L’application erronée du statut de cadre dirigeant implique la rémunération des heures effectuées par le salarié, le forfait ne lui étant plus applicable.
L’article L. 3111-2 du code du travail
L’article L. 3111-2 alinéa 1er du code du travail énonce que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre II relatif à la durée du travail, la répartition et l’aménagement des horaires et du titre III relatif au repos et jours fériés.
La qualité de cadre dirigeant
L’alinéa 2 du même texte dispose : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.”
Aux termes de cet article, le statut de cadre dirigeant suppose la réunion de quatre conditions cumulatives :
– participation à la direction de l’entreprise,
– niveau de responsabilité important et libre gestion du temps de travail,
– autonomie dans la prise de décision,
– niveau de rémunération élevé dans la pyramide salariale de l’entreprise.
Affaire Thales
Dans cette affaire, les appelants soutiennent que le statut de cadre dirigeant a été appliqué au salarié pour le faire échapper à la réglementation sur la durée légale du travail, alors qu’il ne répondait pas aux critères légaux dès lors qu’il n’avait pas une rémunération se situant aux niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération de l’entreprise, ne bénéficiait pas d’une voiture de fonction, n’était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu’il devait rendre compte de son activité.
Ils font valoir que le salarié a été lésé car il a eu des temps de travail sur les week-ends et des créneaux horaires n’ayant pas permis le respect du repos quotidien et/ou hebdomadaire lorsqu’il a eu des déplacements à l’étranger, représentant environ 15 samedis ou dimanches sacrifiés sans contrepartie financière ou en repos.
La société Thales répond que les fonctions et l’expertise du salarié en matière de télécommunications justifiaient que lui soit appliqué le statut de cadre dirigeant.
La juridiction a examiné si le salariéremplissait les conditions du statut de cadre dirigeant :
Sur la rémunération
Le salaire fixe annuel brut du salarié à l’embauche s’élevait à 100 020 euros soit 8 350 euros par mois, ce qui le plaçait dans les salaires les plus élevés de l’établissement de [Localité 9] en 2015, même si la moyenne des salaires des ingénieurs positionnés 3C était plus élevée (108 376,81 euros) selon le tableau produit en pièce 46 par les appelants.Ces derniers indiquent toutefois, sans être contredits, que ce tableau ne concerne que les salariés positionnés NR11 dans la société Thales et non la trentaine de salariés classés dans la catégorie supérieure NR12.
En 2017 son salaire brut mensuel était de 8 418,35 euros soit 101 020 euros par an, ce qui le situe encore dans les salaires les plus élevés du site de [Localité 9] et de la société TCS même si la moyenne était plus élevée (pièces 27 et 28 de l’intimée), toujours hors catégorie NR12.
Sur le niveau de responsabilité important, l’autonomie dans l’organisation de son travail et dans la prise de décision
Le salarié était ingénieur catégorie 3C, ce qui lui donnait un niveau de responsabilité important. Il est soutenu qu’il devait rendre compte de son activité et du temps passé au titre de ses diverses missions.
Sont produits pour en justifier deux courriels concernant la déclaration des temps passés sur les tâches en cours, pour les mois d’octobre 2015 (pièce 47) et mars 2017 (pièce 48).
Or, ainsi que l’expose l’employeur, ces demandes ont été formées par le service du contrôle de gestion pour imputer les heures de travail sur des projets identifiés et non pour suivre le temps de travail du salarié.
La société Thales fait valoir que le salarié était indépendant du Bid manager et du responsable de projet.
Elle se réfère aux règles de fonctionnement de la Design Authority (sa pièce 1) dont il ressort que le design authority est “responsable de l’approbation de la solution pour les phases d’offre/projet ou développement produit (en tant que projet)” et que s’il est “indépendant du Bid manager et du responsable de projet (PM)”, il est néanmoins délégué par le directeur technique de la GBU et agit au nom de ce dernier, les GBU supervisant et approuvant le contenu technique des offres, projets et produits et étant “la design authority ultime”.
Sur la participation à la direction de l’entreprise
Il est exposé que le Salarié ne prenait pas de décision concernant la poursuite d’une offre ou d’un projet.
Il ressort en effet des règles de fonctionnement de la Design Authority susvisées que les solutions proposées par le Salarié en sa qualité de design authority étaient soumises à l’approbation du directeur technique de la GBU. Si le Salarié participait aux réunions de Bid organisation en qualité de design authority, il n’était pas décisionnaire en la matière.
Le Salarié s’est donc vu appliquer à tort le statut de cadre dirigeant.
Si aucune pièce ne fait état de problèmes de santé liés à l’application du statut de cadre dirigeant, les appelants justifient de sept missions ayant conduit le Salarié à l’étranger ([Adresse 14], [Adresse 11], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 8]) entre 2015 et 2017, au cours desquelles il a voyagé et/ou travaillé durant 14 samedis et dimanches.
La décision de première instance a été en conséquence confirmée en ce qu’elle a condamné la société Thales à payer au Salarié une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour application erronée du statut de cadre dirigeant.
13 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/02906
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 AVRIL 2023
N° RG 20/02906 –
N° Portalis DBV3-V-B7E-UHAP
AFFAIRE :
[Z] [H] VEUVE [S] en qualité d’ayant droit de M. [T] [S]
[K] [S] en qualité d’ayant droit de M. [T] [S]
[V] [S] en qualité d’ayant droit de M. [T] [S]
C/
S.A.S. THALES SIX GTS FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Novembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NANTERRE
N° Section : E
N° RG : F17/01960
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Christine GERGAUD LERBOURG
Me Thomas GODEY
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 30 mars 2023 puis prorogé au 13 avril 2023, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [Z] [O] [S] en qualité d’ayant droit de [T] [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Christine GERGAUD LERBOURG de la SELARL FRADET LERBOURG ASSOCIES FLA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0264
Madame [K] [S] en qualité d’ayant droit de [T] [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Christine GERGAUD LERBOURG de la SELARL FRADET LERBOURG ASSOCIES FLA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0264
Monsieur [V] [S] en qualité d’ayant droit de [T] [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Christine GERGAUD LERBOURG de la SELARL FRADET LERBOURG ASSOCIES FLA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0264
APPELANTS
****************
S.A.S. THALES SIX GTS FRANCE
N° SIRET : 383 470 937
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentant : Me Thomas GODEY de la SELAS BRL AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0305
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier en pré-affectation lors des débats : Domitille GOSSELIN,
La société Thales Communications & Security SAS, dont le siège social est situé [Adresse 2], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisée dans la conception, le développement et le soutien des produits et solutions de radiocommunication des armées, des réseaux d’infrastructures résilients et de communications par satellite, ainsi que des solutions de cybersécurité. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 dite Syntec.
Le 1er juillet 2018, la société Thales Communications & Security SAS est devenue la société Thales Six GTS France SAS (ci-après Thales) par changement de dénomination sociale.
[T] [S], né le 28 septembre 1958, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée par la société Thales Communications & Security le 16 juin 2014 en qualité de ‘Design Authority Telecommunication Solution’ (ingénieur senior garant de la qualité technique d’une offre ou d’un projet) au sein de la Business line NIS (Network Infrastructure Systems), statut ingénieur, cadre dirigeant, moyennant une rémunération annuelle fixe de 100 020 euros brut outre une rémunération variable.
Par courrier en date du 9 février 2017, la société Thales Communications & Security a convoqué [T] [S] à un entretien préalable qui s’est déroulé le 23 février 2017.
Par courrier en date du 8 mars 2017, la société Thales Communications & Security a notifié à [T] [S] son licenciement pour insuffisance professionnelle dans les termes suivants :
‘Nous faisons suite à notre courrier en date du 9 février 2017, par lequel nous vous convoquions à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Cet entretien, au cours duquel vous étiez assisté par M. [I] [G], s’est tenu le jeudi 23 février 2017. Nous vous y avons fait part des motifs qui nous ont conduits à envisager une mesure de licenciement à votre égard et avons recueilli vos observations, qui n’ont malheureusement pas été de nature à modifier notre analyse de la situation.
Aussi, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse se rapportant aux motifs suivants.
Vous avez été recruté par la société Thales Communications & Security SAS, depuis le 16 juin 2014 afin d’occuper le poste de Design Authority Telecommunication Solution, position 3 C indice hiérarchique 240, conformément aux dispositions de la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972. A ce titre, et en votre qualité de cadre dirigeant, il vous appartenait notamment, au sein de la direction technique de la business line NIS, de définir et valider les choix techniques du fait de votre haute expertise dans les solutions de télécommunications, mais également d’orienter la stratégie globale dans ce domaine d’expertise. Pour cela vos qualités de communiquant [sic] devaient vous permettre d’appuyer ces orientations et de les positionner auprès des différents interlocuteurs internes et externes. Enfin votre poste d’expertise nécessitait une capacité de transfert des savoirs auprès des collaborateurs de la société. L’exercice de cette mission exigeait, compte tenu du niveau de responsabilité associé à votre fonction, que vous fassiez preuve de leadership, de rigueur et d’une capacité de communication nécessaire au travail en étroite collaboration avec les différents métiers. A terme, il était par ailleurs prévu que vous puissiez remplacer l’un des architectes expert de la direction technique, dont le départ en retraite était envisagé dans les années à venir.
Nous avons dû néanmoins constater que, malgré l’accompagnement et les mesures d’intégration dont vous avez bénéficié au sein de la société, vos résultats se sont révélés durablement insuffisants et les compétences mises en pratique comme l’impact de vos actions sont apparues en inadéquation avec les missions et attendus de votre poste.
En 2015, afin de faciliter votre intégration dans le groupe Thales, vous avez bénéficié de la formation Produits et Systèmes. L’année 2015 a été marquée par une inadéquation entre ce que nous pouvions légitimement attendre au regard de votre fonction et vos actions. Comme constaté lors de votre entretien annuel d’activité pour l’année 2015, vos objectifs n’étaient effectivement que très partiellement atteints et l’impact de vos actions personnelles sur les résultats collectifs obtenus s’est révélé insuffisant puisqu’à titre d’exemple :
– vous n’avez pas suffisamment apporté de valeur ajoutée sur la ligne de produit Nexium Wireless ; nous attendions de vous plus d’impact concernant les choix techniques et les orientations produits conformément à votre rôle ;
– vous n’avez pas animé de comité stratégique autour des standards 3GPP, vous contentant de participer aux réunions et rédiger des comptes rendus ;
– vous n’avez réalisé aucune des propositions d’innovation qui vous étaient demandées notamment sur les sujets 4G, LTE, 5G, applications mobiles, et ce, alors que 25 % de votre temps avait été dégagé afin de participer à des actions d’innovations.
Un plan de transfert de compétences précis et organisé avait été mis en place au 2ème semestre 2015. Ce plan était notamment destiné à vous aider à occuper pleinement votre rôle de design authority du projet [Localité 7] ISR et SCR et à mettre en ‘uvre la méthodologie NAF (NATO Architecture Framework).
Enfin, votre rôle, pour l’année 2016, était redéfini et il était décidé que vous puissiez suivre, au cours de cette même année, les formations Product Line Engineering, Cyber-défense pour décideurs et Passport Systems Architect, que vous avez d’ailleurs suivies.
Force est malheureusement de constater qu’en dépit de cet accompagnement, vos résultats et la tenue de votre poste se sont, pour l’année 2016, révélés une nouvelle fois insuffisants. Aucun des quatre objectifs fixés le 15 janvier 2016 n’a effectivement été, même partiellement, atteint et vous n’avez pas tenu votre mission. A ce titre, et comme il vous l’a été notamment précisé lors de votre
EAA du 21 décembre 2016 :
– vous avez fait preuve d’une contribution personnelle trop réduite aux objectifs de la direction
technique en ne vous montrant pas force de proposition, en ne faisant pas preuve de leadership afin de convaincre et d’engager plus avant le travail avec les équipes, et avez manifesté peu de valeur ajoutée aux propositions innovantes et à l’élaboration de la stratégie technique NIS ;
– concernant la product line Nexium Wireless, vous n’êtes pas parvenu à établir une collaboration efficace et équilibrée avec le PLM et les équipes. Par ailleurs votre manque de leadership, de force de proposition a contribué à affaiblir votre légitimité ;
– votre capacité de référent technique sur les standards 4G/5G n’a pas été démontrée. Les axes stratégiques de développement et d’innovation dans le contexte 4G/5G ne sont pas identifiés ni développés ;
– Enfin, votre faible implication dans le suivi du plan de transfert de compétences mis en ‘uvre et partagé avec vous, a conduit à ce que les compétences, objets du transfert, restent insuffisantes et ne vous permettent pas de disposer d’une réelle légitimité en tant que design authority sur des offres et projets Réseaux d’envergure.
Cette situation, qui caractérise une insuffisance professionnelle et trouble le fonctionnement de l’équipe technique de la business line NIS, perdure depuis votre embauche malgré les efforts d’accompagnement et d’intégration mis en ‘uvre par l’entreprise. Elle nous conduit à vous notifier, par le présent courrier, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.’.
[T] [S] a contesté son licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 mai 2017 et par la voie d’un conseil le 16 juin 2017.
Par requête du 19 juillet 2017, [T] [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de voir constater l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement, le non-respect par la société Thales Communications & Security de ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles, sur la durée de travail, l’emploi des seniors, l’emploi des travailleurs handicapés et l’octroi de la rémunération variable et de voir condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– 240 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la soumission illégitime au statut de cadre dirigeant,
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations conventionnelles de la société en matière d’emploi des seniors,
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des obligations conventionnelles de la société en matière de protection des travailleurs handicapés et de ses engagements en matière de responsabilité sociale,
– 5 552,06 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2015,
– 555,20 euros au titre des congés payés afférents,
– 14 005,03 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2016,
– 1 400,50 euros au titre des congés payés afférents,
– 15 761,94 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l’année 2017,
– 1 576,19 euros au titre des congés payés afférents,
– 2 776,32 euros à titre de complément d’indemnité de préavis,
– 277,63 euros au titre des congés payés afférents,
– 925 euros à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il demandait en outre la publication de la décision sur le site internet institutionnel de la société, la remise d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle emploi rectifiée, sous astreinte et la fixation du salaire mensuel à la somme de 10 054,28 euros bruts.
La société Thales Communications & Security demandait au conseil de prud’hommes de dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, de débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement d’une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 26 novembre 2020, la formation de départage de la section encadrement du conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– dit que le licenciement de M. [S] par la société Thales Communications & Security, aux droits de laquelle vient la société Thales Six GTS France, a une cause réelle et sérieuse,
– condamné la société Thales Communications & Security à payer à M. [S] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’application erronée du statut de cadre dirigeant, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du jugement,
– ordonné la capitalisation des intérêts échus,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– condamné la société Thales Communications & Security à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– condamné la société Thales Communications & Security aux dépens de l’instance.
[T] [S] a interjeté appel de la décision par déclaration du 22 décembre 2020.
[T] [S] est décédé le 9 mars 2022.
Par conclusions en reprise d’instance notifiées par voie électronique le 29 août 2022, Mme [Z] [H] veuve [S], son épouse et ses enfants Mme [K] [S] et M. [V] [S], en qualité d’ayants droit de [T] [S], demandent à la cour :
– de prendre acte de l’intervention volontaire en reprise d’instance de Mme [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], héritiers venant aux droits de M. [S], décédé,
– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 novembre 2020 en ces dispositions ayant débouté M. [S] de ses demandes suivantes :
° 240 000 euros nets à titre de d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation par la société de ses obligations conventionnelles en matière d’emploi des seniors,
° 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation par la société de ses obligations conventionnelles en matière de protection des travailleurs handicapés et de ses engagements en matière de responsabilité sociale,
° 5 552,06 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2015,
° 555,20 euros au titre des congés payés afférents,
° 14 005,03 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2016,
° 1 400,50 euros au titre des congés payés afférents,
° 15 761,94 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2017,
° 1 576,19 euros au titre des congés payés afférents,
° 2 776,32 euros bruts à titre de complément d’indemnité de préavis,
° 277,63 euros bruts à titre de congés payés afférents,
° 925 euros nets à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,
° de sa demande visant à ce que soit ordonnée la publication du jugement à intervenir sur le site internet institutionnel de la société, pendant une durée de 3 mois,
° de sa demande visant à ce que soit ordonnée à la société Thales Communications & Security de lui remettre un bulletin de paie reprenant l’ensemble des condamnations prononcées ainsi qu’une attestation Pôle emploi rectifiée, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
– de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 novembre 2020 en ce qu’il a jugé que la société avait appliqué de manière illégitime le statut de cadre dirigeant à M. [S], lui causant ainsi un préjudice devant être réparé,
– d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 novembre 2020 en ses dispositions ayant limité à 5 000 euros le montant alloué à titre de dommages et intérêts en réparation résultant du préjudice subi du fait de la soumission illégitime de M. [S] au statut de cadre dirigeant,
Statuant à nouveau de :
– condamner la société Thales Six GTS France (anciennement dénommée Thales Communications & Security) à régler à Mme [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], héritiers venant aux droits de M. [S], les sommes suivantes :
° 240 000 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation résultant du préjudice subi du fait de la soumission illégitime de M. [S] au statut de cadre dirigeant,
° 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation par la société de ses obligations conventionnelles en matière d’emploi des seniors,
° 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour violation par la société de ses obligations conventionnelles en matière de protection des travailleurs handicapés et de ses engagements en matière de responsabilité sociale,
° 5 552,06 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2015,
° 555,20 euros au titre des congés payés afférents,
° 14 005,03 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2016,
° 1 400,50 euros au titre des congés payés afférents,
° 15 761,94 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre de l’année 2017,
° 1 576,19 euros au titre des congés payés afférents,
° 2 776,32 euros bruts à titre de complément d’indemnité de préavis,
° 277,63 euros bruts à titre de congés payés afférent,
° 925,00 euros nets à titre de complément d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Nanterre du 25 novembre 2020 en ce qu’il a condamné la société à régler à M. [S] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et,
Y ajoutant
– condamner la société Thales Six GTS France (anciennement dénommée Thales Communications & Security) à régler à Mme [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], héritiers venant aux droits de M. [S] la somme complémentaire de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Thales Six GTS France (anciennement Thales Communications & Security) aux entiers dépens,
– ordonner la publication du jugement (sic) à intervenir sur le site internet institutionnel de la société, pendant une durée de 3 mois,
– ordonner à la société Thales Six GTS France (anciennement dénommée Thales Communications & Security) de remettre à Mme [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], héritiers venant aux droits de M. [S] un bulletin de paie reprenant l’ensemble des condamnations prononcées ainsi qu’une attestation Pôle Emploi rectifiée, ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
– assortir les condamnations des intérêts au taux légal, avec anatocisme sur les intérêts.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, la société Thales Six GTS France demande à la cour de :
* confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en ce qu’il a :
– dit et jugé que le licenciement de M. [S] pour insuffisance professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse,
– dit et jugé que M. [S] ne justifiait d’aucun préjudice,
– dit et jugé que M. [S] ne peut prétendre à un rappel de salaires,
En conséquence,
– débouter M. [S] de sa demande de condamnation de la société Thales au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [S] de sa demande de condamnation de la société Thales au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de l’accord seniors,
– débouter M. [S] de sa demande de condamnation de société Thales au paiement de dommages et intérêts au titre de l’emploi des travailleurs handicapés,
– débouter M. [S] de sa demande de condamnation de société Thales au paiement d’un rappel de salaires sur la rémunération variable,
– débouter M. [S] de sa demande de condamnation de la société Thales au paiement d’un rappel d’indemnités de licenciement, congés payés et préavis,
– débouter M. [S] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* Statuer de nouveau et :
– juger que M. [S] répond aux critères légaux de cadre dirigeant,
En conséquence,
– débouter M. [S] de sa demande de condamnation de la société Thales au paiement de dommages et intérêts pour application du statut de cadre dirigeant,
* En tout état de cause
– condamner M. [S] à la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 25 janvier 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 3 février 2023.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur l’intervention volontaire
L’instance engagée par [T] [S] a été reprise, après le décès de ce dernier, par ses ayants droit, dont il y a lieu de recevoir l’intervention volontaire.
Sur le licenciement
Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
La cause du licenciement, qui s’apprécie au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l’employeur, doit se rapporter à des faits objectifs, existants et exacts, imputables au salarié, en relation avec sa vie professionnelle et d’une certaine gravité qui rend impossible la continuation du travail et nécessaire le licenciement.
L’article L. 1235-1 du code du travail prévoit que le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi.
Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les manquements doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.
Il appartient à l’employeur d’établir que l’insuffisance professionnelle reprochée au salarié repose sur des éléments objectifs, précis et imputables à celui-ci.
La société Thales reproche à [T] [S] plusieurs manquements qui relèvent de l’insuffisance professionnelle. Elle fait valoir que dès l’année 2015 elle a constaté de nombreuses lacunes professionnelles de [T] [S] dans la prise en charge des projets, qui s’est manifestée par la non-atteinte de la majorité des objectifs fixés pour 2015, ce qui a donné lieu à une première alerte ; que le manque d’implication de [T] [S] a persisté au cours de l’année 2016 malgré l’accompagnement mis en place, de sorte que le licenciement est bien fondé.
Les ayants-droit de [T] [S] soutiennent que la société Thales n’apporte aucun élément de nature à justifier la réalité et le sérieux de l’insuffisance professionnelle invoquée, qu’ils estiment non établie, qu’elle ne justifie d’aucune répercussion de la prétendue insuffisance professionnelle sur sa bonne marche, d’aucune alerte et d’aucun accompagnement préalable au licenciement.
En qualité de design authority (DA) telecommunication solution, selon la définition du poste présentée à l’embauche (pièce 15 des appelants), [T] [S] :
– était garant des offres techniques et des réalisations pour des projets clients à fort contenu telecom. A ce titre, pour les offres et projets “critical communication systems”, représentant 50 % de son temps de travail, il devait supporter et contrôler les offres et projets clients mondiaux de la Business Line NIS,
– était l’adjoint technique du Product Line Manager (PLM) pour le pilotage de la politique produit de l’offre telecom. En tant que “DA Product Line Resilient Networks ou PMR à voir”, aux côtés du PLM, il devait définir et contrôler la politique technique en matière de solutions telecoms critiques, à 40 % de son temps,
– faisait l’interface avec les activités de recherche de la Global Business Unit (GBU) et facilitait le transfert de l’innovation générée, à 10 % de son temps.
A l’issue de l’entretien de fin de période d’essai réalisé le 15 octobre 2014, M. [X] [C], responsable hiérarchique de [T] [S], a porté les appréciations générales suivantes :
“Intégration dans l’équipe : pas de problème particulier identifié, que ce soit au sein de la DT ou avec les domaines en relation avec [T].
Aptitudes professionnelles confirmées : capacité de support aux offres telecom complexes confirmée rapidement. Capacité d’architecte telecom confirmé.
Aptitudes professionnelles à optimiser : via formation, maîtriser dans les grandes lignes les aspects sécurité des architectures telecom. Prendre en charge complètement le rôle de DAPL PMR une fois la pression de l’offre retombée.” (pièce 51 des appelants).
L’évaluation 2014 menée par M. [C] le 20 janvier 2015 (pièce 37 des appelants) relate en synthèse une “bonne entrée en matière, avec une implication forte sur une offre complexe internationale et la prise en charge de la stratégie standards 3GPP autour de la PMR”. Le rôle de DA sur offres et projets PMR était à lancer en 2015, [T] [S] devait développer ses contacts avec le futur nouveau PLM. Concernant les comportements professionnels et le travail en équipe, il était indiqué “bonnes relations avec l’équipe DT, les directions MNW & SSC et TUK dans le cadre de l’offre ESMCP. Ne pas hésiter à provoquer des discussions avec SLM, EB et AJ sur le sujet PMR NG”.
Il convient d’examiner les manquements invoqués.
1 – sur les manquements au titre de l’année 2015
La société Thales fait valoir que les objectifs de [T] [S] pour l’année 2015 n’ont été que très partiellement atteints et que l’impact des actions personnelles du salarié sur les résultats collectifs obtenus s’est révélé insuffisant, citant trois exemples.
Elle s’appuie sur l’évaluation 2015 notifiée le 29 janvier 2016 après entretien du 15 janvier 2016 avec M. [L] [N], manager (pièce 38 de l’intimée).
La synthèse de l’entretien faite par le manager indique : “le support apporté aux équipes d’offre PMR, dans un bon esprit de collaboration, constitue une première réussite en 2015. Cela reste à compléter par des axes de progrès en leadership, prise d’initiative et force de proposition visant à accroître sa valeur ajoutée. L’impact des actions personnelles sur les résultats collectifs restent à renforcer sur le fond et sur la forme afin de prendre la pleine mesure du poste de DAPL Nexium Wireless et DA des Offres & Projets associés, en ligne avec les attendus d’un niveau LR11”.
Plus précisément :
– sur la fonction de DA, bids & projects représentant 50 % du poste, l’évaluation du manager est “Collaboration et support effectifs aux équipes offres PMR, avec tenue des engagements de contribution sur les offres visées. L’impact des actions personnelles sur les résultats collectifs obtenus restent néanmoins à renforcer sur le fond (le quoi) et sur la forme (le comment) afin de les aligner avec les attendus d’un poste de DA/DAPL LR 11”,
– sur l’objectif DA pour la product line PMR (Nexium Wireless), représentant 25 % du poste, le commentaire est : “bon esprit de collaboration et support apprécié par les équipes PMR et le PLM Nexium Wireless. La valeur ajoutée personnelle et l’impact en tant que DAPL Nexium Wireless restent à amplifier”,
– sur l’objectif actions transverses (25 %), il est indiqué “Participation au suivi des standards 3GPP, mais l’animation du comité stratégique autour de ces standards, avant et après les meetings 3GPP reste à mettre en place. Pas de proposition d’innovation identifiée.”,
– pour l’objectif collectif NIS, le commentaire est : “l’axe “Perform through collaboration” du leadership model est bien mis en pratique. L’esprit d’entreprise, la prise d’initiative et le leadership restent des axes importants à développer.”
La performance individuelle de [T] [S] servant de calcul à sa rémunération variable a été fixée à 60 % sur une échelle de 0 à 150 % (pièce 8 c des appelants).
Les appelants justifient que [T] [S] a connu trois supérieurs hiérarchiques directs en trois ans : M. [C] de juin 2014 à janvier 2015, M. [M] [E] par interim de février à mai 2015 et M. [N] du 1er septembre 2015 à février 2017. [T] [S] a relaté dans son courrier du 11 mai 2017 qu’il n’a rencontré M. [N] que quatre fois en tête à tête, lors de ses deux entretiens de développement personnel et de ses deux entretiens annuels d’activité et qu’en dehors, il ne l’a pas rencontré pour échanger sur un sujet jugé non satisfaisant.
M. [G], élu au comité d’établissement de [Localité 9] qui a assisté [T] [S] à l’entretien préalable au licenciement, a souligné que M. [N] n’avait pas une connaissance détaillée des activités de [T] [S], ne l’a pas accompagné dans son travail quotidien et ne pouvait prendre la juste mesure de la reconnaissance et de la légitimité dont il jouit auprès des différentes personnes (managers, pairs, clients) avec lesquelles il interagit professionnellement, citant M. [A] [F] et M. [B] [U] (pièce 13 des appelants).
Or, ainsi que le fait valoir la société Thales, M. [N], en tant que directeur technique de la Business Line NIS englobant les périmètres d’intervention de [T] [S], était à même d’apprécier la compétence et la réalisation des objectifs de [T] [S] et interagissait avec les interlocuteurs de ce dernier.
L’évaluation ne méconnaît pas les apports de [T] [S], lequel a développé avec précision les projets sur lesquels il a travaillé dans son courrier de contestation du 11 mai 2017, repris par les appelants en produisant des exemples de présentations faites par [T] [S]. Ces éléments ne sont cependant pas de nature à rendre inopérantes les insuffisances relevées par l’employeur, qui tiennent principalement au défaut de leadership et de valeur ajoutée du salarié.
La société Thales produit par ailleurs une attestation de M. [J] [R], directeur technique de la direction des réseaux d’infrastructure stratégique ([Localité 15]) (pièce 14) qui relate que depuis juin 2014, [T] [S] a eu l’opportunité de remplir la fonction de design authority “notamment pour les offres NCI et [Localité 7] ISR. Dans son rôle de design authority solutions de télécommunications, [T] [S] intervenait peu. Il questionnait peu les architectes sur les propositions de solutions afin de s’assurer de la maîtrise et de la compétence de la solution par rapport au besoin. Il émettait très peu d’avis sur la pertinence de la solution et je ne l’ai jamais vu proposer une solution ou émettre une recommandation.” Il ajoute : “Par la grande expérience requise par ce rôle, il est attendu que le design authority alerte en cas de dérive ou d’incohérence constatée entre la complétude technique, les coûts et le planning. A aucun moment, sur les sujets me concernant, je n’ai eu d’alerte de la part de [T] [S], alors même que sur les offres sur lesquelles il est intervenu, des manques ont été identifiés.”
Les appelants font valoir que cette unique attestation ne saurait témoigner de la défaillance de [T] [S], puisque M. [R] s’occupait des réseaux fixes et que la lettre de licenciement cite à plusieurs reprises la ligne de produits Nexium Wireless (réseaux mobiles) et diverses technologies mobiles (PMR, 4G, 5G, LTE, 3GPP).
Or d’une part la lettre de licenciement, qui ne lie pas le juge quant aux motifs du licenciement en matière d’insuffisance professionnelle, évoque les réseaux fixes en visant le projet [Localité 7] ISR et SCR .
D’autre part, dans son évaluation 2015, [T] [S] indique : “j’ai été le DA de plusieurs RFI et offres : MININT, Hub One, NCI pour la téléphonie, FirstNet ([Adresse 16]), LTE ([Adresse 10])” et “Mon implication dans NCI, [Localité 7] SCR et ISR m’a aussi permis de contribuer au monde des réseaux et de la téléphonie fixes et les équipes [Localité 15] ont apprécié mes compétences et ma disponibilité.”
Le travail sur [Localité 7] SCR/ISR et NCI est également évoqué lors de l’évaluation 2016 (pièce 39 des appelants).
Le manquement de [T] [S] dans le travail sur les réseaux fixes et mobiles, est en conséquence justifié.
2 – sur les manquements au titre de l’année 2016
La société Thales fait valoir que dès la fin de l’année 2015, [T] [S] a bénéficié d’un plan d’accompagnement et de transfert des compétences destiné à l’aider à occuper pleinement son rôle de design authority du projet [Localité 7] ISR et SCR et à mettre en oeuvre la méthodologie NAF (NATO Architecture Framework).
Il s’agissait d’opérer un transfert des savoirs de M. [Y] [P], architecte système, qui partait à la retraite fin 2017 et dont les fonctions allaient être réparties entre quatre salariés dont [T] [S] (pièce 12 de l’intimée). [T] [S] avait pour objectif d’”apprendre” sur les deux sujets qui lui étaient alloués et de devenir autonome pour mi-2017, au moyen de présentations faites par M. [P], d’échanges avec ce dernier et de formations, d’une durée totale estimée à 76 heures. Lors du point réalisé le 28 novembre 2016, il avait consacré 10 heures à ce transfert et sur les neufs sujets concernés, 5 étaient satisfaits (cases vertes), 2 à réaliser (cases jaunes) et deux non réalisés (cases rouges), soit un résultat meilleur en proportion que deux autres salariés concernés par le transfert (pièce 12 de l’intimée et 35 des appelants).
[T] [S] a bénéficié de formations techniques :
– en 2015 : produits et systèmes TCS (pièce 2 de l’intimée),
– en 2016 : product line engineering, atelier de transfert des savoirs, cyber-défense pour décideurs (internes TCS) (pièce 3 de l’intimée). Il est relevé que les actions de développement décidées à la suite de l’entretien de développement personnel 2016 étaient : “en complément du bilan de compétences effectué il y a 3/4 ans, accroître la prise de conscience de la perception de ses activités par ses pairs et les managers de son éco-système (entre autre grâce à un 360 °) et en déduire les axes d’orientations professionnelles souhaitables”. [T] [S] souhaitait suivre les formations suivantes : “360 ° Feedback et accompagnement”, “Développer des relations constructives”, “Design authority & DVa”, le salarié indiquant qu’il aimerait suivre cette dernière formation “car j’ai le sentiment que la perception du rôle de design authority est assez variable au sein de Thales”. Il était ainsi mis en évidence une insuffisance de conscience par [T] [S] de la perception de son activité par ses pairs et managers.
Il est reproché à [T] [S] d’avoir eu des résultats insuffisants malgré cet accompagnement.
La synthèse de l’évaluation 2016 notifiée le 22 janvier 2017 après entretien du 21 décembre 2016 avec M. [L] [N] (pièce 39 de l’intimée) est la suivante : “malgré la bonne implication de [T] pour mener à bien les activités qui lui sont confiées, il apparaît que les compétences mises en pratique, l’impact de ses actions et les résultats obtenus ne sont toutefois pas en adéquation avec les missions et attendus du poste d’architecte référent assurant le rôle de DAPL Nexium Wireless et DA des Offres & Projets PMR et Réseaux associés.”
Plus précisément :
– sur l’objectif 1 “contribute to success of SIX TD transverse objectives and to collective NIS TD progress axes”, supposant la valorisation de sa contribution personnelle au travail d’équipe, il est indiqué “[T] contribue volontiers à des activités en collaboration avec différentes équipes au sein de NIS et avec d’autres entités lorsque l’occasion se présente (coordination LTE, standardisation 3GPP, projets amonts TAI…).
[T] reste toutefois généralement peu contributif, rarement force de proposition et ne démontrant pas de capacité de leadership qui permette de convaincre et d’engager plus avant le travail avec les équipes.
Peu de contribution personnelle et de valeur ajoutée apportées aux propositions innovantes (Next In, II, PoC) et à l’élaboration de la stratégie technique NIS (en particulier concernant la 4G/5G)”,
– sur l’objectif 2 “en tant que DAPL, prendre une part déterminante à la réussite de la Product Line Nexium Wireless, en coordination étroite avec le PLM et les équipes techniques”, il est indiqué “Bien que [T] contribue effectivement aux activités de la Product Line Nexium Wireless, il montre des difficultés à tenir son rôle de DAPL, ne parvenant pas à être déterminant à titre personnel et à travers une collaboration efficace et équilibrée avec le PLM et les équipes (MNW et RCP).
Son manque de leadership, de force de proposition et de valeur ajoutée apportée, contribuent à affaiblir sa légitimité en tant que DAPL de la Product Line Nexium Wireless”,
– sur l’objectif 3 consistant à devenir le référent sur les standards 3GPP, l’évaluation est “Réalisation d’un suivi conforme et régulier de la standardisation 3GPP relative aux services Public Safety : participations aux votes 3GPP, aux réunions internes Thales et diffusion des CR d’avancement.
Capacité de référent technique sur les standards 4G/5G non démontrée.
Axes stratégiques de développement et d’innovation dans le contexte 4G/5G non identifiés et non développés”,
– enfin sur l’objectif 4 relatif à la contribution active à la réussite des offres et projets PMR LTE/TETRA et la poursuite de la montée en compétence, le manager indique : “Rôle de design authority mis en pratique, en contribuant aux revues et en s’assurant de l’obtention de la validation des DVa associés.
En particulier pour l’offre DE LIJN, [T] a contribué à des revues détaillées avec le soutien de la BL NIS, en réalisant une analyse critique qui a permis d’apporter le soutien nécessaire à Thales [Adresse 5] en tant que DA de l’offre.
De façon plus générale, dans son rôle de DA pour les activités de MNW & [Localité 15], [T] fait preuve de peu de leadership et de force de proposition dans les domaines techniques et d’ingénierie concernés, conduisant à un faible impact sur les choix réalisés par les équipes d’offres & projets auxquels il contribue.
Grâce au plan de transfert de compétences mis en place en préparation du départ en retraite de R. [P], [T] a eu l’opportunité de pouvoir renforcer ses compétences en Architecture de Systèmes Réseaux. Les compétences acquises par [T] restent toutefois insuffisantes à ce jour pour disposer d’une réelle légitimité en tant que design authority sur des offres et projets Réseaux d’envergure.”
La société Thales produit en outre :
– des courriels de janvier et février 2017 desquels il ressort qu’une invention de [T] [S] à soumettre au comité d’évaluation de la propriété intellectuelle était jugée par M. [N] “pas très innovante” et difficile à défendre et que le comité ne l’a pas retenue comme une innovation (pièces 5 et 15),
– un courriel de M. [F] qui écrit le 19 avril 2017 que sur un sujet, [T] [S] “n’a rien produit sur l’offre” (pièce 6).
Le manquement est en conséquence justifié.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que [T] [S], bien que présentant des compétences techniques et ayant fourni un travail qui a été apprécié sur certains aspects, n’a pas satisfait les attentes de son employeur en termes de leadership, de communication, d’impact de sa contribution et de valeur ajoutée sur les résultats collectifs et de propositions d’innovations, ce qui est de nature à préjudicier aux intérêts de la société.
Il convient en conséquence de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a dit que le licenciement de [T] [S] a une cause réelle et sérieuse et qu’elle a débouté ce dernier de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le non-respect par l’entreprise de ses obligations
1 – sur l’application abusive du statut de cadre dirigeant
L’article L. 3111-2 alinéa 1er du code du travail énonce que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre II relatif à la durée du travail, la répartition et l’aménagement des horaires et du titre III relatif au repos et jours fériés.
L’alinéa 2 du même texte dispose : « Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.”
Aux termes de cet article, le statut de cadre dirigeant suppose la réunion de quatre conditions cumulatives :
– participation à la direction de l’entreprise,
– niveau de responsabilité important et libre gestion du temps de travail,
– autonomie dans la prise de décision,
– niveau de rémunération élevé dans la pyramide salariale de l’entreprise.
Les appelants soutiennent que le statut de cadre dirigeant a été appliqué à [T] [S] pour le faire échapper à la réglementation sur la durée légale du travail, alors qu’il ne répondait pas aux critères légaux dès lors qu’il n’avait pas une rémunération se situant aux niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération de l’entreprise, ne bénéficiait pas d’une voiture de fonction, n’était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qu’il devait rendre compte de son activité. Ils font valoir que [T] [S] a été lésé car il a eu des temps de travail sur les week-ends et des créneaux horaires n’ayant pas permis le respect du repos quotidien et/ou hebdomadaire lorsqu’il a eu des déplacements à l’étranger, représentant environ 15 samedis ou dimanches sacrifiés sans contrepartie financière ou en repos.
La société Thales répond que les fonctions et l’expertise de [T] [S] en matière de télécommunications justifiaient que lui soit appliqué le statut de cadre dirigeant.
Il convient d’examiner si [T] [S] remplissait les conditions du statut de cadre dirigeant :
– sur la rémunération
Le salaire fixe annuel brut de [T] [S] à l’embauche s’élevait à 100 020 euros soit 8 350 euros par mois, ce qui le plaçait dans les salaires les plus élevés de l’établissement de [Localité 9] en 2015, même si la moyenne des salaires des ingénieurs positionnés 3C était plus élevée (108 376,81 euros) selon le tableau produit en pièce 46 par les appelants. Ces derniers indiquent toutefois, sans être contredits, que ce tableau ne concerne que les salariés positionnés NR11 dans la société Thales et non la trentaine de salariés classés dans la catégorie supérieure NR12.
En 2017 son salaire brut mensuel était de 8 418,35 euros soit 101 020 euros par an, ce qui le situe encore dans les salaires les plus élevés du site de [Localité 9] et de la société TCS même si la moyenne était plus élevée (pièces 27 et 28 de l’intimée), toujours hors catégorie NR12.
– sur le niveau de responsabilité important, l’autonomie dans l’organisation de son travail et dans la prise de décision
[T] [S] était ingénieur catégorie 3C, ce qui lui donnait un niveau de responsabilité important.
Il est soutenu qu’il devait rendre compte de son activité et du temps passé au titre de ses diverses missions.
Sont produits pour en justifier deux courriels concernant la déclaration des temps passés sur les tâches en cours, pour les mois d’octobre 2015 (pièce 47) et mars 2017 (pièce 48).
Or, ainsi que l’expose l’employeur, ces demandes ont été formées par le service du contrôle de gestion pour imputer les heures de travail sur des projets identifiés et non pour suivre le temps de travail du salarié.
La société Thales fait valoir que [T] [S] était indépendant du Bid manager et du responsable de projet.
Elle se réfère aux règles de fonctionnement de la Design Authority (sa pièce 1) dont il ressort que le design authority est “responsable de l’approbation de la solution pour les phases d’offre/projet ou développement produit (en tant que projet)” et que s’il est “indépendant du Bid manager et du responsable de projet (PM)”, il est néanmoins délégué par le directeur technique de la GBU et agit au nom de ce dernier, les GBU supervisant et approuvant le contenu technique des offres, projets et produits et étant “la design authority ultime”.
– sur la participation à la direction de l’entreprise
Il est exposé que [T] [S] ne prenait pas de décision concernant la poursuite d’une offre ou d’un projet.
Il ressort en effet des règles de fonctionnement de la Design Authority susvisées que les solutions proposées par [T] [S] en sa qualité de design authority étaient soumises à l’approbation du directeur technique de la GBU. Si [T] [S] participait aux réunions de Bid organisation en qualité de design authority, il n’était pas décisionnaire en la matière.
Il convient en conséquence de retenir que [T] [S] s’est vu appliquer à tort le statut de cadre dirigeant.
[T] [S] réclame une indemnisation de 10 000 euros en faisant valoir qu’il a subi un préjudice de santé et un préjudice matériel en n’ayant pas pu bénéficier de temps de repos ou de la rémunération correspondant à plusieurs jours de travail pendant des week-ends lors de déplacements à l’étranger.
Si aucune pièce ne fait état de problèmes de santé liés à l’application du statut de cadre dirigeant, les appelants justifient de sept missions ayant conduit [T] [S] à l’étranger ([Adresse 14], [Adresse 11], [Adresse 6], [Adresse 10], [Adresse 8]) entre 2015 et 2017, au cours desquelles il a voyagé et/ou travaillé durant 14 samedis et dimanches.
La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a condamné la société Thales à payer à [T] [S] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour application erronée du statut de cadre dirigeant.
2 – sur la violation des obligations de la société en matière d’emploi des seniors
Les appelants font valoir que la société Thales a été défaillante dans l’application de l’accord sur le suivi de carrière des seniors signé le 18 décembre 2009 dès lors qu’elle n’a pas élaboré de plan d’actions de développement annuel concernant [T] [S] et qu’elle l’a licencié à 59 ans sans lui proposer un accompagnement adéquat ou une solution alternative (mobilité).
La société Thales répond que [T] [S] a bénéficié d’actions de formation conséquentes et d’un plan de transfert de savoirs, rendant sans objet la mise en place d’un plan d’actions de développement, qu’il était déjà senior au moment de son recrutement à 57 ans et que l’accord ne confère pas en soi une protection contre le licenciement.
L’article L. 2262-12 du code du travail dispose que “Les personnes liées par une convention ou un accord peuvent intenter toute action visant à obtenir l’exécution des engagements contractés et, le cas échéant, des dommages-intérêts contre les autres personnes ou les organisations ou groupements, liés par la convention ou l’accord, qui violeraient à leur égard ces engagements.”
Un accord sur l’emploi des seniors au sein du groupe Thales, applicable à la société Thales Communications & Security, a été signé le 18 décembre 2009 avec les organisations syndicales, visant à renforcer les dispositifs déjà existants au profit des seniors et à doter le groupe de nouveaux outils permettant de favoriser le maintien dans l’emploi des seniors et leur épanouissement professionnel au sein du groupe (pièce 43 des appelants). L’accord concerne les salariés ayant 50 ans et plus.
Il ne prévoit aucune disposition relative aux licenciements de sorte qu’il ne peut être utilement prétendu que la société a violé ses obligations conventionnelles en licenciant [T] [S] alors qu’il était âgé de 58 ans.
L’article 1.4.1 de l’accord, invoqué par les appelants, prévoit que :
“Thales encourage le développement professionnel tout au long de la carrière. Tous les ans, conformément à l’accord France de juin 2009 déclinant l’accord européen, chaque salarié bénéficie d’un entretien relatif à son développement professionnel.
Cet entretien, qui prend la forme d’une discussion ouverte prenant en compte les intérêts du salarié et de l’entreprise, se conclut par une orientation de carrière et un plan d’actions de développement écrit.
Cet échange doit permettre aux salariés de 50 ans et plus de faire état de leurs souhaits quant à leur évolution professionnelle et de leurs attentes pour la suite de leur carrière. (…).”
En l’espèce, [T] [S] a été engagé par la société Thales alors qu’il était âgé de 55 ans et donc considéré comme senior.
La société Thales produit en pièce 2 et 3 les synthèses des entretiens de développement professionnel 2015 et 2016 de [T] [S] recensant les orientations de carrière du salarié et les actions de développement décidées à la suite de l’entretien. En outre, un plan de transfert des savoirs a été mis en place dans le cadre du départ à la retraite de M. [P], en vue du développement de la carrière de [T] [S].
Il en ressort que la société Thales n’a pas violé ses obligations en matière d’emploi des seniors.
La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté [T] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’accord sur les seniors.
3 – Sur la violation des obligations de la société en matière d’emploi des handicapés
Les appelants vont valoir, au visa de l’article 2-1 de l’accord sur l’emploi des seniors et de l’accord en faveur des personnes en situation de handicap conclu pour les années 2015-2016-2017, que l’employeur, informé du handicap de [T] [S] et de sa situation familiale, aurait dû envisager une alternative au licenciement, conformément à ses engagements en faveur des travailleurs handicapés et en matière de responsabilité sociale.
La société Thales répond que l’article 2-5 de l’accord en faveur des personnes en situation de handicap est inapplicable à [T] [S], qui n’avait pas déclaré son handicap à la [Adresse 13] (MDPH) et que l’accord ne prévoit pas la prise en considération des charges familiales du travailleur handicapé dans le cadre d’une procédure relative à la rupture du contrat de travail.
L’article 2-1 de l’accord sur l’emploi des seniors, relatif à la qualité de vie au travail, prévoit que “les salariés senior en situation de handicap bénéficient par ailleurs de l’ensemble des dispositions et engagements prévus par l’accord groupe en faveur du maintien dans l’emploi des salariés en situation de handicap.”
L’accord Groupe Thales en faveur des personnes en situation de handicap pour les années 2015-2016-2017 (pièce 11-1 des appelants) prévoit l’accompagnement des familles de salariés dont les enfants ou conjoints se trouvent en situation de handicap par des aménagements d’horaires ou d’organisation du travail, des autorisations d’absence pour actions de bénévolat dans une association en relation avec le handicap ou pour accompagnement du conjoint handicapé et par des formations, mais ne prévoit pas que le fait qu’un salarié a un conjoint ou un enfant handicapé prohibe son licenciement.
L’article 2-4 de l’accord prévoit les mesures de nature à maintenir dans l’emploi les personnes qui développent un handicap : analyse de la situation professionnelle, formation professionnelle, aménagement du poste de travail, télétravail, accessibilité des locaux, mesures transitoires liées à une reprise d’activité, transport, tutorat.
L’article 2-5 “Protection de l’emploi” de l’accord prévoit que “Le groupe attachera une attention toute particulière dans le cas où la situation de l’emploi d’un salarié handicapé se verrait fragilisée. Ainsi les salariés en situation de handicap disposeront d’une protection particulière qui justifie que, sauf volonté contraire du salarié, le Groupe Thales s’engage à reclasser la personne dans son établissement prioritairement et, si cela n’est pas possible, dans un établissement du groupe, en privilégiant le bassin d’emploi dont il relève. Cette garantie n’est assurée qu’aux travailleurs qui auront déclaré leur handicap auprès de la [Adresse 12] et porté leur RQTH à la connaissance de la DRH. (…).”
Il ressort d’une réunion du 25 juin 2017 entre la DRH et les délégués du personnel que les personnes titulaires d’une pension d’invalidité entrent dans le champ d’application de l’accord groupe handicap dès lors qu’elles se sont déclarées comme telles auprès de l’entreprise, justificatif à l’appui.
Or si [T] [S] était atteint d’une maladie qui lui causait un taux d’invalidité de 30 % reconnu en 1988 (pièce 9 des appelants), il n’est établi ni qu’il était déclaré auprès de la MDPH ni qu’il avait porté sa reconnaissance de travailleur handicapé à la connaissance de la DRH, alors qu’au contraire, il a déclaré lors de son embauche qu’il n’était pas titulaire de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou équivalent (pièce 8 de l’intimée).
Le fait que M. [G] a indiqué au moment de l’entretien préalable au licenciement que [T] [S] souffrait d’une invalidité reconnue n’est pas suffisant à lui rendre applicable les dispositions de l’accord handicap susvisées.
En conséquence, la décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a débouté [T] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour violation par la société de ses obligations conventionnelles en matière de protection des travailleurs handicapés et de ses engagements en matière de responsabilité sociale.
Sur le rappel de rémunérations variables et la demande de complément d’indemnité de préavis et des congés payés afférents et d’indemnité de licenciement
Les appelants réclament un rappel de salaire au titre de la rémunération variable 2015, 2016 et 2017, en l’absence d’insuffisance professionnelle avérée. Ils soutiennent que la méthode de détermination du pourcentage d’atteinte des objectifs n’a jamais été portée à la connaissance de [T] [S] et que sa rémunération variable a été fixée arbitrairement, sans aucune justification. Ils estiment donc qu’il doivent se voir allouer un bonus équivalent à 100 % de l’atteinte des objectifs pour chaque année, au prorata temporis de la présence du salarié sur l’année 2017. Ils réclament en conséquence un complément sur les rémunérations variables allouées et, du fait de la revalorisation du salaire moyen brut sur les 12 derniers mois précédant la notification du licenciement, un complément d’indemnité de préavis, de congés payés afférents et d’indemnité conventionnelle de licenciement.
La société Thales conclut au débouté de la demande dès lors que les objectifs ont été fixés chaque année conformément aux stipulations du contrat de travail, que les appréciations ont été globalement négatives et que le licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié.
Le contrat de travail peut prévoir une part de rémunération qui varie selon l’atteinte de ses objectifs par le salarié.
Les objectifs du salarié peuvent être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.
En l’espèce, le contrat de travail de [T] [S] prévoit en son article 4 que le salarié perçoit des appointements annuels bruts fixés à 100 020 euros, auxquels “s’ajoutera une rémunération variable, versée au premier semestre de l’année N+1 au titre d’une année N, tenant compte des fonctions qui vous sont confiées, de votre performance individuelle, des résultats économiques et d’équipe, tels que définis dans le plan de rémunération variable en vigueur dans le Groupe.”
Les objectifs de [T] [S] lui ont été fixés en juillet 2014 au moment de son embauche puis au début des années 2015, 2016 et 2017 (pièces 37 à 39 des appelants).
Il ressort de l’évaluation de 2015 une atteinte partielle des objectifs qui s’est traduite par une performance individuelle de 60 % appliquée au calcul du bonus (pièce 8c des appelants).
L’évaluation de 2016 montrant que les objectifs attendus n’ont pas été remplis, l’indicateur de performance individuelle a été porté à zéro et [T] [S] n’a perçu que la part variable correspondant aux performances économiques locales (pièce 8d).
[T] [S] a perçu un bonus 2017 prenant en compte une performance individuelle de 60 %, au prorata du temps passé au sein de l’entreprise (pièce 12-5 des appelants).
Le licenciement pour insuffisance professionnelle étant déclaré fondé, la demande de rappel de rémunération variable et les demandes de complément d’indemnité de préavis, de congés payés afférents et de complément d’indemnité de licenciement seront rejetées, par confirmation de la décision entreprise.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Les appelants ayant été déboutés de leurs demandes afférentes au licenciement et l’employeur ayant déjà remis les documents de fin de contrat au salarié, il y a lieu de rejeter cette demande.
Sur la demande de publication de la décision
Les ayants-droit de [T] [S] reprennent la demande de publication de la décision sur la page d’accueil du site internet de la société Thales, fondée sur le fait que sa réputation a été foulée aux pieds.
Compte tenu du sens de la décision, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande et de rejeter la demande identique formée en cause d’appel.
Sur les intérêts
La décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a alloué les intérêts au taux légal sur la condamnation à des dommages et intérêts à compter du jugement, avec capitalisation des intérêts échus en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Les ayants-droit de [T] [S] supporteront les dépens de l’instance d’appel et seront condamnés à payer à la société Thales Six GTS France la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, leur demande du même chef étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Reçoit l’intervention volontaire de Mme [Z] [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], en qualité d’ayants-droit de [T] [S],
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Nanterre,
Rejette la demande de remise des documents de fin de contrat sous astreinte,
Rejette la demande de publication de la décision sur le site institutionnel de la société Thales,
Condamne Mme [Z] [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], en qualité d’ayants droit de [T] [S], aux dépens d’appel,
Condamne Mme [Z] [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], en qualité d’ayants-droit de [T] [S], à payer à la société Thales Six GTS France la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Mme [Z] [H] veuve [S], Mme [K] [S] et M. [V] [S], en qualité d’ayants-droit de [T] [S], de leur demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,
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