 euros sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil, au titre de l’indemnité d’occupation.

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Par jugement en date du 23 mars 2022, le tribunal de commerce d’AGEN a :

– constaté l’engagement de responsabilité contractuelle de M. [D] et de la SNC [D] FILS. .

– condamné in solidum M. [D] et la SNC [D] FILS au paiement à Me [O] de la somme de 52.000,00 euros au titre des dommages sur la cession du fonds non aboutie.

– condamné in solidum M. [D] et la SNC [D] FILS au paiement à Me [O] de la somme de 1.200,00 euros au titre des frais de déménagement.

– condamné in solidum M. [D] et la SNC [D] FILS au paiement à Me [O] de la somme de 17.232,00 euros au titre de l’indemnité d’occupation.

– condamné in solidum M. [D] et la SNC [D] FILS au paiement à Me [O] de la somme de 1.000,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

– condamné M. [D] et la SNC [D] FILS aux entiers dépens.

– rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties.

– liquidé les dépens dont frais de greffe pour le jugement à la somme de 89,67 euros.

Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d’appel.

M. [T] [D] et la SNC [D] FILS demandent à la cour de :

– infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

– à titre principal : constater la caducité de l’acte de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives en date du 26 décembre 2019 ;

– débouter Maître [O] de l’ensemble de ses prétentions ;

-à titre subsidiaire : fixer le point de départ de l’indemnité d’occupation à la date du 30 juin 2020.

– en toute hypothèse : condamner Maître [O] à leur verser la somme de 5.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Maître [O] aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.

Ils font valoir que :

– la somme de 52.000,00 euros a été versée dont 27.000,00 euros séquestrée entre les mains du notaire

– M. [D] n’est pas fautif dans la non-réalisation des conditions suspensives : il a sollicité l’agrément géographique avant la signature du compromis de vente, l’administration lui a refusé l’agrément sollicité, il a repris de nouvelles recherches début 2020 interrompues par la crise sanitaire, et a essuyé un second refus le 10 août 2020.

– il ne saurait lui être opposé qu’il a renoncé à ériger l’agrément géographique en condition suspensive

– il ne pouvait déposer de dossier à la Française des jeux tant qu’il ne disposait pas d’un local où exercer.

– le préjudice de l’intimé ne consiste qu’en la perte d’une chance de céder le fonds en l’absence de droit au bail, perte de chance non établie. Le préjudice doit être réduit du montant des meubles vendus aux enchères.

– en l’absence de transfert du droit de propriété, faute de réalisation de la condition suspensive, ils n’ont jamais été propriétaire des meubles et ne devaient donc pas les reprendre, il revenait à Me [O] de reprendre les meubles à une date plus favorable à la liquidation

– l’indemnité d’occupation ne devait courir à compter de la résiliation du bail par le liquidateur le 25 février 2019 alors qu’un délai était laissé pour lever les conditions suspensives jusqu’au 30 juin 2020.

Me [O] en qualité de liquidateur de la SNC Bar du XIV juillet demande à la cour de :

– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions

– constater l’accomplissement des conditions suspensives de la cession de fonds de commerce

– dire que M. [D] et la SNC [D] FILS ont engagé leur responsabilité contractuelle

– condamner in solidum M. [T] [D] et la SNC [D] FILS au paiement de la somme de 52.000€ sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil

– condamner M. [T] [D] au paiement de la somme de 1.200€ sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du Code civil au titre des frais de déménagement

– condamner M. [T] [D] au paiement de la somme de 17.232€ sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du Code civil au titre de l’indemnité d’occupation.

– condamner M. [T] [D] au paiement de la somme complémentaire de 3.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– dire que le jugement sera assorti de l’exécution provisoire de plein droit (sic)

Il fait valoir que :

-la vente est parfaite

– les conditions suspensives sont réputées accomplies dès lors que M. [D] en a empêché l’accomplissement en n’ayant pas sollicité les agréments requis en sa qualité de gérant de débit tabac et en tant que détaillant de la FRANÇAISE DES JEUX.

– le liquidateur est fondé à engager la responsabilité civile contractuelle de M. [D] et de solliciter des dommages et intérêts afin de compenser le préjudice de la procédure collective.

Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Motifs

La cession de fonds de commerce sous condition suspensive du 26 décembre 2019 est rédigée dans les termes suivants : les présentes sont soumises à la condition suspensive :

– que le cessionnaire soit agréé par la direction générale des douanes et droits indirects de gérant du débit de tabacs dont s’agit ;

– que le cessionnaire soit agréé par la Française des Jeux en tant que détaillant Jeux de tirage ‘La Française des Jeux’.

Ces agréments devront intervenir au plus tard le 30 juin 2020.

À défaut d’agrément, que ce soit suite à un refus ou au non-respect du délai sus indiqué, les présentes seront considérées comme caduques et non avenues, chacune des parties recouvrant son entière liberté sans indemnité de part ni d’autre.

Si le défaut d’agrément résulte de manoeuvres de l’une ou de l’autre des parties, il y aura application des dispositions ci-après [sort des sommes séquestrées].

En cas d’agrément, la constatation de la réalisation de la condition suspensive s’effectuera immédiatement par acte authentique à recevoir par le rédacteur présentes.

Il est précisé que la réalisation de la condition suspensive ne fera pas rétroagir la cession à ce jour, le transfert de propriété et la jouissance ne seront effectifs qu’au jour de la signature par le cessionnaire du traité de gérance de débit de tabacs.

Précision étant ici faite que le cessionnaire souhaitant dans un second temps transférer l’activité dans un nouveau local, l’agrément de la direction générale des douanes et droits indirects susvisé ne concerne pas le transfert de l’activité en elle-même.

En application de l’article l’article 4 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l’exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés ; ne peut exercer en qualité de débitant de tabac, dans le cadre du contrat mentionné à l’article 2, que l’exploitant individuel ou la société en nom collectif qui réunit les conditions suivantes : 1° Disposer d’un local commercial adéquat situé au lieu d’implantation retenu par le directeur inter régional des douanes et droits indirects après avis des organisations représentant dans le département concerné la profession des débitants de tabac.

La création d’un nouveau lieu de débit de tabac impose l’obtention d’un agrément géographique préalable, à la charge du cessionnaire.

Deux demandes ont été faites :

– une à [Localité 8] le 9 décembre 2019 : motif du rejet, [photocopie tronquée, date illisible date du 7 février 2020 selon les dires de M. [D]] un débit de tabac est autorisé dans une commune par tranche de 3.500 habitants, la commune de [Localité 8] compte 5.674 habitants et il existe déjà un débit de tabacs. En outre la chambre syndicale des débitants de tabac 47 a émis un avis défavorable.

– une demande à [Localité 3] le 27 mai 2020 : motif du rejet par arrêté municipal du 10 août 2020 : autour de la nouvelle adresse, il existe 7 débits de tabac et le débit de tabac le plus proche n’est situé qu’à 650 mètres du lieu d’implantation envisagé. L’installation d’un nouveau débit de tabac aurait pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail de tabac.

Il ressort d’un mail du 9 février 2021, adressé par le chef de la cellule régionale des tabacs de la direction générale des douanes de Bordeaux au notaire, que M. [D] n’a pas demandé à être gérant du débit de tabac dont il avait acheté le fonds de commerce au liquidateur dans un premier temps il avait souhaité le transférer à [Localité 8], ensuite il a souhaité le transférer dans [Localité 3].

M. [D] soutient qu’il ne pouvait demander son agrément après des services des douanes tant qu’il n’avait pas obtenu d’agrément sur son implantation géographique, qu’en l’absence d’agrément géographique il s’est trouvé confronté à une impossibilité juridique de réaliser la condition suspensive.

Cependant, deux éléments permettent de considérer que M. [D] a empêché l’accomplissement de la condition suspensive :

D’une part, il ressort expressément de l’acte de cession que M. [D] faisait son affaire personnelle du transfert de l’activité, de sorte que l’agrément de ce transfert n’a pas été élevé au rang de condition suspensive.

D’autre part, il ressort des pièces versées que M. [D] était parfaitement informé de la procédure à suivre pour obtenir, les agréments requis : il avait été informé dès avant la signature de la cession sous conditions suspensives, par un e-mail de du service des douanes en date du 4 décembre 2019 que dans le cas d’une création de débit de tabac, l’implantation envisagée doit être examinée au préalable par les douanes. Si l’on considère qu’il avait bien informé le service des douanes de son intention d’exploiter sans avoir fait la demande expresse d’un agrément – ainsi que cela semble ressortir du mail des douanes du 9 février 2021 – dans l’attente de l’obtention d’un agrément géographique, il apparaît que M. [D], n’a pas entrepris de recherches suffisantes de nature à lui permettre d’obtenir l’agrément géographique poursuivi, ou a entrepris des démarches nécessairement vouées à l’échec :

– il sollicite un agrément géographie à [Localité 8] commune dans laquelle il réside et qui, commune de mois de 6.000 habitants ne peut accueillir deux débits de tabac et dispose d’ores et déjà d’un débit de tabac ;

-il ne procède à aucune recherche entre le refus d’agrément géographique pour [Localité 8] (7 février 2020) et le mois de mai 2020 (demande d’agrément du 27 mai 2020) à un mois de l’échéance contractuelle ;

– il sollicite un agrément géographique le 27 mai 2020 pour un local en centre ville d'[Localité 3] dans un secteur comptant d’ores et déjà 7 débits de tabac dont un débit à moins de 650 mètres du local envisagé, et ce alors qu’il avait précisé lors de son acquisition du fonds qu’il le transférerait en périphérie d'[Localité 3], zone de moindre concurrence.

Enfin, il ressort d’un e-mail de la Française des Jeux en date du 7 avril 2021, que M. [D] n’a jamais présenté de demande d’agrément pour la reprise du point de vente bar du XIV juillet.

Aux termes de l’article 1304-3 du code civil, la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.

M. [D] ayant empêché l’accomplissement de la condition, la condition suspensive est réputée accomplie.

La condition suspensive est donc accomplie.

L’ordonnance du juge-commissaire du 13 février 2019, autorisant la cession du fonds de commerce au profit de M. [D] avec faculté de substitution, et fixant le prix de cession, net vendeur, à la somme de 52.000,00 euros, est devenue définitive.

La cession est parfaite.

M. [D] fait valoir qu’il s’était désisté par e-mail adressé au notaire en date du 9 octobre 2020, en raison du refus du transfert géographique de son activité. Il a été vu que l’autorisation de ce transfert géographique n’était pas une condition suspensive, qu’il a avait déclaré faire son affaire personnelle de ce transfert géographique et que l’échec du dit transfert lui est imputable. Son désistement du 9 octobre 2020 est sans portée.

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En présence d’une ordonnance définitive autorisant la cession, d’un acte authentique de cession sous conditions suspensives et de l’accomplissement des conditions suspensives, M. [D] et la SNC [D] étaient tenus d’exécuter la convention, en l’absence de toute cause de force majeure y faisant obstacle et engagent leur responsabilité par le refus d’exécuter la convention.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Le refus délibéré d’exécuter la convention sans motif légitime constitue une faute dolosive qui implique la condamnation de M. [D] à réparer l’entier préjudice en résultant pour la liquidation. Le lien de causalité est établi : si M. [D] avait rempli ses obligations, la procédure collective n’aurait subi aucun préjudice. Le préjudice ne consiste pas en une perte de chance dès lors que du fait de la résiliation du bail consécutive au choix de M. [D] de ne pas reprendre le bail commercial, le fonds de commerce a disparu et ne peut donc être cédé.

Le fonds de commerce a disparu du fait de la résiliation du bail causée par la volonté de M. [D] de transférer en un autre lieu l’activité du fonds, le liquidateur ne peut donc plus procéder à une nouvelle cession du fonds : les consorts [D] sont donc condamnés à indemniser la liquidation du montant de la valeur du fonds fixée à la convention à la somme de 52.000,00 euros décomposée en 38.151,00 euros pour les éléments incorporels et 13.370,00 euros pour les éléments corporels valeur d’exploitation et 6.685,00 euros valeur liquidative.

Les éléments corporels, entreposés chez le commissaire priseur depuis le 15 février 2021, ont nécessairement vu leur valeur décroître, cette perte de valeur est imputable aux consorts [D] en vertu des développements ci dessus.

Les consorts [D] sont tenus d’indemniser la liquidation à concurrence de la valeur du fonds soit 52.000,00 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

M. [D] ayant présenté une offre de reprise du fonds sans le droit au bail dès le 2 janvier 2019, c’est à bon droit que le liquidateur a procédé à la résiliation du bail à compter du 25 février 2021.

M. [D] soutient qu’il n’était pas tenu de prendre possession des meubles n’en étant pas propriétaire, faute de signature de l’acte de cession.

L’ordonnance du juge commissaire du 13 février 2019 a dit que le transfert des droits de propriété cédés et autorisé par la présente ordonnance s’opère dès la notification de celle-ci à l’acquéreur. La décision a été signifiée les 14 février et 1er mars 2019, un certificat de non-appel a été délivré le 24 avril 2019.

Le défaut de libération des lieux est imputable à M. [D] qui, mis en demeure, n’a pas libéré les lieux des éléments corporels du fonds, dont il était propriétaire. Il en résulte que la charge de l’indemnité d’occupation repose sur les consorts [D]. Le loyer prévu au bail commercial était de 718,00 euros par mois, le montant de l’indemnité d’occupation du 25 février 2019 au 25 février 2021, est donc de 24 x 718,00 = 17.232,00 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

C’est bon droit que le liquidateur a procédé au déménagement des meubles afin de libérer les lieux et mettre un terme à l’indemnité d’occupation, après mises en demeure de M. [D] d’y procéder, c’est à bon droit que le tribunal a condamné les consorts [D] à payer à la liquidation la somme de 1.200,00 euros, montant de la facture du déménageur.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Les consorts [D] succombent, ils supportent la charge des dépens augmentée d’une somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [D] et la SNC [D] FILS au paiement à Me [O] de la somme de 2.000,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [D] et la SNC [D] FILS aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière, Le Président,

 


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