Appel à la violence par un syndicat : un délit de presse ?

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Appel à la violence par un syndicat : un délit de presse ?
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[well type=””][icon type=”fa fa-cube” color=”#dd3333″] Réflexe juridique : Un appel verbal à commettre des violences, ne relève pas nécessairement de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 (appel à commettre une infraction). Si les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1240 du code civil, un syndicat, qui appelle à incendier des pneus devant le siège social d’une société, par la « voix » de son Président,  peut être condamné sur le fondement du droit commun de la responsabilité. [/well]

Affaire Lactalis

A l’appel d’organisations syndicales agricoles, des producteurs de lait se sont rendus au siège du groupe Lactalis, pour y exprimer leur mécontentement ; des pneumatiques ont été placés par des manifestants devant le portail d’accès de l’entreprise, puis incendiés. Les équipements permettant la fermeture du site ayant été détériorés, la société Lactalis investissements (la société) a obtenu la condamnation de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles de la Mayenne (le syndicat) sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Responsabilité du Président du syndicat

Le président du syndicat, avait pris la parole au cours du rassemblement au cours duquel il avait tenu les propos suivants : « organisez les tracteurs qui seront préalablement vidés, d’accord. Et une fois que l’on sera là, tout le monde va éviter de se garer n’importe où et surtout pas de se garer chez Lactalis, propriété privée ; enfin, faites-moi confiance. Personne ne se gare chez Lactalis sauf les pneus, d’accord. Donc, on a organisé le rangement des pneus et ensuite on se rejoint au rond-point, je vous y attendrai… ».

Le  président du syndicat était celui qui, par la teneur de ses propos, a pris en charge l’organisation logistique des opérations et donné les instructions d’organisation de la manifestation à tous les participants présents au rassemblement ; il avait donné dans ce cadre les directives « pour garer et ranger les pneus chez Lactalis ». La participation effective du syndicat aux actes illicites commis à l’occasion de la manifestation en cause, était donc établie. L’action du syndicat constituait une complicité par provocation au sens de l’article 121-7 du code pénal, de sorte que se trouvait caractérisée une faute de nature à engager sa responsabilité.

Le Président avait utilisé à dessein un vocabulaire décalé pour donner ses instructions utilisant l’ironie en demandant de « garer les pneus » dont il convenait d’assurer « le rangement » chez Lactalis, le tout ponctué d’un sourire entendu visible sur le reportage vidéo versé aux débats. Le Président du syndicat ne pouvait, de bonne foi, soutenir que le syndicat avait été débordé par le comportement inattendu de certains participants et qu’il convenait de comprendre les phrases qu’il avait prononcées comme une invitation à ranger proprement et poliment les pneus usagés devant l’usine Lactel. Ces propos constituaient une instruction caractérisant une provocation directe à la commission d’actes illicites dommageables par les participants à la manifestation.

La juridiction a exclu l’application de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 selon lequel « Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet. »

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